Les richesses minières de la République démocratique du Congo et de ses voisins

Conflits africains et richesses minières. République démocratique du Congo, Angola, Sierra Leone et pays voisins)

Dossier : L'Afrique centraleMagazine N°565 Mai 2001Par : Jean-François LABBÉ (75), Bureau de Recherches géologiques et minières (BRGM)

Les pays concer­nés par des conflits armés qui per­durent pour le contrôle et le tra­fic de richesses minières sont sur­tout la RDC (Répu­blique démo­cra­tique du Congo, ex-Zaïre), l’An­go­la et la Sier­ra Leone, et, par leur impli­ca­tion dans ces trois conflits, plu­sieurs de leurs voi­sins (sur­tout le Libe­ria, l’Ou­gan­da, le Rwan­da et le Zim­babwe). Le contrôle des richesses pétro­lières a aus­si été ou est encore un élé­ment impor­tant de la récente guerre civile au Congo-Braz­za­ville, et de celle du Soudan.

Les sub­stances concer­nées sont de deux grandes catégories :

  • celles qui néces­sitent, pour leur exploi­ta­tion, leur valo­ri­sa­tion et leur trans­port, de lourds inves­tis­se­ments et une cer­taine tech­ni­ci­té, et qui ne peuvent être exploi­tées éco­no­mi­que­ment que par des socié­tés puis­santes, les­quelles n’in­ves­tissent ou n’o­pèrent, à l’ex­cep­tion des plus aven­tu­reuses d’entre elles, que dans des zones suf­fi­sam­ment contrô­lées par les gou­ver­ne­ments offi­ciels et sécu­ri­sées. C’est le cas bien sûr du pétrole, mais aus­si du cuivre et du cobalt dont des gise­ments très impor­tants sont situés dans le sud de la RDC (Cop­per Belt1) ;
  • celles qui peuvent, au moins en par­tie, être exploi­tées de manière rela­ti­ve­ment arti­sa­nale, avec des inves­tis­se­ments et une tech­ni­ci­té modestes, sur­tout celles qui ont une valeur très éle­vée par uni­té de masse et peuvent donc être trans­por­tées dis­crè­te­ment, même là où les infra­struc­tures de trans­port sont inexis­tantes ou déla­brées, et qui attirent les convoi­tises de toutes sortes d’in­ter­mé­diaires, de tra­fi­quants et de » sei­gneurs de la guerre « . C’est le cas, dans les pays dont il est ques­tion ici, sur­tout du dia­mant, mais aus­si de l’or, et désor­mais, du » col­tan « , nom don­né loca­le­ment à la colombo-tantalite.

Les conflits de la RDC, de l’An­go­la et de la Sier­ra Leone opposent les gou­ver­ne­ments offi­ciels à des fac­tions rebelles – elles-mêmes par­fois en guerre entre elles. Si l’o­ri­gine des rébel­lions a pu être un temps idéo­lo­gique (Ango­la), poli­tique (contre la dic­ta­ture de Mobu­tu au Zaïre) ou eth­nique, les rai­sons éco­no­miques, l’am­bi­tion per­son­nelle et l’en­ri­chis­se­ment de cer­tains chefs, de cer­tains » sei­gneurs de guerre « , par l’ex­ploi­ta­tion et le tra­fic de richesses minières, ont désor­mais lar­ge­ment pris le relais.

D’un côté, les mou­ve­ments rebelles doivent s’as­su­rer le contrôle de ces res­sources pour ache­ter des armes et payer leurs troupes, et de l’autre, les États doivent faire de même pour se défendre.

1. Situation par pays

L’Angola

En Ango­la, le conflit remonte aux pre­mières orga­ni­sa­tions de mou­ve­ments contre le pou­voir colo­nial por­tu­gais dans les années 50–60, en par­ti­cu­lier le MPLA (Mou­ve­ment popu­laire de libé­ra­tion de l’An­go­la), fon­dé par des proches du Par­ti com­mu­niste por­tu­gais, puis l’U­ni­ta (Union pour l’in­dé­pen­dance totale de l’An­go­la), fon­dé par Jonas Savimbi.

Lorsque le Por­tu­gal se désen­gage à la suite de sa révo­lu­tion des Œillets, ces deux mou­ve­ments rivaux se dis­putent le pays. Le MPLA prend le contrôle de la capi­tale Luan­da et pro­clame for­mel­le­ment l’in­dé­pen­dance (novembre 1975). Il tient en par­ti­cu­lier la côte nord où se concentrent les richesses pétro­lières du pays. L’U­ni­ta prend le contrôle d’une grande par­tie du Sud et de nom­breux champs dia­man­ti­fères. Elle s’af­fronte vio­lem­ment au MPLA. En pleine guerre froide, ce der­nier obtient le sou­tien du bloc sovié­tique, et Cuba envoie jus­qu’à 50 000 sol­dats. Pour le bloc occi­den­tal, alors que les États-Unis subissent une démo­ti­va­tion pas­sa­gère avec leur départ du Viêt­nam et le Water­gate, c’est d’a­bord et sur­tout l’A­frique du Sud qui sou­tient l’U­ni­ta. Mais les États-Unis lui envoient rapi­de­ment de l’argent (250 M$ entre 1985 et 1991), » prêtent » même des mis­siles Stin­ger et fini­ront même par rece­voir et déco­rer Jonas Savim­bi à la Maison-Blanche.

Avec les négo­cia­tions sur l’in­dé­pen­dance de la Nami­bie, aux­quelles se trou­vait lié le départ des 50 000 Cubains d’An­go­la, puis avec la chute du mur de Ber­lin en 1989 et la fin de la guerre froide, les deux mou­ve­ments ango­lais per­dirent leurs sou­tiens exté­rieurs les plus voyants et les plus actifs, et le conflit ses enjeux inter­na­tio­naux. Des accords de paix entre le MPLA et l’U­ni­ta furent négo­ciés, avec orga­ni­sa­tion d’é­lec­tions géné­rales en sep­tembre 1992. Mais, alors que l’U­ni­ta contrô­lait en fait presque tout l’in­té­rieur du pays et en par­ti­cu­lier les champs dia­man­ti­fères, c’est le MPLA qui rem­por­ta ces élec­tions. Jonas Savim­bi quit­ta alors Luan­da et les hos­ti­li­tés reprirent, avec clai­re­ment pour cible les régions dia­man­ti­fères et en par­ti­cu­lier la région du Lun­da-Norte (et même momen­ta­né­ment les régions pétro­lières avec des attaques de l’U­ni­ta début 1993).

