DEINOVE : Une biotech industrielle made-in-France leader dans le domaine des antimicrobiens
En s’intéressant aux microorganismes rares ou réputés incultivables mais aux propriétés biologiques remarquables, DEINOVE, société cotée sur EURONEXT GROWTH®, se positionne comme une biotech industrielle française avant-gardiste qui entend solutionner la problématique de la résistance microbienne. Son Directeur Général, Alexis Rideau nous en dit plus. Rencontre.
DEINOVE est un pionnier dans l’exploitation de la « matière noire microbienne ». De quoi s’agit-il ?
La Terre abrite mille milliards d’espèces microbiennes différentes dont moins de 0,1% a été identifié et cultivé. Nous sommes donc collectivement très loin d’en avoir exploité la biodiversité. Par cette exploration de la matière noire microbienne, DEINOVE s’attaque à l’identification et l’exploitation de microorganismes, rares ou réputés incultivables, aux propriétés biologiques remarquables.
L’objectif est de les domestiquer pour identifier et produire à l’échelle préindustrielle des molécules à forte valeur ajoutée. Le savoir-faire, l’expérience et les capacités technologiques de DEINOVE en font un acteur unique au niveau mondial. À titre d’exemple, la grande majorité des antibiotiques commercialisés à ce jour sont issus de métabolites secondaires produits par des microorganismes. Face à la pandémie silencieuse de la résistance aux antibiotiques, qui a fait 1,2 million de morts dans le monde en 2019, soit plus que le VIH ou le cancer du sein, DEINOVE s’attele à découvrir à partir de ce potentiel métabolique quasiment illimité de nouveaux traitements antimicrobiens, afin de protéger notre médecine moderne.
Vous vous attaquez donc à l’enjeu de la résistance microbienne. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette dimension ?
La découverte des premiers antibiotiques au début du XXe siècle et leur production industrielle à partir des années 1940 ont révolutionné la médecine moderne. Les antibiotiques ont permis de vaincre des infections bactériennes et limiter le risque infectieux d’un nombre incalculable d’interventions médicales. Or, les bactéries développent au fil du temps des mécanismes de résistance.
Malheureusement, les grands acteurs pharmaceutiques historiquement investis dans ce domaine se sont retirés – à quelques exceptions près – depuis la fin des années 90 et nous nous trouvons aujourd’hui dans une situation critique : le nombre de candidats antibiotiques en développement clinique est trop faible au niveau mondial pour préserver notre arsenal thérapeutique, pourtant essentiel dans toute notre médecine moderne.
En mars 2021, The Pew Charitable Trusts n’a dénombré que 43 antibiotiques en cours de développement dans le monde entier. Le DNV3837 de DEINOVE fait partie des 13 composés, en phase II du développement clinique, identifiés par cette organisation non gouvernementale indépendante. Nous sommes par ailleurs la seule société française en développement clinique. Depuis des années, la communauté scientifique sonne l’alerte : sans nouveaux antibiotiques, c’est toute notre médecine moderne qui est menacée. Avec l’antibiorésistance, la question n’est pas de savoir si elle va se produire, mais « quand ».
“Grâce à ses capacités technologiques, DEINOVE est un acteur unique pour découvrir des nouvelles molécules issues de la matière noire microbienne, avec une maîtrise des échelles allant du picolitre en microfluidique (soit un millionième de millionième de litre) jusqu’à 20 L en fermenteur.”
Et pour cela il faut avoir un coup d’avance et maintenir l’arsenal thérapeutique. Les efforts de R&D sont essentiellement supportés par les biotechs. Or le marché des antibiotiques est très compliqué avec un modèle économique qui est très différent des autres médicaments. En effet, les antibiotiques doivent être utilisés avec parcimonie pour prévenir la résistance inéluctable qui sera développée par les bactéries. C’est le modèle de l’extincteur : mieux vaut en avoir un s’il y a un feu, sinon le prix à payer sera élevé. Il y a aujourd’hui urgence à soutenir les acteurs de ce domaine, c’est une question de santé publique.
Dans cette démarche, quels sont les axes sur lesquels votre R&D et votre activité de manière générale se concentrent ?
