Décarbonation du chauffage et climatisation : il n’y aura pas une seule solution !
Le confort thermique au travers du chauffage et de la climatisation représente une part considérable de l’empreinte carbone des bâtiments. La neutralité carbone des bâtiments nécessite donc la décarbonation de ces usages indispensables au quotidien. Christophe de Fitte, Président de BDR THERMEA France, un acteur mondial des équipements dédiés au confort thermique, nous explique comment son groupe appréhende cet enjeu.
Quel est le cœur de métier du groupe BDR THERMEA ?
BDR Thermea est un groupe familial qui est né en 2009 du regroupement de trois marques européennes historiques : Baxi, De Dietrich Thermique et Remeha. De Dietrich est notre marque leader en France. C’est aussi une des plus anciennes marques au monde. On estime qu’elle a plus de 300 ans d’histoire et que la marque a été déposée à l’époque de Louis XVI. Le roi avait alors accordé le privilège à l’ingénieur de Dietrich de protéger sa marque. Le clairon de chasse qui est le logo de la marque remonte, d’ailleurs, à cette époque. Depuis, nous avons connu plusieurs transitions énergétiques qui ont démarré avec le charbon et qui se poursuivent aujourd’hui avec la décarbonation.
Aujourd’hui, le groupe emploie plus de 6 200 personnes avec un chiffre d’affaires de 2,2 milliards d’euros. La France est le marché le plus important du groupe avec 1 500 personnes. La plus grosse usine du groupe est aussi localisée en Alsace et la France est le centre de compétences de BDR THERMEA pour les pompes à chaleur.
Concrètement, nous concevons, fabriquons et distribuons des équipements pour le confort climatique dans les logements et le tertiaire (chauffage, climatisation, eau chaude). La question de la décarbonation est au cœur de notre activité alors qu’on estime que 30 à 40 % des émissions de carbone, notamment dans les grandes villes, sont liées à la climatisation des bâtiments. Actuellement, au cœur de nos enjeux, on retrouve non seulement les enjeux liés à la transition énergétique et à la décarbonation, mais également la question de la réduction des consommations au regard du coût de l’énergie.
Et justement, comment appréhendez-vous ces problématiques ?
Notre ambition et notre mission sont de proposer à nos clients les solutions les plus efficaces pour réduire leurs consommations d’énergie. Toutefois, la problématique est plus complexe, car la consommation énergétique d’un logement va dépendre de la qualité du bâtiment et plus particulièrement de son niveau d’isolation. Et ce sont des sujets sur lesquels nous n’avons pas de prise directe. Toutefois, si on part du postulat qu’un bâtiment est correctement isolé, pour climatiser et réchauffer un logement ou autre, nous sommes convaincus qu’il faut privilégier les solutions intégrées qui sont de plus en plus sophistiquées.
Aujourd’hui, si vous êtes équipés d’un système de ventilation capable de faire du traitement de l’air et d’en améliorer la qualité, qui inclut également une pompe à chaleur triple service qui prend en charge le réchauffement, le rafraichissement et l’eau chaude sanitaire, vous disposez alors d’une des solutions les plus efficaces sur le plan énergétique afin d’assurer le confort climatique dans un bâtiment. En France, c’est aussi une solution décarbonée, car l’électricité est issue du nucléaire. Cela ne sera pas forcément le cas en Allemagne où l’électricité provient de centrales à charbon. Dans ce cas, l’utilisation d’une pompe à chaleur produit plus de carbone qu’une chaudière à condensation à haute performance et à gaz de nouvelle génération.
L’enjeu est donc d’utiliser l’énergie la plus verte ou la moins carbonée possible et de manière plus économe. Et pour ce faire, il y a plusieurs stratégies possibles en fonction du mix énergétique de chaque pays et de la configuration du bâti. En effet, cela peut être directement lié à la façon dont vous économisez cette énergie, à l’efficience de la solution que vous mettez en œuvre ou au choix de la technologie.
Face à la complexité du sujet et à la multitude de paramètres qui entrent en compte, nous privilégions les solutions hybrides qui reposent sur une mixité de sources énergétiques. Par exemple, vous pouvez avoir une chaudière à gaz, voire une chaudière à fioul, à laquelle vous ajoutez une pompe à chaleur qui va réaliser le plus gros de l’effort (et qui coûte d’ailleurs le plus cher) en faisant monter la température de l’eau à 40° avant de basculer sur de l’énergie fossile pour les 20° restants afin de pouvoir bénéficier du chauffage et de l’eau chaude. Résultat : il est ainsi possible de décarboner jusqu’à 80 % la solution basée sur l’énergie fossile d’origine avec un système qui, en plus, est flexible et permet de pallier des coupures d’approvisionnement de gaz ou d’électricité. Ce système permet, par ailleurs, de faire du délestage intelligent et de réduire la pression sur les différentes sources.
La Hollande vient d’officialiser l’hybridation comme étant une solution intéressante permettant une décarbonation plus rapide. En France, nous avons plus de mal à nous faire entendre. Par exemple, pour bénéficier d’aides pour installer une pompe à chaleur, il faut obligatoirement déposer l’autre émetteur de chauffage en place, même s’il est récent.
Et dans la décarbonation de votre secteur d’activité, quel rôle peut jouer l’hydrogène ?
