Délinquance : La récidive n’est pas une fatalité
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Sans une aide complémentaire à l’action des services officiels, les sortants de prison risquent de rechuter, de commettre à nouveau des actes délictueux et donc de provoquer de nouvelles victimes.
Le MRS, Mouvement pour la réinsertion sociale, se mobilise contre cette dramatique récidive.
Les médias pointent souvent la surpopulation des prisons : 66 000 détenus dont 13 000 en « sur-nombre ». Et même si la surpopulation carcérale commence à décroître légèrement, elle induit toujours de la violence, des conditions de vie indignes, une altération de la santé physique et mentale.
Mais les médias oublient en général de mentionner les flux de détenus qui entrent et sortent de prison ; or, la durée moyenne de détention étant de dix mois, plus de 80 000 condamnés sortent chaque année de détention. Le retour à la « vie civile » se révèle la plupart du temps difficile, pour ne pas dire erratique.
Favoriser la réinsertion
Créée voici quarante-cinq ans par un ancien magistrat, Jean Schewin, l’association a toujours le même objectif ambitieux : combattre la récidive en favorisant la réinsertion sociale et professionnelle des sortants de prison et des personnes sous main de justice.
“ Les médias oublient en général les flux de détenus qui entrent et sortent de prison ”
Le MRS reçoit les plus démunis et les plus isolés. La prévention de la récidive et l’aide à la réinsertion d’anciens détenus reflètent une société digne et responsable.
Et participer à la diminution de la récidive rend un service multiple à cette société : en l’aidant à vivre en paix et en harmonie ; en incitant des travailleurs à participer à la vie économique ; en soulageant les budgets publics.
Donner du temps
Le MRS héberge chaque année plus de cent personnes dans les 32 chambres d’hôtel louées à Paris ou en proche banlieue. Chaque hébergé bénéficie d’un suivi « rapproché ». Le MRS collabore aussi avec des CHRS (centre d’hébergement et de réinsertion sociale) et les services intégrés d’accueil et d’orientation des départements.
Avec ses équipes de bénévoles aux compétences multiples, le MRS, soutenu par deux salariés, peut offrir un temps précieux dont ne disposent pas les fonctionnaires de l’administration pénitentiaire car chacun d’eux gère plus de cent dossiers de personnes détenues ou sous main de justice en région parisienne.
Notre action s’étend à la majorité des départements d’Île-de-France à partir de nos antennes de Bobigny, Nanterre et Paris.
Réduire le temps de latence
Dans le cadre d’une convention avec la DISP (Direction interrégionale des services pénitentiaires), les équipes du MRS interviennent en Île-de-France auprès de 650 personnes orientées principalement par les SPIP, Services pénitentiaires d’insertion et de probation.
L’intervention peut commencer dès la détention pour préparer la sortie. Le MRS diminue ainsi le temps de latence au terme de la détention, temps déterminant pour lutter contre la récidive. Le travail est toujours effectué en collaboration avec les CPIP, conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation.
Un bénévole spécialement formé rencontre un détenu signalé par le SPIP. L’idée est de le connaître et d’envisager avec lui les conditions d’une prise en charge. Celle-ci peut comprendre une domiciliation, celle de l’association, une aide pour l’hébergement, une orientation vers des partenaires « santé » et un soutien à la recherche d’un emploi.
Héberger, condition essentielle
Dans chaque antenne du MRS, un suivi social individualisé est proposé avec accompagnement en fonction de l’histoire, du parcours et des possibilités de chacun.
À nos yeux, l’hébergement est une condition essentielle de la réinsertion. Voilà pourquoi le MRS offre trois niveaux d’hébergement : l’urgence à la sortie de détention, ensuite quelques semaines en chambre d’hôtel en attendant un dispositif mieux adapté, et enfin un logement relais de plusieurs mois avec un accompagnement vers l’autonomie.
COMMENT AIDER
Les dépenses de l’association s’élèvent à 430 000 euros dont plus de 80 % sont affectés aux actions sociales ; l’hébergement représente la part principale. Les recettes proviennent pour deux tiers de fonds publics (ministère de la Justice, collectivités locales) et pour un tiers de fonds privés (Fondation M6, fondations familiales, produits de manifestations culturelles, dons divers, etc.). Malgré tout, les besoins sont loin d’être satisfaits. Le MRS a besoin de temps, de compétences et d’un soutien financier.
Contact : clairetranchimand |at] mrsasso.fr
MRS – 12, rue Charles-Fourier, 75013 Paris.
