DEINOVE : Une biotech industrielle made-in-France leader dans le domaine des antimicrobiens

Dossier : Health techMagazine N°773 Mars 2022
Par Alexis RIDEAU

En s’intéressant aux microor­ga­nismes rares ou répu­tés incul­ti­vables mais aux pro­prié­tés bio­lo­giques remar­quables, DEINOVE, socié­té cotée sur EURONEXT GROWTH®, se posi­tionne comme une bio­tech indus­trielle fran­çaise avant-gar­diste qui entend solu­tion­ner la pro­blé­ma­tique de la résis­tance micro­bienne. Son Direc­teur Géné­ral, Alexis Rideau nous en dit plus. Rencontre.

DEINOVE est un pionnier dans l’exploitation de la « matière noire microbienne ». De quoi s’agit-il ?

La Terre abrite mille mil­liards d’espèces micro­biennes dif­fé­rentes dont moins de 0,1% a été iden­ti­fié et culti­vé. Nous sommes donc col­lec­ti­ve­ment très loin d’en avoir exploi­té la bio­di­ver­si­té. Par cette explo­ra­tion de la matière noire micro­bienne, DEINOVE s’attaque à l’identification et l’exploitation de microor­ga­nismes, rares ou répu­tés incul­ti­vables, aux pro­prié­tés bio­lo­giques remarquables. 

L’objectif est de les domes­ti­quer pour iden­ti­fier et pro­duire à l’échelle pré­in­dus­trielle des molé­cules à forte valeur ajou­tée. Le savoir-faire, l’expérience et les capa­ci­tés tech­no­lo­giques de DEINOVE en font un acteur unique au niveau mon­dial. À titre d’exemple, la grande majo­ri­té des anti­bio­tiques com­mer­cia­li­sés à ce jour sont issus de méta­bo­lites secon­daires pro­duits par des microor­ga­nismes. Face à la pan­dé­mie silen­cieuse de la résis­tance aux anti­bio­tiques, qui a fait 1,2 mil­lion de morts dans le monde en 2019, soit plus que le VIH ou le can­cer du sein, DEINOVE s’attele à décou­vrir à par­tir de ce poten­tiel méta­bo­lique qua­si­ment illi­mi­té de nou­veaux trai­te­ments anti­mi­cro­biens, afin de pro­té­ger notre méde­cine moderne. 

Vous vous attaquez donc à l’enjeu de la résistance microbienne. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette dimension ? 

La décou­verte des pre­miers anti­bio­tiques au début du XXe siècle et leur pro­duc­tion indus­trielle à par­tir des années 1940 ont révo­lu­tion­né la méde­cine moderne. Les anti­bio­tiques ont per­mis de vaincre des infec­tions bac­té­riennes et limi­ter le risque infec­tieux d’un nombre incal­cu­lable d’interventions médi­cales. Or, les bac­té­ries déve­loppent au fil du temps des méca­nismes de résistance. 

Mal­heu­reu­se­ment, les grands acteurs phar­ma­ceu­tiques his­to­ri­que­ment inves­tis dans ce domaine se sont reti­rés – à quelques excep­tions près – depuis la fin des années 90 et nous nous trou­vons aujourd’hui dans une situa­tion cri­tique : le nombre de can­di­dats anti­bio­tiques en déve­lop­pe­ment cli­nique est trop faible au niveau mon­dial pour pré­ser­ver notre arse­nal thé­ra­peu­tique, pour­tant essen­tiel dans toute notre méde­cine moderne. 

En mars 2021, The Pew Cha­ri­table Trusts n’a dénom­bré que 43 anti­bio­tiques en cours de déve­lop­pe­ment dans le monde entier. Le DNV3837 de DEINOVE fait par­tie des 13 com­po­sés, en phase II du déve­lop­pe­ment cli­nique, iden­ti­fiés par cette orga­ni­sa­tion non gou­ver­ne­men­tale indé­pen­dante. Nous sommes par ailleurs la seule socié­té fran­çaise en déve­lop­pe­ment cli­nique. Depuis des années, la com­mu­nau­té scien­ti­fique sonne l’alerte : sans nou­veaux anti­bio­tiques, c’est toute notre méde­cine moderne qui est mena­cée. Avec l’antibiorésistance, la ques­tion n’est pas de savoir si elle va se pro­duire, mais « quand ».

“Grâce à ses capacités technologiques, DEINOVE est un acteur unique pour découvrir des nouvelles molécules issues de la matière noire microbienne, avec une maîtrise des échelles allant du picolitre en microfluidique (soit un millionième de millionième de litre) jusqu’à 20 L en fermenteur.”

Et pour cela il faut avoir un coup d’avance et main­te­nir l’arsenal thé­ra­peu­tique. Les efforts de R&D sont essen­tiel­le­ment sup­por­tés par les bio­techs. Or le mar­ché des anti­bio­tiques est très com­pli­qué avec un modèle éco­no­mique qui est très dif­fé­rent des autres médi­ca­ments. En effet, les anti­bio­tiques doivent être uti­li­sés avec par­ci­mo­nie pour pré­ve­nir la résis­tance iné­luc­table qui sera déve­lop­pée par les bac­té­ries. C’est le modèle de l’extincteur : mieux vaut en avoir un s’il y a un feu, sinon le prix à payer sera éle­vé. Il y a aujourd’hui urgence à sou­te­nir les acteurs de ce domaine, c’est une ques­tion de san­té publique.

Dans cette démarche, quels sont les axes sur lesquels votre R&D et votre activité de manière générale se concentrent ?

