Covid-19 : interrogations sur le modèle épidémiologique,
Prise en compte de la vaccination et du « variant anglais »
Le modèle épidémiologique de base proposé en 1927 par Kermack et McKendrick inclut une équation inadaptée aux phénomènes dynamiques qui est toujours enseignée aux étudiants du monde entier. Ne serait-ce pas une des raisons pour lesquelles, pendant l’été 2020, la plupart des modélisateurs avaient sous-estimé la vigueur de la « deuxième vague » d’octobre-novembre ?
Après correction de cette erreur presque centenaire, quels enseignements tirer pour 2021 d’une simulation très simple qui prendrait en compte les événements nouveaux que sont l’arrivée des vaccins et celle du « variant anglais », cause potentielle d’une inquiétante « nouvelle vague » ?
N.B. Les lecteurs qui ne sont pas spécialement intéressés par les techniques de modélisation peuvent aller directement à la deuxième partie intitulée « Conséquences de la vaccination et de l’arrivée du « variant anglais »
Les dirigeants du monde entier prennent leurs décisions de politique sanitaire en tenant compte de résultats de simulations dont la plupart, si on les examine de près, sont encore basées, au moins partiellement, sur le schéma du modèle dit « compartimental » ou « SIR » proposé à la Royal Society de Londres par Kermack et McKendrick en 1927 1. Or la modélisation correspondante repose souvent sur une de ses équations, inadaptée à la simulation de phénomènes évoluant de façon dynamique. On peut supposer que ce choix a été dicté par de pures raisons de commodité de calcul à une époque où les ordinateurs n’existaient pas.
De là a peut-être résulté au cours de l’été 2020 pour la Covid-19 la prévision erronée d’une « deuxième vague » à croissance lente, de nombreux experts continuant à utiliser dans leurs modèles cette équation, encore enseignée sans aucune mise en garde dans pratiquement tous les cours d’épidémiologie. Les faits ont démenti cette prévision et contraint de nombreux gouvernements à décréter en catastrophe ce qu’ils voulaient éviter à tout prix, c’est-à-dire un deuxième confinement.
Dans une première partie, cette note montre qu’en faisant l’hypothèse que les caractéristiques du virus ont peu varié jusqu’à la fin de 2020, le remplacement de l’équation litigieuse par une autre, tout aussi simple mais adaptée à la simulation de systèmes dynamiques, permet, en utilisant un simple tableur informatique, de comprendre la sévérité de la reprise de l’épidémie en octobre-novembre.
Dans une deuxième partie, la même méthode décrit le changement radical de perspective induit en 2021 par l’arrivée de nouveaux acteurs : des vaccins efficaces et des « variants » de forte contagiosité.
De façon générale, il serait souhaitable qu’à l’avenir l’ensemble des épidémiologistes qui utilisent des modèles compartimentaux inspirés par la communication de 1927 de Kermack et McKendrick corrigent l’équation inadaptée aux régimes dynamiques qui y figure.
PREMIERE PARTIE
I – Contexte
Le célèbre modèle à trois « compartiments » dit SIR (Susceptibles d’être infectés, Infectés , Rétablis et décédés ), dont s’inspirent depuis 1927 la plupart des épidémiologistes du monde entier, contient une équation inadaptée aux variations rapides du nombre d’individus infectés. Vraisemblablement Kermack et McKendrick n’ont pas choisi la forme de cette équation pour sa pertinence, mais plutôt parce qu’à cette époque ils ne disposaient pas de moyens de calcul informatiques permettant de trouver facilement de solution à une autre équation qui aurait mieux rendu compte des phénomènes biologiques réels. Continuer à utiliser l’équation de 1927 conduit à gravement sous-estimer la dynamique d’une épidémie à des moments cruciaux tels que son développement initial, les effets d’un éventuel confinement et la reprise des infections qui peut suivre tout déconfinement.
Le maintien de ce qu’on peut appeler « l’approximation de 1927 » au niveau mondial, que ce soit dans l’ensemble des cours d’épidémiologie ou dans de nombreux modèles contemporains, n’est guère compréhensible à notre époque. Ce respect d’une formulation traditionnelle de plus de quatre-vingt-dix ans, aujourd’hui dépassée, pourrait expliquer pourquoi, dans de nombreux pays, les modèles existants avaient anticipé une vitesse de montée de la « deuxième vague » de l’épidémie beaucoup plus faible que celle qui a été constatée à partir de septembre.
