Couleurs et pigments

Dossier : L'industrie chimique, un renouveauMagazine N°664 Avril 2011Par : Pierre LASZLO

REPÈRES
Un colo­rant est un com­po­sé soluble tan­dis qu’un pig­ment est fait de par­ti­cules colo­rées inso­lubles. Les colo­rants servent sur­tout à teindre les tex­tiles. Les pig­ments servent, en sus­pen­sion dans la masse, à com­po­ser encres, encres d’im­pri­me­rie en par­ti­cu­lier, pein­tures et plastiques.

En 1856, William Hen­ry Per­kin inven­tait la mau­véine, un colo­rant pour les tex­tiles, que la reine Vic­to­ria mit à la mode, et lan­çait une entre­prise fami­liale pour la fabri­quer. Cla­riant est la firme actuelle dont les racines remontent à cette inven­tion de Perkin.

Les colo­rants servent sur­tout à teindre le textile

Emma­nuel Ver­guin éla­bo­ra en 1858 à Lyon, chez Renard Frères, une syn­thèse de la fuch­sine, un colo­rant rouge qui fut adop­té par les tein­tu­re­ries de drap. En 1863, une déci­sion de jus­tice don­nait aux Frères Renard le mono­pole de la fabri­ca­tion des colo­rants rouges syn­thé­tiques. La Suisse n’ayant pas de légis­la­tion sur les bre­vets rela­tifs aux pro­cé­dés chi­miques (jus­qu’en 1907), les chi­mistes bâlois pou­vaient copier libre­ment les pro­duits, contrai­re­ment à leurs concur­rents étrangers.

Dès 1859, Alexandre Cla­vel ache­ta aux Frères Renard une licence de fabri­ca­tion de la fuch­sine, et fit exploi­ter le pro­cé­dé à Bâle par la firme hel­vète qui pré­cé­da Ciba. D’autres fabriques de colo­rants virent le jour à Bâle : Gei­gy à par­tir de 1864, San­doz à par­tir de 1886. Elles furent à l’o­ri­gine de la grande indus­trie chi­mique et phar­ma­ceu­tique bâloise.

Le déclin européen

Sau­tons à pré­sent au début du XXIe siècle : en 2000, cinq indus­triels euro­péens, DyS­tar, Ciba, BASF, Cla­riant et York­shire Che­mi­cal, se par­ta­geaient encore plus de la moi­tié de la pro­duc­tion mon­diale de colo­rants, un mar­ché d’en­vi­ron 5,5 mil­liards de dol­lars. C’est d’ores et déjà révo­lu, de façon semble-t-il irré­ver­sible. Le sort de la pre­mière des entre­prises sus­nom­mées ser­vi­ra d’exemple. DyS­tar résul­ta de la fusion en 1995 des acti­vi­tés » colo­rants » de Bayer et Hoechst, et absor­ba la branche cor­res­pon­dante de BASF en 2000 puis, en 2004, les acti­vi­tés nord-amé­ri­caines de Yorkshire.

Cepen­dant DyS­tar fit faillite en 2009. Cette socié­té fut rache­tée pour une bou­chée de pain (M$ 70, alors que sa valeur esti­mée était le décuple) par Kiri Dyes and Che­mi­cals (Inde) et Long­sheng (Chine). Cette opé­ra­tion signa­la le dépla­ce­ment du centre de gra­vi­té de la fabri­ca­tion des colo­rants, de l’Eu­rope occi­den­tale vers l’A­sie. Deux autres socié­tés occi­den­tales, Hunts­man et Cla­riant, déci­dèrent en 2010 de trans­fé­rer à Sin­ga­pour leurs fabri­ca­tions de colorants. 

Moins d’imprimerie

Les encres d’im­pri­me­rie régressent, puisque dans les pays indus­tria­li­sés jour­naux et maga­zines impri­més le cèdent à des ver­sions élec­tro­niques. La fabri­ca­tion des pig­ments a elle aus­si migré en Asie. BASF fer­me­ra d’i­ci à 2013 six usines en Europe et aux États-Unis pour en ouvrir à Qing­dao et Shan­ghai en Chine, et Ulsan en Corée du Sud. Cla­riant prit des déci­sions similaires.

La clien­tèle des colo­rants et pig­ments est en effet doré­na­vant sur­tout asia­tique, pour la fabri­ca­tion entre autres de vête­ments et de jouets. Une épo­pée indus­trielle, qui vit le jour en Europe, est désor­mais flo­ris­sante dans cette autre par­tie du monde.

Pierre Laszlo

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