L’U­ni­ta dis­po­sait encore d’ar­me­ments et se finan­çait avec le pro­duit des dia­mants. Le gou­ver­ne­ment (le MPLA), mili­tai­re­ment affai­bli par le départ des troupes cubaines, mais désor­mais mieux accep­té par les Occi­den­taux, com­men­ça à négo­cier des contrats d’a­chats d’ar­me­ment avec les pro­duc­tions pétro­lières futures.

Fort de ces nou­veaux appuis, le gou­ver­ne­ment reprit pro­gres­si­ve­ment le contrôle de la plus grande par­tie du ter­ri­toire, et en par­ti­cu­lier des champs dia­man­ti­fères, au prix de batailles san­glantes. L’U­ni­ta, iso­lée, s’est depuis lors repliée dans le sud-est du pays (le long de la bande nami­bienne de Caprivi).

Entre 1992 et 1997, selon » Glo­bal Wit­ness « , le conflit ango­lais aurait encore fait 500 000 morts, et l’U­ni­ta aurait gagné 3,7 mil­liards de dol­lars en vente de dia­mants illé­gaux. Elle est main­te­nant décon­si­dé­rée auprès de la Com­mu­nau­té inter­na­tio­nale ; et le Conseil de sécu­ri­té des Nations Unies, conscient que le tra­fic du dia­mant est le nerf qui per­met la pour­suite de la guerre, a adop­té le 12 juin 1998 la réso­lu­tion 1173 qui inter­dit aux États membres toute impor­ta­tion, directe ou indi­recte, d’An­go­la, de dia­mants qui n’ont pas leur cer­ti­fi­cat d’o­ri­gine éta­bli par le gou­ver­ne­ment de Luan­da. La réso­lu­tion inter­dit aus­si l’ex­por­ta­tion, dans les ter­ri­toires sous contrôle de l’U­ni­ta, de tout équi­pe­ment minier. Encore fau­drait-il que l’ap­pli­ca­tion de cette réso­lu­tion soit contrô­lable. Ain­si la tra­ça­bi­li­té des dia­mants com­men­ça-t-elle à deve­nir un enjeu important.

Les Nations Unies esti­maient encore à envi­ron 150 M$ la valeur des dia­mants pro­duits dans les sec­teurs sous contrôle de l’U­ni­ta en 1999. Cette valeur aurait chu­té en 2000 avec ses revers mili­taires et la perte de cer­taines zones productrices.

La République démocratique du Congo

En RDC, alors appe­lée Zaïre, il y a quelques années, le mou­ve­ment rebelle de Laurent-Dési­ré Kabi­la s’é­tait ren­for­cé avec l’ap­pui de l’Ou­gan­da et du Rwan­da. Ce der­nier pays était inter­ve­nu au Zaïre pour lut­ter contre les extré­mistes Hutus, dont cer­tains anciens res­pon­sables du géno­cide de 1994, qui avaient fui le Rwan­da après le ren­ver­se­ment de pou­voir à Kiga­li et qui avaient com­men­cé à finan­cer leur réar­me­ment par l’ex­ploi­ta­tion clan­des­tine ou le pillage de l’or dans ces sec­teurs du nord-est du Zaïre, pra­ti­que­ment plus contrô­lés par le pou­voir déli­ques­cent de Mobu­tu à Kinshasa.

Fina­le­ment, Laurent-Dési­ré Kabi­la, et ses alliés, après une pro­gres­sion rapide, ren­verse Mobu­tu, prend le pou­voir à Kin­sha­sa, en mai 1997, et rebap­tise le pays Répu­blique démo­cra­tique du Congo.

Mais son image de libé­ra­teur ter­nit rapi­de­ment ; sa dic­ta­ture et sa cupi­di­té sur les richesses minières n’ont fina­le­ment rien à envier à celles de son pré­dé­ces­seur. Et le pays, immense, aux infra­struc­tures et voies de com­mu­ni­ca­tion déla­brées, reste dif­fi­ci­le­ment sous contrôle. Suite au rap­pro­che­ment de Kabi­la avec les Hutus du Nord-Est, les alliances se ren­versent : ses anciens pro­tec­teurs rwan­dais et ougan­dais se retournent contre lui et sou­tiennent les mou­ve­ments dis­si­dents et les nou­veaux sei­gneurs de la guerre. Ensemble, ils prennent rapi­de­ment le contrôle d’une grande moi­tié nord-est du pays, et tirent pro­fit des richesses minières qui s’y trouvent. Pour arrê­ter leur pro­gres­sion, L.-D. Kabi­la trouve l’ap­pui mili­taire de l’An­go­la, du Zim­babwe et de la Namibie.

L’An­go­la s’é­tait en fait déjà allié à L.-D. Kabi­la, lors de sa guerre de conquête du pou­voir, et espé­rait ain­si empê­cher les attaques de l’U­ni­ta à par­tir du sud du Zaïre, ain­si que l’é­cou­le­ment par là de ses dia­mants. Et le Zim­babwe, en dif­fi­cul­té éco­no­mique, pou­vait espé­rer se payer ses ser­vices sur les richesses minières de la RDC. L.-D. Kabi­la s’est effec­ti­ve­ment ser­vi des richesses minières des zones sous son contrôle, en par­ti­cu­lier des dia­mants du Kasaï, pour payer ses tuteurs ango­lais et zim­babwéens, et ache­ter ses armements.

