De nouveaux systèmes CNS/ATM un enjeu de taille
Passage à l’an 2000 ! Une grande question et un défi pour le monde de l’informatique, un enjeu de taille également pour une planète qui sort de sa quiétude et qui ressemble de plus en plus à un village en ébullition, où chacun s’active et se déplace pour le travail, pour les loisirs ou tout simplement pour se rencontrer.
Singapour, centre de contrôle du trafic aérien © AIRSYS ATM
Dans cette évolution, le transport aérien joue un rôle capital, et sa progression régulière résiste à toutes les crises : environ 5 % d’augmentation du trafic passager chaque année pour l’Europe, et de l’ordre de 10 % pour la région Asie-Pacifique. Pour l’Europe, cela se traduit par un doublement de capacité sur quinze ans, et pour l’Asie, c’est plutôt un doublement sur huit ans ; ceci représente un énorme défi en particulier pour la zone à haute densité, délimitée par Londres – Amsterdam – Francfort – Paris, qui va progressivement s’étendre vers le sud.
C’est un défi en termes de capacité et performances, de sûreté de fonctionnement des systèmes et de sécurité des vols et, également, en termes de compétition et de coûts pour les compagnies aériennes et pour les passagers.
À cela, il faut ajouter la sensibilité du public aux problèmes de l’environnement, et donc la difficulté d’extension ou de création d’aéroports en Europe, même si les niveaux de pollution et de bruit des avions ont été considérablement réduits depuis quinze ans.
C’est dans ce contexte exigeant qu’Airsys ATM, l’un des trois leaders mondiaux du domaine, prépare une nouvelle génération de systèmes CNS/ATM, c’est-à-dire de systèmes de communication, navigation, surveillance et leur exploitation à travers les systèmes ATM de gestion du trafic aérien.
Une nouvelle génération ! Pourquoi ?
Une nouvelle génération de systèmes, qui s’appuient sur de nouveaux concepts… pourquoi ?
Eh bien, tout simplement parce que la génération actuelle ne permettra pas de répondre à la demande de doublement de capacité et aux nouveaux besoins des compagnies de transport aérien.
Tout en conservant la même sécurité des vols, il va falloir réduire la distance de séparation des avions en vol, sortir des routes aériennes traditionnelles définies par les balises de radionavigation, multiplier les couloirs aériens, suivre les avions avec plus de précision, les identifier en toute certitude, planifier les vols en faisant abstraction des secteurs de contrôle et des frontières des États, donc des systèmes nationaux, prévoir et résoudre les conflits de trajectoires bien plus tôt qu’aujourd’hui, permettre des changements de routes faciles, et prendre les décisions en collaboration avec les différents acteurs : contrôleurs, pilotes, compagnies aériennes, autorités aéroportuaires…
Bref, il s’agit d’une évolution majeure, dont l’enjeu est la véritable conquête et la maîtrise de l’espace aérien, depuis l’aéroport et son environnement immédiat, jusqu’à l’espace » en route « , qui mène aux aéroports plus lointains.
De nouvelles technologies en vue
Dans ce contexte exigeant, des solutions sont envisageables grâce aux progrès des télécommunications, des techniques satellitaires et de la puissance informatique qui peut se diffuser dans tous les systèmes et équipements, et leur insuffler toujours plus de puissance et » d’intelligence « .
Le concept qui s’impose, c’est le maillage informatique entre le sol et le bord, c’est-à-dire entre les avions, les centres de contrôle du trafic, les aéroports et les centres d’opération des compagnies aériennes, sans oublier les hommes (pilotes et contrôleurs), qui restent et resteront pour longtemps des maillons décisifs dans la boucle de surveillance, de planification et de contrôle du trafic aérien.
Trois axes de progrès
Dans ce contexte, des progrès significatifs sont en vue, dans chacun des domaines : C, N, S et ATM et nous y travaillons dans un cadre non seulement européen, mais aussi mondial, car l’idée de développer un FANS (Future Air Navigation System) a été adoptée par l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) dès 1983. Cependant, sa mise en place se fait sur une base régionale, en partant de situations et d’infrastructures différentes mais avec les mêmes types d’avions, pouvant voler partout dans le monde et devant s’intégrer dans des chaînes CNS/ATM similaires et interopérables. En Europe, la Conférence européenne de l’Aviation civile (36 pays) a lancé, dès 1990, le programme EATCHIP d’harmonisation des systèmes, qui verra son achèvement en l’an 2000 ; le programme EATMS, basé sur les nouveaux concepts, prendra ensuite le relais jusqu’à l’horizon 2015.
Toute l’Europe y travaille, sous la coordination d’Eurocontrol et avec le support de la Commission européenne, en particulier pour les programmes-cadres de recherche et développement et aussi grâce aux programmes de soutien au développement de réseaux transeuropéens (TEN).
