De la femme asservie à la femme reconnue
« Dieu créa l’homme à son image […] il les créa mâle et femelle ». D’après ce verset, l’être à l’image de Dieu n’est donc pas le mâle seul, mais le couple. Lentement, confusément, l’humanité commence à se rapprocher de ce point de vue.
J’ai publié jadis « Femmes ingénieurs, je vous aime1 », et je suis fier de noter que, tel un vin de qualité, ce texte s’est valorisé avec le temps. Au nom de ma longue pratique de la recherche et de l’enseignement dans le domaine de la gestion, j’y faisais état des avantages que trouvaient les organisations à confier des postes d’autorité à des femmes.
À lire les témoignages des polytechniciennes rassemblés dans le présent dossier, on ne peut que constater que de plus en plus d’institutions se sont ralliées à ces appréciations.
REPÈRES
On voit apparaître au sommet des hiérarchies de nombreuses femmes succédant à des dynasties purement masculines. Compte tenu du machisme scandaleux qui a sévi pendant des millénaires sur la Terre entière ou peu s’en faut, ce qui a conduit en somme à gaspiller la moitié des ressources de l’humanité, ce bienfaisant phénomène appelle explication.
Se contenter de dire que c’est l’effet d’une mode des quotas ne fait que repousser le problème, car d’où sort cette mode ? En outre, on est encore loin de la parité, et tout donne à penser que dans les niveaux hiérarchiques modestes le machisme sévit toujours.
La femme asservie
Tota mulier in utero : cette terrible formule d’Hippocrate reconnaît l’éminente singularité des femmes dans leur rôle de mère, mais se retourne aussitôt pour les y confiner et leur interdire l’accès à des rôles masculins.
Un cercle vicieux s’installe : on les confine au foyer, on ne les instruit que des tâches ménagères, puis on les écrase de mépris car elles sont ignorantes.
Dans tous les siècles on relève des propos d’éminents penseurs soutenant que leur condition biologique les rend irrémédiablement inaptes aux fonctions masculines, le comble ayant été atteint par le concile de Mâcon (585) qui, dit-on, s’est demandé si les femmes avaient une âme.
Des exemples dans tous les siècles
IRRÉMÉDIABLE DIFFÉRENCE
La conséquence de l’embarras des féministes devant leur irrémédiable différence avec les hommes est un effondrement de la fécondité dans les pays les plus développés, au point que le renouvellement des générations n’est plus assuré, et le vieillissement de la population inexorable.
Cela suscite de vives alarmes dans des pays comme l’Allemagne, la Corée du Sud ou le Japon, l’immigration masquant les conséquences démographiques à court terme.
La France est épargnée jusqu’ici, grâce à une politique nataliste du meilleur aloi.
Pourtant, l’aptitude des femmes à égaler les hommes, en dehors de la différence de force physique, était démontrée par des exemples connus dans tous les siècles : dans l’Égypte pharaonique, la parité a été presque parfaite pendant des millénaires, jusqu’à la reine Cléopâtre VII, qui a tant fasciné Jules César et Marc Antoine ; le plus grand général de l’histoire de France fut une demoiselle, morte à dix-neuf ans, Jeanne d’Arc, et Marie Curie a reçu deux fois le prix Nobel.
Malgré cela, les femmes de France n’ont eu le droit de vote qu’en 1944. Mais des réactions se sont fait entendre de tout temps.
Les féministes
Les historiens relèvent des protestations de femmes réclamant la levée de leurs contraintes depuis la plus haute antiquité, et bien ailleurs qu’en Égypte.
“ Lentement, l’opinion s’habitue à l’idée que la féminité n’est pas une infirmité, mais un atout ”
Encore aujourd’hui, une large proportion des femmes sur la planète subissent d’effrayantes violences, élimination des foetus voire des nouveaux-nés de sexe féminin, mutilations sexuelles, prostitution et mariages forcés, exploitation économique, etc.
Mais ce n’est que depuis le XIXe siècle que les revendications féministes ont pesé suffisamment pour obtenir, à petits pas, des droits de citoyennes autonomes libérées de la tutelle de leurs pères, de leurs frères et de leurs maris.
