Eqiom : la construction à l'ère de la décarbonation

Construction : « Nous rentrons dans l’ère de la décarbonation »

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°780 Décembre 2022
Par Roberto HUET

Avec près de 23 % des émis­sions natio­nales de gaz à effet de serre (GES), le bâti­ment et plus lar­ge­ment le sec­teur de la construc­tion sont au cœur de la tran­si­tion envi­ron­ne­men­tale. Les four­nis­seurs de maté­riaux accom­pagnent acti­ve­ment cette muta­tion. Rober­to Huet, CEO d’EQIOM, nous explique les enjeux de la pro­fes­sion et com­ment son entre­prise s’inscrit posi­ti­ve­ment dans la démarche.

Quels sont les enjeux carbone de la construction en France ?

La construc­tion couvre à la fois le bâti­ment, les ouvrages d’art et la voi­rie aus­si bien dans le neuf que pour la réno­va­tion. Le sec­teur pèse envi­ron 200 mil­liards d’euros soit 10 % du PIB et le bâti­ment, à lui seul, repré­sente près de 23 % des émis­sion des gaz à effet de serre (GES) dont 80 % sont liées à la phase d’usage (éner­gie) et 20 % à la phase tra­vaux. Sur la base des objec­tifs de la stra­té­gie natio­nale bas car­bone, les pou­voirs publics ont intro­duit pour la pre­mière fois dans l’histoire un seuil maxi­mum d’émissions par mètre car­ré construit. Cette nou­velle règle­men­ta­tion, la RE2020, doit sou­te­nir et encou­ra­ger la décar­bo­na­tion du sec­teur. Ce texte donne des points de pas­sage notam­ment en 2030 et va influer sur les solu­tions construc­tives et, par consé­quent, sur les maté­riaux qui les consti­tuent. Par exemple, le béton, très uti­li­sé dans la construc­tion pour ses capa­ci­tés pro­téi­formes et son faible coût éco­no­mique, devra pous­ser plus sa décar­bo­na­tion pour s’assurer un pas­sage des seuils de la RE2020 à hori­zon 2030. 

Sur le plan euro­péen, l’arrivée du Green Deal et de ses objec­tifs à 2030 (Fit for 55) ain­si que l’augmentation du coût du car­bone sur le mar­ché des quo­tas en 2021 et 2022 consti­tuent des élé­ments contex­tuels déter­mi­nants, que nous ne pou­vons igno­rer dans notre stra­té­gie et dans la conduite de nos activités. 

Comment l’industrie cimentière peut-elle répondre à ces enjeux ?

Le béton est un liant hydrau­lique à base de ciment, de sables, de gra­nu­lats. Il faut donc tra­vailler sur toute la chaîne de valeur en com­men­çant par le ciment qui est le com­po­sant le plus émis­sif en CO2. Il repré­sente 2 % des émis­sions natio­nales de GES. 

Pour cela il faut agir en pre­mier lieu sur le pro­ces­sus de pro­duc­tion du ciment. La pro­duc­tion du clin­ker, le com­po­sant prin­ci­pal du ciment, génère de l’ordre de 700 à 800 kg CO2/tonne de clin­ker pro­duite. 40 % de ces émis­sions sont liées à la pro­duc­tion d’énergie et 60 % au pro­ces­sus de fabri­ca­tion inhé­rent à la trans­for­ma­tion de la matière pre­mière. S’il est pos­sible de réduire ces 40 pre­miers pour­cents en sub­sti­tuant des com­bus­tibles fos­siles (char­bon, coke de pétrole) par des déchets ména­gers ou issus de la bio­masse, les 60 % res­tants néces­sitent un tra­vail plus com­plexe sur le plan tech­no­lo­gique. Il est ain­si pos­sible de rem­pla­cer le clin­ker par des sous-pro­duits de l’industrie, tels que le lai­tier, ce que fait EQIOM depuis plus de vingt ans, de valo­ri­ser des miné­raux par­tiel­le­ment décar­bo­nés (argiles) et/ou de conce­voir et déployer des tech­no­lo­gies dites de rup­ture afin de cap­ter, valo­ri­ser ou sto­cker les émis­sions qui ne peuvent être évitées. 

L’industrie cimen­tière étu­die et met déjà en œuvre bon nombre de ces solu­tions à des degrés d’avancement divers. Cela a contri­bué à bais­ser l’impact CO2 de plus de 40 % par rap­port à 1990.

Au-delà de ces élé­ments, je tiens à pré­ci­ser que la réduc­tion des GES ne se limite pas qu’au pro­ces­sus, aux pro­duits et à leurs empreintes car­bone. Elle néces­site aus­si une pro­fonde réflexion sur l’éco-conception, les bonnes for­mu­la­tions pour les bons usages : les pos­si­bi­li­tés d’optimisation en matière de struc­tures sont impor­tantes et un tra­vail sur l’ensemble des scopes (éner­gie, livrai­son…) est éga­le­ment nécessaire. 

Quelles sont les solutions et actions mises en place par EQIOM ?

EQIOM est pré­sent en France depuis plus de cent ans et a une longue expé­rience indus­trielle dans la fabri­ca­tion de ciment. Notre entre­prise s’est pen­chée sur l’optimisation de l’ensemble de la chaîne de valeur de la construc­tion (fabri­ca­tion, livrai­son, mise en œuvre) depuis plu­sieurs années, ce qui per­met d’inscrire bon nombre de nos actions dans une tra­jec­toire ambi­tieuse de décar­bo­na­tion : nous visons 437 kgCO2/ t de ciment vs 850 kg CO2/ t de ciment (base 1990) dès 2030. 

