Contrôle de qualité des aliments : traçabilité et authenticité
La sécurité alimentaire… à la poursuite du » risque zéro »
La sécurité alimentaire… à la poursuite du » risque zéro »
Les produits agroalimentaires sont désormais soumis, dans les pays développés tout au moins, à des normes de qualité de plus en plus exigeantes, vigilantes quant à la sécurité. À cet égard, comme l’illustre le drame de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), l’ampleur et la gravité des dangers encourus, une possible » mondialisation » des contaminations interpellent une communauté scientifique appelée à garantir, dans l’urgence, des diagnostics fiables dans des conditions économiquement supportables.
Un laboratoire d’Eurofins.
Du fait de la complexité des matrices agroalimentaires et de leurs interactions avec l’environnement, des risques de contamination interviennent à tous les stades de l’élaboration des produits, depuis les biosynthèses à partir des matières premières primaires (eau, gaz carbonique…) jusqu’aux étapes d’emballage et de conservation. Depuis une vingtaine d’années, les laboratoires s’appliquent à traquer un nombre croissant de polluants, qu’ils soient d’origine chimique ou bactériologique, dans des matrices de toutes natures et à des seuils de plus en plus bas.
Cependant, dans un secteur agro-industriel constamment innovant à tous les stades de la production, de la transformation et de la distribution, la multiplication des types de polluants et des vecteurs de contamination possibles a rendu le contrôle de plus en plus complexe. Si l’on se réfère au thème de ce numéro, » la chimie et les hommes « , force est de constater que les progrès de la chimie, mis au service de la production agricole et de l’alimentation, ne sont pas exempts de répercussions négatives.
Ainsi l’utilisation intensive de fertilisants, les nitrates en particulier, est source de pollutions des sols et des eaux, susceptibles de se transmettre à toute la chaîne alimentaire. La protection des cultures et les exigences de stockage ont suscité la mise au point d’une gamme de plus en plus large de produits phytosanitaires dont les traces se retrouvent parfois dans les légumes, les fruits, les céréales et même dans les produits transformés.
Par ailleurs, l’adoption d’un système de distribution des produits sous forme emballée a conduit à se préoccuper, d’une part des risques de contamination par les emballages eux-mêmes (migration d’isocyanates aromatiques ou aliphatiques issus des adhésifs et d’amines primaires dérivées), d’autre part de la diffusion, au travers de l’emballage, de polluants chimiques, de gaz toxiques ou de microorganismes. Récemment les médias ont mis l’accent sur les dangers pour la santé humaine de la dissémination de polluants résultant d’activités chimiques ou de l’incinération des déchets.
Certains, comme les PCB (PolyChlorinated Biphenyles), sont directement produits par l’industrie chimique, ce qui permet d’en contrôler l’utilisation, d’autres, tels les dioxines (dibenzo-para-dioxines, dibenzofuranes polychlorés), sont des sous-produits. Ces polluants lipophiles très toxiques ne se dégradent pas facilement et peuvent donc se retrouver dans de nombreux aliments, notamment les matières grasses.
La distribution moléculaire du deutérium n’est pas statistique |
Le rapport du nombre d’atomes de deutérium D sur les sites méthylène (CH2) et méthyle (CH3) de l’éthanol de vin n’est pas dans le rapport 2⁄3 ; mais atteint 2,5÷3. Surfaces proportionnelles au nombre d’atomes |
Plus récemment de nouvelles interrogations ont été suscitées par la commercialisation de produits issus de plantes génétiquement modifiées. Ces produits avaient déjà envahi le marché des États-Unis et occupaient une place significative dans leurs exportations lorsque le débat sur les répercussions écologiques des Organismes génétiquement modifiés (OGM) a pris en Europe des formes virulentes allant jusqu’à des opérations médiatisées d’arrachage de cultures expérimentales en plein champ.
Ce débat est désormais largement relayé en Amérique du Nord, où, par exemple, le pollen de blé modifié a été rendu responsable de la mortalité de larves du papillon » Monarch « , une espèce protégée. Cependant, même si les réticences exprimées par de nombreuses associations ont réveillé la méfiance des consommateurs américains, il est devenu difficile de faire machine arrière. En effet près de la moitié des récoltes américaines de soja, de coton et de maïs provient de plantes génétiquement modifiées et les OGM de légumes et céréales occupent une place importante dans l’alimentation y compris celle des enfants en bas âge.
