Convergence du CRM et d’Internet ou comment accroître l’efficacité commerciale
La quête du Graal
La quête du Graal
Beaucoup d’entreprises ont lancé des projets CRM (Customer Relationship Management) focalisés sur la collecte et l’exploitation des données clients, le recentrage de l’organisation autour du client et la mise en place d’une politique multicanal. Elles ont pour cela constitué des bases d’informations clients et ont investi des sommes considérables (plus de 100 millions d’euros pour les plus grandes entreprises).
Les résultats ne sont pas encore à la hauteur des espérances car ces approches se heurtent en pratique à de nombreuses difficultés : résistance au changement des organisations existantes, technologies encore en développement, coûts de mise en œuvre et coûts d’exploitation, évolutions du comportement client.
Faut-il pour autant remettre en cause cette approche ? Non. Des entreprises ont déjà démontré son intérêt.
Des secteurs comme la vente par correspondance (La Redoute, Camif) ou des sociétés comme American Express ou Cortal en ont posé les bases il y a plusieurs décennies :
- constitution, enrichissement et segmentation de fichiers clients,
- actions de vente ciblées, généralement sous forme de mailings postaux, pour réaliser le potentiel de consommation de chaque client dans la marque,
- ajustement du dispositif en fonction de la » réactivité » du client aux sollicitations.
Ces sociétés ont construit tout leur développement sur cette approche et sont devenues expertes dans la mise en place de processus et de systèmes clients efficaces (call centers et bases de données clients notamment).
Du côté Internet, une multitude de projets a également été lancée pour mieux conquérir et fidéliser les clients. Là aussi, les résultats ne sont pas au rendez-vous.
Le paradoxe de la non-convergence du CRM et d’Internet
Les initiatives Internet et CRM sont encore peu coordonnées dans beaucoup d’entreprises alors qu’elles poursuivent in fine les mêmes objectifs : accroître l’efficacité commerciale par une personnalisation client accrue. Elles sont souvent régies par des priorités et des dynamiques propres :
- les initiatives CRM ont visé prioritairement l’augmentation de » l’actif client « , c’est-à-dire le développement du facteur (nombre de clients) x (valeur moyenne du client),
- les initiatives Internet ont visé prioritairement l’augmentation de » l’audience » ; le succès d’un site a longtemps été et est encore jugé par le nombre de visiteurs et de pages vues : le modèle dominant de l’Internet est le modèle média axé sur les revenus publicitaires.
Les sites de e‑commerce (c’est-à-dire les sites de vente de produits et services sur Internet) sont d’ailleurs au croisement de ces deux » philosophies » ; initialement orientés sur la valorisation de l’actif client, ils ont cherché ensuite à augmenter leur audience pour attirer plus de prospects et vendre plus de produits, en offrant un contenu très attrayant et personnalisé à chaque internaute.
Les fournisseurs d’accès Internet (FAI) illustrent, quant à eux, l’évolution d’un modèle de pure audience vers un modèle hybride alliant audience et développement du service client.
Le second élément de différenciation apparent entre projets Internet et CRM réside dans les caractéristiques très différentes de leur mise en œuvre :
- les projets CRM sont souvent porteurs de la transformation des organisations » autour » du client, alors que les projets Internet sont le plus souvent gérés en marge des organisations et externalisés sous forme d’équipes autonomes, de ventures, ou de marques spécifiques ;
- élément très important des projets CRM, l’intégration avec les systèmes d’information existants de l’entreprise est rarement présente dans les projets Internet ;
- la durée d’un projet CRM varie entre six mois et plusieurs années alors que celle d’un projet Internet est souvent de quelques mois ;
- contrairement aux projets Internet, les projets CRM s’attachent aux processus (au contenant), bien plus qu’aux messages (au contenu) adressés aux clients.
La nécessité de faire converger CRM et Internet
Internet est aujourd’hui une brique essentielle dans une démarche CRM. Internet rend possible l’objectif ultime du CRM, à savoir une personnalisation très forte de la relation avec chaque client, à un coût acceptable pour l’entreprise puisque, le coût d’un contact client réalisé via Internet, peut être jusqu’à 25 fois inférieur à celui d’un contact téléphonique traditionnel.
Citons à titre d’exemples :
- la possibilité de cibler et de traiter à distance et de façon beaucoup plus économique des segments clients géographiquement dispersés tels que les PME, les professions libérales ou les expatriés,
- l’apport sur la baisse du coût de distribution et de gestion commerciale, qui peut atteindre 50 % dans certains secteurs comme celui de l’assurance,
- la possibilité de personnaliser la relation et de cibler les contacts à moindre coût.
Le CRM est aussi une brique essentielle d’Internet. On constate en effet qu’un modèle exclusivement fondé sur le canal Internet présente vite des limites.
Comme le montre le tableau de la page suivante, les clients répugnent à effectuer des achats de produits/services en utilisant exclusivement le canal Internet et privilégient les marques mettant à leur disposition des canaux physiques et téléphoniques en complément.
