Découvrir aujourd’hui les innovations qui feront le monde de demain
Dans le domaine de l’innovation et de la R&T, Airbus Blue Sky travaille sur les technologies qui disrupteront l’aérospatial et l’aéronautique dans 10, 20 ou encore 30 ans. Jean-Dominique Coste, responsable de cette équipe à la pointe de l’innovation, nous en dit plus sur le périmètre d’action d’Airbus Blue Sky avec un focus sur les pistes explorées et les principaux projets déployés.
Airbus Blue Sky est une fonction en charge d’explorer les technologies futures à haut potentiel stratégique pour l’aérospatial. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Airbus Blue Sky est une des fonctions centrales d’Airbus. Elle couvre ainsi l’ensemble des divisions du groupe : les avions de ligne, la défense, le spatial, les hélicoptères. Sa mission est de développer des concepts et des technologies qui ont vocation à adresser les besoins de l’ensemble de ces divisions.
Toutefois, Airbus Blue Sky n’est pas une fonction R&T ou innovation classique. Nous avons la spécificité de nous focaliser sur des technologies de très long terme, avec un horizon minimum de 10 ans et allant jusqu’à 20, voire 30 ans. Nous regardons ainsi l’évolution du périmètre technologique et sociétal sur le long terme pour identifier les nouvelles technologies qui potentiellement pourraient être stratégiques et disruptives pour notre industrie et sur lesquelles Airbus ne s’est pas encore positionné.
« Sa mission est de développer des concepts et des technologies qui ont vocation à adresser les besoins de l’ensemble de ces divisions. »
Nous sommes donc face à un périmètre quasi-illimité de technologies à considérer. On s’intéresse aussi bien au domaine scientifique et physique, qu’au monde des plasmas, de la biotechnologie, ou de la psychologie… Nous passons au crible tous ces univers et filtrons les éléments qui pourraient rendre Airbus encore plus compétitif et innovant sur ces différents marchés, mais sommes aussi à la recherche de solutions qui peuvent avoir des impacts globaux.
On est sur des projets que l’on peut qualifier de high risk, high reward, des concepts moonshot qui peuvent influencer non seulement le produit en soit, mais aussi la façon dont les usagers les utilisent et comment ces derniers perçoivent leur relation au transport.
Aujourd’hui, Airbus Blue Sky s’appuie sur une équipe à taille humaine composée d’un cœur de six experts scientifiques qui travaillent sur le développement des sujets et des projets qui sont ensuite exécutés et déployés par un groupe de personnes issu de nos pôles de compétences en interne.
Plus concrètement, quels sont le périmètre d’action et la feuille de route de cette entité ?
Sur la base de nos études de veille, nous avons défini cinq grands axes :
- L’énergie : au-delà du fait que l’aérospatial soit un secteur très énergivore, l’énergie représente aussi un des principaux enjeux environnementaux actuels. Dans l’aviation, au cours des 100 dernières années, l’innovation a essentiellement été incrémentale. Nous n’avons, en effet, pas connu de disruption majeure. Aujourd’hui, la dimension environnementale est le plus important facteur de changement pour notre industrie qui, pour survivre, doit se réinventer. Pour ce faire, nous cherchons de nouvelles énergies ; étudions de nouvelles façons de distribuer l’énergie et de la convertir, mais aussi développons notre rôle dans la chaîne de valeur de l’énergie afin de ne plus être uniquement un consommateur d’énergies ;
- Repenser le transport : alors qu’ Airbus transporte des personnes, des biens et de la donnée, la prochaine étape est de réfléchir à des façons plus efficaces pour assurer leur transport ;
« Sur la base de nos études de veille, nous avons défini cinq grands axes : l’énergie, repenser le transport, le design pour l’impact sociétal, la bioconvergence, le futur des systèmes industriels. »
- Le design pour l’impact sociétal : actuellement, Airbus conçoit des produits pour répondre à des besoins des compagnies aériennes, ses principaux clients, ou de ministères de la Défense dans le monde. Dans ce cadre, l’impact de ce produit sur le passager, qui va prendre l’avion ou sur le citoyen qui va indirectement bénéficier de nos solutions, n’est pas suffisamment pris en compte. L’idée est donc de tenter d´anticiper cet impact dans la conception de nos produits afin de mieux le prendre en compte ;
- La bioconvergence : il s’agit de capitaliser sur les dernières avancées dans le monde de la biologie et de la santé pour les mettre au service d’industrie plus « hardware » comme la nôtre. Nous explorons plusieurs pistes pour créer des passerelles et trouver des synergies afin de faire, par exemple, des designs organiques ou encore de l’augmentation de l’humain… ;
- Le futur des systèmes industriels : Airbus est face à un important défi en termes d’accroissement de sa production. En croissance permanente depuis plusieurs années, suite à la pandémie et au redémarrage de l’activité industrielle, nous devons faire face à une hausse exceptionnelle de la demande qui nous pousse à repenser notre façon de produire pour optimiser nos capacités industrielles et les rendre plus adaptables et flexibles.
