Défendre, servir et accompagner les demandeurs d‘asile
Solution d’urgence
Un demandeur d’asile, qui arrive en France, a connu la peur d’être emprisonné, a craint pour sa vie. Il a tout laissé « là-bas », sa famille, ses amis, son mode de vie, son travail. C’est une personne dépouillée d’elle-même, souvent jeune, fragilisée par des mois d’errance… et qui débarque dans un pays où elle espère se reconstruire, mais dont elle ne connaît souvent pas la langue et jamais les habitudes de vie.
CADA
Pour les demandeurs d’asile, il existe en France des CADA, Centres d’accueil des demandeurs d’asile, mais leurs 21 000 places sont toutes actuellement prises et 35 000 demandeurs d’asile restent sur le carreau.
Et ces familles, ces femmes, ces hommes se retrouvent soumis à des procédures administratives soupçonneuses, contraints à une attente désespérante, souvent à la rue, au milieu de ces Français qui sont pour eux des étrangers et qui ne les attendaient pas. On leur tient à peu près ce discours :
« On va examiner votre cas, voir si vraiment vous pouvez bénéficier du fameux droit d’asile à la française. Cela va prendre un petit moment… une bonne dizaine de mois sans doute. Voilà des papiers provisoires qui vont vous permettre d’attendre sans crainte d’être reconduit à la frontière. En attendant une place dans un CADA, on peut peut-être vous trouver un hébergement d’urgence, ou alors vous vous adressez à la CIMADE, au Secours catholique, à Forum Réfugiés, etc. »
JRS (Jesuit Refugee Service)
Cette ONG catholique internationale a été fondée en 1982 par le Père Pedro Arrupe, supérieur général des Jésuites, touché par le drame des boat people en mer de Chine, et par les réfugiés du Liberia. La mission de JRS est d’accompagner, de servir et de défendre les réfugiés et les migrants contraints à fuir leur pays pour demander protection.
En Afrique et en Asie, le JRS aide à la scolarisation des jeunes et à la réinstallation des personnes déplacées de force. En Europe, les 14 JRS visitent les demandeurs d’asile dans les centres de rétention, et défendent leurs droits.
En France, JRS a créé le réseau Welcome en septembre 2009, réseau d’accueil familial et communautaire pour les demandeurs d’asile en situation de précarité parce que l’État n’a pas pu les intégrer dans un Centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA).
Maillon d’une chaîne
Un demandeur d’asile a tout laissé « là-bas », sa famille, ses amis, son mode de vie, son travail
Michel Croc explique comment intervient l’Association qu’il préside : « Dans la chaîne de solidarité qui se déploie autour des demandeurs d’asile, nous sommes des maillons d’hospitalité pour les réfugiés. Nos trois maîtres mots sont : défendre, servir et accompagner. Avec d’autres associations, nous défendons les droits des demandeurs d’asile : notamment accompagner les réfugiés dans leurs démarches, mais aussi participer au lobbying public pour une réhabilitation profonde du dispositif d’accueil et d’hébergement.
Formation professionnelle
À Saint-Étienne, l’antenne JRS et le Centre de formation continue « Le Marais Sainte-Thérèse » accueillent des réfugiés pour des formations professionnelles gratuites sur des métiers où l’embauche est à peu près certaine.
« En matière de services, l’accent est mis sur les formations facilitant l’insertion. Par exemple, en 2011, le projet Afghans-Agro, avec l’Association amie « Français langue d’accueil », a permis de créer des modules spécialisés pour des cours particuliers d’apprentissage du français donnés par des bénévoles étudiants de l’Agro.
