Courrier des lecteurs

Dossier : ExpressionsMagazine N°593 Mars 2004Par : Roland SCHIFF (60) et Gilbert CASTELLANET (52)

À propos de l’article “ Pour un droit probabiliste “, La Jaune et la Rouge n° 591, janvier 2004, Libres propos, page 27

Je ne peux pas man­quer de réagir au titre d’un article paru dans le numé­ro de jan­vier de La Jaune et la Rouge.

Ce titre “ Pour un droit pro­ba­bi­liste ” me semble reflé­ter une mécon­nais­sance, d’ailleurs assez cou­rante, de la fonc­tion du droit et de la jus­tice et aus­si d’une confu­sion entre les deux.

Le droit a pour seul objet de fixer les règles de la vie en socié­té. Il résulte de la Consti­tu­tion, des lois, décrets et règle­ments et il com­porte des “ prin­cipes géné­raux ” qui ont été déga­gés au cours du temps. Bien évi­dem­ment on ne voit pas com­ment cet ensemble, qui ne vise pas, et ne peut viser, des cas par­ti­cu­liers, pour­rait inté­grer quelque approche pro­ba­bi­liste que ce soit.

D’une façon géné­rale le rôle de la jus­tice est d’appliquer les règles de droit afin de tran­cher un litige (ou sanc­tion­ner une infrac­tion) et de réta­blir ain­si un fonc­tion­ne­ment social normal.

La jus­tice est l’application du droit par celui inves­ti de la fonc­tion de juger. On voit mal com­ment elle pour­rait être pro­ba­bi­liste même si, et ce depuis fort long­temps, il est fait usage en matière judi­ciaire de la notion de pro­ba­bi­li­té et, ceci sous le nom de pré­somp­tion, en vue de for­ger la convic­tion du juge.

Au pénal où on n’imagine pas que quelqu’un pour­rait être condam­né à un an de pri­son au motif qu’il y a une pro­ba­bi­li­té de 10 % qu’il ait com­mis un crime pour lequel il est pré­vu dix ans de prison !

Face à celui qui se plaint le juge a l’obligation de lui dire, de façon moti­vée en appli­quant au cas par­ti­cu­lier la règle de droit, s’il consi­dère qu’il a tort ou rai­son. Il ne lui est pas pos­sible de lui dire qu’il a rai­son, ou tort, à 45% (ou autre). D’ailleurs aucun jus­ti­ciable ne pour­rait l’accepter.

Bien enten­du chaque cas par­ti­cu­lier laisse au juge une marge d’appréciation dans la qua­li­fi­ca­tion juri­dique des faits aux­quels il devra appli­quer la règle de droit. Cette marge d’appréciation est cepen­dant très limi­tée et si le devoir, et l’obligation, du juge est de bien faire com­prendre les rai­sons de sa déci­sion, l’expérience montre que c’est là un exer­cice d’autant plus dif­fi­cile et que rares sont les per­sonnes qui ne font pas la confu­sion entre ce qui serait équi­table (de leur point de vue car le sens de l’équité est géné­ra­le­ment inverse sui­vant que l’on est en demande ou en défense !) et ce qui résulte de l’application de règles pré­éta­blies (règles qui sont la pro­tec­tion contre l’arbitraire et fondent l’existence même d’une démocratie).

Roland SCHIFF (60)
Pré­sident de Chambre au Tri­bu­nal de com­merce de Paris.

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À propos de la recension du livre de Monsieur Luc Ferry, La Jaune et la Rouge n° 592, février 2004, Forum social, page 55

Illettrisme

Un article du numé­ro de février pré­sente le livre de Luc Fer­ry Lettre à tous ceux qui aiment l’école. À juste titre, l’accent est mis sur la lutte contre l’illettrisme, et la prévention.

L’illettrisme est un mot. La réa­li­té, ce sont les graves han­di­caps dont souffrent de plus en plus d’enfants, d’adolescents, d’adultes, qui ne savent pas vrai­ment lire, avec tout ce que cela peut com­por­ter de dif­fi­cul­tés de com­pré­hen­sion, de com­mu­ni­ca­tion, de raisonnement.

Les pro­fes­seurs du secon­daire s’en plaignent depuis long­temps ; le mal atteint main­te­nant l’enseignement supé­rieur. Quant aux parents, après avoir légi­ti­me­ment fait confiance à l’école, beau­coup découvrent la catas­trophe presque par hasard, lorsqu’ils constatent qu’un enfant de huit ans ou de quinze ans ne sait pas lire : il fait semblant.

Or, autant la lutte contre l’illettrisme éta­bli sera dif­fi­cile et hasar­deuse, autant la pré­ven­tion est simple, car l’origine du mal est connue : c’est l’école qui pro­duit les illet­trés, et qui en pro­dui­rait encore davan­tage si nombre de parents n’apprenaient pas eux-mêmes la lec­ture et l’écriture à leurs enfants, en pra­ti­quant les méthodes tra­di­tion­nelles (dont les livres se vendent “ comme des petits pains ”).

En effet, à l’école mater­nelle, en CP, en CE, les méthodes les plus pra­ti­quées depuis trente ans sont “ à départ glo­bal ”. Le “ glo­bal ” consiste à faire “ lire ” à l’enfant des phrases, puis des mots dont il doit mémo­ri­ser l’image. Il se consti­tue ain­si un stock de mots (d’images de mots), à l’aide des­quels il devi­ne­ra ensuite des mots incon­nus, avant de décou­vrir la syl­labe et la lettre. Cette méthode glo­bale a des effets néga­tifs sur le fonc­tion­ne­ment du cer­veau. Certes, Luc Fer­ry a décla­ré que la méthode glo­bale a été aban­don­née, mais les méthodes à départ glo­bal pré­sentent les mêmes dangers.

Pour pré­ve­nir l’illettrisme, il suf­fit, mais il faut, que le Ministre, en ver­tu du fameux prin­cipe de pré­cau­tion, ban­nisse offi­ciel­le­ment les méthodes à départ glo­bal, et lance un pro­gramme accé­lé­ré de for­ma­tion des ins­ti­tu­teurs aux nou­velles méthodes déri­vées des méthodes syl­la­biques (le B. A.-BA).

Ceux qui s’intéressent à cette cause natio­nale trou­ve­ront études, infor­ma­tions et témoi­gnages sur le site
www.lire-ecrire.org
de l’Association famille-école-éducation.

Gil­bert CASTELLANET (52)

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