Coopération scientifique et technologique entre Israël et la Communauté européenne
La recherche et le développement technologique (RDT) sont plus que jamais au cœur du fonctionnement de la société. La compétitivité économique et l’emploi, l’amélioration de la santé et la préservation de l’environnement dépendent essentiellement du progrès des connaissances, de la mise au point de nouveaux produits et du développement de nouveaux services à base technologique.
Université hébraïque de Jérusalem © AMBASSADE ISRAËL
La mise en œuvre d’une coopération scientifique accrue et mieux coordonnée au niveau européen est devenue indispensable. C’est là en effet que se situe le cadre d’organisation permettant de faire face à la mondialisation, en particulier parce qu’il permet d’obtenir l’effet de seuil nécessaire.
Cela ne signifie pas que la recherche doive se développer en vase clos à l’intérieur d’un ensemble régional, celui-ci fût-il l’Union européenne. En effet, certains problèmes sont d’une nature telle qu’ils concernent l’ensemble de la planète. L’évolution climatique ou le SIDA en sont deux bons exemples. En outre, la Communauté européenne n’a pas une conception fermée de la coopération scientifique internationale. Elle le manifeste clairement en développant des accords avec d’autres régions du monde. Elle s’efforce tout particulièrement d’associer à sa propre politique les pays qui lui sont les plus proches.
L’Union européenne ne peut évidemment pas se désintéresser du bassin méditerranéen. Quatre de ses États membres en font partie. De nombreux problèmes concernent directement les populations de ses deux rives. Cette proximité justifie amplement une coopération scientifique ayant pour premier objectif d’aider les pays méditerranéens du Sud à maîtriser leur évolution. Cette démarche doit contribuer, même modestement, à stabiliser la région.
Dans le cadre général de cette politique, des relations plus étroites se sont nouées tout naturellement avec des pays dont les affinités avec l’Europe sont particulièrement fortes. Tel est bien évidemment le cas d’Israël.
La politique de coopération scientifique et technologique entre la Communauté européenne et Israël s’est développée depuis 1983, dans le cadre, d’une part de l’accord de coopération de 1975, d’autre part des « programmes-cadres de recherche-développement technologique de la Communauté » (PCRD). Du fait de son haut degré de développement scientifique et technologique, Israël est le seul État non européen du bassin méditerranéen à pouvoir mettre en œuvre avec l’Union européenne une collaboration scientifique et technologique suivie, réciproque et mutuellement bénéfique.
Au centre d’un marché potentiel de 200 millions d’habitants au Moyen-Orient, l’économie israélienne se caractérise par une croissance forte et régulière de son PNB, une balance des paiements en équilibre et une inflation limitée. Israël est aujourd’hui la 13e puissance économique du monde. La RDT joue un rôle majeur dans son économie, comme le montrent les quelques données ci-contre.
Historique des relations scientifiques et techniques Europe-Israël
À l’origine, la coopération scientifique et technologique entre l’Union européenne et Israël s’est principalement inscrite dans le cadre de programmes ciblés sur les pays en développement :
- d’abord le programme spécifique « Sciences et Technologies au service du Développement-STD« 1 des premiers PCRD ;
- ensuite les initiatives hors PCRD (« Coopération Scientifique Internationale-ISC » et « AVICENNE« 2 ;
- enfin, au cours du 4e PCRD (1994−1998), l’activité de coopération internationale avec les pays en développement « INCO-DC ».
Par ailleurs, les organismes israéliens ont eu également la possibilité de participer à l’action « MED-TECHNO », préparée dans le cadre de MEDA, instrument financier du « Partenariat euro-méditerranéen ».
Station satellite © AMBASSADE D’ISRAËL
De l’avis de tous, cette coopération s’est révélée particulièrement satisfaisante. Ceci n’est certes pas surprenant quand on connaît la communauté scientifique israélienne et les relations très étroites qu’elle entretient depuis toujours avec ses homologues européens. Ces résultats très positifs ont tout naturellement conduit à envisager de développer et de rendre systématique cette coopération en associant Israël à l’ensemble du PCRD.
