DCI souhaite développer le savoir-faire français en matière de cyberdéfense
Pourquoi nous positionnons-nous dans le domaine de la cyberdéfense ?
C’est un sujet sensible. Je me souviens du discours prononcé par le ministre où il avait annoncé un doublement du nombre d’attaques cyber dont était victime le ministère en un an. Il y a donc un vrai sujet et une vraie demande.
Les pays où nous sommes présents sont intéressés par le savoir-faire français. Pourquoi ? C’est dans la logique même de la position très singulière de la France, que l’on peut qualifier d’originale et d’indépendante.
Cela s’est vu au cours de son histoire et nous le ressentons très régulièrement dans les pays amis où nous sommes présents : il y a à la fois une vraie reconnaissance de la position particulière de la France et un respect pour son savoir-faire.
Votre secteur cyberdéfense comprend pour le moment combien de personnels ?
Quelle sera sa montée en puissance dans un proche avenir ?
Notre structure est encore petite, mais nous montons rapidement en puissance ; notre taux de croissance dans le domaine est actuellement supérieur à 50 %. Depuis le début de l’année, nous mettons en place une offre de formation cyber en partenariat avec le pôle d’excellence Cyber et les écoles de Saint Cyr Coëtquidan.
Nous développons une plate-forme de formation et d’entraînement – le cylab – qui a vocation à fédérer ces acteurs sur ce domaine qui est le coeur de métier de DCI.
Nos formations seront dispensées, dès 2016, essentiellement en Bretagne, en langue française et anglaise. Parmi les régions qui se montrent intéressées par nos formations : Moyen Orient, Asie. Nous avons donc pu confirmer que cette approche de la cyberdéfense suscite un intérêt très important.
Économiquement, qu’en espérez-vous ?
La formation représente environ 5 % du marché global de la cyberdéfense et DCI compte bien être l’un des acteurs majeurs de la formation. Notre développement ira toujours dans le cadre de ce qui sera possible, crédible et souhaité par le ministère de la Défense.
Nous ne serons jamais ni en prédation ni en excès de transfert si ce n’est pas utile ou si ce n’est pas jugé pertinent. Nous ferons toujours preuve d’une grande prudence dans le transfert des savoir-faire dans ce domaine.
Quand vous parlez de « pays amis de la France », vous restez dans le cadre européen ?
À DCI, nous sommes principalement extra-européens. Nos pays historiques sont ceux du Golfe. Nous avons aussi une présence en Asie (Singapour, Malaisie) et au Brésil. Nous avons une présence qui a été plus importante dans le passé, mais qui monte de nouveau en puissance en Amérique latine.
Comme vous le constatez, nos pays historiques sont des pays qui sont en dehors de cette sphère traditionnelle que l’on pourrait qualifier de « sphère OTAN » ou de « sphère européenne » ou de « sphère nord-américaine ».
Ce sont des pays dans lesquels la France, dans son histoire et depuis longtemps, a entretenu des liens souvent très forts et encore très présents.
Avec qui travaillez-vous ?
DCI travaille au transfert du savoir-faire des armées françaises (c’est le label « armée française ») et nous ne nous permettons pas de travailler en dehors de ce cadre. Cela veut dire que nous travaillons, dans le domaine de la cyberdéfense, très étroitement avec l’état-major des armées d’une part et avec la Délégation générale à l’armement (DGA) d’autre part.
Au vu de la forte dualité de la cyberdéfense, nous souhaitons également travailler avec l’agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi), l’acteur étatique référent du domaine.
C’est dans ce cadre étatique que nous proposons les formations cyber, aujourd’hui aux forces armées des pays amis et demain aux grandes entreprises françaises.
Quelles sont vos entreprises partenaires ?
Notre coeur de métier est le transfert de savoir-faire ; en ce qui concerne la Cyber nous avons également comme objectif de promouvoir les équipements et logiciels réalisés par des industriels français de confiance. Nous profitons donc des formations que nous réalisons pour nos clients pour soutenir la base industrielle et technologique Cyber, et développons des partenariats avec les entreprises qui en sont issues.