Par ailleurs, l’absence d’une prise en compte de la dynamique réelle d’une épidémie par les modèles utilisant « l’approximation de 1927 » conduit à sous-estimer la rapidité avec laquelle le nombre de personnes infectées diminue à la suite de mesures faisant baisser de façon drastique le coefficient de reproduction R0.
Si l’approximation erronée, base de l’équation de 1927, persiste dans la plupart des modèles, les prévisions d’évolution de l’épidémie actuelle dans différents scénarios de confinement et de déconfinement risquent être inexactes ; elles peuvent conduire les pouvoirs publics à prendre des décisions inadaptées à la situation réelle. Il est donc urgent de comparer les résultats donnés par les modèles actuels, dont le détail du fonctionnement interne n’est généralement pas diffusé, à ceux provenant de modèles simples basés sur une version rectifiée de l’équation de 1927.
II – L’approximation de 1927
Le modèle de Kermack et McKendrick dit « SIR compartimental » date de 1927. Depuis cette date il a inspiré les innombrables modélisateurs d’épidémies qui ont cherché à y ajouter de multiples raffinements, sans remettre en cause le modèle de base.
Qu’écrivent Kermack et McKendrick dans leur « Contribution à la théorie mathématique des épidémies » de 1927 ?
Au début de cette « contribution » ils expliquent qu’à un instant donné l’ensemble des individus malades comprend plusieurs sous-ensembles, chacun d’entre eux incluant ceux ont été infectés pendant le même intervalle de temps (et ont donc la même « ancienneté » dans la maladie).
Figure alors le diagramme suivant :
qui laisse supposer que le moment où chaque malade a été infecté sera pris en compte dans le modèle pour déterminer le moment où il sortira de son état infectieux par guérison ou décès.
Malheureusement la dizaine de pages de calcul qui suivent, pratiquement incompréhensibles, ne permet pas de voir s’ils sont arrivés à une méthode de calcul (à l’époque sans l’aide d’ordinateurs !) permettant de modéliser une épidémie suivant ce principe.
Vraisemblablement dans la recherche du Graal qu’aurait été à cette époque la découverte d’une solution exprimable de façon analytique, Kermack et McKendrick proposent alors ce qu’ils appellent un « special case » :
Ces équations sont à la base de la plupart des multiples systèmes de simulation d’épidémies proposés depuis cette époque, avec des notations qui sont habituellement :
dR / dt = – β S I
dI / dt = β S I – γ I
dR / dt = γ I ( voir plus bas la définition de ces lettres )
S + I + R = N
Elles traduisent les hypothèses suivantes :
1 – dans une population composée de N individus, dès que le nombre I de malades réputés infectieux le jour J est assez grand pour qu’on puisse appliquer des méthodes statistiques, le nombre de nouveaux malades supplémentaires qui seront contaminés pendant ce jour J est proportionnel à I et à S, ce qui s’exprime par l’équation :
Nombre quotidien de nouveaux infectés = β x S x I (produit des 3 nombres)
R0 est le nombre de personnes qu’infecte pendant toute la durée de sa contagiosité un malade plongé dans une population entièrement susceptible d’être infectée
β est proportionnel à R0 , très exactement : β = R0 / (N x D).
N est la population totale et D le temps moyen pendant lequel une personne malade est contagieuse
S est le nombre de personnes pouvant encore être contaminées (donc n’ayant été ni infectées, ni vaccinées, et ne disposant pas d’une éventuelle immunité naturelle)
I est le nombre de personnes infectieuses le jour J
Cette équation n’appelle pas de remarque particulière.
2- pendant ce même jour J, le nombre de malades qui arrêtent, suite à leur guérison ou à leur décès, d’être susceptibles de contaminer des personnes saines (et non immunisées par vaccination ou immunité naturelle) est proportionnel au nombre total de malades infectieux.
