Jérémy HARROCH (03) au Salon DataJob

Convertir les entreprises au Big Data

Dossier : TrajectoiresMagazine N°709 Novembre 2015
Par Jérémy HARROCH (X03)
Par Hervé KABLA (X84)

Comment définis-tu le Big Data ?

La défi­ni­tion la plus com­mu­né­ment admise du Big Data est celle du cabi­net Gart­ner avec ses 3V (pour volume, vélo­ci­té et varié­té des données). 

“ Le Data Scientist cherche à trouver l’aiguille dans une botte de foin ”

Cepen­dant, pour moi, le Big Data désigne sur­tout un nou­veau pro­ces­sus d’innovation au sein des orga­ni­sa­tions qui vise à les trans­for­mer par le numé­rique et l’analyse quan­ti­ta­tive afin de créer de la valeur, sur le modèle de ces socié­tés amé­ri­caines data dri­ven comme Uber ou Airbnb. 

De ce contexte, le terme Big peut donc être enten­du au sens d’« impor­tant » plu­tôt que de « volu­mi­neux ». Le Big Data n’est donc pas pour moi une révo­lu­tion de l’information, mais plu­tôt une révo­lu­tion de la com­mu­ni­ca­tion au sein des entre­prises et entre les entreprises. 

Comment les entreprises peuvent-elles en tirer parti ?

D’abord, en met­tant la don­née au cœur de leur pro­ces­sus de déci­sion et en orga­ni­sant intel­li­gem­ment les phases de col­lecte, de sto­ckage, d’analyse, de pré­dic­tion et d’action.

AMÉLIORER LE DIAGNOSTIC MÉDICAL

Un très bon exemple de l’exploitation de notre R & D est le projet Senometry.
Quantmetry a récemment obtenu un double prix d’excellence de la part de la BPI pour un algorithme d’analyse sémantique sur des diagnostics médicaux (qui a retrouvé des résultats connus sur la probabilité de rechute après un cancer du sein mais cette fois-ci sans avoir de dictionnaire médical pour connaître la similarité et la corrélation de termes).
Cet algorithme sert aujourd’hui à détecter des enchaînements d’événements quantifiables dans des volumes importants de textes non structurés concernant l’assurance santé.

Par ailleurs, le Big Data néces­site d’intégrer de nou­veaux pro­fils au sein des entre­prises (Data Scien­tists, Ingé­nieurs Big Data, Pro­to­ty­pers, etc.) qui savent manier l’éventail des nou­velles tech­no­lo­gies, qui ont une bonne for­ma­tion scien­ti­fique pour l’exploration de don­nées et une culture du tra­vail en équipe (avec des col­la­bo­ra­teurs issus de dépar­te­ments divers comme le mar­ke­ting, la DSI, le contrôle interne, etc.). 

C’est le rôle que Quant­me­try joue auprès de ses clients en les ren­dant pro­prié­taires du pro­ces­sus d’analyse de don­nées. Par exemple Quant­me­try accom­pagne la trans­for­ma­tion des équipes de main­te­nance de grands indus­triels fran­çais afin de pas­ser du cura­tif (chan­ger une pièce défaillante dans les meilleures condi­tions après une panne) à du pré­dic­tif (chan­ger une pièce à forte pro­ba­bi­li­té de défaillance avant l’observation de la panne). 

Cela prend en compte aus­si bien les phases de R & D pour choi­sir le meilleur modèle mathé­ma­tique que le déploie­ment infor­ma­tique, la for­ma­tion des équipes en charge de la main­te­nance du sys­tème et l’accompagnement au chan­ge­ment pour que, sur le ter­rain, les opé­ra­teurs acceptent de chan­ger des pièces alors que la panne n’est pas observée. 

Comment ne pas tomber dans l’excès de data (infobésité) ?

C’est plu­tôt l’inverse que l’on constate actuel­le­ment. La plu­part des entre­prises cherchent au contraire à col­lec­ter un maxi­mum de don­nées afin d’améliorer la connais­sance de leurs clients, d’optimiser leurs pro­cess, de mieux gérer leurs finances, etc. 

Après, gérer le volume de don­nées à ana­ly­ser, c’est jus­te­ment le rôle du Data Scien­tist qui cher­che­ra à trou­ver l’aiguille dans une botte de foin. 

Disney utiliserait les mots cherchés par les fans de Frozen pour nommer ses vidéos.
Le Big Data finira-t-il par nous mettre sur écoute ?

Aujourd’hui, le Big Data fait l’objet d’une atten­tion toute par­ti­cu­lière au niveau des ins­tances juri­diques et régle­men­taires euro­péennes (rédac­tion en cours d’un règle­ment euro­péen, vigi­lance de la CNIL en France, etc.). À ce titre, les entre­prises se doivent de s’y confor­mer et d’anticiper ces évolutions. 