La dissémination de ces organismes dans l’environnement par pollinisation croisée rend d’ores et déjà impossible l’adoption de normes excluant la présence de traces d’OGM en deçà d’un seuil de 1 pour 1000. Les polémiques portant sur l’intérêt et les dangers de la culture d’OGM à grande échelle sont loin d’être closes. S’il semble admis que le risque toxique ou allergisant est actuellement faible, les militants anti-OGM ne se satisfont pas des objectifs affichés qui visent, d’une part à limiter l’utilisation de pesticides par production de semences résistantes aux ravageurs, et d’autre part, à améliorer la qualité nutritive des aliments, en augmentant notamment la part des protéines et en diminuant celle des lipides.
La teneur en deutérium de l’eau varie sur la Terre |
D/H représente le rapport des nombres d’atomes isotopes (deutérium D et hydrogène H) exprimé en parties par million. À Nantes, l’eau contient environ 150 atomes de deutérium pour 1 million d’atomes d’hydrogène. |
Pour eux les bénéfices attendus dans le cadre de la lutte contre la faim dans le Tiers-Monde et contre un recours abusif aux traitements chimiques ne justifient pas que l’on s’engage dans une modification des espèces susceptible de comporter, à plus ou moins long terme, des risques écologiques incontrôlables.Dans ce contexte, les craintes suscitées par des risques sanitaires imparfaitement maîtrisés confortent l’intérêt croissant du consommateur pour des produits dits » naturels « , supposés exempts de toxicité et dont » l’histoire » peut être retracée avec certitude. Cet engouement pour le » naturel » a même favorisé l’émergence de nouveaux produits, les alicaments ou nutraceutiques, qui sans être des médicaments sont crédités d’effets bénéfiques sur la santé. Cependant, bien que » naturels » les produits dits » bio » et les préparations à base de plantes n’échappent pas aux risques de contamination, de manipulations frauduleuses ou de dosages dangereux ; et ils doivent donc être contrôlés et authentifiés.
Défauts de conformité et fraudes
Si les contaminations alimentaires sont le plus souvent d’origine accidentelle, de nombreux défauts de conformité résultent de fraudes délibérées à motivation économique. Bien qu’elles puissent prendre accidentellement un caractère criminel, comme ce fut le cas pour l’addition de méthanol à des vins italiens ou la présence d’aniline dans de l’huile d’olive espagnole, ces fraudes sont généralement inoffensives. La majorité des falsifications visent un profit en substituant aux ingrédients de l’étiquette des composés meilleur marché et généralement de moindre qualité.
La fraude peut ainsi porter sur un non-respect de la composition réglementaire ou traditionnelle du produit, sur une usurpation de notoriété ou sur la contrefaçon d’un procédé de fabrication. Par exemple, les manipulations frauduleuses des jus de fruits, dont la consommation annuelle par tête, de l’ordre de 5 litres en France, atteint 30 litres aux États-Unis, ont un impact économique considérable.
Bien que la réglementation impose aux jus, commercialisés sous forme de » pur jus » haut de gamme ou sous forme de concentrés redilués, d’être préparés exclusivement à partir du fruit, des ajouts illégaux de sucres, d’acide citrique, d’acide malique, d’eau… ont été constatés. En 1980, aux USA, un » jus de pomme » préparé à partir de sucres, d’acides, d’eau, de colorants et d’arômes et ne contenant pas de pomme a même été mis sur le marché.
En fait, les falsifications abondent dans toutes les catégories de produits agroalimentaires (cf. encadré). Citons, dans le domaine des vins et spiritueux, les chaptalisations ou surchaptalisations illégales, les ajouts d’eau, les tromperies sur l’origine géographique des vins et sur la nature des alcools de fruits et de céréales… Dans le secteur des arômes, les enjeux économiques engendrés par le coût très élevé de la vanilline naturelle, biosynthétisée par la plante Vanilla planifolia, comparé à celui de l’équivalent de synthèse, expliquent la fréquence des non-conformités du produit prétendu » naturel » (cf. encadré).