« Enfin en matière d’accompagnement, Welcome a développé un réseau de familles et de communautés qui offrent un hébergement pour une durée déterminée à l’avance – trois à cinq semaines dans une famille – et un environnement rassurant et bienveillant. Un tuteur accompagne chaque famille pour la décharger des questions pratiques, et chaque accueilli pour être auprès de lui, le rassurer et passer du temps avec lui gratuitement. »
Familles d’accueil
L’avis d’un accueillant
« Je savais que, pour un temps, il n’aurait pas faim ni froid. Le fait d’être traité comme une personne et non comme un problème, ou bien une statistique, le touchait, le rassurait. J’ai découvert la grâce de son sourire, large et généreux, quand je rentre chez moi le soir. J’ai admiré sa persévérance au-delà de toute espérance, sa foi en la vie. »
Cette pratique d’accueil pour une durée limitée est tout à fait inhabituelle et mérite quelques explications : « Nous devons tenir compte, pour le respecter, de ce que vivent les familles et les communautés. La détresse des accueillis a un impact sur elles. Il faut parfois une adaptation. La durée idéale d’un accueil est de cinq semaines : trop peu pour s’attacher en profondeur ou pour se fatiguer les uns des autres.
© JRS FRANCE
« Le demandeur d’asile a déjà tellement dû s’éloigner de tout ce qui faisait sa vie, les siens, son pays, ses activités qui le définissaient, qu’il est en demande pressante de proximité. C’est cette proximité qui doit être juste. Pour cela, il convient d’avancer avec lui à sa vitesse à lui, de chercher avec lui son propre chemin, et le tempo pour le parcourir. »
Cinq mois en moyenne
« Nous sommes heureux de constater combien ces séjours permettent aux personnes accueillies de se stabiliser de manière positive, de retrouver un bien-être, et de l’exprimer. » Et nombre d’entre eux sont accueillis par plusieurs familles successivement, la durée moyenne de séjour dans le réseau est de l’ordre de cinq mois.
Trouver une solution durable
Il ne faut pas que ces séjours deviennent une dépendance, d’où l’importance de continuer à chercher, et de trouver une solution plus durable. À l’heure actuelle, aucun n’a fini dans la rue après son parcours dans le réseau Welcome.
Un réseau efficace
L’avis d’un accueilli
« Nous attendons très longtemps sans savoir si nous finirons par vivre ici ou pas. On voudrait non seulement pouvoir apprendre la langue, mais aussi prendre part à des vies françaises, et découvrir ce qu’il y a derrière les portes et les murs des immeubles. De quoi parle-t-on dans les familles, le soir ? Qu’est-ce qu’on mange le matin ?»
Comment les demandeurs d’asile entrent dans le réseau ? Michel Croc explique que ce sont en général les associations qui s’occupent des réfugiés, pour la domiciliation, l’alphabétisation, la scolarisation, l’hébergement, donc « nos partenaires, qui nous adressent des demandeurs d’asile. Ils ont bien compris notre esprit, notre démarche, la trouvent intéressante et originale. Les partenaires comprennent aussi quelles personnes il convient de proposer, ceux et celles qui pourront tirer bénéfice de notre réseau car ils ont besoin de se reconstruire quelque peu au contact avec les autres. Les partenaires sont souvent en mesure d’attendre et de trouver des solutions intermédiaires lorsque nous ne pouvons pas répondre immédiatement. Notre proposition est une transition, et ils veillent à continuer à chercher une solution durable pour l’hébergement. Il y a bien sûr des situations dramatiques et, en ce cas, la concertation marche bien, pour faire un effort ensemble. Le réseau a été d’ailleurs capable de réagir à des urgences, ce qui est très positif. »
Propos recueillis par
Dominique Moyen (57)
JRS en France
Île-de-France
Réseau Welcome : 98 accueillis, 48 familles et communautés, 23 tuteurs, 3 150 nuits d’accueil.
Autres activités
Formation professionnelle à Saint-Étienne
; réseau d’accueil d’immigrés à Lille et Welcome à Nantes depuis octobre 2011 ;
réseaux Welcome en création à Rennes, Le Mans, Lyon, Marseille ;
plaidoyer pour l’asile en coopération avec d’autres associations.
www.jrsfrance.org