Découvertes
Les exemples, réels ou légendaires, ne manquent pas dans le domaine scientifique de découvertes favorisées par le hasard (Archimède, Newton, Fleming). Mais les découvertes modestes que l’on fait incidemment dans la vie courante – un livre trouvé chez un bouquiniste, dans un restaurant un plat ignoré que l’on commande par curiosité, une conversation avec une inconnue croisée dans un aéroport – apportent dans une vie, même pleine de lumière, ces petites lueurs fugitives que l’on n’oubliera pas.
Jean Huré (1877−1930)
Qui, parmi les amateurs, même éclairés, connaît la Sonate pour piano et violon de Jean Huré, compositeur prolifique et oublié, que Marie-Josèphe Jude et Philippe Koch viennent de ressusciter1 ? Elle date d’une époque (1900−1901) où les créateurs ne cherchaient pas avant tout à se distinguer les uns des autres, mais à se stimuler réciproquement (songez aux impressionnistes) ; et il est vrai que l’on y trouve des réminiscences des sonates de Franck, Lekeu, Fauré, et surtout un air de famille.
Qui s’en plaindrait, dès lors que l’on prend un plaisir sans mélange à ces envolées lyriques sans retenue, soudain traversées par une fugue, à ces harmonies d’une sensualité raffinée ? Le Quintette pour piano et cordes (M.-J. Jude et le Quatuor Louvigny), qui date de 1908, est plus complexe, plus travaillé, mais tout comme la Sonate, il offre au profane une demi-heure de plaisir au premier degré, et à l’amateur exigeant une construction subtile et un terrain propice aux analyses savantes, dualité qui est le propre des bons créateurs.
Découvrez la musique de Huré, elle en vaut la peine.
Polyphonies médiévales, Sinfonie d’Albinoni
Rien n’est plus éloigné de la musique sensuelle et complexe de Jean Huré que les Polyphonies françaises et anglaises de l’an mil, que nous révèlent Katarina Livjanic et l’ensemble Dialogos2. Il s’agit de chants liturgiques a capella, retrouvés dans les trésors des abbayes de Winchester et Fleury. Bien sûr, la notation de l’époque oblige à une reconstitution non dépourvue d’arbitraire. Mais ce que l’on retiendra, c’est le caractère apaisant et quasi hypnotique de ces pièces à la fois austères et évocatrices.
Au-delà d’un certain Adagio pour cordes qui eut jadis son heure de gloire, accommodé à toutes les sauces, et aujourd’hui heureusement oublié, qui connaît la musique de Tomaso Albinoni, violoniste et marchand de cartes à jouer, ami de Vivaldi, et auteur de plus de 50 opéras, de sonates, concertos et autres cantates ?
Eh bien, écoutez les six sonates qui, sous le nom de Sinfonie a cinque de l’Opera Seconda, ont été enregistrées par Chiara Banchini et son ensemble 4153, et vous découvrirez un compositeur majeur, que l’on peut préférer à juste titre à l’industrieux Vivaldi, avec un art consommé du contrepoint et de la fugue, une grande inventivité mélodique et harmonique, et par-dessus tout une liberté, une fantaisie, un jaillissement qui personnifient bien la culture raffinée et les moeurs débridées de Venise au début du XVIIIe siècle.
Ouvrez au hasard les Mémoires de Casanova, confectionnez-vous un sabayon avec un bon Moscato du Frioul de Vénétie, et dégustez-le en écoutant Albinoni : à l’imitation des Vénitiens, il ne faut pas hésiter à pratiquer un certain hédonisme culturel, à la limite de la perversité ; il est toujours source de plaisir.
1. 1 CD TIMPANI.
2. 1 CD AMBRONAY.
3. 1 CD ZIG-ZAG.