Une meilleure surveillance
Pour la surveillance continentale, le radar primaire reste l’outil nécessaire dans la zone d’approche des aéroports et notre nouvelle génération de radars, le STAR 2000, bénéficie des progrès technologiques en matière de traitement de signal. Cependant, le progrès le plus significatif est lié au développement du radar secondaire mode S et le premier programme pré-opérationnel (POEMS) a été lancé par Eurocontrol avec le support de l’Allemagne, la Belgique, la France, la Hollande et le Royaume-Uni.
Le Mode S (Sélectif) autorise une identification unique de chaque aéronef par un code particulier (plus de 16 millions d’adresses disponibles), il permet de retransmettre au sol les données de vol des avions grâce à la Surveillance enrichie, et il assure la communication entre sol et bord par liaison de données des messages gérés automatiquement. Il permet la mise en réseau des interrogateurs au sol assurant ainsi une optimisation du suivi du vol de l’avion.
Le Mode S présente une continuité de service avec les systèmes actuels et offre ainsi des éléments uniques de sécurité et d’amélioration de la gestion du trafic aérien.
Pour les zones à faible densité de trafic, zones océaniques ou zones désertiques, la solution FANS qui s’impose, c’est l’utilisation de la Surveillance dépendante automatique (ADS), qui permet de communiquer automatiquement au sol la position de l’avion (issue de la centrale inertielle ou calculée par satellites GPS) mais aussi son plan de vol et des données spécifiques locales, captées par l’avion, telles que les données météorologiques. Ceci, évidemment, suppose un moyen de communication qui peut être, par exemple, le satellite ou les techniques radio VHF.
Une révolution dans la navigation
Vilnius, Lituanie, radar primaire d’approche TA 10 MTD avec radar secondaire RMS 970 © AIRSYS ATM
Pour la navigation, c’est évidemment l’avènement du satellite qui ouvre le plus de perspectives de changements. Les Systèmes GNSS de navigation par satellite (Global navigation satellite system) s’appuient sur des constellations de satellites lancés pour des applications militaires ; ce sont les GPS américains et GLONASS russes, des constellations de 24 satellites, qui gravitent autour de la Terre et permettent à chaque instant de se repérer par triangulation. Ces systèmes ont d’abord été lancés à des fins militaires, pour servir aux positionnements relatifs des unités militaires en opération.
Ils ne répondent pas forcément aux exigences de la navigation aérienne en termes de précision, de couverture de service et d’intégrité, et nécessitent donc des compléments utilisant notamment des stations de corrections différentielles au sol, des moyens de communication et des équipements de bord. Ces compléments en cours d’étude s’appellent WAAS aux États-Unis, MSAS au Japon et EGNOS en Europe. Ce sont des systèmes à l’échelle d’un continent qui couvrent la plupart des besoins de navigation, à l’exception de l’approche de grande précision. Dans ce cas, des compléments locaux (LADGPS) s’avèrent nécessaires pour satisfaire les exigences d’approche de précision des catégories II ou III.
EGNOS (European Geostationary Overlay Service), le projet européen, a été lancé par l’Agence spatiale européenne en 1994 ; il s’appuie sur les deux systèmes GPS et GLONASS, d’une part pour améliorer les performances globales et, d’autre part, pour réduire le facteur de dépendance par rapport à un seul système.
De plus, EGNOS s’appuie sur deux satellites géostationnaires de communications INMARSAT III, qui couvrent l’ensemble de l’Europe et ses approches. Ces satellites, équipés de transpondeurs, vont relayer des signaux de mesure de distances, de corrections différentielles et d’intégrité vers les utilisateurs équipés de récepteurs EGNOS, ces utilisateurs pourront être du domaine aérien, maritime ou terrestre.
Le déploiement d’EGNOS est prévu par étape avec notamment, en l’an 2000, la fourniture d’une première grande capacité opérationnelle (AOC).
Dans sa version finale (FOC), EGNOS fournira des performances de navigation complète, allant jusqu’à 350 pieds de précision en approche et assurant un niveau » CAT 1 » pour l’atterrissage des avions.
© AIRSYS ATM
L’élément décisif : le maillage
Dans le domaine des communications et de leurs applications aéronautiques, c’est là que se situe un élément clé pour la mise en place des nouveaux concepts : cette approche est indispensable parce que, aujourd’hui, trop d’échanges sont réalisés à la voix ce qui induit une grande perte de temps dans la coordination, y compris pour des tâches de routine, qui peuvent parfaitement être prises en compte par l’informatique. Par ailleurs, l’automatisation des échanges entre les calculateurs de bord de l’avion et les différents composants au sol doit permettre l’amélioration de la navigation, une plus grande souplesse dans la planification et la gestion des vols, une meilleure connaissance mutuelle de la situation aérienne et des intentions d’évolution. C’est donc la base nécessaire pour une meilleure occupation de l’espace aérien et également pour la rationalisation du coût des opérations.