Nombre quotidien de personnes infectées guéries (et immunisées) ou décédées = γ x I
(ne pouvant donc plus contaminer d’autres personnes)
γ est l’inverse de D, temps moyen pendant
lequel une personne malade est contagieuse
Cette approximation qui date de 1927, bien adaptée à des phénomènes statiques ou quasi-statiques, ne rend pas compte correctement de la dynamique réelle d’une épidémie, en particulier dans les moments cruciaux que sont l’arrivée de la maladie et le début ou la fin d’un confinement.
En effet, pendant une période de croissance du nombre d’individus infectés, au jour J ceux-ci sont répartis en D sous-ensembles :
Infectés depuis 1 jour |
Infectés depuis 2 jours |
….. / ….. |
Infectés depuis (D – 1) jours |
Infectés depuis D jours |
Le nombre d’infectés augmente de jour en jour.
La taille de chaque case est proportionnelle au nombre d’individus qu’elle contient.
Dans la réalité, les malades guérissent ou décèdent en moyenne D jours après avoir été infectés. Le jour J, dans une modélisation correcte, quittent donc le « compartiment I des infectés » (par guérison ou décès) les malades, peu nombreux (voir schéma) qui sont infectés depuis D jours.
L’ « approximation de 1927 » de Kermack et McKendrick reprise dans tous les cours d’épidémiologie et la plupart des modèles actuels fait sortir quotidiennement du « compartiment I des infectés » la moyenne entre les D cases du diagramme ci-dessus, c’est-à-dire un nombre très supérieur à la réalité puisque les infectés récents sont arrivés à un rythme quotidien de plus en plus élevé
Majorant le nombre de sorties du « compartiment I » par rapport au nombre réel, ce type de modèle diminue artificiellement la vitesse de croissance prévue pour une épidémie, par exemple à son début ou pendant une phase de déconfinement.
Dans un modèle digne de ce nom, qui doit simuler une situation en permanence évolutive, si D est la durée moyenne entre début d’infection et guérison ou décès, chaque jour le nombre de malades qui arrêtent d’être susceptibles de contaminer des personnes saines est sensiblement égal à celui des personnes qui sont tombées malades D jours plus tôt (ce qui peut apparaître comme une lapalissade, mais certains paraissent l’ignorer … !).
Cette logique est très différente de celle adoptée par Kermack et McKendrick en 1927. Ce qu’on peut appeler « l’approximation de 1927 » aboutit à ce qu’en phase de croissance le modèle SIR classique comptabilise comme sortant de l’infection des individus qui sont tombés malades il y a nettement moins de D jours, ce qui va conduire à la prévision d’une croissance de l’épidémie très inférieure à la réalité par sous-estimation du nombre de personnes restant infectieuses (c’est vraisemblablement ce qui est arrivé en France à l’automne 2020, quand la « 2ème vague » Covid-19 a été beaucoup plus rapide et beaucoup plus forte que les prévisions de l’été, pendant lequel le très faible nombre de nouveaux infectés quotidiens avait même conduit certains à annoncer que l’épidémie était terminée).
Ce fait est connu de certains modélisateurs, mais ils ne semblent pas en avoir mesuré les conséquences, qu’il est possible d’évaluer par simulation de la même épidémie en utilisant successivement un programme basé sur « l’approximation de 1927 » et un programme ayant remplacé l’équation correspondante (dR / dt = γ I) par une équation adaptée à la simulation de phénomènes en régime fortement dynamique (dR(t) / dt = – dS(t‑D) / dt).
Pour ce faire, il est possible d’utiliser un simple tableur qui permet d’exprimer facilement le nombre de nouveaux infectés, guéris et décédés en fonction du nombre de de personnes infectées, guéries et décédées pendant les journées précédentes et de l’évolution de certains paramètres (en particulier R0). L’exemple choisi est un cas théorique souvent présenté dans les cours d’épidémiologie (R0 = 3 et durées d’infection fixes pouvant aller d’une à trois semaines ; voir en annexe les tableaux permettant de simuler simplement cette épidémie en utilisant les 2 modèles). On l’applique à une population de 67 millions d’habitants.
