Des exosquelettes pour faire marcher ceux qui ne marchent plus
Trois jeunes polytechniciens ont choisi de développer un exosquelette, permettant aux personnes handicapés de se déplacer de manière autonome grâce à une rupture technologique ambitieuse dans le domaine de la robotique. Le projet présente une avance technique significative sur le reste de l’industrie mondiale et espère une homologation européenne en 2018
Pour ceux qui souffrent d’un handicap des membres inférieurs, la plupart des actions de la vie quotidienne sont impossibles et leur autonomie est très limitée.
Quant à ceux qui ne se déplacent qu’en fauteuil roulant, leur situation de handicap se résume en deux chiffres observés dans la plupart des régions du monde : ils sont trois fois plus souvent sans emploi et ont trois fois moins accès aux études supérieures que la population générale. Ces chiffres sont accentués dans les pays à plus faible développement économique, comme certains pays du Sud, ou à plus faible adaptation des équipements urbains, comme la France.
REPÈRES
Nous comptons aujourd’hui, dans le monde, entre 50 et 100 millions de personnes qui ont une motricité des membres inférieurs limitée ou nulle.
Ces personnes en fauteuil roulant sont atteintes de pathologies diverses, qui peuvent inclure les lésions de la moelle épinière, des suites d’AVC, des neuro- ou myopathies d’origine génétique, des formes de sclérose en plaques, des infirmités motrices cérébrales.
Ces personnes forment pourtant une population homogène, reliée par un seul rêve : remarcher.
DES EFFETS SECONDAIRES GRAVES
En plus de ces limitations d’autonomie, les personnes en fauteuil sont touchées par des pathologies secondaires graves.
La version V3 de l’exosquelette Atalante est le premier exosquelette autonome capable de fournir une marche quasi humaine. © WANDERCRAFT
Leurs fonctions cardiovasculaire, digestive et urinaire se dégradent souvent rapidement après leur passage de la marche au fauteuil. Leur densité osseuse diminue, les rendant sujets à des fractures et leur peau est facilement atteinte d’escarres ou de lésions pouvant entraîner un alitement, pendant lequel toutes ces fonctions se dégradent encore plus rapidement.
Autonomie et traitements médicaux secondaires sont donc les deux objectifs que poursuivent les utilisateurs de fauteuil roulant et le personnel médical qui les suit. Les personnes en fauteuil sont très souvent des combattants, qui se battent à la fois contre leur pathologie, ses conséquences et une vie quotidienne qui ne leur est pas adaptée.
Une technologie qui leur redonnerait à la fois l’autonomie et une amélioration de leur santé permettrait à ces personnes de mettre au service de la communauté une force de caractère parfois hors du commun. La mission que s’est donnée Wandercraft est de donner une vie ordinaire à ces gens extraordinaires.
NAISSANCE D’UNE INDUSTRIE
Depuis une décennie, des exosquelettes ont ouvert une voie vers l’amélioration de l’autonomie des personnes en fauteuil et des traitements qui leur sont proposés.
Proposées par Indego, ReWalk, Ekso Bionics et Cyberdyne, ces machines permettent de verticaliser certaines personnes à mobilité réduite et de leur faire réaliser une forme de marche. Elles reposent sur une robotique simple et présentent généralement quatre degrés de liberté actionnés (quatre moteurs : deux pour les genoux et deux pour les hanches).
Étant intrinsèquement instables, elles exigent d’être stabilisées par des béquilles maniées par l’utilisateur ou un déambulateur. Leur principe est donc basé sur une marche quadrupède : quand un des pieds est en mouvement, l’ensemble exosquelette + utilisateur est stabilisé par le pied au sol et les deux béquilles.
L’usage de béquilles pour la stabilisation impose des limites souvent rédhibitoires à la conduite des traitements et interdit tout usage personnel, la sécurité en milieu urbain ne pouvant être assurée.
UNE RUPTURE TECHNOLOGIQUE AMBITIEUSE
On retrouve chez Wandercraft le même environnement que dans d’autres start-up performantes. © WANDERCRAFT
En créant notre société en 2012, nous avons fait le choix de développer un exosquelette selon des principes radicalement innovants ce qui nous a amenés à rompre avec l’approche de marche mécanisée de la première génération de matériel.