Les pres­sions inter­na­tio­nales ont fini par conduire à des négo­cia­tions de paix sous l’é­gide de l’O­NU à Lusa­ka en juillet 1999, avec un pro­ces­sus qui pré­voyait dans un pre­mier temps le retrait des forces étran­gères. Ce pro­ces­sus était res­té un vœu pieux, au moins jus­qu’à l’as­sas­si­nat de L.-D. Kabi­la en jan­vier 2001, et son rem­pla­ce­ment par son fils, Joseph Kabi­la. Celui-ci tient désor­mais un lan­gage moins bel­li­queux que son père. Il cherche à obte­nir un sou­tien inter­na­tio­nal à la paci­fi­ca­tion et a auto­ri­sé le déploie­ment de la force mili­taire d’ob­ser­va­tion de l’O­NU (MONUC).

Mais la réso­lu­tion défi­ni­tive du conflit est com­pli­quée non seule­ment par l’a­vi­di­té des par­ties en pré­sence (voir plus loin ce qu’en dit la com­mis­sion d’en­quête de l’O­NU), mais aus­si par les que­relles internes dans les deux camps prin­ci­paux. À Kin­sha­sa, Joseph Kabi­la doit conti­nuer à asseoir son auto­ri­té vis-à-vis des nos­tal­giques de son père et com­po­ser avec les inté­rêts des Ango­lais et des Zim­babwéens. Et les fac­tions rebelles qui dominent l’est du pays et leurs spon­sors res­pec­tifs ougan­dais et rwan­dais ne forment pas une coa­li­tion unie. Il y a eu des heurts impor­tants entre sol­dats rwan­dais et ougan­dais au Congo, et les rela­tions entre les deux pays ne sont pas au beau fixe.

Début 2001, le gou­ver­ne­ment de Kin­sha­sa domine la moi­tié sud-ouest du pays, avec le sou­tien de l’An­go­la et du Zim­babwe. Il contrôle la Cop­per Belt, la cein­ture où se trouvent les gise­ments de cuivre et de cobalt du Katan­ga (et de la Zam­bie voi­sine), et l’es­sen­tiel du Kasaï et de ses dia­mants (sec­teur de Mbuji-Mayi).

Trois prin­ci­paux mou­ve­ments rebelles contrôlent le nord et l’est du pays :

  • Le RCD (Ras­sem­ble­ment congo­lais pour la démo­cra­tie), sou­te­nu par le Rwan­da, contrôle envi­ron 30 % du ter­ri­toire, les gise­ments de colom­bo-tan­ta­lite (et de cas­si­té­rite, le mine­rai d’é­tain) du Kivu (qui s’é­tendent au Rwan­da), les champs dia­man­ti­fères de la région Nord-Est de Kisan­ga­ni, et les gise­ments de dia­mant du Kasaï orien­tal (sec­teur de Lubao). Les pro­duits sont écou­lés essen­tiel­le­ment par le Rwan­da, qui se retrouve expor­ta­teur de dia­mant, alors qu’il n’en a pas dans son sous-sol, et qui accen­tue sa main­mise avec le RCD sur la com­mer­cia­li­sa­tion du coltan.
  • Le RCD-Assem­blée géné­rale, pro-ougan­dais, contrôle le nord-est du pays et en par­ti­cu­lier les gise­ments d’or de la région de Kilo-Moto. L’Ou­gan­da est d’ailleurs deve­nu un expor­ta­teur signi­fi­ca­tif d’or, en même temps que la pro­duc­tion congo­laise chu­tait (voir tableau 1 ci-contre), alors qu’il n’a lui-même que de petites exploi­ta­tions artisanales.
  • Le MLC (Mou­ve­ment pour la libé­ra­tion du Congo) contrôle essen­tiel­le­ment le nord du pays, le long de la fron­tière cen­tra­fri­caine, dans lequel se trouvent aus­si des champs diamantifères.

La Répu­blique démo­cra­tique du Congo dans son ensemble reste assise sur un sous-sol très riche. Elle dis­pose des deux tiers des réserves mon­diales de cobalt, du dixième du cuivre, du tiers du dia­mant, ain­si que d’un poten­tiel appré­ciable d’or, d’u­ra­nium, de man­ga­nèse, d’é­tain et de tan­tale. Ces richesses sont le prin­ci­pal moyen pour les dif­fé­rents camps en pré­sence de se pro­cu­rer armes et muni­tions pour se main­te­nir en place.

Tableau 1​– Évo­lu­tion com­pa­rée de la pro­duc­tion minière d’or du Congo et de l’Ouganda (en kg)
1991​ 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000
R. D. Congo 6 131 2 525 1 502 780 1 180 1 252 394 134 100 N.C.
Ougan­da 0 0 0 1 627 3 094 5 067 6 819 5 029 5 778 N.C.
Source : Annuaire sta­tis­tique mon­dial des mine­rais et métaux

En réa­li­té, les par­ties en conflit se servent sur­tout de la par­tie de ces res­sources exploi­tables arti­sa­na­le­ment et avec peu d’in­ves­tis­se­ments (dia­mants, or, col­tan). Cepen­dant pour extraire, trans­por­ter et faire fruc­ti­fier les autres richesses, le cuivre, le cobalt, etc., il faut des inves­tis­se­ments impor­tants. Aus­si l’ins­ta­bi­li­té a blo­qué tous les pro­jets d’en­ver­gure. Laurent-Dési­ré Kabi­la lui-même a décou­ra­gé les inves­tis­seurs, confiant puis reti­rant aux socié­tés étran­gères les conces­sions minières qui leur étaient octroyées.

En 1989, le pays expor­tait 443 000 tonnes de cuivre et 9 300 tonnes de cobalt, dont il était le pre­mier pro­duc­teur mon­dial. En 1999, il n’en a expor­té que 31 000 tonnes et 2 300 tonnes res­pec­ti­ve­ment. La Géca­mines (Géné­rale des Car­rières et des Mines), la socié­té natio­na­li­sée qui en exploi­tait la majeure par­tie, a som­bré par la mau­vaise ges­tion et les détour­ne­ments, aus­si bien sous Mobu­tu que sous L.-D. Kabi­la, et par les conflits qui se sont succédé.

Dans ces condi­tions, il n’y a rien d’é­ton­nant à ce que le mar­ché des matières pre­mières ne réagisse plus aux évé­ne­ments de Kin­sha­sa. Si l’ex-Zaïre occupe une place impor­tante dans l’i­ma­gi­naire col­lec­tif, comme le Pérou en Amé­rique latine, il n’est plus sur le plan minier qu’un acteur rési­duel et marginal.