Utilisons tout d’abord l’équation classique de 1927 : dR / dt = γ I
A noter qu’il s’agit de simulations à R0 constant uniquement destinées à démontrer la gravissime sous-estimation du modèle de 1927 en phase de croissance d’une pandémie. Bien évidemment, si la maladie est dangereuse, pouvoirs publics et population feront tout pour que R0 diminue avant que le nombre réel d’infectés atteigne le maximum théorique de ces courbes. D’autre part, au cours d’une épidémie réelle, R0 varie en permanence pour de multiples raisons tenant tout à la fois au comportement de la population et à des données médicales (mutations éventuelles du virus, découverte de traitements changeant la durée de contagiosité des personnes infectées). L’accent quasi exclusif mis dans les cours d’épidémiologie sur des cas théoriques d’épidémies à R0 constant pouvait se justifier à l’époque où, faute d’ordinateurs, il était important d’essayer de trouver des résultats exprimables sous forme de fonctions analytiques. L’important de nos jours est d’utiliser des équations représentant le mieux possible le phénomène que l’on veut simuler : ensuite, de toute façon, le calcul (par ordinateur) suivra !
A R0 constant (égal à 3) le pic théorique (voir plus haut) du nombre d’infectés (21 millions sur une population de 67 millions) correspondant à l’atteinte de ce qu’on appelle « l’immunité collective » dépend très peu de la durée d’infection moyenne. En revanche, le nombre quotidien maximal théorique de nouvelles infections est plus important (4 millions / jour) dans le cas d’une durée d’infectiosité courte (7 jours) que dans le cas d’une infectiosité plus longue (1,5 million / jour pour D = 20 jours).
Utilisons maintenant l’équation dR(t) / dt = – dS(t‑D) / dt , D durée de la période d’infection contagieuse étant égale à 1 / γ
Certaines conclusions sont les mêmes que celles résultant de l’utilisation de l’équation de 1927 :
A R0 constant (égal à 3) le pic théorique du nombre d’infectés (37 millions sur une population de 67 millions, correspondant à l’atteinte de l’immunité collective) dépend très peu de la durée d’infection moyenne. En revanche, le nombre quotidien maximal théorique de nouvelles infections est plus important (6 millions / jour) dans le cas d’une durée d’infectiosité courte (7 jours) que dans le cas d’une infectiosité plus longue (2 millions / jour pour D = 20 jours).
On peut également remarquer que c’est R0 qui est déterminant pour le calcul du nombre maximum d’infectés correspondant à l’atteinte de l’immunité collective au-delà de laquelle l’épidémie commence à s’éteindre spontanément. A R0 constant, une faible variation de la durée moyenne d’infection D ne change pas de façon fondamentale l’évolution de l’épidémie (mais il faut bien sûr remarquer que la valeur de D est déjà prise en compte dans l’égalité : R0 = β D N = β N / γ )
Mais certaines différences sautent aux yeux :
* le pic théorique du nombre d’infectés maximal théorique donnée par l’équation rectifiée est beaucoup plus élevé que celui donné par l’équation classique de 1927 (37 millions au lieu de 21 millions),
* l’équation rectifiée implique un décollage significatif de l’épidémie et une atteinte du nombre maximal de personnes contaminées nettement plus rapides que l’équation de 1927
On peut mettre en évidence ces différences en portant sur le même diagramme les résultats obtenus avec les 2 équations différentes, par exemple pour R0 = 3 et D = 10 jours :
Comme indiqué plus haut, ces courbes ont un caractère théorique, car dans le cas d’une maladie grave, R0 va généralement diminuer rapidement sous l’influence de changements de comportement de la population spontanés (réduction des contacts avec les malades par peur de la contagion) ou imposés par les pouvoirs publics (confinements, couvre feux, fermeture de magasins et de salles de spectacles …).
Mais ce qui n’est pas seulement théorique est le fait que l’utilisation de l’équation de 1927, qui traite les guérisons et les décès comme s’il s’agissait d’un phénomène physique tel que la radioactivité, divise pratiquement par deux les variations (à la hausse comme à la baisse) des nombres d’infections calculées par l’équation rectifiée qui, elle, tient compte de la réalité biologique d’une période d’infection variant relativement peu par rapport à une valeur moyenne.
