Construction : « Nous rentrons dans l’ère de la décarbonation »
Avec près de 23 % des émissions nationales de gaz à effet de serre (GES), le bâtiment et plus largement le secteur de la construction sont au cœur de la transition environnementale. Les fournisseurs de matériaux accompagnent activement cette mutation. Roberto Huet, CEO d’EQIOM, nous explique les enjeux de la profession et comment son entreprise s’inscrit positivement dans la démarche.
Quels sont les enjeux carbone de la construction en France ?
La construction couvre à la fois le bâtiment, les ouvrages d’art et la voirie aussi bien dans le neuf que pour la rénovation. Le secteur pèse environ 200 milliards d’euros soit 10 % du PIB et le bâtiment, à lui seul, représente près de 23 % des émission des gaz à effet de serre (GES) dont 80 % sont liées à la phase d’usage (énergie) et 20 % à la phase travaux. Sur la base des objectifs de la stratégie nationale bas carbone, les pouvoirs publics ont introduit pour la première fois dans l’histoire un seuil maximum d’émissions par mètre carré construit. Cette nouvelle règlementation, la RE2020, doit soutenir et encourager la décarbonation du secteur. Ce texte donne des points de passage notamment en 2030 et va influer sur les solutions constructives et, par conséquent, sur les matériaux qui les constituent. Par exemple, le béton, très utilisé dans la construction pour ses capacités protéiformes et son faible coût économique, devra pousser plus sa décarbonation pour s’assurer un passage des seuils de la RE2020 à horizon 2030.
Sur le plan européen, l’arrivée du Green Deal et de ses objectifs à 2030 (Fit for 55) ainsi que l’augmentation du coût du carbone sur le marché des quotas en 2021 et 2022 constituent des éléments contextuels déterminants, que nous ne pouvons ignorer dans notre stratégie et dans la conduite de nos activités.
Comment l’industrie cimentière peut-elle répondre à ces enjeux ?
Le béton est un liant hydraulique à base de ciment, de sables, de granulats. Il faut donc travailler sur toute la chaîne de valeur en commençant par le ciment qui est le composant le plus émissif en CO2. Il représente 2 % des émissions nationales de GES.
Pour cela il faut agir en premier lieu sur le processus de production du ciment. La production du clinker, le composant principal du ciment, génère de l’ordre de 700 à 800 kg CO2/tonne de clinker produite. 40 % de ces émissions sont liées à la production d’énergie et 60 % au processus de fabrication inhérent à la transformation de la matière première. S’il est possible de réduire ces 40 premiers pourcents en substituant des combustibles fossiles (charbon, coke de pétrole) par des déchets ménagers ou issus de la biomasse, les 60 % restants nécessitent un travail plus complexe sur le plan technologique. Il est ainsi possible de remplacer le clinker par des sous-produits de l’industrie, tels que le laitier, ce que fait EQIOM depuis plus de vingt ans, de valoriser des minéraux partiellement décarbonés (argiles) et/ou de concevoir et déployer des technologies dites de rupture afin de capter, valoriser ou stocker les émissions qui ne peuvent être évitées.
L’industrie cimentière étudie et met déjà en œuvre bon nombre de ces solutions à des degrés d’avancement divers. Cela a contribué à baisser l’impact CO2 de plus de 40 % par rapport à 1990.
Au-delà de ces éléments, je tiens à préciser que la réduction des GES ne se limite pas qu’au processus, aux produits et à leurs empreintes carbone. Elle nécessite aussi une profonde réflexion sur l’éco-conception, les bonnes formulations pour les bons usages : les possibilités d’optimisation en matière de structures sont importantes et un travail sur l’ensemble des scopes (énergie, livraison…) est également nécessaire.
Quelles sont les solutions et actions mises en place par EQIOM ?
EQIOM est présent en France depuis plus de cent ans et a une longue expérience industrielle dans la fabrication de ciment. Notre entreprise s’est penchée sur l’optimisation de l’ensemble de la chaîne de valeur de la construction (fabrication, livraison, mise en œuvre) depuis plusieurs années, ce qui permet d’inscrire bon nombre de nos actions dans une trajectoire ambitieuse de décarbonation : nous visons 437 kgCO2/ t de ciment vs 850 kg CO2/ t de ciment (base 1990) dès 2030.
