Conjuguer services, souveraineté et décarbonation
Notre camarade, qui dirige Safran Helicopter Engines, nous présente son projet d’entreprise et sa stratégie de développement.
Toutes les neuf secondes, quelque part dans le monde, un hélicoptère motorisé par Safran décolle pour accomplir sa mission. Il peut s’agir d’un sauvetage en mer, du transport d’un blessé vers un hôpital, d’une dépose d’un commando en terrain hostile ou plus simplement d’un vol de découverte au-dessus du Grand Canyon. Chaque mission en hélicoptère a ses spécificités et ses contraintes. Compte tenu de l’environnement exigeant de ses clients, la responsabilité de Safran Helicopter Engines est de fournir des moteurs sûrs, performants et fiables dans toutes les situations. La sécurité et la satisfaction de l’utilisateur sont des exigences pour lesquelles il n’est pas possible de transiger et qui modèlent l’ensemble de son activité.
REPÈRES
Turbomeca (devenu Safran Helicopter Engines en 2016) a été fondé il y a plus de 80 ans par l’ingénieur polonais Joseph Szydlowski et est établi depuis 1942 au pied des Pyrénées à Bordes, près de Pau. Dès 1955, le moteur Artouste de Turbomeca propulse l’Alouette II, tout premier hélicoptère à turbine au monde produit en série. Safran est aujourd’hui leader mondial par le nombre de moteurs d’hélicoptère vendus par année, avec plus de 75 000 moteurs produits et plus de 100 millions d’heures de vol cumulées. Au même titre que la société sœur Safran Aircraft Engines (ex-Snecma), l’entreprise est un acteur de la souveraineté nationale et européenne, puisqu’elle est capable de concevoir, produire et soutenir, de bout en bout, un moteur aéronautique sur le territoire français.
Partenaire de tous les hélicoptéristes
Du positionnement historique de l’entreprise résulte la gamme de moteurs d’hélicoptère la plus complète du marché. Elle s’articule autour de six familles de moteurs. Parmi les familles plus récentes figurent l’Arrano (1 100 à 1 300 chevaux) destiné aux hélicoptères légers et moyens, l’Ardiden (1 400 à 2 000 chevaux) pour les appareils de tonnage moyen et l’Aneto (2 500 à plus de 3 000 chevaux) destiné aux hélicoptères supermoyens et lourds. À cela s’ajoute la gamme en service avec l’Arrius, l’Arriel, le Makila et le RTM322, que nous continuons de faire évoluer. Cette diversité de modèles constitue une offre commerciale complète qui répond aux besoins de la quasi-totalité des nouveaux hélicoptères lancés ces dernières années.
80 % de l’activité de l’entreprise est ainsi réalisée à l’export. Au-delà d’un partenariat vivant et structurant avec Airbus, nous avons noué, au fil des ans, des liens solides avec l’ensemble des grands hélicoptéristes du marché. Safran équipe aujourd’hui les modèles récents d’hélicoptères de Bell aux États-Unis, Leonardo en Italie, HAL en Inde, Russian Helicopters en Russie, Avic en Chine ou bien encore KAI en Corée du Sud.
Deux crises en cinq ans
Cette diversification de notre portefeuille de clients hélicoptéristes contribue à la résilience de l’entreprise sur un marché de l’hélicoptère qui a traversé plusieurs crises. La chute des prix du pétrole impactait directement l’activité importante des opérateurs de transport pétrolier en 2016. En 2020, c’est la crise sanitaire mondiale qui porte un coup au marché des voilures tournantes, avec une baisse de la demande et des heures de vol. En résulte un marché dont le périmètre s’est réduit et sur lequel la concurrence, exclusivement américaine, est exacerbée.
Dans cette période de turbulence, Safran Helicopter Engines s’appuie sur la robustesse de son positionnement de marché pour tenir son cap stratégique « s’adapter pour investir ». Mon objectif est d’adapter l’entreprise à la nouvelle donne du marché pour renforcer sa compétitivité. Investir pour ouvrir à ses clients l’espace de l’aviation décarbonée et d’une nouvelle expérience des services rendue possible par la transformation digitale.
Le meilleur du meilleur pour nos clients
Si le développement et la production de moteurs neufs constituent le socle de notre activité, les services de maintenance et d’après-vente représentent plus des deux tiers de l’activité. Pionnier des contrats de service à l’heure de vol dès la fin des années 70, l’entreprise offre aujourd’hui à ses clients civils comme militaires des solutions de services à très haute valeur ajoutée par le biais de ses douze filiales à travers le monde. Ce défi est exigeant du fait d’une structuration particulière de notre clientèle service.
Les trois quarts de nos 2 500 clients opérateurs possèdent moins de cinq hélicoptères et 80 % de leurs missions sont à haute valeur sociétale : transport médical d’urgence, protection des populations, sauvetage en mer ou en montagne, police, travail aérien, et bien entendu le militaire qui constitue 40 % de nos clients. Cette pluralité des missions des clients, leur éparpillement géographique et le caractère bien souvent critique de leurs missions exigent du fournisseur une proactivité sans faille.