DES VICTIMES EN MOINS
Chaque année, 35 % des personnes suivies entament leur réinsertion professionnelle. Et la majorité des anciens détenus hébergés par notre association intègrent un logement plus pérenne. La réinsertion n’est pas un long fleuve tranquille et pour certains de longs mois s’écoulent avant de toucher au but. Faut-il le rappeler, chaque acte délictueux évité, c’est une victime en moins.
Accompagner vers l’emploi
Dernier volet qui signe une bonne réinsertion, le MRS accompagne ses accueillis vers l’emploi en liaison avec Pôle emploi, les missions locales, des associations intermédiaires ou des entreprises d’insertion.
Nous utilisons aussi tous les outils nécessaires à la recherche d’emploi par un accès informatique direct.
Si le partenariat est important, la motivation est capitale. Le référent MRS doit non seulement fournir les bons outils mais aussi accompagner sur la durée la motivation de l’ex-détenu.
LE CONTEXTE LÉGAL
- Le décret du 13 avril 1999 crée dans chaque département un service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) pour permettre un meilleur suivi des condamnés dans leur parcours pénal en milieu fermé (en détention) et en milieu ouvert (hors détention), et leur faciliter l’accès aux droits et aux dispositifs d’insertion.
- La loi du 9 mars 2004 porte adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité : aménagement de peine (placement à l’extérieur, semi-liberté ou PSE) systématiquement proposé aux détenus qui en remplissent les conditions, notamment en termes de reliquat de peine et de comportement en détention.
- La loi du 24 novembre 2009 garantit un certain nombre de droits aux détenus concernant :
– l’élection de domicile auprès de l’établissement pénitentiaire ;
– le droit au travail en permettant notamment à des entreprises d’insertion de fonctionner à l’intérieur des établissements et en confirmant l’implication des régions dans la mise en œuvre des formations professionnelles ;
– l’aide aux détenus les plus démunis.
Elle contient des dispositions visant à développer les alternatives à la détention provisoire et les aménagements de peine. Elle réaffirme l’encellulement individuel. - La loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et à l’efficacité des sanctions pénales :
– nouvelle peine : la contrainte pénale, exécutée en milieu ouvert ;
– suppression des peines planchers et des révocations automatiques de sursis ;
– généralisation des bureaux d’aide aux victimes ;
– maintien des liens familiaux.
Une structure légère
Le MRS dispose de 40 bénévoles. Chacun d’eux s’engage à consacrer à la réinsertion au minimum deux demi-journées par semaine. Retraités pour la plupart, mais parfois en reconversion, ils bénéficient d’une formation théorique initiale, d’une formation sur le terrain avec un parrain et d’une solide formation continue assurée par des organismes spécialisés.
Ajoutons deux salariés, une assistante administrative et une éducatrice spécialisée. Nos locaux sont loués aux offices HLM ou mis à notre disposition par une mairie.
DEUX PARCOURS DE SORTANTS DE PRISON
Octobre 2013, troisième peine : trente mois, trafic de cannabis et conduite sans permis
M.L. veut se réinsérer. Le MRS fournit un hébergement provisoire et M.L. trouve un emploi de limonadier puis de coursier. Ce succès rapide incite à le faire entrer dans le dispositif relais : un hébergement d’un an contre un loyer payé d’avance en attendant un logement pérenne.
Mais, en juillet 2014, M.L., qui se rendait souvent dans le Sud pour voir sa compagne ne remonte pas à Paris. Plus aucun signe de vie.
Déception, mais c’est le choix de l’accueilli. Il peut poursuivre seul son parcours, sans avertir le MRS qui doit accepter de ne pas connaître la suite, positive ou négative.
Novembre 2014, après huit mois de détention pour violences, Éloi, 23 ans, est libre
Sans adresse ni hébergement, sans lien familial, un danger le guette : la récidive. Il le sait et il agit. Il se fait embaucher comme livreur pour un restaurant et il demande au MRS de l’accueillir.
Contre une modeste somme, au début, le MRS lui attribue une chambre d’hôtel et lui fournit une adresse postale. Chaque semaine son accueillant le reçoit, vise ses fiches de paye, essaie de dégager l’avenir.
Éloi obtient enfin une formation de cablo-opérateur fibre optique rémunérée 330 euros par mois. Il continue à livrer le soir. Au total, maintenant, il gagne 830 euros et verse 240 euros pour la chambre. Si tout va bien, et tout dépend d’abord de sa motivation, il sera embauché dans sa spécialité.