Notre équipe a abordé de front le problème mathématique consistant à produire une marche humaine emmenant une personne à motricité faible ou nulle des membres inférieurs et a, pour cela, adapté les catégories d’algorithmes les plus récentes de la robotique dynamique.
UN ENVIRONNEMENT STIMULANT
UNE DES MEILLEURES ÉQUIPES DE ROBOTIQUE
Les fondateurs de l’entreprise ont été dès le départ épaulés par une équipe d’experts en mathématiques appliquées, robotique, mécatronique, biomécanique et mécanique, rapidement rejoints par des spécialistes en réglementation, clinique et marketing.
L’équipe comprend de nombreux PhD et plusieurs médaillés internationaux en mathématiques et en robotique.
Bien que travaillant à la frontière de la science et de la technologie, et dans la contrainte de la réglementation de santé, on retrouve chez nous le même environnement que dans d’autres start-up performantes : des processus qui adaptent la méthodologie Agile à la robotique de santé, des réunions informelles et des réunions de tout le personnel fréquentes pour organiser le travail, un open space qui alterne les zones de travail et des lieux d’échange et de repos.
Nous coopérons avec les laboratoires universitaires qui définissent l’état de l’art de la marche dynamique : l’université du Michigan, Caltech, le Centre automatique et systèmes de MinesParisTech et le Laboratoire d’analyse et d’architecture des systèmes (LAASCNRS).
UNE PREMIÈRE EN MATIÈRE D’EXOSQUELETTES
Après cinq années de développement, la version V3 de l’exosquelette Atalante est le premier exosquelette autonome, sans béquilles, capable de fournir une marche quasi humaine.
Lors des essais cliniques, Wandercraft a démontré sa compatibilité avec un usage en centre de soins. © WANDERCRAFT
Il met en œuvre des algorithmes complexes de robotique dynamique qui gèrent la marche comme un déséquilibre permanent et non une suite d’équilibres statiques.
Il s’appuie sur une mécatronique sophistiquée, capable d’envoyer 12 000 commandes par seconde à des actuateurs puissants.
Enfin, son architecture mécanique joint des qualités dynamiques exceptionnelles à une bio compatibilité qui permet à un utilisateur de rester plusieurs heures dans l’exosquelette, sans lésion cutanée ni fatigue.
Atalante n’est pas seulement le premier exosquelette autonome. C’est aussi, probablement, le premier robot marcheur en marche dynamique au stade commercial – au-delà des magnifiques prototypes de Boston Dynamics ou des robots de recherche universitaire. Il démontre une avance technique significative sur le reste de l’industrie mondiale.
UNE VIE ORDINAIRE POUR DES GENS EXTRAORDINAIRES
Début 2017, plusieurs premières mondiales ont été réussies. Pour la première fois, des personnes paraplégiques se sont levées et ont marché de manière autonome et à des vitesses déjà proches de ce qui sera nécessaire en usage urbain. Lors de ces essais cliniques, Wandercraft a démontré une avance considérable sur le reste de l’industrie et sa compatibilité avec un usage en centre de soins.
La première certification européenne est prévue pour 2018, permettant de commercialiser la version destinée aux centres de soins vers la fin de la même année. Les certifications aux États-Unis et dans différents pays d’Asie seront menées en parallèle.
Une version personnelle de l’exosquelette est en développement et devrait voir le jour bientôt après. Elle permettra aux utilisateurs de retrouver l’autonomie chez eux et dans leur vie quotidienne. Les développements technologiques qui permettront à cette version de franchir des obstacles et d’assurer la protection de l’utilisateur dans l’environnement urbain sont en cours.
UN TRIPLE BÉNÉFICE POUR LES HANDICAPÉS ET LA SOCIÉTÉ
La perspective d’un exosquelette capable d’évoluer en environnement urbain représente une triple rupture pour toutes les personnes en fauteuil et pour le corps médical. La première est, évidemment, la possibilité pour ces personnes de retrouver une vie ordinaire.