Trois facteurs principaux expliquent les limites du canal Internet pour certains achats :
- une offre produit complexe ou difficilement » lisible » : par exemple, des produits financiers complexes qui sont difficilement compréhensibles donc ont peu de chance d’être achetés sur Internet ;
- le niveau d’implication et d’engagement associé à l’acte d’achat : pour les achats » impliquant » (automobile, épargne long terme, crédit immobilier), les consommateurs veulent se rassurer par un contact face à face avec un interlocuteur identifié ;
- les produits pour lesquels le » touch and feel » et le service après-vente sont importants et nécessitent le maintien d’une distribution physique (produits de beauté ou automobile).
Par ailleurs, comme le montre une étude récente menée par A.T. Kearney les internautes ne souhaitent pas effectuer l’ensemble de leurs transactions par Internet :
- avant l’acte d’achat, dans la phase de recherche d’information, l’internaute souhaite pouvoir trouver toute l’information sur le site, sans devoir faire appel à une assistance téléphonique
en revanche, il souhaite pouvoir être assisté téléphoniquement dans la phase d’achat pour être conforté dans son choix, éviter d’avoir à remplir des formulaires sur le site ou transmettre son numéro de carte par téléphone plutôt que sur Internet. Ainsi aux USA, 67 % des transactions Internet n’arrivent pas à terme du fait de l’absence d’assistance en ligne ; - une fois le produit acheté, l’internaute bascule dans le statut de client et à ce titre exige de pouvoir entrer en contact téléphonique, voire physique, avec un interlocuteur en cas de besoin (demande d’informations, réclamations).
Il apparaît donc nécessaire pour tous les acteurs, qu’il s’agisse d’entreprises de l’économie traditionnelle ou des » pure players » Internet, d’intégrer l’Internet dans un dispositif multicanal et d’assurer la cohérence des actions et des messages diffusés entre les différents canaux CRM. Les initiatives Internet et CRM doivent converger pour assister le client au mieux dans son acte d’achat et réaliser la vente.
Convergence d’Internet et CRM : les différents niveaux d’intégration possibles
En première approche, on peut distinguer quatre niveaux d’intégration entre Internet et CRM.
Le premier niveau consiste à intégrer les sites Web et les centres d’appels par le développement de fonctionnalités de type Web contact center. Cette première étape permet » d’humaniser » l’Internet, d’aider l’internaute à la navigation et à la transaction, mais aussi d’identifier personnellement l’internaute. Les technologies utilisées sont les gestionnaires d’e‑mail et de chats, les solutions de type click to talk ou encore le co-browsing et le page pushing.
Le niveau suivant, en termes de sophistication, est le développement d’outils de gestion multicanaux : cette étape permet d’assurer la cohérence des actions et de faire jouer la complémentarité entre canaux pour arriver à une gestion transverse des campagnes marketing et des opportunités commerciales entre les canaux. Les solutions à mettre en œuvre sont les solutions de type campaign management et lead management.
Le troisième niveau d’intégration consiste à intégrer Internet avec les systèmes back-office de l’entreprise, couplés à des solutions de self-care ou de self-service, et permet au client de suivre et de gérer lui-même ses produits et services, par exemple pour suivre sa commande ou gérer son compte client. Les apports sont une baisse des coûts pour l’entreprise en même temps qu’une personnalisation du service pour le client.
Enfin, le quatrième niveau d’intégration ou e‑CRM, étape ultime de la convergence entre CRM et Internet, consiste à intégrer l’Internet et la base client centrale (le fameux datawarehouse client). Cette étape permet de personnaliser les contacts Internet en fonction du profil et du cycle de vie du client et, par exemple, d’utiliser des techniques marketing de promotion des produits et des services en fonction du profil du client.
Bien que très variable suivant les industries, cette intégration entre Internet et CRM a déjà commencé :
- les sites de voyage nord-américain ont vu leurs ventes croître très rapidement avec la mise en place de Web contacts centers ;
- les constructeurs automobiles emboîtent le pas et exploitent de façon de plus en plus systématique les contacts Internet pour les qualifier et les orienter vers leurs concessionnaires ;
- sur tous les continents les FAI (Wanadoo, AOL, LibertySurf, Earthlink, DoCoMo…) mettent l’accent sur le service client et mettent en avant leurs numéros d’appel : la communication des principaux FAI français porte d’ailleurs presque quasi exclusivement sur ce thème.
Internet et CRM intégrés pour des résultats tangibles
Les projets Internet et CRM ont longtemps eu en commun la légèreté de leurs business plans. Les décisions d’investissement ont souvent plus tenu de la profession de foi sur la fidélisation ou sur la » nouvelle économie » que d’une analyse approfondie du retour sur investissement de ces projets.
La convergence Internet et CRM ne répond pas complètement à la question du retour sur investissement. En revanche, les premiers retours d’expérience montrent que leur utilisation conjointe permet d’améliorer significativement la satisfaction client et de réduire les coûts.
La question n’est donc pas de savoir laquelle des deux approches doit être privilégiée mais comment les combiner pour obtenir une efficacité maximum et donc maximiser le retour sur l’investissement réalisé.