D’un autre côté, il faut rap­pe­ler qu’il y a un risque à ne pas inno­ver dans le Big Data : celui de se pri­ver du déve­lop­pe­ment de nou­veaux ser­vices utiles voire révo­lu­tion­naires (méde­cine indi­vi­dua­li­sée, objets connec­tés, drones, etc.). 

Il y a donc un com­pro­mis à trou­ver entre l’intérêt des ser­vices ren­dus aux citoyens par le Big Data et la pro­tec­tion des don­nées personnelles. 

Qu’est-ce qui t’a poussé à créer Quantmetry ?

Après mon pas­sage dans le monde de la finance, j’ai sou­hai­té vivre ma pas­sion et me lan­cer dans une aven­ture entre­pre­neu­riale tout en met­tant à pro­fit les com­pé­tences que j’avais acquises en tra­ding haute fréquence. 

J’ai éga­le­ment fait le choix de démar­rer en France, convain­cu que la Data repré­sente un enjeu indus­triel déci­sif pour les entre­prises françaises. 

Le Big Data te sert-il à piloter ta société ?

Aujourd’hui, le Big Data nous sert plu­tôt à déve­lop­per des inno­va­tions au sein de notre centre de recherche, notre « Lab », où nous tra­vaillons sur de nom­breux sujets de R & D qui béné­fi­cient par la suite à nos clients : mise en pro­duc­tion de modèles de Data Science, algo­rithmes online, main­te­nance pré­dic­tive, tech­no­lo­gies temps réel, etc. 

Tu organises prochainement la 3e édition du salon de recrutement DataJob,
comment en as-tu eu l’idée ?

La pro­blé­ma­tique numé­ro un dans le domaine du Big Data, ce sont les com­pé­tences. Le pro­fil du spé­cia­liste, qu’on qua­li­fie de Data Scien­tist, est un pro­fil encore assez rare. 

Les for­ma­tions dans les grandes écoles et les uni­ver­si­tés sont nou­velles, la plu­part ont moins de deux ans d’existence. Il faut donc aider les recru­teurs à ren­con­trer ces pro­fils, à com­prendre ces nou­velles com­pé­tences et à les inté­grer dans les organisations. 

Suite à ce constat, j’ai eu l’idée de créer Data­Job : une pla­te­forme unique de ren­contre pour les étu­diants et les pro­fes­sion­nels qui peuvent être en contact avec les entre­prises qui recrutent des Data Scien­tists et autres pro­fils data ain­si que les start-ups et les grandes entre­prises qui peuvent entrer en rela­tion avec ces candidats. 

La troi­sième édi­tion du salon Data­Job aura d’ailleurs lieu le 26 novembre pro­chain à l’Espace Pierre Cardin. 

Qu’est-ce qui te différencie des autres entrepreneurs dans les technologies ?

Pre­miè­re­ment, j’ai fait le choix de déve­lop­per une acti­vi­té de conseil, en France, à des­ti­na­tion des Grands Comptes. Je pense que c’est un choix déjà assez par­ti­cu­lier par rap­port aux nom­breuses start-ups de pro­duits grand public que j’ai eu l’occasion de rencontrer. 

Par ailleurs, j’ai vou­lu me foca­li­ser sur une exper­tise spé­ci­fique : l’analyse des don­nées et les tech­no­lo­gies Big Data.

Comment vois-tu la suite du développement de ta société ?

J’ai énor­mé­ment de pro­jets en tête : d’abord faire croître les effec­tifs de ma socié­té, ouvrir un nou­veau bureau à Londres ou encore créer un incu­ba­teur au sein de Quantmetry. 

Les pers­pec­tives sont bonnes aujourd’hui et on sent vrai­ment que le mar­ché du Big Data se déve­loppe for­te­ment depuis les deux der­nières années. 

Quel conseil donnerais-tu à un jeune X entrepreneur ?

L’une des pre­mières choses que j’ai apprises dans le métier d’entrepreneur, c’est que l’on ne peut pas tout faire tout seul : c’est essen­tiel de s’entourer d’un réseau fami­lial, per­son­nel et pro­fes­sion­nel, ain­si que de col­la­bo­ra­teurs de confiance lorsque l’on a l’ambition de créer une société. 

« Il faut apprendre à “aimer échouer”, sinon on ne tente jamais rien »

Par ailleurs, j’ai com­pris que les inno­va­tions dans le « B2C » (Busi­ness to consu­mer) seraient très dif­fi­ciles à déve­lop­per en France et qu’il ne fal­lait pas négli­ger les pos­si­bi­li­tés de start-ups B2B (Busi­ness to busi­ness).

Enfin, j’ai essuyé énor­mé­ment d’échecs dans ma vie entre­pre­neu­riale et j’ai appris qu’il fal­lait aus­si apprendre à « aimer échouer », car sinon on ne tente jamais rien.

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