Avec le retour espé­ré du calme, la Géca­mines cherche à redé­ve­lop­per sa pro­duc­tion, en ame­nant ses conces­sions à des joint-ven­tures négo­ciées avec divers opé­ra­teurs multinationaux.

Quant au dia­mant, la RDC en est le deuxième pro­duc­teur mon­dial, en quan­ti­té, après l’Aus­tra­lie. Mais seule­ment 6 % sont de qua­li­té gemme et 40 % semi-gemme.

C’est la MIBA2 (Minière de Bak­wan­ga3) qui détient l’es­sen­tiel des conces­sions à Mbu­ji-Mayi, l’une des zones les plus pro­duc­trices du monde. Elle est titu­laire de 1 000 km² de Per­mis d’ex­ploi­ta­tion et 70 000 km2 de Zones exclu­sives de pros­pec­tion, et pro­duit envi­ron 6 mil­lions de carats par an (6,6 mil­lions de carats en 1998, pour une valeur totale de 94 M$). Mais sa prin­ci­pale conces­sion a été acca­pa­rée par les Zim­babwéens qui l’ex­ploitent en » dédom­ma­ge­ment » de leur sou­tien au régime et de leur effort de guerre, sous la pro­tec­tion de cer­taines hautes auto­ri­tés de Kinshasa.

La pro­duc­tion arti­sa­nale offi­cielle s’est mon­tée, en 1998, à 19,3 mil­lions de carats, pour une valeur totale de 357 M$. Quant à la pro­duc­tion clan­des­tine, expor­tée en contre­bande, elle était esti­mée, en 1998, à envi­ron 100 M$.

Cette même année, ce sont 3,4 tonnes d’or qui auraient été expor­tées illé­ga­le­ment (pour une pro­duc­tion offi­cielle négli­geable, voir tableau 1). Et même les gise­ments de cobalt de la Géca­mines avaient été enva­his par plu­sieurs dizaines de mil­liers de mineurs illé­gaux qui en récol­taient la por­tion oxy­dée et la reven­daient en Zam­bie voisine.

Ain­si, non seule­ment la RDC ne pro­fite pas de la part des richesses minières qui sont acca­pa­rées par les autres pays impli­qués dans le conflit, mais elle n’ar­rive plus à mettre cor­rec­te­ment en valeur ses plus riches gise­ments. Elle dis­pose pour­tant encore de res­sources consi­dé­rables et d’un impor­tant poten­tiel de nou­velles res­sources à décou­vrir. Une sta­bi­li­sa­tion de l’en­vi­ron­ne­ment poli­tique, com­bi­née avec les réformes ins­ti­tu­tion­nelles et fis­cales, la révi­sion du Code minier, la mise en place d’un Cadastre minier, recom­man­dées par la Banque Mon­diale, pour­rait redy­na­mi­ser ce sec­teur, qui a tou­jours été une com­po­sante domi­nante du PNB.

Pour cadrer et orien­ter sa poli­tique, le Conseil de sécu­ri­té des Nations Unies avait deman­dé en juin 2000 l’en­voi d’une » Com­mis­sion d’en­quête inter­na­tio­nale sur l’ex­ploi­ta­tion illé­gale des Res­sources natu­relles et autres richesses de la RDC « , pour col­lec­ter toute infor­ma­tion sur l’ex­ploi­ta­tion illé­gale des res­sources et les vio­la­tions de sou­ve­rai­ne­té, recher­cher les liens entre l’ex­ploi­ta­tion de ces res­sources et la pour­suite des conflits armés et faire les recom­man­da­tions conséquentes.

Exploitation de diamant alluvionnaire.
Exploi­ta­tion de dia­mant allu­vion­naire.  PHOTO J.-F. LABBÉ

Cette com­mis­sion a tra­vaillé pen­dant six mois, a remis un rap­port pré­li­mi­naire le 16 jan­vier 2001, et devait remettre offi­ciel­le­ment son rap­port final début avril. Le Monde du 22 mars 2001 en publie les conclu­sions4.

Elles confirment l’ac­cu­sa­tion « des alliés et des enne­mis du Congo de se livrer à un pillage sys­té­ma­tique et orga­ni­sé des richesses de ce pays déchi­ré par la guerre. Le Zim­babwe, l’Ou­gan­da ou le Rwan­da, pays rivaux et impli­qués dans le conflit figurent en tête de liste de ces pro­fi­teurs, des mili­taires ou des proches de l’en­tou­rage du pou­voir […] Le pillage des fabu­leuses richesses minières du Congo n’é­tait pas un secret. Mais, grâce à ce rap­port détaillé, on apprend les noms des pré­da­teurs, leurs affi­lia­tions au pou­voir à Kin­sha­sa ou au régime de tel ou tel pays voi­sin, de même que les prin­ci­paux débou­chés de cette rapine orga­ni­sée. Le rap­port est caté­go­rique : les res­sources natu­relles du Congo financent non seule­ment la guerre qui s’y déroule depuis près de trois ans, mais servent à enri­chir un grand nombre de mili­taires, de familles de pré­si­dents ain­si que divers inter­mé­diaires, sou­vent les mêmes qui troquent des dia­mants pour des armes dans d’autres pays d’A­frique, comme la Sier­ra Leone ou le Liberia.

Les conclu­sions sont par­ti­cu­liè­re­ment acca­blantes pour des pays dits » enva­his­seurs « , l’Ou­gan­da et le Rwan­da. Le rap­port affirme que les reve­nus tirés par ces deux pays des richesses congo­laises leur » per­mettent de finan­cer leurs acti­vi­tés mili­taires en RDC mais aus­si l’en­ri­chis­se­ment de la haute hié­rar­chie mili­taire et politique « .

Sont aus­si men­tion­nés des témoi­gnages concor­dants indi­quant que les com­man­dants de l’Ar­mée patrio­tique rwan­daise (APR) » uti­lisent les pri­son­niers des forces congo­laises, esti­més entre 1 000 et 3 000, à des tra­vaux for­cés dans les mines, ren­voyant au fur et à mesure les creu­seurs locaux « .

