Des innovations au service de la performance et de la flexibilité

Les centrales hydroélectriques sont des technologies déjà anciennes, cependant elles font des progrès technologiques qui renforcent leur intérêt dans le mix énergétique. Présentation de ces différents progrès, dont l’utilisation de jumeaux numériques.
L’intégration croissante d’énergies renouvelables intermittentes, comme l’éolien et le solaire, présente des défis majeurs pour la stabilité et la flexibilité des réseaux électriques. Les centrales hydroélectriques, productions historiquement stables, évoluent grâce à des innovations technologiques pour répondre aux nouveaux besoins. Ces avancées renforcent leur réactivité et leur capacité à s’adapter à la variabilité croissante de la production et de la consommation. Elles permettent de mieux répondre aux besoins du réseau tout en réduisant les coûts opérationnels.
Une importance stratégique
Les innovations se multiplient depuis quelques décennies pour améliorer la flexibilité des centrales hydroélectriques. Qu’il s’agisse d’hybridation avec des systèmes de stockage, de l’intégration avec le solaire et l’éolien ou d’autres innovations, ces progrès offrent de nouvelles possibilités. Ils rendent les installations plus réactives face aux fluctuations et soutiennent la transition énergétique. Ces progrès ont aussi une importance stratégique. L’hydroélectricité s’appuie sur une filière européenne bien développée, contrairement aux autres sources de flexibilité telles que le gaz ou les batteries lithium-ion. Celles-ci reposent sur des chaînes de valeur principalement installées hors d’Europe. La solution hydroélectrique en matière de flexibilité favorise donc un développement local et durable, avec toutes les implications géopolitiques et environnementales associées.
L’hybridation avec un système de stockage électrique
Associer des batteries ou des supercondensateurs aux centrales hydroélectriques permet de combiner les atouts des deux technologies. Ces systèmes réduisent les investissements nécessaires tout en évitant une trop grande dépendance vis-à-vis des batteries. Les batteries et les supercondensateurs offrent une réponse rapide aux fluctuations du réseau. Là où les turbines hydroélectriques ont des temps de réponse plus longs (souvent limités par des contraintes hydrauliques comme le coup de bélier), ces systèmes comblent immédiatement les déficits ou absorbent les excès de production. Cette réactivité facilite l’intégration des énergies renouvelables non pilotables dans le réseau électrique. Dans les réseaux isolés, cette solution est encore plus pertinente. La faible inertie de ces réseaux rend souvent nécessaire l’introduction de services de régulation rapide. Les batteries permettent de répondre aux exigences de temps de réponse, difficiles à atteindre avec des installations purement hydrauliques.
La réduction de l’usure liée à la flexibilité
Les variations de plus en plus importantes de la fréquence du réseau augmentent les besoins en réglages automatiques. Cela sollicite fortement les turbines hydroélectriques ; démarrages-arrêts plus fréquents, fonctionnement à charge partielle, variation de charge…, accélérant l’usure des organes de réglage et augmentant les coûts de maintenance. Les batteries peuvent absorber une partie de ces ajustements, limitant la sollicitation mécanique des turbines. Cela prolonge leur durée de vie, réduit les arrêts de production et baisse les coûts opérationnels. Cette problématique est particulièrement critique pour les turbines à double réglage (comme les Kaplan).
Ces turbines nécessitent des arrêts prolongés pour entretenir les organes de réglage embarqués dans la roue. De plus, comme ces installations fonctionnent souvent au fil de l’eau, elles ne permettent pas de stocker l’eau non turbinée en cas d’arrêt. Une maintenance non planifiée peut être synonyme d’une perte de production longue et donc coûteuse, sans possibilité de stocker l’eau non turbinée. Un exemple concret de cette hybridation est visible à Vogelgrun, en Alsace, dans le cadre du projet européen XFLEX HYDRO. Cette centrale au fil de l’eau, utilisant le débit naturel du Rhin, a été équipée d’un système de batteries. Ces batteries absorbent une grande partie des ajustements de puissance liés à la réserve primaire, réduisant les sollicitations des turbines. Ce projet a démontré les avantages économiques et techniques de cette technologie.
La gestion conjointe avec le solaire et l’éolien
Associer les centrales hydroélectriques à des installations solaires ou éoliennes permet d’optimiser l’utilisation des ressources disponibles. Cela stabilise la production et renforce la résilience du système énergétique. En outre l’utilisation de points de connexion hydroélectrique existants est un atout non négligeable pour permettre aux projets de voir le jour plus rapidement. Les centrales hybrides permettent un équilibre dynamique. Ce lissage stabilise le réseau et limite les variations de fréquence. Les gestionnaires d’équilibre peuvent ainsi réduire leurs écarts, mais aussi permettre aux gestionnaires de réseau de diminuer les investissements réseau et d’éviter les délestages d’énergies renouvelables.

