DEBUSSY : l’intégrale de l’œuvre d’un coloriste
À l’occasion du centième anniversaire de la mort de Debussy, Warner publie en un coffret l’absolue totalité de son œuvre1.
Défi « hénaurme », entreprise colossale. Rien n’y manque : œuvres inachevées (comme les opéras La Chute de la Maison Usher, Rodrigue et Chimène), versions diverses d’une même pièce (à côté de la version orchestrale de La Mer, par exemple, la transcription pour deux pianos), des incunables comme des pièces pour piano enregistrées sur rouleau par Debussy, et même les Ariettes oubliées et un air de Mélisande où le compositeur accompagne au piano la créatrice du rôle, Mary Garden.
Les interprètes sont très divers : à l’orchestre, des chefs légendaires comme André Cluytens, Jean Martinon, Carlo Maria Giulini et aussi Armin Jordan, Kent Nagano, Daniel Baremboim.
Une pléiade de voix, dont Natalie Dessay, Véronique Gens, Natalie Pérez, José Van Dam… Pour le Quatuor, l’enregistrement de référence, insurpassable, du Quatuor Ébène.
Quant au piano, Warner a fait le choix de ne pas reprendre l’intégrale Gieseking republiée récemment et de faire appel à des interprètes historiques – comme Samson François, Aldo Ciccolini – et contemporains : Pierre- Laurent Aimard, Philippe Cassard, Bertrand Chamayou, Youri Egorov, tous spécialistes de Debussy.
Ajoutons que le livret du coffret est remarquablement fait, situant chaque œuvre dans la vie de Debussy et ses relations avec ses contemporains. Il n’est évidemment pas question d’écouter d’une traite cette somme. De plus, Debussy n’a pas écrit que des chefs‑d’œuvre.
Il y a quelques pièces de circonstance (morceaux de concours, commandes alimentaires, adaptations telle la Plus que lente pour cymbalum et orchestre) qui sont de simples curiosités.
Mais le parcours – passionnant – des pièces secondaires et inédites, celui des œuvres inexplicablement peu jouées comme Le Martyre de saint Sébastien, et la réécoute des pièces majeures permettent de découvrir quelques constantes.
Tout d’abord, Debussy est un peintre, un coloriste. Depuis le Trio, écrit à dix-huit ans et dont le style ne se différencie pas de celui de Saint-Saëns, jusqu’à la Sonate pour violon et piano et les Études pour piano, en passant par le Prélude à l’après-midi d’un faune et les Nocturnes, Debussy s’attache aux couleurs, ce qui n’est guère surprenant : pianiste moyen, il était reconnu non pour sa virtuosité mais pour son toucher.
Ensuite, même s’il s’en défend dans sa correspondance, Debussy ne cherchait pas à provoquer l’émotion. À la différence de celle de Ravel, sa musique, sans être cérébrale, n’est pas sensuelle.
Si l’on veut à toute force le comparer à ses contemporains peintres, c’est non des impressionnistes mais des symbolistes (Gustave Moreau, Odilon Redon) que cet ami de Mallarmé est le plus proche.
Enfin, et surtout, Debussy est un chercheur. Sa manière est de plus en plus complexe au fil du temps. Il invente des harmonies improbables, des timbres inouïs.
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1. 33 CD WARNER
Le clip de Warner
In the Footsteps of Debussy (Part1 9:37, Part2 7:47, Part3 5:31