Longtemps désarmés devant ces types de fraudes, les laboratoires ont bénéficié au cours des dernières décennies d’un accroissement spectaculaire de la puissance analytique, au double plan des concepts et de l’instrumentation.
Le contrôle analytique : détecter les contaminations, assurer la traçabilité, garantir l’authenticité
Bien que l’amélioration des procédés de contrôle entraîne invariablement la sophistication accrue des fraudes, le chimiste analyste dispose désormais des moyens appropriés pour détecter la plupart des contaminations ou falsifications. L’analyse de matrices agroalimentaires souvent complexes fait appel à des technologies modernes, implantées sur des instruments haut de gamme, et exploitant les développements méthodologiques les plus récents. Confrontés à des problématiques très diverses, les analystes ont dû adapter spécifiquement leurs outils et leurs cibles aux objectifs requis.
Détection de composés exogènes, l’analyse compositionnelle
Dans la plupart des contaminations ou dégradations susceptibles d’affecter la santé humaine, il s’agit de détecter des molécules polluantes exogènes, d’origine chimique ou biologique, absentes en principe de l’échantillon étudié. Le plus souvent, ces molécules doivent être identifiées et quantifiées. Le chimiste s’adresse donc aux méthodes conventionnelles d’extraction, séparation et identification structurale des molécules.
Le climat influence la répartition isotopique |
Une analyse factorielle discriminante regroupe les pays en fonction de critères de température et d’humidité. On distingue sans ambiguïté un vin d’un pays chaud et sec comme la Tunisie (Tn), le Maroc (Ma), d’un vin provenant d’un pays plus froid et humide comme la Suisse (CH) ou le Maine-et-Loire (F49). |
À cet égard, les techniques d’extraction par fluide supercritique offrent une alternative intéressante à l’extraction par solvant organique dans le cas des aliments non gras. Plus généralement, le perfectionnement et la diversification des techniques chromatographiques ont suscité un essor considérable de l’analyse chimique compositionnelle, incluant la séparation des isomères optiques.
Par ailleurs, la spectrométrie de masse et les spectroscopies infrarouge et de résonance magnétique nucléaire fournissent de puissants outils de détermination de la structure et de la stéréochimie des molécules, quelle qu’en soit la complexité.
De même, l’analyse élémentaire, combinant le cas échéant les techniques par plasma aux spectroscopies atomiques ou à la spectrométrie de masse, mesure dans des conditions de rapidité et d’efficacité accrues la composition en éléments traces et, en particulier, la teneur en métaux toxiques.
Toutes ces méthodes ont bénéficié au cours des deux dernières décennies d’améliorations spectaculaires en termes, d’une part de sensibilité, de répétabilité et de reproductibilité des mesures, d’autre part de rapidité, de commodité et de flexibilité dans l’obtention des résultats. Par ailleurs, le couplage des techniques de séparation, quantification et identification (couplage de la chromatographie gazeuse ou de la chromatographie liquide avec la spectrométrie de masse par exemple), en enchaînant automatiquement différentes étapes de l’analyse a ouvert de nouvelles perspectives dans l’étude de matrices agroalimentaires complexes (arômes, produits finis…).
Ces progrès techniques ont permis d’élaborer des stratégies analytiques adaptées à la détermination en routine des principaux types de polluants organiques, de mycotoxines, et de microorganismes (listeria…). Ainsi, compte tenu de la grande diversité des pesticides organophosphorés ou organochlorés employés dans l’agriculture, les recherches récentes ont porté sur la mise au point de techniques d’analyse » multirésidus » performantes.
Par exemple, une gamme de plus de 250 résidus de pesticides et produits de dégradation peut être détectée dans des fruits et légumes, après une phase d’extraction, au moyen d’équipements de chromatographie gazeuse avec détection par spectrométrie de masse et de chromatographie liquide avec détection par fluorescence. Les limites de détection se situent entre 0,02 et 1 milligramme par kilo.
Pour le même type de produits, l’utilisation d’un équipement couplant la chromatographie gazeuse à la spectrométrie de masse en tandem (GC-MS-MS) autorise l’introduction directe de l’échantillon et atteint, pour plus d’une vingtaine de résidus de pesticides, des limites de détection de l’ordre de 2 nanogrammes par gramme.
