De la physique à l’astrophysique
Anne-Marie Lagrange (82), directrice de recherche au CNRS, Institut de planétologie et d’astrophysique de Grenoble, membre de l’Académie des sciences, nous fait part de son parcours et des difficultés qu’elle a pu rencontrer en tant que femme issue d’un milieu modeste.
Issue d’un milieu modeste, je ne connaissais rien à l’enseignement supérieur. Au lycée, j’envisageais de faire médecine car je pensais que c’était une bonne manière de continuer à étudier les maths et la physique.
J’ai eu la chance d’être repérée par le Rotary Club de ma ville et d’être mise en contact avec un élève au profil semblable au mien et qui avait intégré l’X quelques années auparavant.
J’ai découvert que les classes préparatoires et les grandes écoles répondaient sans doute mieux à mes attentes.
Grâce à une bourse et au soutien financier du Rotary, j’ai suivi cette voie.
Des débuts difficiles
Mes débuts en prépa, au lycée du Parc à Lyon, ont été difficiles. Plongée dans un système inconnu, avec des élèves de très bon niveau et des professeurs très exigeants, j’avais très peur de l’échec.
Au début de Maths sup, j’ai plusieurs fois envisagé d’abandonner. Puis je me suis habituée et j’ai retrouvé le plaisir d’étudier les sciences, la physique en particulier.
Le goût de l’exploration
Ma formation à l’X a été classique, orientée vers les mathématiques. J’ai profité des options pour approfondir la physique et la chimie. C’est dans ce cadre que j’ai découvert l’astrophysique, qui m’a tout de suite fascinée car elle exploitait largement ces matières et revêtait un aspect exploratoire très attirant.
Après une thèse à l’Institut d’astrophysique de Paris, je suis partie en postdoctorat à Munich. M’étant orientée vers l’astrophysique observationnelle, j’ai vite été amenée à passer beaucoup de temps à l’étranger : Chili, États-Unis, Australie, pour des missions courtes (quinze-trente jours) mais très fréquentes.
Vie de famille et vie professionnelle
Je me suis mariée et j’ai eu mon premier enfant entre mes deux années sur le plateau de Palaiseau. Mon second enfant est arrivé l’année suivante, pendant mon DEA (M2 actuel). Dès lors, ma vie de famille a été mêlée à ma vie professionnelle.
Mes enfants se souviennent de ma soutenance de thèse ; ils m’ont accompagnée au moins une fois dans la plupart des observatoires dans lesquels je travaillais.
Ainsi pouvaient-ils mieux imaginer, visualiser ce que je faisais quand j’allais observer. C’était d’autant plus important qu’il n’existait pas les moyens actuels de garder un lien visuel à distance.
Oser et s’accrocher
Un message à une jeune bachelière ou à une élève de prépa ? Oser les études scientifiques si celles-ci l’attirent. Peu de polytechniciens et de polytechniciennes choisissent la recherche au terme de leurs études, et en particulier dans les sciences dites « dures ». C’est un peu dommage.
À mon avis, les difficultés que j’ai rencontrées au cours de mon parcours scolaire étaient plus liées à mon milieu social d’origine qu’à ma situation de fille, puis de jeune mère. Peut-être parce que cette question n’était pas si importante pour moi à l’époque, même si je voyais bien que la proportion de filles était très faible en prépa comme à l’X.
“Mes enfants m’ont accompagnée au moins une fois
dans la plupart des observatoires”
J’ai bien plus souffert du manque d’information sur les études supérieures, du manque d’une forme de culture par rapport aux autres élèves (mon seul accès à la culture étant livresque), de la méconnaissance des codes, du manque de figures d’exemples.
Je conseillerais donc aux jeunes gens dans cette situation, et plus encore aux jeunes filles, de trouver des référents et référentes prêts à les soutenir dans leur parcours, et de s’accrocher.