Grâce à notre filiale SAPPHIRE, qui traite et met à disposition des déchets valorisés en cimenterie, EQIOM affiche un taux de substitution des combustibles fossiles de plus des deux tiers ce qui nous place comme leader dans la profession (pour une moyenne nationale de 43 % en 2019). Notre objectif est d’atteindre plus de 80 % avant 2030.
Au niveau de ses gammes ciments et bétons, EQIOM est le leader des ciments composés, c’est-à-dire des produits optimisant le taux d’utilisation du clinker dans les ciments et donc l’empreinte carbone. Enfin, au travers de ses activités granulat, EQIOM développe son activité de recyclage et de valorisation des déblais.
Il convient aussi de ne pas oublier la logistique, maillon indispensable d’acheminement des matériaux au plus proche des marchés et jusqu’au chantier. Dans ce domaine, EQIOM, membre de FRET 21, multiplie les initiatives, en favorisant le transport multimodal, en ayant recours à une flotte de camions citernes fonctionnant au biogaz ou encore en encourageant une flotte de « toupies » moderne (EURO 6). Toutes ses actions sont regroupées sous la bannière EQIOM R, qui permet de rendre visibles et tangibles nos actions auprès des parties prenantes.
Nous accordons aussi une place importante à l’innovation aussi bien au niveau des produits que des process. Nous nous appuyons sur notre laboratoire complet et très bien équipé de Lille ainsi que sur notre direction technique. Nous travaillons sur des technologies de rupture, par exemple la captation du CO2 issu du process de production. Nous avons d’ailleurs été récompensés par le fonds européen pour l’innovation en 2021 pour notre Programme K6 sur l’usine de Lumbres. Grâce à ce dernier, notre cimenterie du Pas de Calais pourrait être la première cimenterie neutre en carbone du pays, dès 2028.
Quel est le niveau d’engagement d’EQIOM ?
Aujourd’hui, il faut bien comprendre que nos orientations de décarbonation vont bien au-delà des contraintes réglementaires. Cette mutation est une nécessité. L’ensemble de nos parties prenantes nous le demande, au premier rang desquelles se trouvent nos collaborateurs. Ces derniers sont de plus en plus soucieux quant à l’impact de notre industrie et à son éthique. Ils ont à cœur d’accompagner l’entreprise dans des projets structurants. C’est dans cet esprit « responsable » que nous avons construit une charte RSE. Elle est bâtie autour de trois axes (climat et écosystèmes, capital humain et ancrage local) déclinés en six engagements mesurables. L’un d’entre eux , par exemple, est d’arriver à une empreinte moyenne de 437 kg/CO2 par tonne de ciment en 2030. Très tôt (en 2017), nous avons aussi fourni aux collaborateurs un cadre stratégique avec une vision, des valeurs et des ambitions parmi lesquelles devenir leader des solutions écoresponsables.
Pour conclure pensez-vous que vous êtes paré pour réussir le challenge de la décarbonation ?
Au titre d’EQIOM, je dirais que nous avons posé les bonnes bases qui devraient nous permettre de franchir certaines étapes cruciales. Mais le chemin est long et très ambitieux (neutralité carbone en 2050) : cet objectif qu’est la neutralité carbone ne dépend pas que de décisions séparées prises dans les entreprises. Il implique aussi par exemple un soutien et un accompagnement fort des pouvoirs publics dans l’innovation, dans l’évolution des normes et un égal traitement de l’ensemble des acteurs du marché qu’ils soient européens ou non. Il nécessite de composer avec des nouvelles solutions constructives pensées dans la durée, sans verser dans le dogmatisme du tout bois qui ne pourra pas présenter un modèle résilient dans le temps.
Plus que jamais nous rentrons dans une ère collective, de prise de conscience, de changements d’habitude avec plus de sobriété des matériaux en ce qui concerne la construction. EQIOM est prêt à être un acteur leader pour accompagner ses clients dans cette mutation.
En bref
Filiale du groupe CRH, leader mondial des matériaux de construction, nos produits et solutions couvrent l’ensemble des besoins des acteurs du bâtiment et des travaux publics afin de façonner des solutions de construction durable. EQIOM, c’est près de 1 500 professionnels en France et au Luxembourg, engagés à vos côtés pour la réussite de vos projets. EQIOM regroupe les activités ciments – granulats – bétons – traitement et valorisation de déchets.