C’est dans cet esprit qu’est signé, en 1996, « l’Accord de Coopération scientifique et technique entre la Communauté européenne et l’État d’Israël ». Il s’agit du premier accord dit « d’association » conclu entre la Communauté et un État tiers non européen.
Il permet d’associer Israël à tous les programmes spécifiques non nucléaires du 4e PCRD (1994−1998). Par ailleurs, il donne accès aux chercheurs et ingénieurs européens aux projets et résultats israéliens dans les domaines scientifiques et technologiques similaires. Des dispositions particulières régissent les droits de propriété intellectuelle et assurent la protection des intérêts des organismes européens.
En contrepartie d’une contribution financière d’Israël au budget du 4e PCRD, calculée au prorata du PNB (soit environ 30 millions d’écus par an), les entités de recherche israéliennes sont traitées comme celles des États membres de la Communauté, et peuvent être financées par la Commission selon les règles et procédures fixées par le Conseil. Selon une clause de réciprocité, les entités de recherche de la Communauté peuvent participer à certains programmes de RDT d’Israël3, jusqu’alors fermés à la participation de pays tiers, toutefois sans financement public israélien car la Communauté n’assure pas de contribution au budget de recherche israélien. Un comité conjoint veille à la mise en œuvre de l’accord et des coopérations en général.
Bilan de la participation d’Israël au 4e PCRD
Un séminaire, organisé conjointement par la Délégation de la Commission à Tel-Aviv (section scientifique) et par ISERD (the Israeli EU-RTD contact centre) s’est tenu en Israël sur les rives de la mer Morte les 3 et 4 février 1998 afin d’évaluer les conditions de mise en œuvre et les résultats de l’accord de coopération scientifique et technique. Plus de 120 personnalités du monde scientifique et technologique y ont participé, notamment 16 coordinateurs européens de projets de recherche ayant au moins un partenaire israélien.
Ce séminaire a permis de recenser les participations israéliennes aux programmes communautaires de RDT : 238 entités de recherche israéliennes sont partie prenante à des projets européens (sélectionnés ou présélectionnés). Toutefois, seuls 56 de ces projets sont de nature industrielle et il n’y a que 12 projets impliquant des consortia israéliens université-industrie4.
Compte tenu de leur tradition d’ouverture à la coopération internationale5, il n’est pas surprenant que l’accord avec la Communauté ait suscité un réel intérêt de la part des chercheurs universitaires israéliens.
Bien qu’à ce jour la participation des chercheurs industriels aux activités du 4e PCRD soit faible, les industries israéliennes apparaissent très ouvertes à l’idée de développer des coopérations avec la Communauté6. Il semble cependant que l’intérêt des industriels soit d’abord lié aux avantages financiers et commerciaux qu’ils espèrent retirer de leurs coopérations avec les chercheurs européens.
Comme toute activité de coopération en partenariat, les collaborations israélo-européennes ont permis de constituer des ensembles de RDT ayant la dimension appropriée pour mener, au moindre coût et avec une efficacité accrue, des activités de qualité. Par ailleurs, outre le développement du dialogue politique entre Israël et la Communauté dans les domaines de la science et la technologie, l’accord a conduit à de réelles synergies entre chercheurs israéliens et européens et a permis aux deux partenaires un accès réciproque à de nouvelles technologies. Il convient enfin de souligner certaines retombées indirectes des collaborations engagées dans le cadre de l’accord : accès à de nouveaux marchés, mise en réseaux de chercheurs, mise à disposition d’opportunités nouvelles de formation, formulation de nouvelles idées.
Aucune difficulté particulière n’a été soulignée par les partenaires européens. En revanche, et ceci est pour l’essentiel dû au fait que les Israéliens n’ont été associés au 4e PCRD que dix-huit mois après son lancement, les chercheurs israéliens n’ont pas profité pleinement de cette association à ce programme-cadre. Malgré des débuts prometteurs, la mobilisation des institutions de recherche et des sociétés est en effet restée en dessous de ce qu’on pouvait en attendre. Le manque d’information sur les possibilités offertes, les difficultés rencontrées pour trouver des partenaires – surtout dans le cas des industriels – et le recours insuffisant à certains instruments du 4e PCRD (par exemple les bourses et les mesures d’accompagnement) ont conduit à une participation israélienne inférieure à ce qu’elle aurait pu être, compte tenu de l’importance du potentiel scientifique et technologique israélien.