« Nous proposons une gamme complète de services digitaux
comme notre service de maintenance prédictive via le suivi des données de santé du moteur. »
Cet engagement d’apporter « le meilleur du meilleur » à nos clients (qui se retrouve dans notre devise d’entreprise « toujours plus réactifs et engagés ») se traduit par une structuration de notre réseau de soutien dont le centre névralgique est le site de Tarnos dans le Sud-Ouest. Entièrement modernisé l’an dernier par un investissement de 50 millions d’euros, ce site est le vaisseau amiral de notre réseau mondial de support. Au-delà des douze filiales à travers le monde, ce réseau s’appuie également sur des partenaires agrées, sociétés tierces de maintenance, stations-service et distributeurs de pièces détachées, qui complètent notre offre de services de proximité.
En complément de nos contrats à l’heure de vol (Support-By-Hour ou SBH®) qui s’apparentent pour nos clients à des contrats d’assurance, nous proposons également une gamme complète de services digitaux comme notre service de maintenance prédictive via le suivi des données de santé du moteur (Health Monitoring) ou notre gamme de services web de logistique, documentation technique ou assistance vidéo à distance (Expert Link).
Indispensable maintien de l’activité
La nécessité d’être présent aux côtés de nos clients s’est révélée encore plus prégnante avec la crise Covid-19. Dès les premiers jours de la crise sanitaire début 2020, nous avons collectivement fait le choix de donner la priorité à la protection des équipes contre le virus afin de garantir la pleine et entière continuité d’activité au service de nos clients. Les équipes ont su très rapidement réinventer les environnements de travail tertiaire et de production au moyen de protocoles de sécurité sanitaire drastiques.
Un simple coup d’œil aux journaux télévisés le montre : que ce soit pour la crise sanitaire et le transfert de patients entre hôpitaux, l’aide aux populations durant les intempéries, la lutte contre le terrorisme qui dans le même temps se poursuit au Sahel, l’hélicoptère contribue à la réalisation de missions essentielles. La culture du client est devenue la culture de l’entreprise et elle est reconnue internationalement. En juillet 2020, au cœur de la crise Covid-19, le magazine américain Vertical, référence de la presse spécialisée, attribuait à notre société la première place dans son enquête de satisfaction clients, dans le domaine de la motorisation d’hélicoptères et des services associés. Beau témoignage de reconnaissance de l’engagement des équipes !
Être acteur de souveraineté nationale et européenne
L’État français est par ailleurs notre premier client, avec plus de 1 600 moteurs motorisant environ 550 hélicoptères au service de l’aviation légère de l’armée de terre, l’armée de l’air, la Marine nationale, la sécurité civile, la Gendarmerie nationale, les douanes et la DGA Essais en vol. Tous nos moteurs sont représentés dans les flottes françaises : le Makila (Cougar, Caracal), le RTM322 (NH90), le MTR390 (Tigre) ou bien encore l’Arriel (H145 et Écureuil de la gendarmerie et la sécurité civile). Et demain c’est l’Arrano qui équipera le H160M Guépard, qui renouvellera une partie du parc français.
L’ensemble de ces 1 600 moteurs font l’objet de contrats de soutien appelés MCO (maintien en condition opérationnelle). Le premier contrat de ce type, signé en 2001 et renouvelé tous les dix ans, assure un haut niveau de performance et de disponibilité à l’État français, dans une enveloppe budgétaire maîtrisée. En liaison étroite avec la direction de la maintenance aéronautique (DMAé) et la direction générale de l’armement (DGA), nous assurons depuis douze ans un taux de service de 100 % pour les 1 600 moteurs d’hélicoptères des forces françaises, en métropole, outre-mer ou en opérations extérieures. Le concept de MCO est un modèle en termes de performance et de coût. Nous avons exporté ce modèle à d’autres clients étatiques comme la Grande-Bretagne, l’Allemagne, les États-Unis, le Brésil ou Singapour.
Décarboner l’hélicoptère
L’impératif de réduction de l’empreinte environnementale de nos moteurs et l’effort de baisse de consommation en carburant sont présents depuis longtemps. Ainsi, entre l’Artouste de l’Alouette II, certifié en 1955, et l’Arrano du H160 d’Airbus, qui entrera en service cette année, la consommation en carburant a été réduite de moitié avec, dans le même temps, le triple de puissance, et tout cela à iso-encombrement. Pour autant, le défi environnemental actuel impose de se positionner en rupture.
Avec l’ensemble des sociétés de Safran, nous souscrivons avec détermination à l’ambition d’une aviation neutre en carbone d’ici 2050. L’hélicoptère a certes une part minoritaire dans les émissions du transport aérien : il représente 2 % des émissions de l’ensemble de la filière, soit moins de 0,02 % des émissions de CO2 à l’échelle globale. Mais l’hélicoptère doit faire sa part en direction d’un monde décarboné et inscrire son existence dans la durée. À ce titre, en tant que motoriste, nous sommes directement concernés et engagés dans la décarbonation de rupture.
La dynamique qui a abouti au dernier-né de nos moteurs certifiés, l’Arrano, va continuer dans les prochaines années et nous visons de 15 % à 20 % de baisse de consommation supplémentaire d’ici 2030, ce qui va réduire les émissions et permettre également d’abaisser les coûts d’opération du moteur. Cette efficacité énergétique en rupture se combinera avec des solutions innovantes comme l’hybridation, qui consiste à électrifier le système propulsif. En complément à l’hybridation, l’introduction de carburants alternatifs à bilan carbone favorable, comme les biocarburants ou les carburants de synthèse, viendra progressivement remplacer le kérosène d’origine fossile. C’est ce qui a été présenté dans l’article de Philippe Lagarde.