Les domanes de la supply chain

Des concepts et des outils au service de la rentabilité

Dossier : Les secrets de la Supply ChainMagazine N°700 Décembre 2014
Par Paul SANSÉAU (80)

Si les concepts et outils uti­li­sés dans cette dis­ci­pline peuvent sem­bler, à pre­mière vue, rela­ti­ve­ment clas­siques, voire sim­plistes, ils révèlent, dans leurs inter­ac­tions et leur mise en œuvre, des défis à la hau­teur des esprits ana­ly­tiques les plus avancés.

Une de leurs carac­té­ris­tiques : la sanc­tion se tra­duit par des impacts opé­ra­tion­nels et finan­ciers pou­vant aller jusqu’à l’effondrement du plus faible des acteurs.

Car le but ultime du sup­ply chain mana­ge­ment est le retour sur inves­tis­se­ment (ROI), et c’est la mise en œuvre coor­don­née de toutes les dis­ci­plines qui per­met­tra d’optimiser ce résul­tat, sachant que la seule clé per­ti­nente d’un bon ROI, c’est la rapi­di­té des flux.

REPÈRES

Bon nombre des concepts de la supply chain, à commencer par le terme lui même, n’ont en général pas de traduction française suffisamment établie et sont souvent utilisés dans leur formulation anglo-saxonne. Mais on peut se référer au Dictionnaire de la supply chain rédigé par Michel Gavaud.

Une mise en œuvre délicate

Autres dif­fi­cul­tés : la contra­dic­tion fon­da­men­tale entre la recherche prio­ri­taire du prix de revient uni­taire mini­mal et l’amélioration du ROI, la pre­mière entraî­nant des aug­men­ta­tions des stocks et une dégra­da­tion du taux de ser­vice, incom­pa­tible avec la deuxième ; la com­plexi­té et l’instabilité des sup­ply chains qui échappent aux modé­li­sa­tions linéaires , gaus­siennes, et autres sim­pli­fi­ca­tions classiques.

“ Des impacts opérationnels et financiers pouvant aller jusqu’à l’effondrement du plus faible des acteurs ”

Les ana­lyses telles que la pro­duc­ti­vi­té, le prix de revient, le panier moyen, etc., sont en géné­ral peu per­ti­nentes, et par­fois même tota­le­ment erro­nées. Les meilleures approches uti­lisent des concepts déri­vés des tech­niques de trai­te­ment d’information, d’approche sys­té­mique, de théo­rie du chaos et de dyna­mique des systèmes.

Les pra­tiques simples, alliées à une vision prag­ma­tique et per­ti­nente de l’environnement et de sa com­plexi­té, sont les meilleurs garants de la performance.

De multiples composants

La pré­sen­ta­tion qui suit est une approche de car­to­gra­phie et de regrou­pe­ment des concepts sur les­quels est construite cette dis­ci­pline, dans une vue for­cé­ment par­cel­laire et limitée.

Pro­cé­dant du géné­ral au par­ti­cu­lier et du très long terme stra­té­gique au temps réel, elle se veut une pre­mière pein­ture, exacte, mais cer­tai­ne­ment pas exhaus­tive, de la struc­ture et de la com­plexi­té du sup­ply chain management.

Organisation apprenante

Aucune orga­ni­sa­tion ne peut évo­luer sans apprendre.

EFFET DE GOULOT

Un exemple des problèmes à traiter : l’effet goulot (bottleneck en anglais), qui propage des irrégularités à partir du moment où une capacité devient saturée. Et qui implique pour améliorer le débit que l’ensemble des capacités en amont et en aval soient planifiées et synchronisées avec cette capacité.
Selon qu’on est en deçà ou au-delà des capacités du goulot, on passe d’un pilotage à la charge à un pilotage par la synchronisation de l’ensemble de la supply chain aux capacités instantanées du goulot. Pour employer une analogie hydraulique, on passe d’un mode fluvial à un mode torrentiel.

La ges­tion des com­pé­tences, des savoirs, des best prac­tices en termes de réso­lu­tion de pro­blème, fait par­tie des fon­da­men­taux de la sup­ply chain.

Déployer une orga­ni­sa­tion appre­nante per­met à la fois d’aller plus vite, de faire moins d’erreurs, de les cor­ri­ger plus rapi­de­ment et de construire un réseau dont la rési­lience est plus forte.

Gérer les res­sources, les faire croître en matu­ri­té, pro­mou­voir les meilleurs pour entraî­ner le tout, ce n’est pas juste un exer­cice de ges­tion des res­sources humaines, c’est aus­si un point clé du sup­ply chain mana­ge­ment.

La per­for­mance se fonde sur la compétence.

Chaîne de la valeur

Toute approche de la sup­ply chain com­mence par l’analyse de la valeur. Il s’agit de com­prendre ce qui fera « ache­ter » ou prendre une déci­sion similaire.

