Créer son entreprise, c’est facile
Au Carnaval de Rio,
en février 1957.
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Au Carnaval de Rio,
en février 1957.
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En début de carrière, on m’a envoyé à Rio faire le profil géophysique de l’entrée de la baie, pour un projet de tunnel (mes résultats ont conduit à construire un pont).
Mais après quelques semaines au Brésil, à 26 ans, je n’avais aucune envie de retrouver l’atmosphère maussade de Paris. J’ai donc proposé à mon employeur de créer une filiale à Rio. Il m’a enjoint de rentrer par le premier avion. Je suis resté.
La rencontre du financier
J’ai fait le tour des entreprises françaises sur place. Aucune ne souhaitait embaucher un jeune Français qui ne connaissait rien à leurs activités et ne parlait guère portugais. Le hasard a voulu que je rencontre un « financier ». À l’époque, on ne nous apprenait pas à l’X ce que c’était. Il m’a expliqué qu’il gérait de l’argent qu’il plaçait quand on lui apportait une idée intéressante (il s’appelait Rothschild, j’aurais dû y penser). J’ai répondu que je voulais justement créer une société de géophysique.
Je me suis retrouvé conférencier et professeur de géophysique
L’idée lui a plu. Le lendemain j’étais chez Demostenes, son avocat, et à midi la Sociedade de Estudos Geofisicos do Brasil Ltda (Sogebral) était née. Facile. Sauf que j’ai ensuite ramé pendant six mois avant d’obtenir mon premier contrat, la carte du fond du rio Parana à Iguaçu par échosondage, rien à voir avec la géophysique mais je n’étais pas regardant.
Puis d’autres contrats sont arrivés. J’ai développé ma société, fait des conférences dans plusieurs universités brésiliennes et chez les militaires, et me suis même retrouvé professeur de géophysique à l’Escola de Minas. Quatre années grisantes.
Traductions en tout genre
J’ai cédé mes sociétés alors qu’elles étaient encore très jeunes mais j’ai eu le plaisir, passant par le Brésil des années plus tard, de voir que ma société s’était développée et était encore dirigée par mon ancien numéro deux, un jeune ingénieur brésilien que j’avais engagé sur place au début.
Et si vous avez des problèmes de traduction ou d’interprétariat, adressez-vous donc à Paris à Tradutec qui va bientôt fêter son cinquantenaire et a été reprise et développée avec succès par mon ancien associé.
J’ai revendu l’affaire à des Brésiliens, mais j’étais contaminé. De retour à Paris et de nouveau employé, j’ai créé avec un collègue, pour m’amuser, une société de traduction que nous avons appelée Tradutec car nous visions la traduction technique. Un cousin avocat nous a créé une SARL. Quelques annonces pour recruter des traducteurs à domicile, un mailing d’offres de service et c’était parti. Par curiosité, nous avons plus tard fondé une deuxième société, Les traducteurs associés, pour créer notre propre concurrence. Même succès. Nous avons appelé la troisième Tradu-Synthèse. Là, surprise, nous avons surtout reçu des commandes d’entreprises chimiques et pharmaceutiques : la puissance évocatrice d’un nom !
Tout s’enchaîne facilement
Voulant connaître l’Amérique, j’ai créé une autre société de traduction à New York, que j’ai baptisée Translation Company of America, Inc. On m’a cru fou : il ne faut jamais croire les railleries des jaloux. À leur surprise et à la mienne, d’ailleurs, elle a marché : bureau au 58e étage sur la 5e Avenue, vue panoramique sur toute la ville et la statue de la Liberté. La gloire.
J’ai poursuivi à Montréal, Toronto, Genève, Lyon, San Francisco. Peu persévérant, j’ai tout revendu et suis devenu consultant indépendant en Amérique du Nord. J’ai créé d’autres entreprises aux États-Unis, au Canada et en Afrique, dans des domaines divers (hôtels, centrales hydroélectriques, équipement de stations de ski, un port, un peu d’immobilier) pour le compte de clients qui m’ont fait confiance. Et chaque fois, j’ai été surpris par la facilité avec laquelle tout cela s’enchaînait.
Créer des entreprises, c’est facile. Question de courage, d’inconscience et de culot. Les capitaux, on les trouve à condition d’être convaincant, réaliste et sympathique. Et j’ajouterai que ce que j’ai fait toute ma vie pour la gagner m’a tellement amusé et passionné que j’ai l’impression de n’avoir jamais travaillé.