Sensibilité à R0
Il est intéressant de faire la même comparaison entre les résultats obtenus avec d’autres valeurs de R0, telles que 1,5 qui est une valeur couramment obtenue pour l’épidémie Covid-19 sans confinement, mais avec des mesures de distanciation physique.
On retrouve les mêmes conclusions que pour R0 = 3, avec des valeurs absolues plus petites.
Conclusions
L’équation de 1927, adaptée aux seules situations statiques ou quasi-statiques, génère une solution erronée :
- les deux pics (nouveaux infectés quotidiens et total des personnes infectées au jour J) sont égaux à un peu plus de la moitié de ceux donnés par l’équation qui rend compte correctement du phénomène dynamique. De plus, ces pics surviennent avec retard.
- en phase ascendante de l’épidémie, le taux de croissance du nombre d’infectés calculé avec l’équation de 1927 est nettement plus faible que celui découlant de l’équation « dynamique »
Depuis l’arrivée de l’informatique, la contrainte résultant du choix systématique d’équations conduisant aux calculs les plus simples possibles n’existe plus. La bonne méthode dans un tel cas est de concevoir des équations les plus proches possibles des phénomènes que l’on souhaite simuler, et d’utiliser un solveur pour en trouver les solutions. Au passage, ceci permet de simuler facilement des épidémies où R0 varie, ce qui est le cas dans toutes les épidémies réelles tout à la fois à la suite :
- d’évolutions spontanées (par peur) ou contraintes (confinement) du comportement de la population,
- ou d’éventuelles modifications de données biologiques (mutations importantes du virus, découverte de traitements plus efficaces).
Conclusion (qui n’est que la formalisation d’une lapalissade !) :
Pour rendre compte correctement de la dynamique d’une épidémie, les omniprésentes équations de type dR / dt = γ I figurant dans la plupart des modèles en sortie de compartiments où se déroule un phénomène biologique qui peut être estimé comme étant de durée fixe doivent impérativement être remplacées par des équations de type dR(t) / dt = – dS(t‑D) / dt D étant la durée du phénomène (inverse de γ) - dS / dt étant le débit d’individus à l’entrée du compartiment et dR / dt le débit d’individus à la sortie de ce même compartiment. |
III – Simulation de l’épidémie Covid-19 avec un modèle SIR où l’équation dR/dt = γ I est remplacée par une équation adaptée aux phénomènes dynamiques : dR(t) / dt = – dS(t‑1/γ) / dt
Compte tenu des nombreux chiffres accessibles sur divers sites Internet, il est possible d’introduire dans un tel modèle des paramètres R0 et D permettant d’obtenir une bonne cohérence avec l’évolution observée de l’épidémie.
D = 10 jours (soit γ = 0,1)
N = 67 000 000 S : nombre d’individus susceptibles d’être contaminés
R0 évoluant entre 0,7 et 3
Reffectif = R0 x S / N
β = R0 / (N x D)
- jusqu’au 16 mars : R0 = 3
- baisse de 3 à 0,7 en 10 jours (début du 1er confinement)
- R0 = 0,7 jusqu’au 10 mai (1er confinement)
- hausse linéaire de 0,7 à 1,5 en 133 jours (1er déconfinement)
- R0 = 1,5 du 23 septembre au 22 octobre (fin du 1er déconfinement)
- baisse de 1,5 à 0,95 en 10 jours (début du couvre-feu suivi du 2ème confinement)
- R0 = 0,95 jusqu’au 14 décembre (2ème confinement)
- à partir du 15⁄12 hausse linéaire suivant la même pente qu’en 4 (2ème déconfinement)
Comparaison entre les prévisions de « 2ème vague » en utilisant les deux types d’équations
On se place au 1er août avec les effectifs donnés par le modèle utilisant l’équation rectifiée pour :
- les infectés
- les personnes susceptibles d’être infectées (en excluant donc les personnes immunisées suite à leur guérison ainsi que les personnes décédées).
Puis on demande aux tableurs utilisant les deux types d’équations de donner l’évolution des infections jusqu’à la fin de juin 2021.