Le système futur, » l’Aeronautical Telecommunication Network » (ATN), est basé sur une infrastructure adaptée aux besoins spécifiques de l’aéronautique en termes de performances, qualité de services et intégrité nécessaires à la sécurité des activités aériennes.
Le réseau » sol-sol » est constitué d’un réseau AFTN/CIDIN (Aeronautical Fixed Telecommunication Network/ Common ICAO Data Interchange Network), de réseaux spécifiques des compagnies aériennes et de réseaux privés.
Le réseau air-sol s’appuie sur différents types de sous-réseaux possibles, à savoir, les radios VHF et HF, les satellites de communications et le radar Mode S. La partie aéroportée comprend essentiellement les unités de gestion des communications (CMU) et les bus de transfert de ces données. L’interconnexion avec le monde extérieur des communications s’effectuera à travers des passerelles spécifiques.
Le travail de recherche et développement de l’ATN a commencé dès 1990 en Europe et des essais et expérimentations ont été lancés avec l’aide de la Commission européenne, d’Eurocontrol et de quelques administrations-pilotes. On peut citer notamment les projets » Trial ATN Routers » (TAR) et » Trials End System » (TES), PETAL, PHARE, ADS Europe et EOLIA pour des expérimentations aéroportées.
Un réseau-prototype est actuellement en cours de déploiement en Europe à travers le projet » Pro-ATN » et ses différents sites de validation à Bannemouth (GB), Langen (Allemagne), Amsterdam, Toulouse et Paris.
Le projet EOLIA, qui traite essentiellement des applications aéronautiques, sera couplé à Pro-ATN et donnera lieu notamment à de nombreuses démonstrations en 1999, à l’occasion du Salon aéronautique du Bourget. La réalisation du réseau ATN est donc bien avancée et elle donne lieu à de nombreuses coopérations transatlantiques.
La décision de déploiement reste à prendre mais la plupart des éléments nécessaires au puzzle sont désormais en place.
L’exploitation au sol… ou à bord ?
Fort d’une infrastructure CNS puissamment renforcée, le monde de l’aéronautique est désormais en mesure d’améliorer radicalement l’exploitation avec, en particulier, l’objectif de doubler la capacité, de réduire le risque d’accidents et de réduire bien sûr les coûts. L’ensemble de ce travail reste fortement organisé autour des contrôleurs, des pilotes, des opérateurs des compagnies aériennes et des aéroports.
Par conséquent, l’interface homme-machine reste un élément-clé des performances et de la sécurité des vols.
Un travail important est actuellement en cours de développement et de validation pour l’aide aux contrôleurs ; il s’agit de systèmes de prédiction et de négociation de trajectoires, de prédiction et d’aide à la résolution de conflits, de systèmes d’aide à la décision pour les contrôleurs, de tri et de présentation des informations pertinentes.
De plus, un gros travail est en préparation pour la réalisation de nouveaux systèmes de traitement des plans de vol. Il s’agit notamment de rénover les architectures pour préparer les nombreuses évolutions prévisibles dans les vingt années à venir. Il s’agit aussi d’organiser le travail de planification, non plus au niveau d’un ou deux secteurs de contrôle, mais plutôt au niveau de l’Europe, ceci devant permettre de rationaliser les opérations de transfert de responsabilité et de limiter les conflits en les anticipant au maximum.
Par ailleurs, on peut imaginer, dans un avenir plus lointain, un certain transfert de responsabilité dans la résolution des conflits et le choix des trajectoires, vers l’avion. Ceci sera techniquement possible grâce à l’ATN, mais à condition de ne pas devoir rajouter un siège de contrôleur auprès du pilote !…
Une volonté pour un résultat global
Voici quelques grandes lignes d’action pour un industriel comme Airsys ATM, qui s’efforce de fédérer les énergies de l’industrie européenne et relève le défi de la compétition mondiale, essentiellement représentée par deux grands industriels américains.
Ceci nous oblige à investir et à nous impliquer dans la plupart des axes de recherches, car ce que nos clients attendent de plus en plus, c’est un service clé en main pour l’ensemble de la chaîne CNS-ATM, un service où les hommes et les machines ont trouvé leurs places dans la boucle et où ils collaborent harmonieusement et efficacement, et permettent ainsi d’atteindre les performances globales attendues.
Les solutions sont en vue, mais des décisions pertinentes sont à prendre rapidement et elles exigent les outils de décision collective que sont les plateformes de validation et de démonstration pré-opérationnelle. Ces outils se mettent en place progressivement.
Ainsi, avec la volonté des hommes, un new deal est possible pour le développement du transport aérien.
C’est une condition nécessaire pour un nouveau progrès dans l’histoire de l’humanité.