Le potentiel de l’hydrogène dans la décarbonation du bâtiment est largement sous-estimé. L’hydrogène est une énergie propre et bas carbone quand elle est produite à partir de l’électrolyse de l’eau et d’une électricité produite à partir du nucléaire ou d’une énergie renouvelable dite verte. D’ailleurs, il y a 7 ans environ, nous avons été le premier acteur à proposer la première chaudière 100% hydrogène. Aujourd’hui, nous travaillons avec la start-up Bulane, qui est un spécialiste de la flamme propre à l’hydrogène.
Ensemble, nous réfléchissons à la possibilité d’inclure un électrolyseur directement dans une chaudière à gaz pour apporter une solution hybride au gaz verdi avec un minimum de 20 % d’hydrogène produit sur place. En réalisant l’électrolyse sur la chaudière, il est possible de récupérer les condensats et de les réutiliser pour lancer une nouvelle électrolyse et continuer à produire du gaz. C’est un cercle vertueux qui nous permet d’avoir une efficience énergétique de 97 à 98 % au niveau de la génération d’hydrogène. Les tests en laboratoire sont extrêmement prometteurs et un premier Proof of Concept est prévu d’ici la fin d’année.
En capitalisant sur nos savoir-faire et compétences, nous voulons aller au-delà de la limite du mix hydrogène gaz naturel fixée à 20% selon la norme actuelle. Cette norme est imposée par les contraintes d’acheminement de l’hydrogène dans les réseaux de gaz publics. Toutefois, nous pensons que cette limite n’a pas lieu d’être puisque les risques d’explosion avec l’hydrogène ne sont pas plus élevés qu’avec les autres gaz à condition qu’il soit bien maîtrisé.
Pourquoi serait-il donc pertinent de développer le recours à l’hydrogène ?
Une solution utilisant 100 % d’hydrogène est une solution totalement décarbonée. C’est aussi une solution qui va fonctionner avec un gaz. En termes de compétences, une chaudière à hydrogène peut donc être installée et maintenue par tout installateur chauffagiste traditionnel moyennant une formation visant à les sensibiliser aux différences entre une chaudière au gaz de ville et une chaudière à l’hydrogène. Ce n’est, par exemple, pas le cas pour la pompe à chaleur.
D’ailleurs, son déploiement à grande échelle sur le marché est justement freiné par le manque de compétences. Au-delà la pompe à chaleur ne peut pas être installée sur tous les types de bâtiments. Il faut alors considérer d’autres options : le gaz, le chauffage électrique qui consomme beaucoup, ou l’hydrogène qui permet de décarboner la solution au gaz avec une consommation électrique qui va être minime par rapport au tout-électrique. On peut aussi imaginer coupler cette solution à des panneaux photovoltaïques en toiture qui assureraient une partie des besoins en électricité ou encore stocker la chaleur dans des réservoirs d’eau chaude qu’on peut utiliser quand il n’y a plus de soleil.
Plus que jamais, il n’y a pas de solutions uniques, mais un mix et une combinaison de plusieurs solutions intégrées afin d’apporter la réponse la plus efficace et efficiente en termes de décarbonation et d’économie d’énergie.
Quels sont les enjeux et freins auxquels vous êtes confrontés ?
Sur le plan technologique, nous avons développé notre chaudière 100 % hydrogène de seconde génération. Nous allons lancer la phase industrielle pour la chaudière à hydrogène qui intègre l’électrolyse. Actuellement, le principal sujet technique qui nous mobilise tourne autour du stockage de l’hydrogène. En parallèle, nous poursuivons le développement de nos solutions pour tendre vers des bâtiments sobres en énergie. Cela nécessite une réflexion commune avec les acteurs de la domotique et du bâtiment intelligent.
Prenons un exemple : si à la mi-saison, je quitte mon domicile en laissant les fenêtres entre-ouvertes et, qu’à la nuit tombée, je ne les ai pas encore fermées, le thermostat d’ambiance va déclencher le chauffage. De la même manière en été, si je quitte mon logement sans baisser le store et que j’ai une grande baie vitrée en plein soleil, la climatisation va s’enclencher pour rééquilibrer la température. Cela peut paraître anecdotique, mais ce sont des problématiques quotidiennes ancrées dans la réalité de l’exploitation d’un bâtiment. Il est évident qu’une meilleure coordination permettra d’atteindre la plus haute efficacité énergétique ainsi qu’un meilleur confort pour les particuliers.
Quelles sont vos ambitions et perspectives ?
Continuer à innover ! Si la pompe à chaleur est une solution très pertinente, nous sommes toutefois convaincus que ce ne sera pas la seule alternative pour décarboner les usages autour du chauffage, de la climatisation et de l’eau chaude sanitaire. Nous nous attendons, en effet, à voir d’autres technologies et solutions émerger et c’est pourquoi BDR THERMEA est ouvert sur son écosystème et à l’écoute du marché.
Groupe familial avec des marques centenaires, BDR THEREMEA veut inscrire son activité et son développement dans le temps long. Cette volonté est au cœur même de l’ADN et des valeurs du groupe. C’est ce qui m’a poussé en 2021 à inscrire l’entreprise à la Convention des Entreprises pour le Climat afin de réfléchir avec 150 autres entreprises au rôle que nous pouvons jouer pour contribuer activement à la transition énergétique en allant au-delà des déclarations RSE. Notre ambition est de pouvoir apporter, dans notre domaine d’activité et d’expertises, des solutions concrètes en termes d’économie circulaire, de recyclage, de réemploi et d’économie de ressources.