Des concepts et des outils au service de la rentabilité
Si les concepts et outils utilisés dans cette discipline peuvent sembler, à première vue, relativement classiques, voire simplistes, ils révèlent, dans leurs interactions et leur mise en œuvre, des défis à la hauteur des esprits analytiques les plus avancés.
Une de leurs caractéristiques : la sanction se traduit par des impacts opérationnels et financiers pouvant aller jusqu’à l’effondrement du plus faible des acteurs.
Car le but ultime du supply chain management est le retour sur investissement (ROI), et c’est la mise en œuvre coordonnée de toutes les disciplines qui permettra d’optimiser ce résultat, sachant que la seule clé pertinente d’un bon ROI, c’est la rapidité des flux.
REPÈRES
Bon nombre des concepts de la supply chain, à commencer par le terme lui même, n’ont en général pas de traduction française suffisamment établie et sont souvent utilisés dans leur formulation anglo-saxonne. Mais on peut se référer au Dictionnaire de la supply chain rédigé par Michel Gavaud.
Une mise en œuvre délicate
Autres difficultés : la contradiction fondamentale entre la recherche prioritaire du prix de revient unitaire minimal et l’amélioration du ROI, la première entraînant des augmentations des stocks et une dégradation du taux de service, incompatible avec la deuxième ; la complexité et l’instabilité des supply chains qui échappent aux modélisations linéaires , gaussiennes, et autres simplifications classiques.
“ Des impacts opérationnels et financiers pouvant aller jusqu’à l’effondrement du plus faible des acteurs ”
Les analyses telles que la productivité, le prix de revient, le panier moyen, etc., sont en général peu pertinentes, et parfois même totalement erronées. Les meilleures approches utilisent des concepts dérivés des techniques de traitement d’information, d’approche systémique, de théorie du chaos et de dynamique des systèmes.
Les pratiques simples, alliées à une vision pragmatique et pertinente de l’environnement et de sa complexité, sont les meilleurs garants de la performance.
De multiples composants
La présentation qui suit est une approche de cartographie et de regroupement des concepts sur lesquels est construite cette discipline, dans une vue forcément parcellaire et limitée.
Procédant du général au particulier et du très long terme stratégique au temps réel, elle se veut une première peinture, exacte, mais certainement pas exhaustive, de la structure et de la complexité du supply chain management.
Organisation apprenante
Aucune organisation ne peut évoluer sans apprendre.
EFFET DE GOULOT
Un exemple des problèmes à traiter : l’effet goulot (bottleneck en anglais), qui propage des irrégularités à partir du moment où une capacité devient saturée. Et qui implique pour améliorer le débit que l’ensemble des capacités en amont et en aval soient planifiées et synchronisées avec cette capacité.
Selon qu’on est en deçà ou au-delà des capacités du goulot, on passe d’un pilotage à la charge à un pilotage par la synchronisation de l’ensemble de la supply chain aux capacités instantanées du goulot. Pour employer une analogie hydraulique, on passe d’un mode fluvial à un mode torrentiel.
La gestion des compétences, des savoirs, des best practices en termes de résolution de problème, fait partie des fondamentaux de la supply chain.
Déployer une organisation apprenante permet à la fois d’aller plus vite, de faire moins d’erreurs, de les corriger plus rapidement et de construire un réseau dont la résilience est plus forte.
Gérer les ressources, les faire croître en maturité, promouvoir les meilleurs pour entraîner le tout, ce n’est pas juste un exercice de gestion des ressources humaines, c’est aussi un point clé du supply chain management.
La performance se fonde sur la compétence.
Chaîne de la valeur
Toute approche de la supply chain commence par l’analyse de la valeur. Il s’agit de comprendre ce qui fera « acheter » ou prendre une décision similaire.
Le critère de décision peut ainsi être le délai de livraison ou le taux de succès des opérations chirurgicales. Cette ou ces dimensions deviennent le leitmotiv qui tend la supply chain et sert de clé dans l’ensemble des décisions ultérieures.
Réseau stratégique
“ La gestion des compétences et des savoirs fait partie des fondamentaux ”
L’étape suivante est celle de la construction du réseau d’acteurs à valeur ajoutée. Notons que les acteurs ne sont pas seulement des fournisseurs ou des clients, mais peuvent aussi être des organismes de contrôle, des prestataires de services, des plateformes d’intermédiation, etc.
Pour qu’un système perdure, l’ensemble des parties prenantes doit recevoir des retours de sa participation au fonctionnement de l’ensemble. La valeur d’un réseau ne se mesure pas au nombre de points mais au nombre de liaisons (synapses) qu’il est capable de gérer.
Un tel système est dynamique. Sa configuration évolue au cours du temps, de même que ses modes de fonctionnement.
Le terme supply chain management recouvre aussi bien la construction d’un tel réseau que sa mise en œuvre.
Ce tableau présente les principaux domaines de la supply chain (les pavés bleus) allant du plus global au plus appliqué, et les principaux concepts ou outils qui s’y rattachent.
Systèmes d’information
L’économie du XXIe siècle est et restera numérique. La puissance des outils, l’architecture du réseau associé, les diverses modalités de fonctionnement vont encore lourdement évoluer et donner lieu à de nouvelles ruptures, qui feront encore bouger les lignes, à l’intérieur des réseaux d’acteurs. Difficile de prévoir l’avenir en ce domaine à moyen ou long terme.
Mais une chose est sûre : c’est du système nerveux de la supply chain que nous parlons. Les effets de simultanéité, d’universalité et de certification nous réservent encore de nombreuses surprises, et donc certaines vont obliger à tout remettre à plat.
Design du produit
Amazon domine le commerce en ligne mondial. © REUTERS
Le design du produit ou du service doit épouser intimement les contours de l’analyse de la valeur.
Qu’en est-il du packaging, de la différenciation tardive, de la fin de vie, de la traçabilité, de la capacité d’upgrade ?
Quelle part allouer à chacun des acteurs, comment veiller à l’intégration et la cohérence d’ensemble ?
Autant de questions qui doivent recevoir une réponse exploitable par la supply chain.
Planification
Gouverner, c’est prévoir ; c’est aussi planifier. Bien que les concepts de base soient relativement stabilisés depuis quelque temps, il reste encore du chemin à parcourir pour déployer ces processus au niveau optimal.
Les boucles de planification, gestion de la demande, revue du capacitaire, etc., se révèlent plus complexes à mettre en œuvre qu’on ne le pensait. Non que le processus soit en lui-même difficile à appréhender, mais tout simplement la conduite du changement et l’art de faire bouger les lignes sont, et de loin, les points les plus délicats.
Exécution
Napoléon avait coutume de dire que la guerre n’était qu’un art d’exécution. Le supply chain management en est un autre, tout aussi complexe, auquel les esprits et les outils doivent être préparés.
“ La conduite du changement et l’art de faire bouger les lignes sont les points les plus délicats ”
La remarquable réussite de Toyota s’explique entre autres par l’intégration de l’exécution opérationnelle dans le référentiel de performance de l’entreprise.
La supply chain se joue aussi sur le terrain. Les surstocks, les non-qualités, les délais d’attente s’y retrouvent, conséquence soit de la faiblesse de tous les niveaux qui précédent, soit du manque de rigueur des processus opérationnels eux-mêmes.
Comme le souligne G. Liker dans The Toyota Way : “The right processes will give the right results” (De bons processus donneront de bons résultats).