Si les pays agres­seurs sont lar­ge­ment mis en cause, les forces alliées au régime de Kin­sha­sa ne sont pas épar­gnées. » Pour un gou­ver­ne­ment, finan­cer les frais mili­taires occa­sion­nés par ses propres troupes par des reve­nus tirés des res­sources natu­relles est légi­time « , dit le rap­port, » mais le gou­ver­ne­ment congo­lais per­met à des mili­taires ango­lais, nami­biens et zim­babwéens de tirer des reve­nus de l’ex­ploi­ta­tion de dia­mants en vio­la­tion des pra­tiques légales « . Par­mi les alliés, le Zim­babwe se dis­tingue par sa rapacité. »

La Sierra Leone

En Sier­ra Leone, le conflit, allu­mé par une conta­gion du conflit libé­rien, oppose depuis une dizaine d’an­nées le gou­ver­ne­ment de Free­town et les rebelles du RUF (Front révo­lu­tion­naire uni), désor­mais retran­chés dans les forêts dif­fi­ci­le­ment contrô­lables du nord-est du pays. Son prin­ci­pal moteur est les riches gise­ments dia­man­ti­fères du pays. Ce conflit a sur­tout défrayé la chro­nique par les méthodes hal­lu­ci­nantes employées par les forces en pré­sence (enrô­le­ment des enfants, qui ont sou­vent été dro­gués, exac­tions, muti­la­tions volon­taires, etc., et tout cela pour des diamants…).

Un accord de paix avait été signé à Lomé en juillet 1999, par­rai­né par les Nations Unies et la CEDEAO (Com­mu­nau­té éco­no­mique des États d’A­frique de l’Ouest), et des Casques bleus (la MINUSIL) ont été déployés. Mais le RUF et son chef Foday San­koh, qui avaient été offi­ciel­le­ment » par­don­nés » par les accords de paix, mal­gré leurs exac­tions, ont repris leurs attaques (allant jus­qu’à enle­ver des Casques bleus).

Ils se sont ain­si à nou­veau oppo­sés à la com­mu­nau­té inter­na­tio­nale qui a repris le par­ti du gou­ver­ne­ment de Free­town contre eux.

Le main­tien de la capa­ci­té de nui­sance du RUF est inti­me­ment lié à ses moyens de finan­ce­ment obte­nus de l’ex­trac­tion des dia­mants dans les sec­teurs sous son contrôle, et leur écou­le­ment via le Libe­ria voi­sin : sur les sept der­nières années, le Libé­ria a expor­té 6 mil­lions de carats de dia­mants bruts, pour une valeur de 300 M$, alors que sa capa­ci­té de pro­duc­tion propre est esti­mée à seule­ment 100 000 à 150 000 carats (10 M$).

Ce tra­fic a donc géné­ré des reve­nus consi­dé­rables pour San­koh et les autres com­man­dants du RUF.

Comme pour l’An­go­la, le Conseil de sécu­ri­té des Nations Unies a adop­té en juillet 2000 la réso­lu­tion 1306 qui inter­dit aux États membres toute impor­ta­tion, directe ou indi­recte, de tout dia­mant illi­cite de Sier­ra Leone.

Ceux-ci conti­nuent néan­moins à être expor­tés via le Libe­ria, avec la com­pli­ci­té active d’of­fi­ciels libé­riens qui en tirent pro­fit. L’ONU estime que les reve­nus annuels du RUF tirés des dia­mants sont désor­mais dans la four­chette de 25 à 125 M$.

Ceci ren­dait encore plus aigu le pro­blème du contrôle et de la tra­ça­bi­li­té des dia­mants. Et c’est tout le milieu de l’in­dus­trie et du com­merce des dia­mants qui se trouve concerné.

Rôle des marchés mondiaux – Illustration par les cas particuliers du diamant et du coltan

Le diamant

Si le pro­blème des dia­mants » illi­cites » (dia­mants volés aux pro­duc­teurs légi­times, ou dia­mants issus de la petite mine allu­vion­naire arti­sa­nale, et pas­sés en contre­bande vers d’autres pays pour y être ven­dus) a tou­jours exis­té, il est deve­nu évident qu’une part impor­tante des dia­mants » illi­cites » n’est plus uti­li­sée pour le simple enri­chis­se­ment d’in­di­vi­dus ou de groupes, mais sert à finan­cer des guerres civiles longues et des groupes ter­ro­ristes. C’est ce qu’on appelle désor­mais les » Dia­mants conflic­tuels » (« Conflict Dia­monds »). Ils sont défi­nis comme des dia­mants pro­ve­nant de zones contrô­lées par des forces qui com­battent le gou­ver­ne­ment légi­time et inter­na­tio­na­le­ment recon­nu du pays concerné.

Les Nations Unies, qui avaient voté des embar­gos sur ces Dia­mants conflic­tuels d’An­go­la et de Sier­ra Leone, ont poin­té du doigt le carac­tère laxiste de cer­tains centres dia­man­taires (un dia­man­taire d’An­vers a admis, auprès d’Am­nes­ty Inter­na­tio­nal, en octobre 2000, trois mois après la réso­lu­tion du Conseil de Sécu­ri­té ban­nis­sant les dia­mants non cer­ti­fiés de Sier­ra Leone : » Si quel­qu’un me pro­pose un dia­mant à 30 % en des­sous de sa valeur, sus­pec­te­rai-je quelque chose ? Bien sûr. Ce sera pro­ba­ble­ment un Dia­mant conflic­tuel. L’a­chè­te­rai-je ? Bien sûr. Je suis ici pour faire des affaires. L’ai-je déjà fait ? Je ne peux vous le dire. »

L’offre de dia­mant par des » groupes para­mi­li­taires non légi­times » en Ango­la, RDC et Sier­ra Leone pour sou­te­nir leurs efforts de guerre est éga­le­ment dénon­cée par des Orga­ni­sa­tions non gou­ver­ne­men­tales (ONG) actives telles que » Glo­bal Witness « .