Grâce à notre filiale SAPPHIRE, qui traite et met à dis­po­si­tion des déchets valo­ri­sés en cimen­te­rie, EQIOM affiche un taux de sub­sti­tu­tion des com­bus­tibles fos­siles de plus des deux tiers ce qui nous place comme lea­der dans la pro­fes­sion (pour une moyenne natio­nale de 43 % en 2019). Notre objec­tif est d’atteindre plus de 80 % avant 2030.

Au niveau de ses gammes ciments et bétons, EQIOM est le lea­der des ciments com­po­sés, c’est-à-dire des pro­duits opti­mi­sant le taux d’utilisation du clin­ker dans les ciments et donc l’empreinte car­bone. Enfin, au tra­vers de ses acti­vi­tés gra­nu­lat, EQIOM déve­loppe son acti­vi­té de recy­clage et de valo­ri­sa­tion des déblais. 

Il convient aus­si de ne pas oublier la logis­tique, maillon indis­pen­sable d’acheminement des maté­riaux au plus proche des mar­chés et jusqu’au chan­tier. Dans ce domaine, EQIOM, membre de FRET 21, mul­ti­plie les ini­tia­tives, en favo­ri­sant le trans­port mul­ti­mo­dal, en ayant recours à une flotte de camions citernes fonc­tion­nant au bio­gaz ou encore en encou­ra­geant une flotte de « tou­pies » moderne (EURO 6). Toutes ses actions sont regrou­pées sous la ban­nière EQIOM R, qui per­met de rendre visibles et tan­gibles nos actions auprès des par­ties prenantes.

Nous accor­dons aus­si une place impor­tante à l’innovation aus­si bien au niveau des pro­duits que des pro­cess. Nous nous appuyons sur notre labo­ra­toire com­plet et très bien équi­pé de Lille ain­si que sur notre direc­tion tech­nique. Nous tra­vaillons sur des tech­no­lo­gies de rup­ture, par exemple la cap­ta­tion du CO2 issu du pro­cess de pro­duc­tion. Nous avons d’ailleurs été récom­pen­sés par le fonds euro­péen pour l’innovation en 2021 pour notre Pro­gramme K6 sur l’usine de Lumbres. Grâce à ce der­nier, notre cimen­te­rie du Pas de Calais pour­rait être la pre­mière cimen­te­rie neutre en car­bone du pays, dès 2028. 

Quel est le niveau d’engagement d’EQIOM ?

Aujourd’hui, il faut bien com­prendre que nos orien­ta­tions de décar­bo­na­tion vont bien au-delà des contraintes régle­men­taires. Cette muta­tion est une néces­si­té. L’ensemble de nos par­ties pre­nantes nous le demande, au pre­mier rang des­quelles se trouvent nos col­la­bo­ra­teurs. Ces der­niers sont de plus en plus sou­cieux quant à l’impact de notre indus­trie et à son éthique. Ils ont à cœur d’accompagner l’entreprise dans des pro­jets struc­tu­rants. C’est dans cet esprit « res­pon­sable » que nous avons construit une charte RSE. Elle est bâtie autour de trois axes (cli­mat et éco­sys­tèmes, capi­tal humain et ancrage local) décli­nés en six enga­ge­ments mesu­rables. L’un d’entre eux , par exemple, est d’arriver à une empreinte moyenne de 437 kg/CO2 par tonne de ciment en 2030. Très tôt (en 2017), nous avons aus­si four­ni aux col­la­bo­ra­teurs un cadre stra­té­gique avec une vision, des valeurs et des ambi­tions par­mi les­quelles deve­nir lea­der des solu­tions écoresponsables. 

Pour conclure pensez-vous que vous êtes paré pour réussir le challenge de la décarbonation ?

Au titre d’EQIOM, je dirais que nous avons posé les bonnes bases qui devraient nous per­mettre de fran­chir cer­taines étapes cru­ciales. Mais le che­min est long et très ambi­tieux (neu­tra­li­té car­bone en 2050) : cet objec­tif qu’est la neu­tra­li­té car­bone ne dépend pas que de déci­sions sépa­rées prises dans les entre­prises. Il implique aus­si par exemple un sou­tien et un accom­pa­gne­ment fort des pou­voirs publics dans l’innovation, dans l’évolution des normes et un égal trai­te­ment de l’ensemble des acteurs du mar­ché qu’ils soient euro­péens ou non. Il néces­site de com­po­ser avec des nou­velles solu­tions construc­tives pen­sées dans la durée, sans ver­ser dans le dog­ma­tisme du tout bois qui ne pour­ra pas pré­sen­ter un modèle rési­lient dans le temps. 

Plus que jamais nous ren­trons dans une ère col­lec­tive, de prise de conscience, de chan­ge­ments d’habitude avec plus de sobrié­té des maté­riaux en ce qui concerne la construc­tion. EQIOM est prêt à être un acteur lea­der pour accom­pa­gner ses clients dans cette mutation.


En bref

Filiale du groupe CRH, lea­der mon­dial des maté­riaux de construc­tion, nos pro­duits et solu­tions couvrent l’ensemble des besoins des acteurs du bâti­ment et des tra­vaux publics afin de façon­ner des solu­tions de construc­tion durable. EQIOM, c’est près de 1 500 pro­fes­sion­nels en France et au Luxem­bourg, enga­gés à vos côtés pour la réus­site de vos pro­jets. EQIOM regroupe les acti­vi­tés ciments – gra­nu­lats – bétons – trai­te­ment et valo­ri­sa­tion de déchets.

www.eqiom.com

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