Réglementation marine de l'île de Port-Cros (2001)

Concilier protection et usages du milieu marin : l’expérience du parc national de port-Cros

Dossier : Océans et littoralMagazine N°575 Mai 2002
Par Charles F. BOUDOURESQUE

La protection des milieux naturels

La protection des milieux naturels

La pro­tec­tion des milieux natu­rels, et tout spé­cia­le­ment du milieu marin, est un concept rela­ti­ve­ment récent. En 1609, Hugo Gro­tius écri­vait, dans son trai­té inti­tu­lé Mare Libe­rum : » The seas should be free for the inno­cent use and mutual bene­fit of all. They could not be spoi­led and the­re­fore do not need pro­tec­tion. » Dans Phi­lo­so­phie zoo­lo­gique, Lamarck écri­vait, en 1809 : » Les ani­maux aqua­tiques, et tout spé­cia­le­ment les ani­maux marins, sont pro­té­gés de la des­truc­tion de leur espèce par l’homme. Leur mul­ti­pli­ca­tion est tel­le­ment rapide, et leurs moyens d’é­chap­per à la pour­suite ou aux pièges sont si grands, qu’il est invrai­sem­blable que l’homme soit capable d’ex­ter­mi­ner com­plè­te­ment l’une quel­conque de ces espèces. »

La rhy­tine de Stel­ler, Hydro­da­ma­lis stel­le­ri, un grand mam­mi­fère marin qui vivait de la Cali­for­nie à l’A­las­ka, avait pour­tant déjà dis­pa­ru, en 1768, vingt-sept ans seule­ment après sa des­crip­tion. Plus près de nous, en 1883, à l’oc­ca­sion de l’In­ter­na­tio­nal Fishe­ries Exhi­bi­tion de Londres, Tho­mas Hux­ley décla­rait : » Any ten­den­cy to over­fi­shing will meet with its natu­ral check in the dimi­nu­tion of the sup­ply (…), this check will always come into ope­ra­tion long before any­thing like per­ma­nent exhaus­tion has occur­red. » Pour­tant, un cer­tain nombre d’es­pèces ont dis­pa­ru, ou sont en dan­ger d’ex­tinc­tion. C’est le cas du phoque moine, Mona­chus mona­chus ; à Port-Cros, comme dans le reste de la Médi­ter­ra­née occi­den­tale, il a dis­pa­ru ; il n’en reste que deux ou trois cen­taines d’in­di­vi­dus en Grèce, en Tur­quie et à la fron­tière entre le Maroc et la Mau­ri­ta­nie (Mar­ches­saux, 1989).

Les objec­tifs de la pro­tec­tion des milieux natu­rels ont évo­lué. Le Parc natio­nal de Yel­lows­tone (USA), créé en 1872, est repré­sen­ta­tif du concept de » mise sous cloche  » de la nature : non-inter­ven­tion et exclu­sion de l’homme. Ce concept est illu­soire : Yel­lows­tone est en quelque sorte un » espace-île » encer­clé par des usages incom­pa­tibles ; qu’on le veuille ou non, les habi­tats dégra­dés qui l’en­tourent influencent l’es­pace pro­té­gé et font bar­rage aux flux géniques ; de toute façon, tout par­ti­cu­liè­re­ment en Europe, un espace pro­té­gé n’est jamais » naturel « .

Ce n’est qu’à par­tir des années 1970 que l’on a évo­lué vers un concept plus glo­bal de conser­va­tion de la nature, puis vers celui plus dyna­mique de ges­tion de la nature ; les popu­la­tions locales ne doivent pas être exclues a prio­ri, et la ges­tion de l’es­pace pro­té­gé doit s’in­té­grer dans une ges­tion glo­bale de l’es­pace au niveau régional.