Dans ce contexte, les industriels en sont venus à déplorer que l’amélioration continue des performances incite à la fixation de normes qu’ils jugent parfois déconnectées de la dangerosité, et qu’ils ont de plus en plus de mal à respecter dans les conditions d’environnement actuelles.
D’un autre point de vue, le » profil compositionnel » d’un produit complexe signe son origine, il constitue donc un critère d’authenticité.
Identification de l’origine des molécules, les méthodes isotopiques
Le problème se pose en termes méthodologiquement différents lorsque des espèces chimiques, de même nature que des composants normalement présents dans le produit mais de provenance différente, ont été introduites illégalement. Dans le cas de la chaptalisation des vins par exemple, tous les sucres, qu’ils aient appartenu au raisin ou qu’ils aient été ajoutés au moût sous forme de sucre de betterave ou de canne, ont été transformés par la fermentation en molécules d’éthanol a priori chimiquement identiques.
L’aimant supraconducteur d’un spectromètre de résonance magnétique nucléaire.
Une situation analogue se présente lorsque, disposant d’échantillons d’éthanol pur de différentes provenances (raisin, grain, prune…), on s’interroge sur la nature du fruit ou de la céréale dont chacun est issu. Ce problème, d’identification d’origine de constituants du produit, fut longtemps un défi pour le chimiste. C’est seulement au cours des années 1980, grâce essentiellement aux méthodes exploitant les teneurs isotopiques, que l’authentification de l’origine de nombreuses molécules a pu prendre un large essor.
Dans la nature, les principaux isotopes qui composent les molécules organiques s’accompagnent de leurs isotopes lourds minoritaires.
Ainsi, alors que l’éthanol, CH3CH2OH, est principalement constitué par les isotopes de masse 12 (12C), 1 (1H) et 16 (16O), respectivement, il s’y trouve aussi, en très faible quantité, des molécules, dites » isotopomères « , dans lesquelles un ou plusieurs de ces isotopes légers est remplacé par un ou plusieurs des isotopes lourds correspondants : carbone de masse 13 (13C), hydrogène de masse 2 (deutérium, 2H ou D), oxygène de masse 17 (17O) ou 18 (18O). Dans le cas de l’hydrogène par exemple, l’abondance naturelle du deutérium, D, étant de l’ordre de 150 10-6 par rapport à 1H, la probabilité de bisubstitution est très faible et on s’attache à l’observation, à côté des molécules légères, des isotopomères monodeutériés, près de dix mille fois moins abondants : CH2DCH2OH, CH3CHDOH et CH3CH2OD.
La spectrométrie de masse de rapports isotopiques (IRMS), après combustion de l’échantillon, fournit, d’une part, du gaz carbonique sur lequel est mesuré le rapport des nombres d’atomes 13C et 12C, Rc = 13C/12C, et d’autre part, de l’eau qui, après réduction en hydrogène gazeux, permet la détermination du rapport des nombres d’atomes RH = D/H. La méthode donne donc accès aux rapports isotopiques moyens de la molécule. Une dimension supplémentaire fut offerte par le procédé SNIF-NMRTM (Site specific Natural Isotope Fractionation determined by Nuclear Magnetic Resonance), qui nous a conduits (encadré) à la création de la société Eurofins Scientific.
En effet, la résonance magnétique nucléaire permet d’accéder directement à la distribution des isotopes, du deutérium en particulier, sur les différents sites d’une molécule. Cette distribution dévie très fortement d’une répartition aléatoire, et dépend de plus de l’origine des molécules.
Dans l’éthanol obtenu par fermentation du raisin, par exemple, le rapport des nombres d’atomes de deutérium sur les sites méthylène et méthyle diffère considérablement du rapport statistique 2⁄3 puisqu’il se situe aux environs de 2,5÷3. Qui plus est, le même rapport, mesuré sur de l’éthanol dérivé de la fermentation de sucre de betterave, atteint une valeur voisine de 2,7÷3. On conçoit aisément qu’une détection de la chaptalisation des vins puisse tirer parti de cette observation.