Pour la première fois, des personnes paraplégiques se sont levées et ont marché de manière autonome et à des vitesses déjà proches de ce qui sera nécessaire en usage urbain. © WANDERCRAFT
La deuxième doit encore être confirmée par de nombreux essais cliniques. Elle tient à l’amélioration de la santé des utilisateurs – état cardiovasculaire, densité osseuse, digestion, peau – grâce à la reprise de la station verticale et de la marche naturelle, et à la possibilité d’échanger ces données de santé en temps réel avec l’environnement médical.
La troisième, elle aussi à confirmer par des études cliniques, tient à la possibilité de rééducation accrue apportée par la reprise d’une marche anthropomorphe réaliste.
L’impact sociétal de l’exosquelette autonome est considérable à trois niveaux : pour les personnes en fauteuil, retrouver une vie ordinaire et une meilleure santé ; pour les payeurs et les systèmes de sécurité sociale, diminuer radicalement les coûts de la santé relatifs au handicap moteur ; pour la société dans son ensemble, briser la barrière du handicap qui devient inacceptable dans un monde où la technologie résout tant de problèmes.
DES INVESTISSEURS VISIONNAIRES
Financer un développement aussi ambitieux, à la frontière de la science, de la robotique et de la santé, est un projet en soi. Il ne s’agit pas seulement de financer l’entreprise mais de construire une équipe d’investisseurs dont l’expérience permet de piloter le projet dans des territoires largement inconnus.
Beaucoup de fonds de capital-risque préfèrent rester dans les sentiers battus.
L’impact sociétal de l’exosquelette autonome Atalante est considérable. © WANDERCRAFT
En avril 2013, il n’a fallu que quelques minutes à Xavier Niel pour décider de mener le premier tour de financement. Il a été rejoint dans la même semaine par Marc Simoncini et des business angels privés.
En 2015, une seconde levée de fonds a été menée par le Groupe Gorgé et par Innovation Capital (aujourd’hui LBO France), un fonds expert dans les projets innovants et doté d’une expérience rare à la fois en robotique et en santé.
Et en 2017, une troisième levée de fonds a regroupé des investisseurs français de premier plan : Innovation Capital à nouveau, XAnge, Idinvest, BPIfrance et Cemag Invest.
Les 13,5 milliards d’euros levés lors de ce tour vont permettre à l’entreprise de mener la certification et l’entrée sur le marché de l’exo destiné aux centres de soins, et le développement de l’exo personnel.
Ces phases de financement et le développement du projet ont été grandement facilités par l’apport du crédit d’impôt recherche, et l’aide renouvelée de BPIfrance.
UN MARCHÉ MONDIAL
Nous avons relevé le défi de reproduire la marche naturelle pour faire marcher des personnes à mobilité réduite. Avec des compétences au meilleur niveau mondial en maths et en robotique, des investisseurs audacieux et le soutien du CIR et de BPIfrance, la France était le pays de choix pour réussir cette première phase.
Nous entrons dans une deuxième phase de développement : l’approfondissement de son avance technique et son entrée sur le marché mondial. Wandercraft s’est toujours vue comme une entreprise globale. Le marché est évidemment mondial, homogène, et la diffusion de l’exosquelette autonome passe par des volumes et un budget de recherche et développement élevés, des coûts accessibles et une marque forte.
Ce changement de dimension est un deuxième défi et nous sommes en train d’y répondre, dans un premier temps en augmentant rapidement la taille de notre équipe.
2 Commentaires
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Bonjour Messieurs,
Bonjour Messieurs,
Belle initiative ! Tenez-moi au courant quand la version personnelle existera.
Enfin, dans sa version tétraplégique, petit challenge supplémentaire !
En vous remerciant,
Stéphane Colin (07)
Wandercraft
Bravo pour l’idée, l’impact social et la démarche entrepreunariale. Je me permets de souligner une erreur probable sur les montants de fonds levés :
« Les 13,5 milliards d’euros levés lors de ce tour vont permettre à l’entreprise de mener la certification »