On constate immédiatement que le modèle utilisant l’équation « dynamique » prévoit à partir de septembre une montée beaucoup plus rapide du nombre de nouveaux infectés quotidiens que le modèle utilisant l’équation de 1927, avec un pic théorique, en l’absence de nouveau confinement, de plus de 600 000 infections quotidiennes atteint dès décembre 2020. Le modèle fondé sur « l’approximation de 1927 » prévoit une montée nettement plus lente avec un pic théorique de plus de 300 000 infections quotidiennes atteint en février 2021.
Là encore, l’équation « dynamique » est nettement plus conforme à la réalité observée à l’automne 2020 que ce que prévoyaient les modèles basés sur l’équation traditionnelle de 1927.
Cas d’une décroissance du nombre d’infectés
Il convient de remarquer que le caractère « dynamique » de l’équation proposée fonctionne dans les deux sens : il rend compte, en cas de confinement amenant R en dessous de 1, d’une diminution réelle du nombre d’infections nettement plus forte que ce que laissent prévoir les modèles basés sur l’équation de 1927.
En effet, en cas de décroissance du nombre d’infections, si on considère l’ensemble des personnes infectées au jour J, elles sont divisées en D sous-ensembles :
Infectés depuis 1 jour |
Infectés depuis 2 jours |
….. / ….. |
Infectés depuis (D – 1) jours |
Infectés depuis D jours |
Le nombre d’infectés diminue de jour en jour.
La taille de chaque case est proportionnelle au nombre d’individus qu’elle contient.
L’ « approximation de 1927 » de Kermack et McKendrick fait sortir quotidiennement du « compartiment I des infectés » la moyenne entre les D cases du diagramme ci-dessus, c’est-à-dire un nombre très inférieur à la réalité puisque les infectés qui sortent réellement du compartiment I sont ceux, nombreux, qui sont arrivés D jours auparavant.
Minorant le nombre de sorties du « compartiment I », ce type de modèle diminue artificiellement la prévision de la vitesse à laquelle une épidémie décroît, par exemple lorsqu’un confinement fait passer Reffectif en-dessous de 1.
Ceci donne une possible explication, au moins partielle, de la différence entre la déclaration du Président Macron indiquant le 28 octobre 2020 que, « quoi qu’on fasse », il allait y avoir 9 000 patients Covid-19 en réanimation le 15 novembre et le chiffre réel observé à cette date, nettement plus faible. Il se peut que l’effet du couvre-feu (23 octobre) puis de 2ème confinement (29 octobre) ait été plus rapide que ce que prévoyaient des modèles basés, au moins partiellement, sur l’équation de 1927.
IV – Conclusion
L’équation proposée par Kermack et McKendrick en 1927 pour le calcul du nombre de malades sortant d’infection par guérison ou décès n’est valable que si leur nombre est stable, ce qui dans la réalité d’une épidémie n’est jamais le cas. Si on remplace l’équation de 1927 par une autre tenant compte du caractère dynamique du flux de malades on constate que ceci induit une forte modification des prévisions du modèle : par exemple à R0 constant, l’équation de 1927 donne une pointe du nombre maximum d’infectés deux fois plus faible que l’équation « dynamique » par laquelle elle devrait être remplacée pour être conforme à la réalité, ainsi qu’un taux de croissance du nombre de personnes infectées très inférieur.
Globalement, l’équation de 1927 conduit à minimiser les futures variations réelles du nombre d’infections. Elle est dangereuse pendant les phases où l’épidémie se développe, car elle peut conduire à sous-estimer les besoins futurs en équipement et en personnel médical. Mais inversement cette caractéristique joue dans l’autre sens pendant les phases de décélération, car finalement les actions des pouvoirs publics destinées à réduire le nombre de malades seront plus efficaces, dès que Reffectif passe en-dessous de 1, que ce qu’indique un modèle utilisant l’équation de 1927.
DEUXIEME PARTIE
Simulation des effets de la vaccination et de l’introduction du « variant anglais » pendant toute l’année 2021
I – Simulation sans « variant anglais »
Sans vaccination
Début 2021, le coefficient Reffectif est d’environ 1,2.
La part de la population susceptible d’être contaminée (S/N ) donnée pour cette époque par le modèle utilisé (SIR à durée d’infection constante) est 0,86.