La socié­té De Beers, qui contrôle d’une manière ou d’une autre 65 % de la pro­duc­tion mon­diale offi­cielle de dia­mant brut, main­tient que ses dia­mants sont » propres « . Elle avait même offi­ciel­le­ment ces­sé tout achat de dia­mant ango­lais, met­tant en doute l’au­then­ti­ci­té ou l’hon­nê­te­té des cer­ti­fi­cats gou­ver­ne­men­taux. Elle estime que la valeur totale des » Dia­mants conflic­tuels » a été d’en­vi­ron 255 M$ en 1999, soit à peu près 4 % de la valeur brute de la pro­duc­tion annuelle mon­diale, de 6,8 mil­liards de dol­lars. Elle estime la répar­ti­tion à 150 M$ pour l’An­go­la (Uni­ta), 70 M$ pour la Sier­ra Leone (RUF), et 35 M$ pour la RDC.

Lavage artisanal de gravier diamantifère.
Lavage arti­sa­nal de gra­vier dia­man­ti­fère. PHOTO J.-F. LABBÉ

Comme De Beers, d’autres socié­tés ont effec­ti­ve­ment ces­sé d’a­che­ter des dia­mants, dans les pays en conflit, qui ne vien­draient pas de mines sous licence des gou­ver­ne­ments légi­times. Mais il y aura tou­jours des ache­teurs peu scru­pu­leux qui achè­te­ront des Dia­mants conflic­tuels à des prix dis­count et essaie­ront de les revendre comme des dia­mants légi­times. Et la cir­cu­la­tion des dia­mants est facile, étant don­né leur rap­port valeur sur masse : la valeur des dia­mants ango­lais est esti­mée en moyenne à 250 $ le carat (0,2 gramme), celle des dia­mants de Sier­ra Leone a 100 à 300 $, et ceux de RDC, dont une moindre pro­por­tion est de qua­li­té gemme, en moyenne à 31 $.

Il serait donc néces­saire de mettre au point soit des méca­nismes de cer­ti­fi­ca­tion d’o­ri­gine fiables, soit des méthodes scien­ti­fiques qui per­met­traient de déter­mi­ner avec pré­ci­sion l’o­ri­gine d’un dia­mant. Plu­sieurs ini­tia­tives ont été lan­cées, et plu­sieurs orga­nismes y travaillent.

Cer­tains ont pro­po­sé, au Congrès amé­ri­cain, que tout dia­mant de plus de 100 $ ven­du aux États-Unis ait un cer­ti­fi­cat d’o­ri­gine (sachant que les dia­mants de moins de 100 $ sont très petits, leur cer­ti­fi­ca­tion serait irréaliste).

Le mar­ché de détail du dia­mant pour­rait en effet être atteint si le public se met­tait à pen­ser que de nom­breux dia­mants sont en fait des Dia­mants conflic­tuels, et que cela condui­sait à un boy­cott d’en­ver­gure (voir ce qui est arri­vé au mar­ché de la fourrure).

Mais pour­rait-on iden­ti­fier l’o­ri­gine des dia­mants par leurs pro­prié­tés intrin­sèques, par leur » signa­ture natu­relle » ? Les pierres pré­cieuses contiennent des élé­ments traces (impu­re­tés en quan­ti­té infime) et des inclu­sions dont les signa­tures iso­to­piques peuvent être carac­té­ris­tiques. La recon­nais­sance de la pro­ve­nance des éme­raudes est main­te­nant fiable (méthode mise au point au CNRS-CRPG de Nancy).

Des recherches simi­laires pour­raient être envi­sa­gées pour les dia­mants, qui contiennent à l’é­tat de traces de l’a­zote, du bore, de l’a­lu­mi­nium, du sili­cium, etc. Les mesures iso­to­piques sur ces élé­ments pour­raient peut-être per­mettre d’a­bord d’ob­te­nir un pro­fil carac­té­ris­tique de chaque gise­ment, d’en éta­blir une banque de don­nées, puis de déter­mi­ner par com­pa­rai­son l’o­ri­gine des pierres ana­ly­sées. Fau­drait-il encore que ces mesures, si tou­te­fois elles prouvent leur effi­ca­ci­té, puissent se faire sans détruire le dia­mant ! Et qu’ap­pli­quer ces méthodes sur l’en­semble des dia­mants qui arrivent sur le mar­ché ait un coût supportable !

La recherche en ce domaine est encore bal­bu­tiante. Et il est peu pro­bable qu’on pour­ra dis­tin­guer par leur signa­ture natu­relle des dia­mants pro­ve­nant d’un même champ dia­man­ti­fère, mais de part et d’autre d’une fron­tière (comme le champ de Lun­da-Norte-Kasaï, à che­val sur l’An­go­la et la RDC).

Une autre solu­tion est la signa­ture arti­fi­cielle, le mar­quage au laser de la pierre pré­cieuse (« empreinte digi­tale » avec logo, chiffres spé­ci­fiques ou numé­ros séquen­tiels). Le pro­cé­dé doit être à la fois non des­truc­tif et spé­ci­fique, iden­ti­fiant la pro­ve­nance d’une mine ou d’une socié­té. C’est ce que viennent juste de lan­cer BHP-Dia­monds Inc. et Dia Met Mine­rals Ltd., sur la pro­duc­tion de leur mine d’E­ka­ti, au Cana­da : ces socié­tés ont annon­cé par un com­mu­ni­qué de presse du 11 avril 2001 qu’ils mar­que­raient désor­mais au laser leurs meilleurs dia­mants du logo d’E­ka­ti™ et d’un numéro.

En plus de l’ob­jec­tif de per­mettre le contrôle des Dia­mants conflic­tuels, de tels pro­jets de recherche et déve­lop­pe­ment auraient aus­si des inté­rêts scien­ti­fiques (signa­tures typo­lo­giques, banque de don­nées, métho­do­lo­gie) et com­mer­ciaux cer­tains : non seule­ment les gou­ver­ne­ments des pays pro­duc­teurs et les socié­tés minières pour­raient mon­trer leur confor­mi­té avec les res­tric­tions des Nations Unies, mais les primes d’as­su­rance liées au trans­port et aux vols pour­raient être dimi­nuées. Et les centres de taille, les grands bijou­tiers comme les ache­teurs finaux pour­raient être tran­quilli­sés par des fiches iden­ti­taires de pro­ve­nance fiables.