De ce fait, le taux de retour financier en Israël s’est avéré inférieur à ce que les autorités de ce pays espéraient. Ceci explique le débat qui s’est déroulé en Israël sur le projet d’association au 5e PCRD. Toutefois, force est de constater que l’analyse en termes de retour budgétaire n’est pas adaptée aux spécificités de la recherche : d’une part, l’intérêt qu’un pays peut trouver dépasse en effet les simples aspects financiers puisque la coopération internationale est stimulée, chaque projet comprenant plusieurs participants originaires de pays différents ; d’autre part, chaque participant a accès à l’ensemble de la recherche correspondant aux projets auxquels il participe et non à la seule recherche qui lui est directement financée.
Bénéfices mutuels de la coopération scientifique et technique
Compte tenu de sa petite taille, l’existence d’Israël dépend de sa capacité à répondre aux nombreux défis qui marquent son histoire récente. Le dernier défi est celui du « high-tech », c’est-à-dire le pari – risqué – de bâtir son économie sur l’exportation de produits à très haute valeur ajoutée, résultant de la mise en œuvre de technologies sophistiquées.
Pour y parvenir, il ne lui suffit pas de disposer d’une population parmi les mieux instruites au monde ni d’avoir mis en place des outils administratifs performants pour faciliter la transition de l’idée innovatrice au produit commercial. Il lui faut aussi un marché. Au-delà de la normalisation de ses relations avec les pays arabes voisins, qui apportera à Israël un marché non négligeable, l’Union européenne – avec ses 370 millions d’habitants destinés à dépasser le demi-milliard après l’élargissement – représente un partenaire incontournable. Le défi « high-tech » n’est donc possible que via son corollaire « exporter vers l’Union européenne ».
Au-delà des bénéfices retirés de l’accès au potentiel scientifique et technologique de l’Union, qui dispose de connaissances et de savoir-faire de pointe dans nombre de secteurs scientifiques, nous trouvons là une des raisons profondes de la détermination d’Israël à poursuivre son association avec le PCRD, au-delà des résultats insuffisants de sa participation au 4e PCRD.
L’accord de coopération a permis en parallèle à l’Union européenne d’accéder à un potentiel scientifique et technologique de qualité. C’est dans la possibilité ainsi offerte de partager le savoir-faire des institutions de recherche israéliennes et de profiter du dynamisme de ses PME que se trouve la véritable valeur ajoutée pour les scientifiques et industriels européens :
- Les scientifiques israéliens excellent dans le développement de composants sophistiqués de produits complexes7. Bien que n’étant pas en mesure de développer et de commercialiser le produit fini dans son ensemble, ils en détiennent la clef.
- Nombre d’entreprises israéliennes possèdent un savoir-faire technologique extrêmement pointu. Les niches technologiques dans lesquelles elles opèrent sont parfois limitées, mais leur expertise est telle que, très souvent, elles en deviennent les leaders mondiaux.
- Outre leur dynamisme, leur imagination et leur esprit d’entreprise, les PME israéliennes excellent dans l’art de protéger et d’exploiter leurs propriétés intellectuelles. Ainsi, Israël est devenu le deuxième pays étranger, après le Canada, en volume global d’affaires traitées à la bourse technologique de New York, le NASDAQ8.
Conclusion
L’accord de coopération a hissé Israël à un niveau très élevé de coopération avec l’Union. Non seulement les sociétés israéliennes peuvent participer pleinement à toutes les activités non nucléaires du 4e PCRD, mais des représentants israéliens, nommés par leur gouvernement, participent à tous les Comités de gestion des programmes et à la plupart des Comités consultatifs, assistant la Commission dans l’élaboration et la mise en œuvre de sa politique en matière de RDT. Israël n’est plus seulement un passager confiné dans une cabine du paquebot « PCRD », mais il fait aussi partie de son équipage.