R0 = 1,2 / 0,86 = 1,4
Examinons tout d’abord la situation théorique où, sans modification de R0, il n’y aurait ni confinement, ni vaccination. Il y aurait alors une « troisième vague » d’amplitude supérieure à celle des deux précédentes (toutes deux ayant été interrompues par les deux premiers confinements). L’amplitude de cette vague dépasserait en mars-avril les capacités d’accueil du système hospitalier. De toute évidence, les pouvoirs publics seraient amenés à mettre en place un troisième confinement.
Mais un fait nouveau est survenu début 2021 : la population a commencé à être vaccinée.
Vaccination
La vaccination commence en janvier 2021. Devant les nombreuses incertitudes sur le rythme de la vaccination, le délai d’apparition de l’immunité des vaccinés, le décompte différent entre individus vaccinés et nombre de doses, nous adoptons dans un premier temps une hypothèse simple : à partir du 20 janvier 100 000 personnes par jour sont immunisées et quittent le « compartiment » S sans passer par « I ».
Le premier schéma de la page suivante est un rappel du scénario sans vaccination où R0 reste à son niveau de début de 2021 (1,4), ce qui correspond à Reffectif passant progressivement de 1,2 à 0,81.
Le deuxième schéma correspond à l’introduction d’une vaccination (100 000 immunisés/jour à partir du 20 janvier) qui fait baisser de façon significative le nombre d’infectés en mars-avril. On se trouve alors dans une situation où un confinement moins strict (par exemple couvre-feu renforcé, restrictions de certains déplacements …) pourrait être suffisant.
II – Simulation avec « variant anglais »
Intégrons dans les diagrammes qui suivent l’arrivée d’un variant « anglais » (1,5 fois plus contagieux que le virus de type « 2020 »). Les derniers chiffres connus à ce jour (27÷1÷2021) indiquent qu’au 8 janvier 2,5% des personnes contaminées l’auraient été par un virus de type « anglais. D’après notre modèle, ceci correspond à un « patient zéro » arrivant en France fin septembre 2020 (ou plusieurs arrivant à des dates postérieures).
Dans une telle situation s’engage une compétition entre « virus 2020 » et « variant anglais » pour contaminer les individus du compartiment des « Susceptibles ». Grâce à sa contagiosité supérieure, le variant anglais prend le dessus, faisant disparaître en quelques mois le virus 2020.
D’après notre modèle, la proportion d’infections « anglaises » parmi l’ensemble des infections Covid serait la suivante :
- 8 janvier : 2,5 %
- fin janvier : 14 %
- fin février : 60 %
- fin mars : 94 %
En l’absence de vaccination et d’une modification de comportement de la population
(R0 restant égal à 1,4 pour le virus « 2020 », et par voie de conséquence 2,1 pour le virus « anglais ») on se trouverait alors face à une catastrophe sanitaire majeure.
La vaccination à 100 000 immunisés par jour permet de réduire de façon significative le nombre d’infectés, mais pas de façon suffisante en l’absence de mesures faisant simultanément baisser radicalement R0 « 2020 » jusqu’aux environs de 1, les Reffectif passant alors en-dessous de 1.
Conclusion
Les simulations qui précèdent, basées sur des hypothèses préliminaires concernant le rythme des vaccinations, leur efficacité, la contagiosité du « variant anglais », le comportement de la population, qu’il soit spontané (peur de l’infection) ou contraint (suivi des consignes gouvernementales) ne peuvent avoir valeur de prévisions tant que ces paramètres ne sont pas connus avec plus de précisions.
En revanche, ces simulations permettent de bien comprendre certains mécanismes de l’épidémie ainsi que les effets prévisibles de différentes décisions de politique sanitaire. Elles montrent la souplesse du modèle simple utilisé, qui peut être adapté très rapidement à de nouvelles données (nombre et caractéristiques des variants, rythme et efficacité des vaccinations, variations comportementales de la population …).
ANNEXE
1. Kermack, W. O., McKendrick, A. & Walker, G. T. A contribution to the mathematical theory of epidemics. Proc. R. Soc. A 115, 700–721. https://doi.org/10.1098/rspa.1927.0118 (1927).