Les Aires marines pro­té­gées (AMP) peuvent avoir six objec­tifs, cer­tains d’entre eux pou­vant être pri­vi­lé­giés dans une AMP don­née, ou ne concer­ner qu’une par­tie de l’AMP (zonage) :

1) éri­ger des conser­va­toires pour des espèces mena­cées ou des éco­sys­tèmes agressés,
2) dis­po­ser de zones non per­tur­bées pour l’édu­ca­tion : par exemple le sen­tier sous-marin de Port-Cros et les » classes de mer « ,
3) dis­po­ser de zones témoins non per­tur­bées pour la recherche scientifique,
4) orga­ni­ser des zones pri­vi­lé­giant le spec­tacle pour le tou­risme sous-marin (plon­gée par exemple),
5) recons­ti­tuer les popu­la­tions d’es­pèces sur­ex­ploi­tées, en vue de leur exploi­ta­tion dans et hors de l’AMP,
6) gérer de façon ration­nelle les usages, en les ren­dant com­pa­tibles entre eux et avec les objec­tifs de conservation.

Les espaces pro­té­gés sont sou­vent per­çus par le public comme des zones d’in­ter­dic­tions mul­tiples. Les contraintes pos­sibles dans une AMP sont :

1) l’in­ter­dic­tion ou la limi­ta­tion de la pêche professionnelle,
2) l’in­ter­dic­tion de la pêche ama­teur à la ligne,
3) l’in­ter­dic­tion de la chasse sous-marine,
4) l’in­ter­dic­tion de la récolte manuelle des orga­nismes marins,
5) l’in­ter­dic­tion de la plongée,
6) l’in­ter­dic­tion de la baignade,
7) l’in­ter­dic­tion du mouillage ou de la cir­cu­la­tion des bateaux,
8) l’in­ter­dic­tion de reje­ter des détritus,
9) et enfin la simple appli­ca­tion de la légis­la­tion générale.

En fait, les contraintes se limitent le plus sou­vent à l’in­ter­dic­tion de la chasse sous-marine… et à l’ap­pli­ca­tion de la légis­la­tion géné­rale. Ce der­nier point mérite d’être sou­li­gné ; en effet, l’ap­pli­ca­tion des règles banales, nor­ma­le­ment appli­cables par­tout, mais qui en fait ne sont res­pec­tées nulle part ailleurs que dans les AMP, consti­tue sans doute la carac­té­ris­tique la plus forte des AMP1.

Ces règles » banales » concernent par exemple les tailles mini­males de cap­ture, le maillage des filets, l’in­ter­dic­tion du cha­lu­tage à moins de 3 milles de la côte et, pour les chas­seurs sous-marins, l’in­ter­dic­tion de chas­ser cer­taines espèces et de vendre leurs prises.

La régle­men­ta­tion, dans les AMP, peut être clas­sée en 5 niveaux (tableau I). Le Parc natio­nal de Port-Cros se situe entre le niveau 2 et le niveau 3.

Tableau I –Les cinq niveaux de pro­tec­tion (1 à 5) dans les Aires marines pro­té­gées (AMP)​
Nive​au de protection Usages Com­men­taires
Récolte manuelle Chasse sous-marine Pêche à la ligne Pêche pro­fes­sion­nelle Ancrage Plon­gée
5 - - - - - - Obser­va­tions scien­ti­fiques possibles
4 - - - - + +
3 - - - + + + Cer­taines formes de pêche pro­fes­sion­nelle régle­men­tée (exemple : chalutages
2 - - + + + +
1 + + + + + + Sur­veillance par les gardes : la légis­la­tion géné­rale est appliquée
0 + + + + + + La légis­la­tion géné­rale n’est pas appliquée
Le niveau 0 cor­res­pond aux zones situées en dehors des AMP. – signi­fie une inter­dic­tion, + signi­fie que l’activité n’est pas interdite.

Les usages dans le Parc national de Port-Cros

La fré­quen­ta­tion de Port-Cros est impor­tante. En 1999, 130 000 per­sonnes ont visi­té l’île, dont la sur­face n’est que de quelques kilo­mètres car­rés. Le bateau à vision sous-marine a reçu pour sa part 6 000 per­sonnes et le sen­tier sous-marin de la baie de La Palud (figure 1) 16 000 visiteurs.