Les jumeaux numériques
Les jumeaux numériques permettent une gestion optimisée des centrales. Ils consistent en des répliques virtuelles des installations physiques, alimentées en temps réel par les données provenant de capteurs placés sur l’ensemble de la centrale. Les jumeaux numériques facilitent la simulation des conditions d’exploitation et offrent des outils d’analyse avancée pour optimiser les points de fonctionnement et anticiper les situations dangereuses. Ces outils permettent aux opérateurs de simuler en temps réel différents scénarios de fonctionnement pour identifier le point de fonctionnement optimal, tenant compte des futurs points de fonctionnement, des conditions hydrologiques, des besoins en flexibilité du réseau et même de l’endommagement associé à différentes zones de fonctionnement.
Grâce à ces simulations en temps réel, les centrales peuvent adopter des points de fonctionnement maximisant le rendement, minimisant l’endommagement ou le nombre de démarrages et d’arrêts. De plus, le jumeau numérique permet de faire de la maintenance prédictive en détectant les signes de dégradation ou d’usure, ce qui permet d’effectuer des interventions ciblées avant qu’un problème n’affecte la production. Les opérateurs peuvent ainsi améliorer la production de leurs installations tout en réduisant les coûts de maintenance et l’indisponibilité.
L’augmentation de la plage de fonctionnement
Une turbine hydraulique, sauf conception particulière et donc coûteuse, n’est pas capable d’opérer dans sa plage complète de puissance de façon continue. L’évolution des capacités de calcul et de simulation et la compréhension de l’usure des turbines permettent aux fabricants d’élargir la plage de fonctionnement des unités, rendant les installations plus adaptables aux variations de débit et de puissance. Ces augmentations de plage d’opération peuvent même parfois être attribuées a posteriori à des unités existantes. Les débits réservés, essentiels pour la préservation des écosystèmes en aval, la navigation ou encore les activités touristiques sont de plus en plus au centre des préoccupations des parties prenantes. Ainsi la réglementation des débits réservés a beaucoup évolué dans les dernières décennies, augmentant souvent ceux-ci et les rendant parfois plus variables.
Les aménagements hydroélectriques doivent donc s’adapter parfois à des débits productibles plus faibles non anticipés lors de la construction des aménagements. Des plages d’opération de machines permettant de turbiner des débits plus faibles peuvent donc constituer une réponse à ces défis. Des plages de réglage élargies offrent plus de flexibilité pour ajuster la puissance, ce qui permet de répondre à une demande accrue sur les marchés de réglage de fréquence et d’équilibrer le réseau.

La réduction des temps de séquence
Les innovations dans les systèmes de contrôle associées à des simulations plus poussées permettant de réduire l’incertitude quant à la sécurité et à l’endommagement des équipements ont permis dans les dernières années de réaliser d’importantes avancées sur le temps de séquence des machines (notamment les temps de démarrage et d’arrêt). Un pilotage adéquat et conjoint de certains éléments de centrales existantes peut même permettre de réduire le temps de synchronisation au réseau en phase de démarrage. Ces temps de séquence améliorés permettent une plus grande réactivité des équipements hydroélectriques. Ils sont particulièrement intéressants sur les réseaux faibles.