Démocratiser le recours à la propulsion hybride pour l’accès à l’orbite
HyPr Space ambitionne de révolutionner le monde du spatial avec son innovation de rupture visant à permettre d’utiliser la propulsion hybride pour réduire les coûts d’accès à l’orbite. Explications d’Alexandre Mangeot, Président et directeur technique de HyPr Space, et de Jean-Philippe Dufour (X95), directeur des programmes.
Quelle a été la genèse de la start-up ?
Alexandre Mangeot : À l’origine de ce projet, il y a tout d’abord ma passion pour l’univers spatial. J’ai fait ma thèse de doctorat sur le sujet de la propulsion hybride entre 2009 et 2012. Cette thèse de doctorat m’a donné une expertise scientifique sur le sujet. Avant de me lancer dans cette aventure entrepreneuriale, j’ai continué à travailler et à affiner cette innovation que je voulais apporter au secteur de la propulsion hybride. J’ai ainsi effectivement créé la société en 2019 avec mes cofondateurs, Sylvain Bataillard, Vincent Rocher, et Alexis Azoulay, qui depuis a quitté la société.
Votre ambition est donc de lever les verrous technologiques de la propulsion hybride dans le domaine du spatial, et plus particulièrement en matière d’accès à l’orbite. Quelles sont les pistes technologiques que vous explorez ?
A.M : Le fonctionnement de la propulsion hybride dans une architecture classique implique l’utilisation d’un oxydant à l’état liquide qui est injecté dans une chambre de combustion qui contient le carburant à l’état solide. Si le principe fonctionne relativement bien sur des moteurs à petite échelle, l’efficacité de la combustion n’est pas suffisante avec des moteurs de forte puissance.
Jean-Philippe Dufour : En matière de propulsion hybride, nous sommes donc confrontés à un frein technologique relatif au passage à l’échelle sur de gros moteurs. Pour lever ce verrou, nous apportons un nouveau concept d’architecture de moteur à propulsion hybride en rupture par rapport aux architectures classiques. Nous avons, en effet, opté pour une approche géométrique qui consiste à intégrer le réservoir d’oxydant au milieu du moteur. Parce qu’il s’agit d’une innovation architecturale, notre technologie peut donc être utilisée avec tous les types de carburants et d’oxydants. Dans nos développements, une de nos priorités est de miser sur la simplicité, afin d’une part, de réduire les coûts et, d’autre part, de développer, de produire et d’opérer nos moteurs plus rapidement.
Dans cette démarche, quels sont vos principaux enjeux ?
A.M : Le premier enjeu est de démontrer la fiabilité et la viabilité de la propulsion hybride. Dans ce cadre, se pose la question de la maturité de notre innovation. Il nous faut démontrer des hauts niveaux de maîtrise des phénomènes de combustion, du fonctionnement du moteur, de la combustion dans un moteur à propulsion hybride qu’il est, par ailleurs, difficile de modéliser via la simulation numérique. Pour relever ce défi, nous avons donc privilégié une approche très expérimentale, avec des démonstrateurs, qui nous conforte dans nos projections et nos ambitions en matière de passage à l’échelle. En parallèle, l’innovation et le développement de technologie de rupture sont des activités fortement intensives en capital et en financement.
« Le premier enjeu est de démontrer la fiabilité et la viabilité de la propulsion hybride. »
Nous avons donc aussi un fort enjeu de financement dans un contexte où il y a toutefois une véritable prise de conscience des enjeux du New Space, ainsi que d’importants efforts réalisés par la puissance publique avec notamment le volet spatial du Plan France 2030. D’ailleurs, nous visons une levée de fonds de série A cette année (entre 10 et 15 millions pour poursuivre notre développement). Enfin, pour déployer notre feuille de route très ambitieuse, nous avons un fort enjeu humain et d’attraction des talents, aussi bien des personnes ayant une expérience dans le monde du spatial que des jeunes diplômés passionnés par l’aventure spatiale, à l’instar des cofondateurs ! Aujourd’hui, nous sommes une vingtaine de personnes. Début 2022, nous n’étions que 5 ! Nous visons une équipe de 60 personnes dans un an. Avis aux intéressés !
Où en êtes-vous aujourd’hui ? Quelles sont les prochaines étapes ?
J‑P.D : Nous préparons la campagne d’essai de notre troisième démonstrateur à l’échelle réduite à 1⁄20, toujours dans une logique de montée en maturité progressive. Nous travaillons en même temps à la prochaine étape,notre démonstrateur à l’échelle 1, que nous sommes en train de développer et qui sera représentatif du moteur destiné à propulser un petit lanceur spatial. En parallèle, nous faisons partie des deux premiers lauréats de l’appel à projets mini et micro-lanceur du Plan France 2030. Dans ce cadre, nous sommes en train de mener les études de conception d’un micro-lanceur basé sur notre moteur, avant de passer à l’étape de développement. Après toutes les phases de développement et d’essai, le principal jalon sera le premier vol de ce micro-lanceur qui sera destiné à la mise en orbite de petits satellites.
Et pour conclure ?
J‑P.D : Aujourd’hui, l’immense majorité des acteurs des micro-lanceurs s’appuie sur un même modèle technologique et industriel : l’appel à la propulsion liquide. C’est une filière établie,mise en œuvre essentiellement sur de gros lanceurs aujourd’hui, certes performante mais complexe et onéreuse. Notre technologie, de par sa simplicité, offre des perspectives en termes de réduction des coûts et de rapidité de production et de mise en œuvre, des caractéristiques qui répondent aux principales attentes du marché des micro-lanceurs. Les micro-lanceurs représentent donc un premier cas d’usage naturel pour notre technologie, qui a néanmoins un potentiel d’application bien plus vaste, dans le domaine du transport spatial mais aussi au-delà – nous y réfléchissons d’ailleurs déjà.