De la création de valeur à la création d’emplois
Maturation, incubation, création, amorçage sont les principales étapes de la création d’une entreprise innovatrice. L’auteur présente ici l’exemple du CEA qui, depuis vingt ans, a accompagné plus de cent nouvelles entreprises exploitant le résultats de ses recherches, créant près de trois mille emplois.
Pour accompagner la valorisation de ses recherches, le CEA s’est doté très tôt d’une structure de valorisation, qui compte actuellement une centaine de personnes réparties dans les différents centres de recherche, permettant, avec ses juristes, ingénieurs brevets et ingénieurs marketing, d’accompagner les projets de transfert vers les industriels.
Il a également bâti un dispositif unique d’incitation et d’accompagnement des porteurs de projets de création d’entreprises qui a abouti à la création de plus de 100 entreprises technologiques depuis 1984, dont des leaders mondiaux (ST Microelectronics, Soitec, Sofradir-Ulis, etc.). On peut mentionner aussi le rôle unique du CEA dans la création du groupe majeur au niveau mondial qu’est Areva.
REPÈRES
Acteur majeur de la recherche technologique, le CEA a depuis toujours vocation à transférer les résultats de ses recherches et ses compétences vers le monde économique.
Il est aujourd’hui le premier organisme de recherche français pour le dépôt de brevets et sixième déposant français (425 brevets en 2007), juste derrière de grands groupes comme Renault, Peugeot ou L’Oréal.
Les chercheurs sont en effet fortement encouragés à déposer des brevets, notamment par un dispositif de primes
Cette politique volontariste a pour premier objectif la création de valeur, mais le développement de l’innovation et la création d’emplois constituent également des enjeux prioritaires. Le dispositif d’accompagnement des projets de start-ups s’est récemment renforcé afin d’offrir aux chercheurs un outil exceptionnel et complet pour l’essaimage d’entreprises.
De l’idée à la création
Une entreprise nouvelle s’adapte mieux à un marché nouveau
Le plus souvent, le transfert d’une technologie se fait vers une entreprise existante. Cependant, si les recherches et les compétences développées constituent une rupture technologique et sont susceptibles d’ouvrir un marché nouveau, la création d’une nouvelle entreprise est envisagée ; l’entreprise nouvelle est en effet plus réactive aux opportunités de rupture.
Le dispositif d’incitation et d’accompagnement des projets couvre toutes les étapes de la création d’une entreprise, de l’envie à l’idée et de l’idée à l’entreprise ; maturation, incubation, création, préamorçage et accès au fonds d’amorçage font partie intégrante de la création de valeur. Le processus comporte deux phases-clés : la maturation du projet et l’incubation proprement dite.
La maturation du projet
Au début du processus, le porteur d’idée imagine un nouveau produit sur la base d’une technologie issue de résultats de recherches.
La phase d’amorçage valide le produit, inaugure le dispositif de vente et prépare les levées de fonds
Pour assurer les chances du projet, l’idée doit répondre à un réel besoin du marché. Cette étape de vérification de l’adéquation entre besoin et produit est d’autant plus importante qu’elle demande toujours plus de temps et de moyens qu’on ne l’avait imaginé au départ.
À l’issue de cette phase, le porteur de projet passe devant le » comité à l’essaimage » sur la base de trois critères : l’état de la technique (preuve du fonctionnement de la technique et de sa reproductibilité, comparaison à des solutions techniques alternatives, supériorité de la technique) ; l’état de la propriété industrielle (la technique est protégée par des brevets ou un secret de savoir-faire), ou l’exploitation libre de la technique est possible ; l’état du marché (besoins qui pourraient correspondre à l’usage de la technique, concordance entre les besoins et une demande a priori solvable du marché).
Incubation technologique et incubation tertiaire
Une fois le projet validé, il entre en incubation, phase » officielle » préparatoire à la création de l’entreprise. Celle-ci permet de travailler sur les deux points essentiels pour une création d’entreprise :
Les soutiens de l’incubateur
L’incubateur apporte un soutien sous forme de coachings personnalisés, programmes de formation, mises en relation ciblées avec les acteurs de l’innovation et de la création d’entreprises (Oseo, investisseurs, industriels, etc.) ; il assure également un soutien en termes de logistique, financement de prestations (dans les domaines du marketing, de la propriété industrielle, des accords juridiques) et finalement d’hébergement. Le CEA est membre fondateur de plusieurs incubateurs (IncubAlliance en Île-de-France, Grain à Grenoble), aux côtés d’autres établissements de recherche, dont l’École polytechnique, et d’industriels.
la préparation du modèle d’entreprise concrétisé par son plan d’affaires et la constitution de l’équipe.
Le plan d’affaires, document central, doit présenter d’une manière cohérente le produit et son marché, ses avantages concurrentiels, l’intérêt économique de la future entreprise et la qualité de l’équipe, pour convaincre les futurs investisseurs de financer son projet.
L’incubation donne lieu à deux volets simultanés : l’incubation » technologique « , souvent effectuée au sein du laboratoire (elle permet au chercheur d’accéder aux équipements spécifiques et de rester en lien avec son équipe d’origine). L’hébergement dans le laboratoire peut durer six mois, renouvelables deux fois ; l’incubation » tertiaire « , dans un incubateur (voir encadré).
Une fois l’entreprise créée, le projet entre en phase d’amorçage : validation d’un produit ou prototype chez un client, constitution d’un premier dispositif de vente. Cette période délicate de la jeune entreprise se passe d’autant mieux que le porteur a été bien préparé et qu’il est prêt pour les premières levées de fonds.
Quatre mesures d’appui
Le dispositif propose quatre mesures d’appui selon le besoin de l’entreprise : la prise en charge du salaire du créateur par son unité, pour une durée qui peut aller jusqu’à six mois renouvelables deux fois pour les projets technologiques et innovants ; un prêt d’honneur (sans intérêts et sans prises de garanties) qui peut atteindre 40 000 euros ; le congé pour création d’entreprise avec un droit de retour allant de un à quatre ans ; l’accompagnement du créateur par la délégation à l’essaimage, complété par un recours au service marketing du CEA et des services extérieurs, notamment les incubateurs.
Une filiale au service des créateurs d’entreprises
Le CEA s’est doté dès 1999 d’un véritable outil de financement de ses start-ups, afin de donner toutes leurs chances à ces dernières, souvent encore trop en amont pour répondre aux critères des fonds de capital-risque classiques.
CEA Valorisation, filiale à 100 % du CEA et entreprise de droit privé, est une holding disposant à ce jour d’environ 40 millions d’euros de capitaux propres et d’un dispositif original et très complet de soutien aux start-ups technologiques : investissement en premier tour de financement (amorçage) dans les start-up ; création et financement de coentreprises avec des partenaires industriels ; financement d’émergence de projets avant la création d’entreprise. CEA Valorisation dispose également d’une offre d’audit et de conseil, en stratégie de valorisation de la propriété intellectuelle.
En presque dix ans, CEA Valorisation a financé le démarrage de plus de 25 start-up, dans tous les domaines d’expertise du CEA, notamment la microélectronique et les nanotechnologies, les nouvelles technologies pour l’énergie, les nouveaux matériaux, les biotechnologies et l’instrumentation médicale ou encore les logiciels et systèmes.
Deux modes de participation
Sur le plan du financement des projets de création, le CEA dispose de deux modes de participation : directe, pendant la phase d’incubation (voir précédemment), ou indirecte, pendant les phases de création et d’amorçage par les outils financiers de CEA Valorisation.