Des marques au service de l’action publique
De nombreuses entités publiques prennent conscience des bénéfices potentiels d’une gestion proactive de leurs marques. Des collectivités locales, bien sûr, mais aussi des institutions culturelles, des hôpitaux, des universités, des opérateurs publics pensent aujourd’hui leurs identités comme des marques. Il ne s’agit pas seulement de créer un logo et de communiquer, il s’agit de façon plus profonde pour les administrations de définir ce qui fonde leur identité, leurs valeurs, leur positionnement, et d’inscrire la marque dans une stratégie globale au service de la modernisation et de la performance de l’action publique.
REPÈRES
La marque est l’expression d’une intention stratégique et se matérialise par un sens, des signes et des actes.
Définir le sens d’une marque, c’est s’interroger sur son identité et sur la place unique qu’elle occupe dans l’environnement :
– Quelles valeurs et promesses ?
– Quel héritage ? Quelle histoire ?
– Quel positionnement ? Quelle différence proposée ?
– Pour qui ? (quel public ?).
– Pourquoi (pourquoi l’usager nous préfère-t-il?).
– Contre qui ? (quels sont nos « concurrents » directs ?).
Les réponses à ces questions constituent le socle de la « plateforme de marque », dont découle la définition de l’identité visuelle et verbale de la marque (le nom, le logo, la signature, etc.) et qui oriente les grands choix stratégiques en matière d’offres de service, de communication, de partenariats, etc.
Une nouvelle conception
Dans un contexte de modernisation de l’administration se développe une nouvelle conception des services publics plus ouverte sur les attentes des citoyens. Ainsi, « l’usager » tend à devenir un « citoyen-client » dont la satisfaction devient essentielle. C’est ici que les notions de marque et d’image de marque prennent tout leur sens. La marque permet de sceller un contrat de confiance implicite avec l’usager. Elle est la projection des valeurs de l’institution, de son positionnement et de son « ambition » quant au niveau de qualité qu’elle souhaite offrir à l’usager.
L’usager tend à devenir un « citoyenclient » dont la satisfaction est essentielle
La marque Ameli en est une belle illustration : en choisissant de doter son service dématérialisé d’une marque à part entière, la Caisse primaire d’assurance maladie affirme sa volonté d’offrir un service moderne pour s’adapter aux attentes d’un public jeune et fortement connecté.
Donner du sens
La marque clarifie la proposition de valeur d’une entité publique et contribue à donner du sens à son action. Elle peut ainsi être un levier efficace d’accompagnement de restructurations ou de fusions d’entités administratives. L’enjeu est à la fois de clarifier l’identité et les missions de la nouvelle entité, de fédérer les personnels autour d’un projet et de valeurs communes et de développer un sentiment d’appartenance.
La question de la marque s’est posée, par exemple, lors du rapprochement de la Cité des sciences et de l’industrie et du palais de la Découverte. Tout en conservant à ses deux composantes leur identité, le nouvel établissement a créé la marque Universciences, porteuse du sens et de l’ambition de la nouvelle structure.
Un levier de différenciation et d’attractivité
Nombre d’entités publiques sont de fait confrontées à une concurrence avec d’autres acteurs, tant publics que privés et, pour certaines, avec des acteurs étrangers de premier plan. C’est le cas des musées, des universités, des hôpitaux, etc. Pour émerger dans ce monde de compétition, il faut donc se différencier en mettant en avant ses atouts. Si les objectifs des entités publiques ne sont pas commerciaux, l’idée, à l’instar du privé, de créer et de valoriser une marque pour être plus « attractif » peut être transposée.
Marque publique et environnement numérique
Des politiques de marques
L’université Pierre-et-Marie-Curie a totalement repensé sa marque pour devenir l’UPMC. Le musée du quai Branly s’est doté dès sa création d’une identité visuelle extrêmement forte et différenciatrice.
Régions et départements sont de plus en plus nombreux (la Bretagne, l’Auvergne, l’Alsace, le Jura, etc.) à miser sur des stratégies de marques pour accroître l’attractivité de leurs territoires.
Les pays et les grandes villes cherchent aussi à affirmer une identité forte pour renforcer leur position sur la scène internationale, à l’instar de la promotion de la « marque France ».
Le Canada tente ainsi de s’affirmer en tant qu’acteur clé dans le secteur hi-tech. La ville de Sydney a lancé en 2008 sa stratégie Sydney 2030 qui s’appuie sur un slogan : Green, Global and Connected.
Le développement rapide du numérique modifie profondément la relation entre administration et usager et donne du sens aux stratégies de marques dans la sphère publique. Renforcer sa marque, c’est améliorer le service public en se dotant d’un outil capable :
– d’influencer la perception des usagers. Avec l’émergence des blogs, hubs et autres platesformes d’échanges, la qualité réelle du service rendu n’est plus le seul élément à influencer le lien qui unit l’administration à son usager ;
– de rendre visibles et identifiables la parole et les actes de l’administration. Sur Internet, le citoyen est confronté à des informations de sources variées, de qualité inégale. Développer une marque forte permet à l’administration de « signer » ses prises de parole et de faciliter la recherche d’informations fiables ;
– de nourrir une stratégie de communication en harmonie avec l’image que l’on souhaite projeter. Les nouveaux modes d’interaction avec le public doivent être conçus en parfaite cohérence avec la proposition de valeur de l’institution, d’où la nécessité de s’interroger sur ce qui fonde véritablement son identité.
Améliorer la qualité
Un réel effort de redéfinition et de valorisation des marques publiques
« Penser marque » ne signifie pas forcément s’engager dans une stratégie de communication offensive et coûteuse. Le simple fait de s’interroger, sous un angle nouveau, sur ce qui fonde son identité, sur l’image que l’on souhaite projeter et sur la façon dont on est perçu est en soi une démarche intéressante et novatrice.
Il s’agit pour les entités publiques non plus de définir seulement leurs identités au regard de leurs missions statutaires mais bien de mener une réflexion sur leurs valeurs et leurs « promesses ». Cette réflexion peut constituer un apport extrêmement structurant pour l’ensemble de leurs orientations stratégiques et participer in fine à l’amélioration de la qualité des services publics.