Il y a 25 000 plon­gées par an à Port-Cros. Les clubs de plon­gée qui fré­quentent Port-Cros ont signé avec le Parc une » charte de la plon­gée sous-marine « . Cette charte per­met d’é­vi­ter, en par­ti­cu­lier, la sur­fré­quen­ta­tion des sites, le pocket­ting2 et le nour­ris­sage des pois­sons3. Par ailleurs, la plon­gée est inter­dite au prin­temps et en été au sud-ouest de l’île (figure 1). Les plon­geurs sont atti­rés par la beau­té des sites et par la richesse en pois­sons, en par­ti­cu­lier le mérou, Epi­ne­phe­lus mar­gi­na­tus, pois­son emblé­ma­tique dont les popu­la­tions se sont recons­ti­tuées à Port-Cros, et le corb, Sciae­na umbra.

La navi­ga­tion de plai­sance est libre autour de Port-Cros, sous réserve du res­pect des limi­ta­tions de vitesse. Tou­te­fois, afin de pro­té­ger les her­biers à Posi­do­nia ocea­ni­ca, le mouillage est inter­dit dans quelques sec­teurs de la côte nord. Le mouillage est éga­le­ment inter­dit autour de cinq sites de plon­gée. En outre, pour pro­té­ger un monu­ment natu­rel, le récif-bar­rière à P. ocea­ni­ca de la baie de Port-Cros, la cir­cu­la­tion des bateaux est inter­dite au fond de la baie.

Dans la minus­cule baie de Port-Cros, on a dénom­bré en août jus­qu’à 250 bateaux au mouillage ; avec 4 per­sonnes en moyenne par bateau (More­teau, 1981), il y a alors 1 000 per­sonnes qui vivent sur le plan d’eau et y rejettent leurs eaux usées, sans pas­ser par une sta­tion d’é­pu­ra­tion ; cette situa­tion est para­doxale, puis­qu’une sta­tion d’é­pu­ra­tion très per­for­mante (de type bio­lo­gique) traite les eaux usées de la cen­taine d’ha­bi­tants per­ma­nents et des 200 esti­vants qui vivent à terre.

Figure 1
Carte édi­tée par le Parc natio­nal de Port-Cros.


La pêche pro­fes­sion­nelle est auto­ri­sée autour de Port-Cros, à l’ex­cep­tion des minus­cules sec­teurs où la cir­cu­la­tion des bateaux est inter­dite (par exemple pour sécu­ri­ser le sen­tier sous-marin de la baie de La Palud). En 2000, 13 pêcheurs ont fré­quen­té Port-Cros, dont 6 assez régu­liè­re­ment et les autres de façon ponc­tuelle (Cadiou et al., 2001). Cette situa­tion choque cer­tains » éco­lo­gistes » (« mais alors, ce n’est pas un parc !  ») et étonne les pêcheurs d’autres régions (« mais alors, pour­quoi faire un parc ? »). Cette non-inter­dic­tion est for­te­ment argu­men­tée par toutes les études scien­ti­fiques réa­li­sées à Port-Cros :

1) sous réserve du res­pect d’un cer­tain nombre de règles (voir plus loin), aucune espèce patri­mo­niale n’est mena­cée par la pêche professionnelle,

2) l’in­ter­dic­tion de la chasse sous-marine et la limi­ta­tion de la pêche à la ligne suf­fisent à réduire de façon consi­dé­rable le pré­lè­ve­ment par l’homme,

3) la richesse en pois­sons des eaux de Port-Cros (que confirme son suc­cès comme des­ti­na­tion de plon­gée sous-marine) per­met de véri­fier que ce n’est pas la pêche pro­fes­sion­nelle arti­sa­nale, en elle-même, qui consti­tue une menace pour la ressource.

