Dépasser les blocages
Si j’ai voulu témoigner à l’occasion du quarantième anniversaire de l’admission des femmes à l’X, c’est parce qu’il me paraît important de saluer cet événement dans tout ce qu’il a de positif, et aussi de transmettre des messages qui peuvent intéresser les promotions actuelles et futures. Je ne reviens pas sur ce que l’X m’a apporté : un diplôme prestigieux, une formation académique de très haut niveau, et des opportunités extraordinaires de développement du « savoir être » en entreprise ou ailleurs, de par les nombreuses facettes de la formation humaine et militaire.
Transformer l’essai
J’ai fait l’X à la fin des années 1990 : autant dire que, lorsque j’ai intégré l’École, j’avais l’impression que l’admission des femmes datait d’il y a une éternité. Aujourd’hui, je réalise que quarante ans, ce n’est pas si ancien : beaucoup de nos camarades encore en activité ont connu Polytechnique « réservée aux garçons ».
Il reste donc un peu de chemin pour « transformer l’essai » de l’intégration des femmes dans le monde des dirigeants et dans la communauté scientifique. Je crois qu’il est important que les nouvelles générations en aient conscience, pour continuer à faire bouger les choses.
au-delà des clichés
Par exemple, dans ma promotion, les filles représentaient déjà environ 20 % de l’effectif, pourcentage qui était sur une pente ascendante. Aujourd’hui, près de quinze ans plus tard, cette part s’est stabilisée en deçà de 25%, ce qui laisse entrevoir des marges de progrès. Le défi est d’aller au-delà des images et des clichés : les lycéennes ne doivent pas s’interdire les filières scientifiques ; elles y ont toute leur place.
Prendre des responsabilités
C’est au cours de ma scolarité à l’École polytechnique, et en particulier lors de l’année de service militaire, que j’ai pris conscience de ce que, bien qu’étant une femme, il était tout à fait possible pour moi de prendre des responsabilités hiérarchiques, et de tenter les mêmes défis sportifs que les garçons. Au défilé du 14 Juillet, les polytechniciennes ont l’honneur d’occuper les premiers rangs. Il y a beaucoup moins de machisme dans l’armée que ne le laissent croire les a priori.
Inspirer confiance
Dans mon parcours depuis l’X, dans la haute fonction publique, le fait d’être une femme ne m’a pas désavantagée. Je dirai même, au contraire.
Par exemple, être en minorité peut permettre de sortir du lot, puisque l’on se souvient de vous plus facilement. Il faut cependant prendre garde à des écueils auxquels le cursus purement scolaire ne prépare pas forcément. Un exemple parmi d’autres : une hiérarchie exclusivement masculine peut avoir le sentiment de prendre des risques inconsidérés en accordant des responsabilités à une femme. Le tout est d’en avoir conscience, pour, justement, inspirer confiance et dépasser ces blocages.
La clé réside sans doute dans la capacité à sortir d’un fonctionnement purement scolaire, et à mettre en œuvre un certain bon sens dans l’analyse des comportements, en plus des compétences techniques. En cela, le partage d’expérience dans le cadre de réseaux féminins est très utile.