Précieuse singularité
Toutefois, si nécessaires et légitimes qu’aient été ces revendications, elles se sont presque toujours bornées à réclamer l’égalité de droits avec les hommes, sans souligner leurs précieuses singularités liées à leurs rôles de mères.
Au contraire, et c’est visible dans les témoignages rassemblés ici, la maternité est passée sous silence ou mentionnée avec embarras, un peu comme si la grossesse était une maladie honteuse, l’accouchement une redoutable épreuve et les soins aux enfants un obstacle à une belle carrière.
Mais l’apparition de plus en plus de femmes au pouvoir donne à penser que lentement, confusément, l’opinion s’habitue à l’idée que la féminité n’est aucunement une infirmité, mais au contraire un atout.
La femme reconnue
On commence à relever des publications qui notent que l’apparition croissante de femmes au sommet du pouvoir dans les entreprises, dans les administrations et en politique a des effets bénéfiques, contrairement aux affirmations des penseurs des siècles passés.
“ Il est clair que les hommes préfèrent le dur, voire qu’ils ont peur du mou ”
Des témoignages, pour le moment assez rares, prêtent aux femmes une plus grande chaleur dans les relations personnelles, une plus grande patience dans les épisodes conflictuels, plus de sang-froid quand montent les périls.
Le dur et le mou
J’offre une explication qui repose sur les vertus de la maternité, et qui mobilise une distinction que j’ai développée jadis dans La Jaune et la Rouge dans « L’essai sur le dur et le mou2 ».
Marie Curie a reçu deux fois le prix Nobel.
Je cherchais à distinguer ce que la science explique et ce qui lui échappe. Elle appréhende bien le « dur », c’est-à-dire tout ce qui est maîtrisé par la Méthode de Descartes, à savoir les faits de la nature qui se répètent à l’identique, que l’on peut observer à loisir et dont on peut déduire des lois universelles.
La réfraction de la lumière (loi de Descartes) en donne un parfait exemple.
Par contraste, le « mou » réside dans tout ce qui est éphémère ou subjectif, et devant quoi Descartes lui-même ne dissimule pas son embarras. Il est clair que les hommes préfèrent le dur, voire qu’ils ont peur du mou.
Indispensable complément
Or, les femmes vivent, avec l’enfantement, un événement brutal, peu planifiable, et qui pourtant crée la vie. Une quintessence de « mou » au sens ci-dessus. Même celles qui n’ont pas eu d’enfant ont eu comme modèle leur mère, qui en a eu au moins une.
Le monde d’aujourd’hui, surtout au niveau des sommets du pouvoir, étant de plus en plus agité, imprévisible, violent, les hommes ne se sentent plus en confiance, et s’en remettent prudemment à leurs mères, leurs sœurs et leurs épouses.
Cette évolution montre que les femmes ne sont pas seulement les égales des hommes, mais leur indispensable complément, ce que suggérait déjà le verset biblique.
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1. Dans « Le sexe des élites », Revue des amis de Sèvres, 1987, p. 91.
2. Juillet-août 1985.
Commentaire
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Un article bien équilibré
Merci pour cet article que j’ai lu avec beaucoup d’intérêt.
Il est bien balancé, et je suis ravi de voir qu’on peut présenter le sujet sans tomber dans des lieux communs ni un extrémisme idéologique.
J’aurais aimé compléter par un bloc sur la dualité nécessaire. La précieuse singularité féminine est fondamentale et un atout, c’est incontestable. Mais finalement, et par effet miroir, la masculinité est également une nécessaire singularité (malheureusement trop affirmée dans l’histoire). Et au bout du compte, c’est bien leur complémentarité qui constitue l’optimum, et cela appelle à promouvoir la dualité et un juste équilibre relatif entre les deux sensibilités.
Pour autant, il ne s’agit pas selon moi de viser une parité parfaite qui ne serait pas forcément optimale : il faut, par une analyse dépassionnée, en dehors de tout débat idéologique, reconnaître que l’égalité louable des chances et des droits n’empêche pas que certaines activités font un peu plus appel à des caractères plutôt naturellement féminins, et d’autres plutôt l’inverse. Cela ne justifie pas pour autant que ces activités soient fortement polarisées en faveur de l’une ou l’autre des sensibilités, féminine ou masculine. Tout est à chaque fois affaire de dosage dans cette nécessaire dualité, vecteur de richesse pour l’humanité.