Un pêcheur professionnel dans les eaux du Parc national de Port-Cros.
Un pêcheur pro­fes­sion­nel dans les eaux du Parc natio­nal de Port-Cros. PARC NATIONAL DE PORT-CROS

Tou­te­fois, la pêche pro­fes­sion­nelle à Port-Cros est sou­mise à un cer­tain nombre de règles. Une charte de la pêche (« Charte de par­te­na­riat de la pêche pro­fes­sion­nelle dans les eaux du Parc natio­nal de Port-Cros ») a été éla­bo­rée avec le Comi­té régio­nal des pêches. Le pêcheur pro­fes­sion­nel qui sou­haite exer­cer son acti­vi­té dans les eaux du Parc doit l’a­voir signée. Son bateau ne doit pas dépas­ser 12 m de lon­gueur. Il s’en­gage en par­ti­cu­lier à ne pas cha­lu­ter, à ne pas uti­li­ser de maille plus petite que celle de 11 (11 nœuds au pan) à moins de 30 m de pro­fon­deur, à ne pas uti­li­ser plus de 3 filets de 600 m cha­cun et à rem­plir un » agen­da de pêche » où il consigne son effort de pêche (nombre de jours de pêche, nombre de pièces de filets) et ses prises. L’a­na­lyse de ces agen­das, cou­plée avec les obser­va­tions sur le ter­rain par les agents du Parc et les scien­ti­fiques, n’in­dique pas que la car­rying capa­ci­ty des eaux du Parc soit actuel­le­ment dépassée.

Les prises de la pêche ama­teur sont beau­coup plus impor­tantes qu’on ne le pense géné­ra­le­ment. Dans les eaux de Port-Cros (14 km2), les prises de la seule pêche à la ligne4 ont été éva­luées à 10 t/an (5,5 t depuis une embar­ca­tion, 4,5 t depuis le rivage)5, contre 14,3 t/an pour la pêche pro­fes­sion­nelle, soit 41 % du total des prises (Com­belles, 1991 ; Abous­souan et Bou­tin, 1993). Dans un sec­teur situé près de Mar­seille, l’ar­chi­pel de Riou, où toutes les formes de pêche ama­teur sont auto­ri­sées (pêche à la ligne et chasse au fusil-har­pon), les prises de la pêche ama­teur (2 t/km2/an) semblent du même ordre de gran­deur que celles de la pêche pro­fes­sion­nelle (Daniel et al., 1998).

Tableau II
Sens du courant Site Pro­tec­tion Den­si­té de juvéniles
Nord
 

Sud
Baie de Galéria non protégée 1,12
Baie d’Elbo Réserve non intégrale 0,47
Gargalo Réserve intégrale 0,34
Golfe de Porto non protégé 0,22
Den­si­té (nombre d’individus par 10 m2) des juvé­niles de sars, Diplo­dus annu­la­ris, à l’extérieur et à l’intérieur de la réserve natu­relle de Scan­do­la (Corse), en fonc­tion du cou­rant dominant.
D’après Fran­cour et Le Direac’h in Har­me­lin et al. (1998).

Un cer­tain nombre de traits d’his­toire de vie des pois­sons et de cer­taines espèces de mol­lusques marins font que leur suc­cès repro­duc­teur peut être den­si­té-dépen­dant posi­tif ou néga­tif, selon leur den­si­té : chan­ge­ments de sexe au cours de la vie, agré­gats repro­duc­teurs, effet Allee, crois­sance de la fécon­di­té avec l’âge (Sto­ner et Ray-Culp, 2000). Il en résulte que des popu­la­tions sur­ex­ploi­tées ont peu de chances de se reconstituer.

Les AMP, en per­met­tant la recons­ti­tu­tion de popu­la­tions d’a­dultes dans des condi­tions favo­rables à la repro­duc­tion, consti­tuent de ce point de vue des machines à pro­duire des œufs et des larves planc­to­niques, expor­tées hors des AMP, qui contri­buent à repeu­pler les zones de pêche. L’ex­por­ta­tion de juvé­niles de sars, Diplo­dus annu­la­ris, a, par exemple, été mise en évi­dence au nord de la réserve de Scan­do­la (tableau II, Fran­cour et Le Direac’h in Har­me­lin et al., 1998). Au total, une AMP, même si la pêche pro­fes­sion­nelle y est inter­dite, ne dimi­nue pas les prises des pêcheurs mais au contraire les accroît.