Nous sommes donc dans une position très originale, en mesure de travailler avec tous les grands groupes qui investissent dans la cyberdéfense. Pour en citer deux et ce n’est pas exhaustif, je citerai Thales et Bertin. Mais d’autres interviennent aussi dans ce domaine, notamment des PME et des PMI innovantes.
Profitez-vous des compétences de vos partenaires ?
Nous avons organisé en février 2014, une semaine après l’annonce du ministre, un séminaire du Cyber Defense Management Institute (CDMI). Plusieurs start-ups y sont intervenues. Ce qui est important dans ce domaine, c’est la richesse de foisonnement intellectuel et créatif de ces entreprises, grâce à la complémentarité entre des petites entreprises et de très grands groupes qui ont une puissance dans leur savoir-faire.
Nous avons aussi fait intervenir en introduction l’EMA et, au cours des travaux, la DGA a également été présente.
Pouvons-nous avancer que DCI est un « fournisseur de souveraineté » pour des pays ayant constaté des failles…
« Fournisseur de souveraineté » est le bon terme puisque l’ampleur des menaces en matière de cyber est considérable.
On cite des exemples d’attaques cyber qui ont paralysé des domaines entiers dans certains pays. Dans le domaine de la Défense, cela ne se dit pas trop, car c’est un sujet trop sensible.
Mais on le voit bien dans le domaine de la santé, ou d’autres secteurs. Il y a eu des attaques cyber qui ont considérablement amoindri les capacités dans certains pays durant une période plus ou moins longue. Donc il y a vraiment un sujet de souveraineté.
Mais vous DCI, à quoi servez-vous ?
Je n’ai aucun doute là-dessus. Nous avons été créés par le ministère de la Défense pour le transfert du savoir-faire des armées françaises. C’est notre génétique. Il est donc évident que nous devons accompagner les évolutions de ce ministère, les évolutions des armées et toujours en cohérence avec eux pour agir dans des domaines qui sont considérés comme prioritaires, que ce soit pour les propres moyens de la France, mais aussi pour les pays amis.
Je dis toujours « pays amis ». Pourquoi ? Parce que la France a des accords de Défense avec des alliés, avec des pays qui partagent, si ce n’est toutes nos valeurs, très souvent notre vision du monde.
Il est important que DCI soit toujours en lien avec ça. Cela explique d’ailleurs la grande diversité des modes d’action de DCI et des domaines dans lesquels nous intervenons, qui ne se résument pas du tout à la formation et qui couvrent l’ensemble du spectre de ce que nous pourrions appeler une « offre capacitaire ».
Puisque, mise à part la production d’équipements, nous maîtrisons et transférons la totalité des savoir-faire des armées, soit seul, soit en partenariat.
La dimension cyberdéfense permet-elle à DCI de proposer à des clients étrangers potentiels une offre de service plus « globale » en complément des systèmes d’arme ?
Nous raisonnons toujours en termes d’offre capacitaire. Cette expression est celle que j’emploie de plus en plus, car elle résume ce que l’on fait : transférer une capacité à un pays. Cette capacité est celle qui permet de se défendre, de mettre en oeuvre des équipements dont le pays dispose, de faire fonctionner de manière opérationnelle et interopérable les matériels.
Effectivement, la cyber a un rôle à jouer dans ce domaine. Il n’est pas certain aujourd’hui que tout le monde a bien compris le caractère global de l’ensemble de ces aspects. Souvent, c’est lié au système de décision qui peut être cloisonné : vous pouvez avoir un service qui va être chargé du « training » qui va vous parler de formation, un service qui est chargé du « procurement » et de la fourniture d’équipements qui va s’intéresser à l’accompagnement ou au maintien en condition opérationnelle des équipements.
Mon objectif, c’est de faire comprendre ce caractère global que vous évoquez et dans lequel la cyber a sa place. Elle a sa place comme peut l’avoir le service de santé des armées avec le développement de son savoir-faire, le maintien en condition opérationnelle et la formation (formation de cadets, formation opérationnelle de spécialistes, l’ensemble des savoir-faire que maîtrise DCI dans son activité).