Le moteur de l’innovation de l’entreprise peut se décomposer en trois grandes phases. Tout d’abord, lors de la phase d’investigation, nos équipes procèdent à l’extraction de la biodiversité microbienne. Dans notre processus de R&D vient ensuite la découverte, qui consiste d’une part à détecter une nouvelle activité biologique, d’autre part à identifier et caractériser le composé actif responsable de l’activité. À cet égard, le plan France Relance (projet Boost ID) nous a permis en 2021 de renforcer notre compétitivité, via la mise en place d’une unité de criblage microfluidique à ultra-haut débit (20 millions d’événements testés par heure). Enfin, lors de la phase d’optimisation, nos équipes se concentrent sur la production préindustrielle et l’optimisation des souches par biologie de synthèse pour obtenir le maximum de biomasse et d’ingrédient actif.
Grâce à ses capacités technologiques, DEINOVE est un acteur unique pour découvrir des nouvelles molécules issues de la matière noire microbienne, avec une maîtrise des échelles allant du picolitre en microfluidique (soit un millionième de millionième de litre) jusqu’à 20L en fermenteur. À titre de comparaison, si un picolitre était la taille d’un homme, 20L représenterait la dimension du système solaire.
Quels sont les principaux projets qui vous mobilisent actuellement ?
comme évoqué précédemment, nous avons intégré en 2021 une station industrielle de tri des bactéries sur la base de la technologie microfluidique en gouttes dans le cadre du plan France Relance. Cette incorporation à notre moteur d’innovation déjà en place est cruciale car elle nous permettra d’augmenter significativement le rendement actuel de la plateforme, tout en réduisant ses coûts et en diminuant son impact écologique (moins de plastique notamment). C’est une technologie dans lequel nous avons investi depuis plusieurs années en R&D avec un partenaire académique à l’ESPCI Paris. Nous allons implémenter notre savoir-faire sur cette plateforme dans le domaine de l’antibiorésistance, mais également développer de nouveaux champs applicatifs. De nombreux secteurs industriels sont à la recherche de nouveaux ingrédients ou extraits actifs d’origine naturelle.
En parallèle, nous nous sommes donné comme priorité d’avancer la phase II du développement clinique de notre candidat DNV3837, qui cible les infections gastrointestinales à Clostridioïdes difficile (ICD), potentiellement mortelles. Une étape importante a été atteinte début 2022 : le Data and Safety Monitoring Board (DSMB), constitué d’un groupe d’experts indépendants, a examiné les résultats intermédiaires sur un premier groupe de patients traités avec DNV3837 et a émis un avis favorable pour la poursuite de l’essai.
Qu’en est-il de vos principaux enjeux et perspectives ?
Avec les leçons apprises de la pandémie de Covid-19, y compris le besoin stratégique pour la France de garder des entreprises possédant des capacités industrielles à haut niveau de technologie, nous faisons le pari que les mesures de soutien pour lutter contre la résistance aux antimicrobiens vont s’intensifier et que nous allons entrer dans une nouvelle ère. Certains signaux concernant le paysage réglementaire et économique – le Pasteur Act aux États-Unis, la création de l’agence HERA et les réflexions sur la mise en place de pull incentives dans l’UE – montrent que l’on progresse à ce sujet. DEINOVE est aujourd’hui un acteur industriel stratégique sur le territoire national. Ces dernières années, une nouvelle dynamique autour de l’antibiorésistance est apparue, notamment avec le concept One Health (« Une seule Santé ») et nous avons l’ambition de compter parmi les acteurs incontournables en France sur ces sujets.
L’ajout de la microfluidique à toutes nos capacités et savoir-faire en biologie de synthèse et fermentation rend notre plateforme très versatile.
Cela nous ouvre des perspectives très excitantes dans d’autres domaines applicatifs, que ce soit dans la pharma (antimicrobiens, microbiote, etc.) ou d’autres marchés tels que le bien-être (nutrition, cosmétique), l’agronomie (biostimulant, phytosanitaire, etc.), l’environnement (énergie, pollution, etc.), le diagnostic (biosenseurs). Nous travaillons ainsi à la mise en place de collaborations au niveau local, avec une dynamique importante dans la métropole de Montpellier (projet Med Vallée) et la région Occitanie, mais aussi aux niveaux national et international pour accélérer nos développements.