Le cri­tère de déci­sion peut ain­si être le délai de livrai­son ou le taux de suc­cès des opé­ra­tions chi­rur­gi­cales. Cette ou ces dimen­sions deviennent le leit­mo­tiv qui tend la sup­ply chain et sert de clé dans l’ensemble des déci­sions ultérieures.

Réseau stratégique

“ La gestion des compétences et des savoirs fait partie des fondamentaux ”

L’étape sui­vante est celle de la construc­tion du réseau d’acteurs à valeur ajou­tée. Notons que les acteurs ne sont pas seule­ment des four­nis­seurs ou des clients, mais peuvent aus­si être des orga­nismes de contrôle, des pres­ta­taires de ser­vices, des pla­te­formes d’intermédiation, etc.

Pour qu’un sys­tème per­dure, l’ensemble des par­ties pre­nantes doit rece­voir des retours de sa par­ti­ci­pa­tion au fonc­tion­ne­ment de l’ensemble. La valeur d’un réseau ne se mesure pas au nombre de points mais au nombre de liai­sons (synapses) qu’il est capable de gérer.

Un tel sys­tème est dyna­mique. Sa confi­gu­ra­tion évo­lue au cours du temps, de même que ses modes de fonctionnement.

Le terme sup­ply chain mana­ge­ment recouvre aus­si bien la construc­tion d’un tel réseau que sa mise en œuvre.

Ce tableau pré­sente les prin­ci­paux domaines de la sup­ply chain (les pavés bleus) allant du plus glo­bal au plus appli­qué, et les prin­ci­paux concepts ou outils qui s’y rattachent.

Systèmes d’information

L’économie du XXIe siècle est et res­te­ra numé­rique. La puis­sance des outils, l’architecture du réseau asso­cié, les diverses moda­li­tés de fonc­tion­ne­ment vont encore lour­de­ment évo­luer et don­ner lieu à de nou­velles rup­tures, qui feront encore bou­ger les lignes, à l’intérieur des réseaux d’acteurs. Dif­fi­cile de pré­voir l’avenir en ce domaine à moyen ou long terme.

Mais une chose est sûre : c’est du sys­tème ner­veux de la sup­ply chain que nous par­lons. Les effets de simul­ta­néi­té, d’universalité et de cer­ti­fi­ca­tion nous réservent encore de nom­breuses sur­prises, et donc cer­taines vont obli­ger à tout remettre à plat.

Design du produit

Entrepos Amazon
Ama­zon domine le com­merce en ligne mon­dial. © REUTERS

Le desi­gn du pro­duit ou du ser­vice doit épou­ser inti­me­ment les contours de l’analyse de la valeur.

Qu’en est-il du packa­ging, de la dif­fé­ren­cia­tion tar­dive, de la fin de vie, de la tra­ça­bi­li­té, de la capa­ci­té d’upgrade ?

Quelle part allouer à cha­cun des acteurs, com­ment veiller à l’intégration et la cohé­rence d’ensemble ?

Autant de ques­tions qui doivent rece­voir une réponse exploi­table par la sup­ply chain.

Planification

Gou­ver­ner, c’est pré­voir ; c’est aus­si pla­ni­fier. Bien que les concepts de base soient rela­ti­ve­ment sta­bi­li­sés depuis quelque temps, il reste encore du che­min à par­cou­rir pour déployer ces pro­ces­sus au niveau optimal.

Les boucles de pla­ni­fi­ca­tion, ges­tion de la demande, revue du capa­ci­taire, etc., se révèlent plus com­plexes à mettre en œuvre qu’on ne le pen­sait. Non que le pro­ces­sus soit en lui-même dif­fi­cile à appré­hen­der, mais tout sim­ple­ment la conduite du chan­ge­ment et l’art de faire bou­ger les lignes sont, et de loin, les points les plus délicats.

Exécution

Napo­léon avait cou­tume de dire que la guerre n’était qu’un art d’exécution. Le sup­ply chain mana­ge­ment en est un autre, tout aus­si com­plexe, auquel les esprits et les outils doivent être préparés.

“ La conduite du changement et l’art de faire bouger les lignes sont les points les plus délicats ”

La remar­quable réus­site de Toyo­ta s’explique entre autres par l’intégration de l’exécution opé­ra­tion­nelle dans le réfé­ren­tiel de per­for­mance de l’entreprise.

La sup­ply chain se joue aus­si sur le ter­rain. Les sur­stocks, les non-qua­li­tés, les délais d’attente s’y retrouvent, consé­quence soit de la fai­blesse de tous les niveaux qui pré­cé­dent, soit du manque de rigueur des pro­ces­sus opé­ra­tion­nels eux-mêmes.

Comme le sou­ligne G. Liker dans The Toyo­ta Way : “The right pro­cesses will give the right results” (De bons pro­ces­sus don­ne­ront de bons résultats).

Poster un commentaire