Contrastes

Contrastes

Dossier : Arts, lettres et sciencesMagazine N°800 Décembre 2024
Par Jean SALMONA (56)

Les san­glots longs
Des vio­lons
De l’automne
Bercent mon cœur
D’une lan­gueur
Mono­tone
Paul Ver­laine, Chan­son d’automne

Deux concertos : Prokofiev, Chostakovitch 

1917 : Pro­ko­fiev ter­mine son 1er Concer­to pour vio­lon, mais aucun soliste ne veut le jouer. Il faut attendre 1923 pour que le vio­lo­niste bor­de­lais Mar­cel Dar­rieux le crée à l’Opéra de Paris. 

1948 : le régime sovié­tique estime que le 1er Concer­to pour vio­lon de Chos­ta­ko­vitch est trop éloi­gné du « réa­lisme socia­liste » et il fau­dra attendre 1955 pour sa créa­tion à Lénin­grad par son dédi­ca­taire, David Oïs­trakh. Tout oppose ces deux concer­tos, que le vio­lo­niste chi­nois Ning Feng a eu la bonne idée d’enregistrer ensemble avec l’Orchestre sym­pho­nique de Bochum. Celui de Pro­ko­fiev lyrique, oni­rique, brillant ; celui de Chos­ta­ko­vitch sombre, dou­lou­reux, s’achève, après une Cadence redou­table, par un court Bur­lesque, pied de nez aux auto­ri­tés. Aujourd’hui, ces deux concer­tos figurent au som­met des concer­tos de vio­lon du XXe siècle. 

1 CD CHANNEL CLASSICS


Le concerto de Korngold

Erich Wolf­gang Korn­gold aura été le der­nier souffle du roman­tisme vien­nois. Enfant pro­dige, por­té au pinacle par Mah­ler, Richard Strauss, Sibe­lius, Zem­lins­ky (dont il était l’élève), il com­pose dès l’âge de douze ans des œuvres qui ont un grand suc­cès public. En 1920, à 23 ans, il crée son opé­ra Die tote Stadt (La ville morte), joué dans le monde entier. Fuyant le nazisme en 1936, il s’installe aux États-Unis et devient com­po­si­teur de musiques de film. Son Concer­to pour vio­lon, créé par Jascha Hei­fetz en 1947, est dans la droite ligne de ses musiques de film : lyrique, quelque peu hol­ly­woo­dien, mais mer­veilleu­se­ment orches­tré ; une musique de plai­sir. Le vio­lo­niste taï­wa­nais Ray Chen vient de l’enregistrer avec le Royal Phil­har­mo­nic Orches­tra diri­gé par Cris­tian Mace­la­ru, pour un album dénom­mé Player 1, avec des arran­ge­ments de musiques pro­ve­nant essen­tiel­le­ment de jeux vidéo (Poke­mon Rouge, Naru­to…), sug­gé­rant qu’il n’y a pas de bar­rière entre la musique dite sérieuse et ces formes nou­velles pri­sées par les jeunes générations. 

1 CD DECCA


Gesualdo

Car­lo Gesual­do (1566−1613), prince de Veno­sa, est un com­po­si­teur tout à fait extra­or­di­naire. Son inven­tion débri­dée, tout en res­pec­tant les formes clas­siques du contre­point, marque une rup­ture, à la fin du XVIe siècle, avec tout ce qui s’était écrit jusqu’alors. Har­mo­nies nou­velles, dis­so­nances : une musique d’avant-garde qui reste aujourd’hui extrê­me­ment nova­trice et qui ne peut que stu­pé­fier et trans­por­ter dès la pre­mière écoute. Phi­lippe Her­re­we­ghe et son Col­le­gium Vocale Gent ont enre­gis­tré Silen­zio mio, le qua­trième livre de ses madri­gaux. Cou­rez l’écouter. Vous serez sur­pris d’apprendre par ailleurs que Gesual­do avait assas­si­né sa pre­mière épouse (et son amant) et vous serez ten­té, peut-être, par un paral­lèle avec sa musique révo­lu­tion­naire. Nous vous en lais­sons la responsabilité… 

1 CD OUTHERE

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