Découvertes

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°651 Janvier 2010Rédacteur : Jean Salmona (56)

Les exemples, réels ou légen­daires, ne manquent pas dans le domaine scien­ti­fique de décou­vertes favo­ri­sées par le hasard (Archi­mède, New­ton, Fle­ming). Mais les décou­vertes modestes que l’on fait inci­dem­ment dans la vie cou­rante – un livre trou­vé chez un bou­qui­niste, dans un res­tau­rant un plat igno­ré que l’on com­mande par curio­si­té, une conver­sa­tion avec une incon­nue croi­sée dans un aéro­port – apportent dans une vie, même pleine de lumière, ces petites lueurs fugi­tives que l’on n’oubliera pas.

Jean Huré (1877−1930)

Qui, par­mi les ama­teurs, même éclai­rés, connaît la Sonate pour pia­no et vio­lon de Jean Huré, com­po­si­teur pro­li­fique et oublié, que Marie-Josèphe Jude et Phi­lippe Koch viennent de res­sus­ci­ter1 ? Elle date d’une époque (1900−1901) où les créa­teurs ne cher­chaient pas avant tout à se dis­tin­guer les uns des autres, mais à se sti­mu­ler réci­pro­que­ment (son­gez aux impres­sion­nistes) ; et il est vrai que l’on y trouve des rémi­nis­cences des sonates de Franck, Lekeu, Fau­ré, et sur­tout un air de famille.

Qui s’en plain­drait, dès lors que l’on prend un plai­sir sans mélange à ces envo­lées lyriques sans rete­nue, sou­dain tra­ver­sées par une fugue, à ces har­mo­nies d’une sen­sua­li­té raf­fi­née ? Le Quin­tette pour pia­no et cordes (M.-J. Jude et le Qua­tuor Lou­vi­gny), qui date de 1908, est plus com­plexe, plus tra­vaillé, mais tout comme la Sonate, il offre au pro­fane une demi-heure de plai­sir au pre­mier degré, et à l’amateur exi­geant une construc­tion sub­tile et un ter­rain pro­pice aux ana­lyses savantes, dua­li­té qui est le propre des bons créateurs.

Décou­vrez la musique de Huré, elle en vaut la peine.

Polyphonies médiévales, Sinfonie d’Albinoni

Rien n’est plus éloi­gné de la musique sen­suelle et com­plexe de Jean Huré que les Poly­pho­nies fran­çaises et anglaises de l’an mil, que nous révèlent Kata­ri­na Liv­ja­nic et l’ensemble Dia­lo­gos2. Il s’agit de chants litur­giques a capel­la, retrou­vés dans les tré­sors des abbayes de Win­ches­ter et Fleu­ry. Bien sûr, la nota­tion de l’époque oblige à une recons­ti­tu­tion non dépour­vue d’arbitraire. Mais ce que l’on retien­dra, c’est le carac­tère apai­sant et qua­si hyp­no­tique de ces pièces à la fois aus­tères et évocatrices.

Au-delà d’un cer­tain Ada­gio pour cordes qui eut jadis son heure de gloire, accom­mo­dé à toutes les sauces, et aujourd’hui heu­reu­se­ment oublié, qui connaît la musique de Toma­so Albi­no­ni, vio­lo­niste et mar­chand de cartes à jouer, ami de Vival­di, et auteur de plus de 50 opé­ras, de sonates, concer­tos et autres cantates ?

Eh bien, écou­tez les six sonates qui, sous le nom de Sin­fo­nie a cinque de l’Opera Secon­da, ont été enre­gis­trées par Chia­ra Ban­chi­ni et son ensemble 4153, et vous décou­vri­rez un com­po­si­teur majeur, que l’on peut pré­fé­rer à juste titre à l’industrieux Vival­di, avec un art consom­mé du contre­point et de la fugue, une grande inven­ti­vi­té mélo­dique et har­mo­nique, et par-des­sus tout une liber­té, une fan­tai­sie, un jaillis­se­ment qui per­son­ni­fient bien la culture raf­fi­née et les moeurs débri­dées de Venise au début du XVIIIe siècle.

Ouvrez au hasard les Mémoires de Casa­no­va, confec­tion­nez-vous un sabayon avec un bon Mos­ca­to du Frioul de Véné­tie, et dégus­tez-le en écou­tant Albi­no­ni : à l’imitation des Véni­tiens, il ne faut pas hési­ter à pra­ti­quer un cer­tain hédo­nisme cultu­rel, à la limite de la per­ver­si­té ; il est tou­jours source de plaisir. 

1. 1 CD TIMPANI.
2. 1 CD AMBRONAY.
3. 1 CD ZIG-ZAG.

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