Concert de la Saint-Sylvestre 2019 : Bernstein, Gershwin…
Le traditionnel concert de la Saint-Sylvestre à Berlin est le feu d’artifice qui précède la soirée de réveillon. Chaque année, le chef choisit un thème qui est un prétexte à un programme de musique populaire et accessible. Pour son premier concert de la Saint-Sylvestre, à la veille d’une année qui allait être sans précédent, le nouveau chef du Philharmonique de Berlin, Kirill Petrenko, avait choisi le thème de Broadway. Il a choisi le thème de l’Espagne (Falla, Rodrigo, Villa-Lobos…) pour le concert fin 2020, sans public uniquement en digital et sur Arte. Kirill Petrenko est un chef phénoménal. Nommé à 43 ans à la tête du plus bel orchestre du monde, succédant à Furtwängler, Karajan, Abbado et Rattle, il est adoré par les musiciens.
Naturellement, entendre un des meilleurs orchestres classiques interpréter ces musiques de Broadway généralement jouées par un orchestre de jazz, bien moins fourni, est en soit une expérience. Mais ici l’expérience est poussée à l’extrême et donne un résultat très original. En effet le chef arrive à combiner un son magnifique avec le swing indispensable à cette musique.
On profite du velours et du soyeux des cordes, de la beauté des timbres des bois et des instrumentistes solos magnifiques, violon, alto, flûtiste, clarinette. Et on s’amuse à voir les musiciens garants de la plus haute tradition de la musique symphonique allemande claquant des doigts à l’entrée de West Side Story ou criant Mambo à l’unisson. Et la soprano allemande Diana Damrau, qui change de robe pour chaque apparition, est elle aussi très à son aise pour mêler son timbre chaud de diva d’opéra à la Dorothy du Magicien d’Oz ou de I feel pretty. Le chef lui-même, avec son sourire mutin et son regard espiègle, produit un déhanché dont on ne le pensait pas capable.
En présence d’Angela Merkel, le programme commence par l’ouverture du musical Girl Crazy des frères Gershwin. Véritable suite de tubes (dont I got rythm) qui donne le ton de cette soirée. Le reste du programme est un feu d’artifice. Un américain à Paris de Gershwin et les danses symphoniques de West Side Story de Bernstein. La longue suite (1949) que Kurt Weill a tirée de son musical Lady in the Dark, écrit avec Ira Gershwin en 1941, immortalisé par Ginger Rogers. Puis les tubes du Magicien d’Oz et de My Fair Lady, immortalisés par Judy Garland, Barbara Streisand et Frank Sinatra, mais ici accompagnés luxueusement par l’orchestre de Berlin et ses solistes merveilleux.
Un moment rare, une heure et demie de bonbon sucré dans un écrin de velours de qualité.
Diana Damrau, Philharmonique de Berlin, dir. Kirill Petrenko