Toutefois, la participation d’Israël au 4e PCRD n’a pas été optimale. C’est pourquoi, le pays a connu une longue période de réflexions, d’hésitations et de débats internes – notamment entre ministères. À son issue, le Premier ministre, Benjamin Nétanyahou, a pris le 15 juin 1998 une décision positive en faveur de la participation d’Israël au 5e PCRD.
Sur la base du mandat que lui avait confié le Conseil, la Commission a achevé la négociation du nouvel accord avec les autorités israéliennes et a proposé au Conseil de le conclure. Cet accord pourrait donc entrer en vigueur avant la fin de l’année, en concomitance avec celle du 5e PCRD lui-même.
J’ai conçu le 5e PCRD, actuellement en cours d’adoption, comme une rupture avec le passé. Il ne s’agit plus d’une simple synthèse d’intérêts nationaux et sectoriels. L’objectif est résolument mis sur la concentration des moyens sur des priorités clairement ciblées, tout en recentrant la recherche communautaire sur la croissance et la compétitivité économiques, la création d’emplois et la satisfaction des besoins sociaux. Un de mes soucis majeurs a été de la doter d’une réelle capacité d’adaptation à l’évolution des besoins économiques, sociaux et scientifiques.
Je suis convaincue qu’Israël sera un partenaire essentiel du 5e PCRD et que cette association apportera un élément décisif au développement économique de la zone euro-méditerranéenne.
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1. 94 projets conjoints de recherche ont été menés de 1984 à 1993 dans le cadre de STD puis de ISC, pour une contribution globale de la Communauté de 12 millions d’écus – dont 55 % allant aux équipes de recherche israéliennes, 45 % aux équipes des États membres.
2. Sur les 71 projets lancés dans le cadre du programme AVICENNE de 1992 à 1995, 22 impliquaient des organismes israéliens, pour une contribution globale de la Communauté de 7,6 millions d’écus. Dans ces projets, les laboratoires israéliens se trouvaient associés à des laboratoires de pays de l’Union, mais aussi, souvent, de pays arabes et des Territoires palestiniens.
3. Par exemple MAGNET (« Generic Pre-Competitive Technological RD »).
4. Au 1er juin 1998, 316 projets comprenant au moins un partenaire israélien ont été approuvés. Seuls 63 d’entre eux impliquent un partenaire industriel.
5. L’activité de recherche des universités israéliennes a toujours été ouverte sur le reste du monde et son caractère international est très marqué. Ceci est notamment dû à l’obligation faite aux chercheurs israéliens d’avoir une carrière internationale (plusieurs années de séjours « post-doc » à l’étranger sont imposées à tout candidat à un poste dans l’Université ; tous les sept ans, tout chercheur doit passer un an à l’étranger). Par ailleurs, un fonds spécial est facilement utilisable pour tout chercheur désirant se rendre à l’étranger (visites, conférences…). Enfin, chaque université a de nombreuses possibilités d’accueil de chercheurs étrangers.
6. Une enquête de ISERD auprès d’un échantillon d’industriels israéliens (participant ou non au 4e PCRD) a fait apparaître quelques opinions significatives à cet égard : 91 % des industriels interrogés estiment que le PCRD répond à leurs besoins ; 74 % expriment le désir de participer au PCRD ; en revanche, seuls 45 % considèrent qu’ils disposent d’une information suffisante et adéquate et tous soulignent la difficulté de trouver des partenaires dans la Communauté. Enfin, l’enquête de ISERD a mis en exergue les trois demandes fondamentales des milieux industriels israéliens : disposer d’une aide dans leur recherche de partenaires européens ; disposer d’une meilleure information, en temps utile ; être assistés dans la préparation des propositions.
7. On peut citer, entre autres : composants électroniques de PC ; modules de compression d’image digitale pour la transmission satellitaire ; logiciels d’emploi courant sur réseaux – Internet, Ethernet, etc. – ; systèmes de reconnaissance des formes, de la voix humaine et de textes manuscrits ; logiciels de gestion de vidéoconférences et messageries vidéo à large bande passante ; instruments pour la vision nocturne à guidage laser.
8. Si les « vétérans » parmi les PME israéliennes sont nés au cours des années 60, il faut noter que 80 % de l’ensemble des PME a moins de dix ans d’âge.