Les don­nées en la matière sont tou­te­fois rela­ti­ve­ment rares en Médi­ter­ra­née, et la ques­tion de la sur­vie de ces juvé­niles, et donc de l’en­ri­chis­se­ment effec­tif des zones péri­phé­riques, reste ouverte à débat (Planes et al., 2000).

Le pro­blème de l’algue tro­pi­cale, Cau­ler­pa taxi­fo­lia, intro­duite en Médi­ter­ra­née (Mei­nesz et Bou­dou­resque, 1996) et pré­sente à Port-Cros depuis 1994, illustre bien la com­plexi­té des inter­ac­tions entre usages, et le fait qu’une AMP ne peut être sous­traite à son contexte régio­nal. Pré­sente dans la rade d’Hyères, où elle est de plus en plus abon­dante, C. taxi­fo­lia est arri­vée à Port-Cros avec les ancres des bateaux de plai­sance et avec les filets des pêcheurs pro­fes­sion­nels. Sa décou­verte à Port-Cros, puis sa sur­veillance, chaque année, est le résul­tat d’une col­la­bo­ra­tion étroite entre le Parc natio­nal et les clubs de plon­gée de la région (Robert, 1996).

Son arra­chage après chaque cam­pagne de sur­veillance per­met de contrô­ler, de limi­ter son expan­sion, mais ne per­met pas de l’é­ra­di­quer, en par­ti­cu­lier parce qu’elle revient à Port-Cros depuis le réser­voir de la rade d’Hyères (Cot­ta­lor­da et al., 1996 ; Robert et Gra­vez, 1998). Si C. taxi­fo­lia pro­li­fé­rait à Port-Cros, il est per­mis de pen­ser que cela aurait des réper­cus­sions sur la pêche (dimi­nu­tion des stocks de pois­sons ; Har­me­lin-Vivien et al., 1999) et sur la plon­gée (bana­li­sa­tion des pay­sages sous-marins ; Gra­vez et al., 2001).

La mise en place de récifs arti­fi­ciels est par­tout très appré­ciée par les pêcheurs pro­fes­sion­nels, qui y voient une pos­si­bi­li­té d’ac­croître les stocks et les prises. Plu­sieurs AMP médi­ter­ra­néennes ont ain­si immer­gé des récifs arti­fi­ciels (Bom­bace et al., 1993). À Port-Cros, un petit récif expé­ri­men­tal existe depuis 1985 près de la baie de La Palud (figure 1, Char­bon­nel et al., 2001).

Figure 2
Les inter­ac­tions entre les usages, quelques objec­tifs et les mesures de ges­tion dans une aire marine pro­té­gée (en par­ti­cu­lier dans le Parc natio­nal de Port-Cros).
Jus­ti­fi­ca­tion de quelques interactions :
1 = dis­sé­mi­na­tion de Cau­ler­pa taxifolia,
2 = aide à la loca­li­sa­tion de C. taxifolia,
3 = effet des ancres sur les her­biers à Posi­do­nia ocea­ni­ca et le coralligène,
4 = aug­men­ta­tion du stock de pois­sons (effet réserve, récifs artificiels),
5 = com­pé­ti­tion pour l’exploitation du stock de poissons,
6 = effet sur la sécu­ri­té des plongeurs.

Comme dans les espaces pro­té­gés ter­restres, les retom­bées éco­no­miques sur l’é­co­no­mie locale et régio­nale des AMP com­mencent à être prises en compte et quan­ti­fiées (Bou­dou­resque, 1989 ; Bachet, 1992 ; Ribe­ra-Siguan, 1992a, 1992b). En 1998, le Parc natio­nal de Port-Cros et les autres espaces gérés par le Parc dans le dépar­te­ment du Var ont géné­ré un chiffre d’af­faires (direct et indi­rect) de 300 mil­lions d’eu­ros, soit 16 % du chiffre d’af­faires tou­ris­tique de l’en­semble du dépar­te­ment du Var (IRAP, 1999).