Et comment cette feuille de route se traduit-elle en termes de projets ? Pouvez-vous nous donner des exemples ?
En 2022, nous avons lancé le projet Power Beaming, un de nos projets phares qui se poursuit cette année. Il s’agit d’une technologie qui permet de transmettre de l’énergie à distance. Aujourd’hui, nous savons transmettre de l’information à distance par rayonnement. Avec cette technologie, demain, nous serons en capacité de faire de même avec l’énergie. Cette innovation va nous permettre de redéfinir les réseaux énergétiques au sol, car nous n’aurons plus besoin de câbles, mais aussi d’accélérer la transition énergétique en reliant, par exemple, directement des fermes éoliennes aux points clés du réseau…
Dans le domaine spatial, cette technologie va nous donner la possibilité de déployer des fermes solaires dans l’espace, où l’énergie du soleil est la seule énergie renouvelable disponible 24h/24 à une puissance maximale. Notre objectif avec ce projet est de transférer cette énergie directement de l’espace au sol.
Nous nous intéressons aussi au métavers. Nous sommes convaincus que le métavers, c’est-à-dire la connexion d’espaces ou de réalités hybrides et éloignés, va fortement disrupter l’industrie et notre perception du transport.
Aujourd’hui, lors d’un vol, les passagers doivent mettre leur smartphone en mode avion, qui est synonyme d´isolement. Demain avec le métavers, depuis l’avion, ils pourront se connecter à d’autres personnes et espaces, participer à des réunions, se rendre dans des environnements virtuels… C’est un sujet qui nous mobilise fortement au sein de notre entité.
« En 2022, nous avons lancé le projet Power Beaming : une technologie qui permet de transmettre de l’énergie à distance. »
Nous regardons aussi la fusion nucléaire, qui, contrairement aux idées reçues, a connu de nombreuses avancées au cours des dernières années. On pense que, sur le long terme, il sera possible d’avoir accès à des réacteurs mobiles dans les années à venir. Nous essayons donc d’identifier dès aujourd’hui les implications pour l’aérospatial.
Dans un autre registre, on peut aussi citer le Projet 42, dans le cadre duquel nous essayons de modéliser l’acceptation sociale de futurs projets et programmes disruptifs d’Airbus comme l’avion à hydrogène, qui sera le premier avion à zéro émission, ou encore les taxis volants… Ce sont des projets passionnants, car au-delà de l’acceptation de nouveaux modes de transport, plus largement, c’est l’acceptation des nouvelles technologies qui est aussi en question.
Enfin, nous sommes très ouverts sur notre écosystème et sommes très demandeurs de collaborations avec d’autres industriels afin de partager nos expériences, nos succès technologiques, mais aussi afin de lever ensemble les verrous et les freins technologiques et de solutionner les éventuels problèmes que nous pouvons rencontrer.
Qu’en est-il de la transition énergétique et la décarbonation des usages et notamment des transports. Comment Airbus Blue Sky peut y contribuer ?
C’est un sujet stratégique pour Airbus. Notre mission est de commencer à préparer dès aujourd’hui l’après-transition. Un des objectifs d’Airbus dans le cadre de la décarbonation des transports est de développer le premier avion zéro émission à horizon 10 ans. Ce nouvel avion pourra être basé sur l’hydrogène. Cela implique de développer toute la chaîne de valeur de l’hydrogène, qui est actuellement quasi-inexistante. Dans ce cadre, notre rôle est d’anticiper les prochaines étapes pour garantir que l´ensemble de la chaîne de valeur soit décarbonée.
Et pour conclure, quels sont les principaux challenges ?
Au sein de notre entité, nous sommes naturellement très optimistes ! Toutefois, cela n’est pas toujours évident de démontrer la faisabilité technique d’une technologie à nos diverses parties prenantes. Il y a un fort enjeu de sensibilisation, pour convaincre nos différents interlocuteurs de la pertinence de nos travaux et des pistes que nous explorons : la Commission européenne, les gouvernements, les agences, les institutions… Encore aujourd’hui, nous devons aussi les convaincre que les nouvelles technologies ne représentent pas une menace.