Plus généralement, le profil isotopique constitue une carte d’identité de la molécule susceptible de répondre à des interrogations portant sur :
- l’origine naturelle ou synthétique du produit (vanilline naturelle ou vanilline de synthèse),
- la nature botanique du précurseur (anéthole de fenouil ou anéthole de badiane),
- l’origine géographique de la plante (vin provenant du Bordelais, du Roussillon, du Valais),
- l’année de production (Armagnac du millésime 1968 ou 1985),
- l’addition de molécules exogènes de même nature (jus de fruits » pur jus » ou jus enrichi par du sucre de betterave, miel pur ou enrichi),
- le procédé de synthèse (le brevet de fabrication de l’arôme ou de l’alicament a‑t-il été détourné ?),
- etc.
Identification génétique, les méthodes biologiques
Les techniques de la biochimie (réplication d’ADN, tests immunologiques) sont incontournables pour l’identification génétique. Elles caractérisent notamment différents types de viandes et de poissons. Elles permettent ainsi de s’attaquer aux fraudes portant sur la substitution d’espèces animales réputées nobles par des espèces meilleur marché (présence de porc dans un pâté dit de gibier…).
C’est aussi grâce aux méthodes biologiques que la surveillance des organismes génétiquement modifiés (OGM) est devenue possible. Ainsi des techniques utilisant la réaction PCR (Polymerase Chain Reaction) en temps réel, et des systèmes appropriés de sondes et d’amorces, permettent de détecter de très faibles quantités d’ADN avec une bonne spécificité. Même si une amélioration des déterminations quantitatives est encore recherchée, on peut considérer que la traçabilité génétique est désormais assurée dans des conditions satisfaisantes pour les espèces les plus fréquemment modifiées : soja, maïs, colza…
Sécurité, authenticité : entre attentes et réalités
Avec la mondialisation des échanges, les problèmes de sécurité alimentaire se sont considérablement amplifiés au cours de la dernière décennie.
Le monde agricole, fortement traumatisé par les abattages massifs destinés à endiguer la propagation de l’encéphalopathie spongiforme bovine et de la fièvre aphteuse, doit aussi faire face aux dangers de pollution des sols, de l’eau et des végétaux.
Par ailleurs les consommateurs, effrayés par la gravité des risques pour la santé humaine, et déstabilisés par les débats contradictoires et les incertitudes scientifiques qui entourent les innovations biotechnologiques, se détournent plus ou moins brutalement de certains produits, contribuant à dégrader l’économie de filières agroalimentaires entières.
Face à ces réactions, les agriculteurs et les industriels adoptent en général une position pragmatique fondée sur les lois du marché. Ainsi, dans la mesure où les réticences de l’opinion publique suscitent une mévente des produits issus d’organismes modifiés, les fermiers américains commencent à séparer les cultures traditionnelles des cultures OGM et ils tendent à réduire la proportion de ces dernières. Par ailleurs les industriels de la transformation exigent dans certains cas une assurance de l’absence d’OGM, ce qui impose une stricte séparation non seulement des cultures mais aussi des systèmes de transport et de stockage des céréales.
En réaction à ces inquiétudes, la demande de produits dits » naturels » s’accentue, ce qui appelle une modification des pratiques agricoles, mais aussi, la mise en place de critères fiables de traçabilité. À cet égard, comme nous l’avons vu, les notions » d’authenticité » et de » traçabilité « , devenues accessibles au contrôle, se sont progressivement affirmées et diffusées auprès du public ce qui suscite des exigences accrues en termes de précision de l’étiquetage.
Du point de vue réglementaire, les interventions des États suivent souvent les réactions de l’opinion publique plutôt qu’elles ne les précèdent, et elles prennent en compte les performances techniques accessibles. Il est indéniable que pour certaines catégories de produits, telles que les jus de fruits, le développement de stratégies de contrôle efficaces a contribué à décourager les fraudes et donc à améliorer la qualité.
Cependant, pour des raisons économiques, le contrôle de routine des échantillons ne peut souvent être réalisé que par prélèvements aléatoires ce qui n’exclut pas que des produits grossièrement adultérés continuent à circuler.
Quoi qu’il en soit, la préservation de la qualité ne peut se soustraire à la compétition permanente entre les efforts consacrés aux innovations méthodologiques et les efforts aussitôt entrepris pour les contourner !