« Des approches nouvelles pour maîtriser les enjeux de la supply chain du XXIe siècle »
Paul Sanséau ne s’arrête jamais, même pour un entretien. Il parle en marchant à grands pas, tout à son ardeur de militant de la supply chain.
« Je me suis aperçu il y a dix-huit mois, rappelle-t-il, qu’aucun groupe X ne s’intéressait au sujet autrement que de façon parcellaire. J’ai sollicité quelques amis qui ont soutenu l’idée de créer ce groupe spécifique. Quelques autres nous ont rejoints, et voilà la genèse de ce nouveau groupe X, qui réunit aujourd’hui quelque soixante-dix membres, uniquement recrutés par le bouche à oreille. »
Ces membres d’âges divers exercent principalement dans deux secteurs professionnels, l’industrie et le conseil, à part à peu près égale.
Des échanges avec Centrale et HEC
Le groupe est pour l’instant uniquement constitué de polytechniciens, mais « nous nous rapprochons d’autres écoles, en particulier HEC et Centrale, qui ont créé des groupes d’anciens s’intéressant à la supply chain, mais aussi aux achats.
Il existe du reste un groupe X‑Achats, avec lequel nous sommes aussi en relation.
La supply chain, qui se place aussi au niveau de la planification stratégique et de construction du réseau global, joue sur un terrain qui n’est pas seulement celui de la fonction achats, mais inclut la gestion de la demande, la gestion de production, les partenaires de transport, de certification, de financement, etc. »
Quatre objectifs
Le groupe s’est donné quatre objectifs.
« Le premier est d’intéresser au plus haut niveau les décideurs industriels et politiques à la démarche, pour aider à mieux poser les problèmes de redressement productif ou, plus prosaïquement, de gaspillage suite à de mauvaises décisions.
« Le deuxième est de favoriser les carrières dans le domaine de la supply chain, en agissant auprès des écoles ou auprès des jeunes dans leurs premiers postes. Nous participons, par exemple, aux jurys de l’École polytechnique et ne manquons pas d’attirer l’attention des jeunes sur cette spécialité nouvelle.
« Un troisième objectif est de faire évoluer les concepts dans tous les domaines. Parle-t-on d’énergie ? Il faut se demander ce qu’est exactement le coût énergétique. Est-il question d’éthique ? On s’interrogera sur les bonnes pratiques de ses fournisseurs (travail d’enfants, par exemple).
« Enfin, il faut renforcer la formation en supply chain dans le cursus des grandes écoles scientifiques issues de l’X. Les écoles de commerce ont pris une bonne avance en privilégiant parfois l’approche management et la finance par rapport à l’approche scientifique et systémique. Certaines écoles scientifiques ont commencé (Ponts, Mines, etc.).
Mais, pour relever les défis du XXIe siècle, en valorisant le potentiel des approches scientifiques de haut niveau, il faut sans doute aller beaucoup plus loin. (À ce titre, il n’est sans doute pas anodin de remarquer que le MIT a encore gagné la finale du supply chain game, « The fresh connection », à Istanbul cette année, en y mettant des moyens très significatifs.)
Acteurs convaincus
En pratique, que fait le groupe ?
« Nous ne sommes, précise Paul Sanséau, ni une société d’admiration mutuelle, ni de ceux qui veulent édicter la loi au détriment de ce qui est déjà fait.
« Nous sommes des acteurs convaincus de cette vérité évidente que l’ensemble des flux et particulièrement des flux financiers trouvent leur source dans la supply chain, et que ce qui s’applique au commerce et à l’industrie peut aussi s’appliquer à l’État.
« Napoléon disait qu’à la guerre il y a peu de choses qui comptent, mais qu’il faut les faire très précisément.
« Dans la guerre économique d’aujourd’hui, la maîtrise de la supply chain en fait indéniablement partie, comme en témoignent les succès des champions français (Airbus, L’Oréal, Air Liquide, Afflelou, etc.), qui sont aussi des champions de la supply chain.
« D’abord, nous prêchons par l’exemple, en organisant des réunions thématiques.
« Nous avons récemment traité du Lean management. Ou encore de la logistique urbaine, ou de la théorie de la décision dans un contexte supply chain.
« Nous participons aussi à des think tanks tel le groupe S & OP pour la France (sales and operation planning) sous l’égide du ministère de l’Industrie avec la participation de nombreux et brillants experts du domaine. »
Paul Sanséau (80), ingénieur en chef de l’Armement, s’est intéressé très tôt aux techniques d’informatisation, de conception assistée par ordinateur et d’amélioration des performances des processus.
Responsable productique à la DCN Cherbourg, puis ingénieur de marque de la frégate Horizon, et enfin membre du cabinet du Délégué général pour l’Armement, il rejoint ensuite Nexans (ex-Alcatel Câble) en charge d’un projet global d’informatisation. Il crée en 2002 le cabinet BFC (Business Flow Consulting), spécialisé en maîtrise de la supply chain, optimisation des processus et pilotage des systèmes d’information. Il intervient auprès de groupes industriels de tailles diverses et souvent internationaux (Europe, Corée, États-Unis). Marié, trois enfants, Paul Sanséau s’adonne volontiers à la lecture, à la musique et à l’aïkido. |
X‑Supply Chain Président : Membres du Bureau : Adresse : c/o Paul Sanséau, Courriel : |
S’étendre à l’Europe
Des projets ? Paul Sanséau n’en manque pas. Sa liste est prête. « D’abord, rassembler davantage d’intéressés. On peut estimer notre potentiel à deux cents personnes.
« Organiser des échanges avec d’autres groupes, par exemple X‑Environnement.
« Renforcer les collaborations avec d’autres écoles, et des universités qui ne manquent pas de talents non plus.
« Présenter notre domaine aux élèves lors des conférences d’orientation.
« Se faire connaître et reconnaître par les organismes étatiques.
« Enfin, s’étendre à l’étranger et à l’Europe en particulier par des alliances sur lesquelles nous sommes encore en train de travailler. »
Propos recueillis
par Jean-Marc Chabanas (58)