Décarbonation de l’industrie de la chimie : des opportunités et des enjeux
Charlotte Wiatrowski (16), Sales Representative au sein du groupe LyondellBasell, répond à nos questions sur la décarbonation de l’industrie de la chimie. Elle revient sur les pistes et les enjeux qui mobilisent cet acteur incontournable du monde de la chimie. Entretien.
Comment l’industrie de la chimie appréhende-t-elle la question de la décarbonation et de la neutralité carbone ?
Le secteur de la chimie est un vaste domaine. Dans l’industrie pharmaceutique, les émissions au kilogramme peuvent être importantes, mais elles sont en quelque sorte contrebalancées par la forte valeur ajoutée des produits finaux. Sa décarbonation nécessite la mise en place de standards dédiés. Pour les raffineries, la principale source d’émissions n’est généralement pas la production de carburant mais l’utilisation de celui-ci, l’enjeu essentiel étant la composition des matières premières. Dans l’industrie plastique, la décarbonation porte sur deux dimensions :
- Les processus de production : il s’agit de promouvoir et de développer des procédés plus économes en énergie dans l’absolu, et qui favorisent le recours à des énergies moins carbonées. Il peut typiquement s’agir de projets d’électrification, comme dans nombre d’industries travaillant sur la question ;
- La composition des produits : l’idée est d’utiliser des matériaux qui ont un impact environnemental plus faible, notamment des matériaux recyclés, recyclables et biosourcés. Une partie seulement de ces alternatives impacte directement le bilan carbone lié à la production, mais tous permettent une diminution de l’énergie grise en jeu et d’améliorer de gestion des ressources et des déchets.
Votre objectif est d’atteindre zéro émission nette d’ici à 2050. Qu’en est-il ? Quelles actions déployez-vous en ce sens ?
Pour reprendre l’approche produit évoquée ci-dessus, une part de la réduction des émissions passe par le développement de la gamme Circulen composée de produits ayant tous une énergie grise nettement plus faible que les plastiques classiques (et donc un meilleur bilan carbone en termes d’analyse du cycle de vie). La dimension la plus développée actuellement est celle du recyclage mécanique, qui présente l’avantage supplémentaire d’être bien plus économe en énergie que la création de nouveaux matériaux.
Le recyclage chimique et la production de plastiques biosourcés sont également en plein essor, notamment dans le secteur médical où les propriétés du plastique issu de recyclage mécanique ne sont pas toujours satisfaisantes. Au-delà de l’aspect décarbonation, ces approches diminuent les besoins en ressources non renouvelables tout en encourageant une meilleure collecte des déchets. Si cela va contribuer à réduire notre empreinte carbone, nous ne pourrons toutefois réduire notre bilan carbone global que si nous optimisons l’ensemble de nos produits et gammes.
Ainsi, il est primordial de s’intéresser au processus de craquage du naphta, seul processus permettant d’obtenir des monomères – et donc du plastique – mais très énergivore. Non seulement ce processus est en amélioration constante en terme d’efficacité énergétique, mais LyondellBasell soutient également le développement futur du craquage électrique. Plusieurs procédés de chauffage peuvent également être électrifiés, mais cela n’est pas toujours l’alternative la plus pertinente en carbone, notamment dans des régions où l’électricité bas carbone est difficile d’accès.
« Les crédits carbone représentent un outil indispensable pour atteindre une neutralité carbone. »
C’est pourquoi nous mettons également en place d’autres solutions telles que la réutilisation d’hydrocarbures résiduels. Sur le site néerlandais de Maasvlakte qui, dans son processus de production, produit des eaux usées chargées en sels et hydrocarbures, nous avons notamment mis en place le Circular Steam Project. L’incinérateur produit de la chaleur en brûlant ces eaux usées et alimente ainsi en vapeur l’usine de polymères avec une économie de 140 000 tonnes de CO2 par an à la clé. Le processus présente également l’avantage significatif de purifier l’eau des hydrocarbures mais aussi d’en séparer le sel, si bien que l’eau résiduelle peut directement être réutilisée.
En parallèle, les crédits carbone représentent un outil indispensable pour atteindre une neutralité carbone. Sur ce sujet, LyondellBasell donne la priorité à la limitation des émissions de production et utilise les crédits carbone en dernier recours. Dans cette démarche, le prix n’est pas le facteur déterminant dans la sélection des crédits carbone. LyondellBasell finalise d’ailleurs actuellement une charte quant à l’utilisation de ces crédits. La priorité est donc donnée aux investissements dans les énergies décarbonées, qui sont ceux qui offrent le plus de garanties tout en assurant une meilleure disponibilité de ces énergies pour l’industrie à l’avenir.
Dans cette optique, LyondellBasell étudie des processus de capture-stockage de carbone sur ses sites.
Dans cette démarche, quels sont vos principaux enjeux ?
Parallèlement aux efforts déployés pour atteindre les objectifs de neutralité carbone, nous sommes mobilisés sur une triple transition : l’économie de ressources naturelles, la réduction des émissions des processus de production et la meilleure gestion des produits par les clients, en particulier sur leur fin de vie. Si nous nous concentrons sur la réduction des émissions directes, les autres aspects ne doivent pas être négligés. Un travail de priorisation et d’allocation des ressources est nécessaire pour réussir l’ensemble de ces transitions, avec l’accompagnement du législateur.
Nous sommes également confrontés à un défi de taille quant à l’accès à l’énergie décarbonée, notamment en termes de coût.
Il faut enfin tenir compte des enjeux d’ordre règlementaire et législatif.
Sur la taxation des produits plastiques, les règlementations doivent évoluer de manière synchronisée avec l’industrie pour s’assurer que les dispositifs étatiques encouragent bien le développement de produits à moindre impact environnemental. Un autre enjeu majeur est l’exposition des produits en provenance d’autres pays ou continents qui produisent avec une plus forte empreinte carbone et à un coût plus attractif. Il est nécessaire d’imposer à ces concurrents les mêmes contraintes et taxes pour établir un certain équilibre.
Il pourrait également être intéressant de prendre en compte le bilan carbone des usages du plastique en comparaison avec des alternatives existantes.
Pour illustrer cet impact carbone en aval, voici un exemple concret : une voiture est d’autant plus légère qu’elle contient une forte proportion de plastique en remplacement d’autres matériaux, ce qui limite ses émissions.
Et pour conclure ?
Au-delà de ce sujet de la décarbonation de l’industrie de la chimie, il est aussi nécessaire d’initier une réflexion sur la fin de vie des produits, notamment en plastique (À lire : Lyondellbasell fait progresser l’économie circulaire). C’est une démarche qui a certes un coût financier considérable, mais qui est indispensable même si elle ne pose pas de problème en termes d’émissions directes.
Pour encourager les initiatives en ce sens, le premier pas est de créer des produits qui auront été pensés et conçus pour être collectés, retraités et recyclés.