Le coltan

Le col­tan est le nom don­né dans la région des Grands Lacs (Kivu en RDC, Rwan­da) à la colom­bo-tan­ta­lite, le nio­bo-tan­ta­late natu­rel de fer et de man­ga­nèse [(Fe, Mn) (Nb, Ta)2O6], le nio­bium et le tan­tale étant en pro­por­tion variable, avec une pro­por­tion moyenne de 30 % de tan­tale envi­ron pour le col­tan des Grands Lacs, soit une teneur en tan­tale plu­tôt élevée.

Prix de l’oxyde de tantale à LondresC’est un miné­ral qui se trouve essen­tiel­le­ment dans des peg­ma­tites et des gra­nites albi­ti­sés, et qu’on retrouve ensuite aus­si dans les gise­ments allu­vion­naires. C’est une source majeure de tan­tale, ain­si qu’un impor­tant mine­rai de nio­bium (à côté du pyrochlore).

Le nio­bium est de plus en plus uti­li­sé pour des aciers spé­ciaux, mais c’est sur­tout la demande en tan­tale qui a explo­sé ces der­nières années, en par­ti­cu­lier pour les conden­sa­teurs minia­tu­ri­sés des télé­phones portables.

Le col­tan est extrait arti­sa­na­le­ment des col­lines et des allu­vions du Kivu par des mineurs arti­sa­naux, puis ven­du sur les mar­chés de Buka­vu, où le RCD (Ras­sem­ble­ment congo­lais pour la démo­cra­tie) et son allié rwan­dais viennent d’at­tri­buer un mono­pole d’a­chat et d’ex­por­ta­tion à la SOMIGL (Socié­té Minière des Grands Lacs). Le mar­ché devient hau­te­ment lucratif.

Avec l’ac­crois­se­ment de la demande, le prix de l’oxyde de tan­tale conte­nu a grim­pé de 100 $/kg début 2000 à plus de 550 $/kg en mars 2001 (310 à 350 $/kg pour le concen­tré à 60 % de Ta2O5, voir figure 1 ci-des­sus) en mars 2001. Le col­tan serait ache­té sur place de 30 à 100 $/kg (Mining Jour­nal, jan­vier 2001), puis trans­por­té au Rwan­da, concen­tré et expor­té avec la pro­duc­tion nationale.

La pro­duc­tion de la région (Kivu, Rwan­da et Burun­di) repré­sen­te­rait envi­ron 10 % de la pro­duc­tion mon­diale de tan­tale (laquelle était de l’ordre de 1 000 t de Ta2O5 en 1998).

Comme pour les dia­mants et l’or, les civils pro­fitent peu de ces richesses, et les béné­fices du busi­ness du col­tan servent sur­tout à l’en­ri­chis­se­ment des groupes rebelles et de leurs spon­sors, ain­si qu’au finan­ce­ment de leurs armes et de leurs troupes, ce qui a conduit le jour­na­liste Jean-Pierre Boris à dire, en rac­cour­ci : » Pensez‑y : chaque fois que vous allu­mez votre télé­phone por­table ou votre micro-ordi­na­teur, vous appuyez sur la gâchette d’une arme auto­ma­tique quelque part en Afrique centrale. »

Considérations pour l’avenir

Réfé­rences

Afri­can Mining Bul­le­tin, article du 23 mars 2001.
► Assem­blée géné­rale des Nations Unies, décembre 2000. Réso­lu­tion sur les » Conflict Diamonds « .
Afri­can Mining Intel­li­gence. Articles du 301, 1701, 3101, 2802, 1403 et 28/03/2001.
► BRGM (2000, 2001). Mile­si Jean-Pierre et al., SIG-Afrique. (Docu­ment interne BRGM).
► Conseil de sécu­ri­té des Nations Unies, mars 2000. Rap­port de la Com­mis­sion d’en­quête inter­na­tio­nale sur la vio­la­tion des sanc­tions du Conseil de Sécu­ri­té contre l’Unita.
► Conseil de sécu­ri­té des Nations Unies, jan­vier 2001. Rap­port inté­ri­maire de la Com­mis­sion d’en­quête inter­na­tio­nale sur l’ex­ploi­ta­tion illé­gale des res­sources natu­relles et autres richesses de la RDC (NDLA : le rap­port final n’a pas encore été libé­ré et n’a pas pu être obte­nu à la date de la rédaction.)
► Glo­bal Wit­ness, juin 2000 : Conflict Dia­monds.
► Hoc­quard Chris­tian (BRGM) (mars 2001). » Recherches et docu­men­ta­tion sur le finan­ce­ment des conflits afri­cains par les richesses minières » (docu­ment interne).
► Inter­na­tio­nal Cri­sis Group, 16 mars 2001. From Kabi­la to Kabi­la. Pros­pects for peace in the Congo. Report and recommendations.
Mining Jour­nal, articles des 10/09/1999, 1/10/1999, 9/01/2001, 26/01/2001, 16/03/2001.
Le Monde (29÷12÷2000). Smith Ste­phen, » Vingt-cinq ans de vio­lence en Angola « .
Le Monde (9÷02÷2001). Smith Ste­phen et Gla­ser Antoine, » Ces enfants-sol­dats qui ont tué Kabila « .
Le Monde (22÷03÷2001). » Pour Afsa­né Bas­sir. Alliés et enne­mis du Congo se livrent au » pillage sys­té­ma­tique » de ses richesses « .
Le Monde (5÷04÷2001). Smith Ste­phen, » Fan­fare pour les Casques bleus séné­ga­lais au cœur du Congo « .
Le Monde (5÷04÷2001). » Joseph Kabi­la accé­lère ses réformes « .
Le Monde Diplo­ma­tique (6÷02÷2001). Ley­ma­rie Phi­lippe, » Vers la fin de la pre­mière guerre » africaine « .
► PNUD (1999). Schwartz Daniel et Singh Ash­bin­du. Envi­ron­men­tal Condi­tions, Resources and Conflicts. An Intro­duc­to­ry Over­view and Data Collection.
Le Règne Miné­ral, mars-avril 2001. Gou­jou Jean-Chris­tian, » Le dia­mant et ses paradoxes « .
► Socié­té de l’In­dus­trie Miné­rale. Annuaire sta­tis­tique mon­dial des Mine­rais et Métaux – Annuaire 1999, et Annuaire 2000 (en préparation).
► BHP Dia­monds Inc. press release (11÷04÷2001). Eka­ti™ becomes the first dia­mond mine in the world to brand and cer­ti­fy ori­gin of its top gem­stones.

