Conservatoire du littoral : l’objectif du tiers sauvage
Le sens de l’action du Conservatoire du littoral s’inscrit, avec force, dans sa dénomination même. Sur cette ligne étroite, à la frontière de la terre et de la mer où, laissé à lui-même, le développement des activités et des convoitises conduit à la disparition ou à la banalisation des espaces de nature. Sa mission est d’intervenir sur le terrain, avec les moyens d’une agence foncière publique, pour préserver l’avenir.
REPÈRES
Établissement public national créé par la loi du 10 juillet 1975, le Conservatoire du littoral a pour mission de sauvegarder, en partenariat avec les collectivités territoriales, les espaces naturels, côtiers ou lacustres, d’intérêt biologique et paysager. Son objectif est de garantir, à l’horizon 2050, la transmission aux générations futures d’un patrimoine naturel, terrestre et maritime, représentant le « tiers sauvage » des rivages de la France métropolitaine et d’outre-mer. Fin décembre 2008, en France métropolitaine et outre-mer, 124000 hectares sur près de 600 sites sont sous la protection du Conservatoire du littoral et de ses partenaires, dont 80 000 hectares à la suite d’acquisitions.
Ce domaine terrestre et maritime représente en métropole plus de 1 000 km de rivages soit 11% du linéaire côtier.
Bonne Anse (Charente-Maritime).
© Marc Deneyer/Conservatoire du littoral
L’action du Conservatoire répond à des enjeux de société fondamentaux : prévenir la perte irréversible d’un capital biologique, esthétique et identitaire en constituant, année après année, un patrimoine de biens protégés et inaliénables ; permettre la restauration et l’aménagement de paysages et d’écosystèmes terrestres ou marins ; autoriser le libre accès de tous aux rivages ; contribuer à la recherche et au partage des connaissances scientifiques que les changements en cours appellent.
Autoriser le libre accès de tous aux rivages
Cette action ne peut être ponctuelle ou solitaire. Elle s’appuie sur une vision partagée et un partenariat de longue durée avec les gestionnaires des terrains du Conservatoire que sont les collectivités territoriales, les associations et les établissements publics, ainsi qu’avec les fondations et entreprises qui apportent leur soutien à cette grande cause nationale de la préservation du littoral.
Un fonctionnement décentralisé et des financements divers
Le Conseil d’administration délibère sur les grandes orientations de l’établissement public et autorise les opérations. Neuf conseils de rivages, organisés par grande façade littorale et composés d’élus, donnent leur avis sur les programmes de restauration et d’aménagement ainsi que sur les projets de partenariat.
Un conseil scientifique apporte sa capacité d’évaluation et d’expertise. Le Conservatoire a son siège à la Corderie royale de Rochefort (Charente-Maritime). Il dispose de bureaux à Paris et s’appuie sur 10 délégations de rivages.
Prévenir la perte irréversible d’un capital biologique, esthétique et identitaire
Il compte moins de 150 agents, dont une trentaine sont mis à disposition par ses partenaires locaux ou nationaux.
Pour l’année 2008, le budget du Conservatoire s’est élevé à 50 millions d’euros dont la plus grande part (36 millions d’euros) est le produit du droit de francisation et de navigation des navires, attribué par l’État à l’établissement public depuis le 1er janvier 2006. Les financements complémentaires proviennent des collectivités territoriales, de l’Union européenne et des Agences de l’eau.
Enfin, le Conservatoire bénéficie d’actions de mécénat et reçoit de nombreux dons en espèces et des donations de particuliers ainsi que des terrains remis en dation en paiement de droits de succession ou de l’impôt sur la fortune.
Quatre critères pour intervenir
Le Conservatoire ne peut prétendre agir partout ou tout acheter. À l’intérieur de périmètres géographiques cartographiés et présentés selon un ordre de priorité, quatre critères ont été retenus :
- lorsqu’un espace naturel d’intérêt patrimonial est soumis, malgré une réglementation protectrice, à des pressions constantes qui menacent son intégrité (implantation de cabanes, de résidences « mobiles » de loisirs, demandes réitérées de permis de construire ou de révision des documents d’urbanisme, etc.) ;
- lorsqu’un site naturel, terrestre ou maritime, subit un processus d’appauvrissement et de banalisation (circulation désordonnée des voitures ou des bateaux, prélèvements incontrôlés des ressources naturelles) et qu’il est nécessaire d’organiser la fréquentation et les usages pour restaurer sa richesse écologique et esthétique ;
- lorsqu’un lieu, reconnu comme emblématique, est inaccessible au public et qu’il apparaît souhaitable de l’ouvrir ou de prévenir sa fermeture ;
- lorsque, enfin, la maîtrise foncière publique est la condition de la pérennité d’activités économiques traditionnelles, notamment agropastorales, qui participent à la gestion de la diversité paysagère et biologique du littoral (élevage extensif dans les zones humides, viticulture dans les espaces méditerranéens exposés à l’incendie, etc.).
Autoriser des usages durables et respectueux des milieux naturels
Tous ces critères appellent, peu ou prou, des mesures de restauration et d’aménagement des sites dans le prolongement de leur acquisition ou de leur attribution au Conservatoire. Le sens profond de l’intervention foncière apparaît alors : acquérir ou recevoir en affectation non pas tant pour interdire, c’est là le rôle de la réglementation, que pour réguler des activités ou autoriser des usages durables et respectueux des milieux naturels.
Des actions en partenariat avec les collectivités locales
Comme le prévoit la loi, le Conservatoire exerce ses responsabilités de propriétaire (ou de représentant de l’État propriétaire) en partenariat étroit avec : les collectivités territoriales (communes ou groupement de communes, départements, régions) auxquelles est confiée en priorité la gestion du domaine par convention ;
Éviter que le bien de tous soit perçu comme n’appartenant à personne
les établissements publics comme le Parc national de Port-Cros ou, pour le domaine Public maritime, l’Agence des aires marines protégées ; enfin, les associations agréées, comme la Ligue pour la protection des oiseaux ou la Société nationale de protection de la nature. Près de 600 gardes et agents du littoral, pris en charge par les gestionnaires, assurent ainsi la surveillance, l’entretien et l’animation des sites. Le patrimoine terrestre et maritime du Conservatoire est géré selon une philosophie d’action inspirée de :
- la conviction de l’intérêt, théorique et pratique, d’une démarche interdisciplinaire et multipartenariale fondée sur la reconnaissance partagée des richesses naturelles, culturelles et sociales des territoires, y compris de leur originalité immatérielle qui s’exprime dans » l’esprit des lieux « . C’est ainsi que près d’un millier de conventions d’usage ont été conclues par le Conservatoire avec des exploitants (agriculteurs, éleveurs, conchyliculteurs, sauniers), qui poursuivent, ou renouvellent, des usages traditionnels considérés, non pas de manière muséologique, mais comme des usages contemporains vivants ;
- l’obligation, sur un littoral de plus en plus fréquenté, d’éviter que ce qui est désormais le bien de tous soit perçu comme n’appartenant à personne. Cette nécessaire » prise de possession » s’appuie sur l’élaboration, pour chaque unité biogéographique, d’un plan de gestion ou de tout autre document conçu comme un projet spatial global, prenant en compte la dynamique de la biodiversité comme le caractère sensible et historique des paysages et du patrimoine bâti. Les travaux de restauration et d’aménagement, ainsi étudiés avec soin, doivent avoir des effets mesurés, réversibles et, dans toute la mesure du possible, peu apparents. Leur pérennité repose, pour une large part, sur la libre adhésion du public à des valeurs de responsabilité et de partage que le Conservatoire s’attache à diffuser.