Le moteur de l’innovation de l’entreprise peut se décom­po­ser en trois grandes phases. Tout d’abord, lors de la phase d’investigation, nos équipes pro­cèdent à l’extraction de la bio­di­ver­si­té micro­bienne. Dans notre pro­ces­sus de R&D vient ensuite la décou­verte, qui consiste d’une part à détec­ter une nou­velle acti­vi­té bio­lo­gique, d’autre part à iden­ti­fier et carac­té­ri­ser le com­po­sé actif res­pon­sable de l’activité. À cet égard, le plan France Relance (pro­jet Boost ID) nous a per­mis en 2021 de ren­for­cer notre com­pé­ti­ti­vi­té, via la mise en place d’une uni­té de cri­blage micro­flui­dique à ultra-haut débit (20 mil­lions d’événements tes­tés par heure). Enfin, lors de la phase d’optimisation, nos équipes se concentrent sur la pro­duc­tion pré­in­dus­trielle et l’optimisation des souches par bio­lo­gie de syn­thèse pour obte­nir le maxi­mum de bio­masse et d’ingrédient actif.

Grâce à ses capa­ci­tés tech­no­lo­giques, DEINOVE est un acteur unique pour décou­vrir des nou­velles molé­cules issues de la matière noire micro­bienne, avec une maî­trise des échelles allant du pico­litre en micro­flui­dique (soit un mil­lio­nième de mil­lio­nième de litre) jusqu’à 20L en fer­men­teur. À titre de com­pa­rai­son, si un pico­litre était la taille d’un homme, 20L repré­sen­te­rait la dimen­sion du sys­tème solaire.

Quels sont les principaux projets qui vous mobilisent actuellement ? 

comme évo­qué pré­cé­dem­ment, nous avons inté­gré en 2021 une sta­tion indus­trielle de tri des bac­té­ries sur la base de la tech­no­lo­gie micro­flui­dique en gouttes dans le cadre du plan France Relance. Cette incor­po­ra­tion à notre moteur d’innovation déjà en place est cru­ciale car elle nous per­met­tra d’augmenter signi­fi­ca­ti­ve­ment le ren­de­ment actuel de la pla­te­forme, tout en rédui­sant ses coûts et en dimi­nuant son impact éco­lo­gique (moins de plas­tique notam­ment). C’est une tech­no­lo­gie dans lequel nous avons inves­ti depuis plu­sieurs années en R&D avec un par­te­naire aca­dé­mique à l’ESPCI Paris. Nous allons implé­men­ter notre savoir-faire sur cette pla­te­forme dans le domaine de l’antibiorésistance, mais éga­le­ment déve­lop­per de nou­veaux champs appli­ca­tifs. De nom­breux sec­teurs indus­triels sont à la recherche de nou­veaux ingré­dients ou extraits actifs d’origine naturelle.

En paral­lèle, nous nous sommes don­né comme prio­ri­té d’avancer la phase II du déve­lop­pe­ment cli­nique de notre can­di­dat DNV3837, qui cible les infec­tions gas­troin­tes­ti­nales à Clos­tri­dioïdes dif­fi­cile (ICD), poten­tiel­le­ment mor­telles. Une étape impor­tante a été atteinte début 2022 : le Data and Safe­ty Moni­to­ring Board (DSMB), consti­tué d’un groupe d’experts indé­pen­dants, a exa­mi­né les résul­tats inter­mé­diaires sur un pre­mier groupe de patients trai­tés avec DNV3837 et a émis un avis favo­rable pour la pour­suite de l’essai.

Qu’en est-il de vos principaux enjeux et perspectives ? 

Avec les leçons apprises de la pan­dé­mie de Covid-19, y com­pris le besoin stra­té­gique pour la France de gar­der des entre­prises pos­sé­dant des capa­ci­tés indus­trielles à haut niveau de tech­no­lo­gie, nous fai­sons le pari que les mesures de sou­tien pour lut­ter contre la résis­tance aux anti­mi­cro­biens vont s’intensifier et que nous allons entrer dans une nou­velle ère. Cer­tains signaux concer­nant le pay­sage régle­men­taire et éco­no­mique – le Pas­teur Act aux États-Unis, la créa­tion de l’agence HERA et les réflexions sur la mise en place de pull incen­tives dans l’UE – montrent que l’on pro­gresse à ce sujet. DEINOVE est aujourd’hui un acteur indus­triel stra­té­gique sur le ter­ri­toire natio­nal. Ces der­nières années, une nou­velle dyna­mique autour de l’antibiorésistance est appa­rue, notam­ment avec le concept One Health (« Une seule San­té ») et nous avons l’ambition de comp­ter par­mi les acteurs incon­tour­nables en France sur ces sujets. 

L’ajout de la micro­flui­dique à toutes nos capa­ci­tés et savoir-faire en bio­lo­gie de syn­thèse et fer­men­ta­tion rend notre pla­te­forme très versatile. 

Cela nous ouvre des pers­pec­tives très exci­tantes dans d’autres domaines appli­ca­tifs, que ce soit dans la phar­ma (anti­mi­cro­biens, micro­biote, etc.) ou d’autres mar­chés tels que le bien-être (nutri­tion, cos­mé­tique), l’agronomie (bio­sti­mu­lant, phy­to­sa­ni­taire, etc.), l’environnement (éner­gie, pol­lu­tion, etc.), le diag­nos­tic (bio­sen­seurs). Nous tra­vaillons ain­si à la mise en place de col­la­bo­ra­tions au niveau local, avec une dyna­mique impor­tante dans la métro­pole de Mont­pel­lier (pro­jet Med Val­lée) et la région Occi­ta­nie, mais aus­si aux niveaux natio­nal et inter­na­tio­nal pour accé­lé­rer nos développements.


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