Les conflits ango­lais et sier­ra-léo­nais ont décru en acui­té, et on peut espé­rer que, sous réserve d’un main­tien de la fer­me­té de la com­mu­nau­té inter­na­tio­nale, le conflit ango­lais fini­ra par se dis­soudre. Le conflit sier­ra-léo­nais, qui a com­men­cé récem­ment à débor­der en Gui­née, sera cepen­dant plus dif­fi­cile à éteindre tant que le Libe­ria voi­sin ne fera pas plei­ne­ment res­pec­ter sur son ter­ri­toire les mesures inter­na­tio­nales et per­met­tra la sor­tie illé­gale des dia­mants qui financent le RUF.

Le conflit congo­lais ne pour­ra prendre la voie de l’a­pai­se­ment que si la com­mu­nau­té inter­na­tio­nale main­tient sa pres­sion pour que les signa­taires des accords de Lusa­ka, les pays étran­gers qui main­tiennent des troupes en RDC, res­pectent leurs enga­ge­ments et conti­nuent le retrait de leurs troupes, et si les Nations Unies par­viennent à assu­rer un calme qui per­met­tra aux dif­fé­rentes fac­tions congo­laises de négocier.

On ne pour­ra pas faci­le­ment éli­mi­ner les tra­fics illé­gaux de dia­mants par des groupes mafieux, pas plus qu’on ne peut éli­mi­ner les tra­fics de drogues.

Mais au moins serait-il moral que les États, en par­ti­cu­lier occi­den­taux, les socié­tés minières et les dia­man­taires qui ont pignon sur rue ne s’as­so­cient pas à ces tra­fics, même par omis­sion, amé­liorent toutes les mesures pos­sibles pour assu­rer la tra­ça­bi­li­té et le carac­tère éthique de leurs dia­mants, et favo­risent les efforts de recherche en ce sens.

Fina­le­ment, on en arrive à ce que les richesses miné­rales, sou­vent décou­vertes et mises en valeur grâce à l’aide au déve­lop­pe­ment des pays indus­tria­li­sés, servent à finan­cer la des­truc­tion de ces pays sur les plans humain, social, éco­no­mique et aus­si environnemental.

Et si les par­ties en conflit conti­nuent à s’ar­mer et à détruire leur pays, c’est parce que d’une part il se trouve des agents exté­rieurs au conflit pour ache­ter les richesses minières pro­duites et les conver­tir, soit direc­te­ment en armes et muni­tions, soit en dol­lars qui ser­vi­ront à payer les armes, les muni­tions, les sol­dats et les mer­ce­naires, et que d’autre part, il se trouve des pays fabri­cants d’armes et de muni­tions pour leur en vendre, soit ouver­te­ment, soit par des inter­mé­diaires plus ou moins obscurs.

Il ne fau­drait tou­te­fois pas extra­po­ler ces juge­ments à l’en­semble de l’ac­ti­vi­té minière. Il convient de rap­pe­ler que, par exemple au Bots­wa­na et en Nami­bie, ce sont pré­ci­sé­ment les reve­nus des dia­mants qui ont per­mis la fon­da­tion de la crois­sance éco­no­mique et la sta­bi­li­té. C’est l’ac­ti­vi­té minière qui a fait de l’A­frique du Sud le pays le plus déve­lop­pé du conti­nent (même si son déve­lop­pe­ment n’a pas été tou­jours éta­bli sur des bases bien morales). L’Aus­tra­lie et le Cana­da doivent aus­si une grande par­tie de leur richesse à leurs res­sources minérales.

N’ou­blions pas non plus que, sans ses mines, l’Eu­rope n’au­rait pas connu la révo­lu­tion indus­trielle qui a per­mis le décol­lage de son éco­no­mie moderne. Les Euro­péens ont d’ailleurs aus­si, en leur temps, uti­li­sé ces richesses minières (fer et char­bon, sur­tout) pour se concur­ren­cer, fabri­quer et finan­cer leurs armées et leurs armes puis s’entre-mas­sa­crer. Et ce n’est donc pas un hasard si, pour mettre un terme à leurs que­relles, c’est sur le char­bon et l’a­cier que les Euro­péens ont com­men­cé à s’associer.

Ain­si la mise en valeur des richesses minières des pays peut aus­si être une base solide au démar­rage de leur déve­lop­pe­ment. Le sou­tien des pays indus­tria­li­sés à ceux du Sud pour le déve­lop­pe­ment de leurs richesses minières reste donc impor­tant, et pas seule­ment pour assu­rer l’ap­pro­vi­sion­ne­ment de nos éco­no­mies dans les matières pre­mières indis­pen­sables ; à condi­tion tou­te­fois que ce sou­tien se fasse avec des exi­gences éthiques de res­pect des droits de l’homme, de la paix, et de l’en­vi­ron­ne­ment, dans l’op­tique d’un déve­lop­pe­ment durable.

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1. Au sens large, le terme de Cop­per Belt ayant été don­né ini­tia­le­ment à la par­tie anglo­phone (désor­mais zam­bienne) de la cein­ture de gise­ments de cuivre s’étendant de la Zam­bie au Katan­ga, dans le sud-est de la RDC.
2. Socié­té essen­tiel­le­ment contrô­lée par le gou­ver­ne­ment de Kin­sha­sa, et dans laquelle une grande banque fran­çaise détient des inté­rêts suite à la prise de contrôle de groupes finan­ciers belges et français.
3. Bak­wan­ga est l’ancien nom de Mbuji-Mayi.
4. Mais ce Rap­port final n’a pas encore été mis en cir­cu­la­tion au moment de la rédac­tion de cet article, et n’a pas été vu par l’auteur.

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