Cette esti­ma­tion ne prend pas en compte l’ac­crois­se­ment pro­bable des prises de la pêche pro­fes­sion­nelle en dehors du Parc. De même, elle ne prend pas en compte les valeurs d’exis­tence ou de non-usage, telles qu’on peut les éva­luer au moyen du WTP (Willin­gness to pay ; consen­te­ment à payer) (Pearce et Morand, 1994 ; McNee­ly, 1994, 1996).

Enfin, en matière d’édu­ca­tion, le Parc natio­nal de Port-Cros a joué tout son rôle. Depuis sa créa­tion, ce sont près de 150 ouvrages, pla­quettes et dépliants qui ont été édi­tés. Il s’y ajoute des expo­si­tions, des classes de mer, des confé­rences et même un cours inter­na­tio­nal. Dans la baie de La Palud, un sen­tier sous-marin très fré­quen­té en été a été mis en place (figure 1) ; les visi­teurs, qui le par­courent en apnée, ont à leur dis­po­si­tion un jeu de pla­quettes infor­ma­tives en PVC qu’ils emportent sous l’eau, et sont accom­pa­gnés par un auxi­liaire d’in­for­ma­tion du Parc (Bou­dot, 1993 ; Sel­le­net et Mes­lin, 1996).

Conclusions

Les usages du milieu marin peuvent entrer en conflit avec sa pro­tec­tion. Les Aires marines pro­té­gées (AMP) ne sont pas le seul outil per­met­tant d’as­su­rer la pro­tec­tion du patri­moine natu­rel, mais elles en sont une pièce essen­tielle. Par ailleurs, les dif­fé­rents usages peuvent être conflic­tuels entre eux : par exemple, la pêche pro­fes­sion­nelle et la pêche ama­teur, ain­si que la pêche pro­fes­sion­nelle et la plon­gée sous marine (figure 2).

L’exemple du Parc natio­nal de Port-Cros illustre bien le fait qu’une AMP, à tra­vers la ges­tion de l’es­pace et des contraintes rai­son­nables et accep­tables par les usa­gers, peut assu­rer simul­ta­né­ment la pro­tec­tion du patri­moine natu­rel et la mini­mi­sa­tion des conflits d’u­sage (figure 2). Le résul­tat en est, pour cha­cun de ces usages, un béné­fice clai­re­ment iden­ti­fiable. En outre, les béné­fices éco­no­miques géné­rés par le Parc natio­nal de Port-Cros dépassent lar­ge­ment ses limites (tou­risme, pêche).

Il est donc impor­tant que les AMP cessent d’être per­çues comme des lieux d’in­ter­dic­tions diverses, ce qui est très éloi­gné de la réa­li­té, mais comme des outils au ser­vice d’un déve­lop­pe­ment durable à l’é­chelle régionale. 

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1. On peut légi­ti­me­ment s’é­ton­ner de la très large com­plai­sance des ser­vices de l’É­tat envers des pra­tiques qui font que les eaux lit­to­rales consti­tuent en quelque sorte des zones de non-droit.
2. On nomme » pocket­ting » le fait, pour des plon­geurs sous-marins, de ramas­ser (et mettre dans la poche de leur veste, ou dans un sac), des orga­nismes ren­con­trés (coquillages, crus­ta­cés, etc.). Cette pra­tique est théo­ri­que­ment inter­dite par­tout (pas seule­ment dans les AMP).
3. De nom­breux plon­geurs ont l’ha­bi­tude d’ap­por­ter aux pois­sons des ali­ments divers (bananes, sar­dines, œufs durs, sau­cis­son, etc.), ou de cas­ser des our­sins pris sur place, ce qui attire les pois­sons (c’est le but recher­ché) mais arti­fi­cia­lise leur comportement.
4. La pêche sous-marine au fusil-har­pon est inter­dite depuis 1963, date de la créa­tion du Parc natio­nal de Port-Cros.

5. La pêche à la ligne depuis le rivage est inter­dite depuis 1998 (figure 1).

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