Des passerelles vers un monde meilleur
Tu peux me parler un peu de ta famille ?
– Ma mère est morte quand nous étions petits et mon père nous battait. Du coup, mon petit frère, mes deux sœurs et moi avons été recueillis par une tante, qui m’a toujours poussé à faire des études.
– Et si tu as ton bac, en août, que voudrais- tu étudier par la suite ?
– Les ordinateurs. J’aimerais vraiment bien savoir m’en servir.
J’ai un oncle qui m’a expliqué tout ce qu’on peut faire avec Internet : on y trouve en un instant des images et des informations sur le monde entier. »
REPÈRES
L’associations Passerelles numériques emploie 94 personnes rémunérées, dont 72 salariés cambodgiens, philippins ou vietnamiens, huit salariés français, douze Français sous statut VSI (Volontaires de solidarité internationale) et deux personnes en service civique. En outre, une quarantaine de bénévoles se sont engagés en 2013 pour des durées variables de quelques jours à l’année complète à temps plein.
L’association bénéficie aussi de l’apport de volontaires d’entreprise, sous ses programmes de bénévolat ou de mécénat de compétences : ainsi, pour 2013, 26 salariés d’entreprises partenaires ont effectué des missions d’apport de compétences, d’une durée de deux semaines à six mois, ce qui représente près de 3 800 heures de support. Enfin, nos partenaires entreprises ont soutenu l’association à hauteur de 492 000 euros, près d’un tiers de ses ressources annuelles.
Enthousiasme et détermination
De tous les candidats que nous avions rencontrés ce week-end-là, Vanna était certainement le plus enthousiaste et le plus déterminé.
Un jeune de vingt ans, qui a grandi dans les rizières du Banteay Meanchey, l’une des provinces les plus peuplées, mais aussi les plus pauvres du Cambodge, et qui commence à sortir tous ces mots liés à l’informatique, qu’il a entendus çà et là : « Scanner, virus, Photoshop (prononcé fotossop), bases de données. »
Vanna les égrenait comme d’autres listeraient des destinations de voyage. Étonnant contraste avec le candidat précédent qui pensait que « systèmes d’information » signifiait journalisme.
Aider les siens, servir son pays
“ Une aventure entrepreneuriale et humaine qui repose sur la confiance, la responsabilité et la solidarité ”
C’était il y a bientôt dix ans. Vanna est devenu, deux mois plus tard, l’un des vingt premiers étudiants de Passerelles numériques, l’association que nous avons montée en 2005, via un premier centre de formation à Phnom Penh, la capitale du Cambodge.
Après deux ans seulement de formation linguistique, technique et humaine, il a décroché un travail bien rémunéré, qui lui a permis d’aider ses frère et sœurs et, un peu plus tard, de fonder une famille.
Et cela tout en contribuant au développement de l’outil informatique, un frein majeur à la reconstruction de ce petit pays, toujours marqué par un génocide, des années de guerre civile, un manque chronique de qualifications et d’infrastructures éducatives : jusqu’à très récemment, aucun logiciel n’existait en langue locale.
Avec plus de mille jeunes défavorisés sortis depuis sa création et près de cinq cent cinquante étudiants en cours de formation aujourd’hui sur trois pays (un deuxième centre a été lancé aux Philippines en 2009 et un troisième au Vietnam en 2010), Passerelles numériques est une aventure entrepreneuriale et humaine qui repose sur la confiance, la responsabilité et surtout la solidarité de tous ceux qui se sont engagés à nos côtés.
Porteurs d’espoir
La solidarité de nos étudiants tout d’abord. Premiers ambassadeurs de nos valeurs, ils ont conscience que la continuation du projet, et donc le sort de futures promotions, dépend de leur travail, des messages et des espoirs qu’ils vont porter au-delà des murs de nos centres de formation.
“ Construire des passerelles entre des mondes qui n’ont pas l’occasion de se rencontrer ”
Celle de nos collaborateurs ensuite. En France ou en Asie, chacun d’entre eux a choisi de s’éloigner des parcours plus classiques (et confortables financièrement) pour un projet proche de leurs aspirations.
Celle de nos bénévoles, qui apportent leur temps et leurs compétences, que ce soit sur de l’aide à l’organisation d’événements, sur des interventions pointues ou en amenant d’autres personnes autour d’eux à s’engager à nous soutenir.
Le mécénat de compétences
La solidarité aussi des particuliers et entreprises qui soutiennent nos projets financièrement, avec la particularité pour ces dernières d’impliquer, en plus, leurs salariés via des missions de mécénat de compétences : projets techniques, d’amélioration continue, ou professionnalisation de nos équipes (une importante source de motivation pour nos collaborateurs en Asie).
En près de dix ans, plus de deux cents collaborateurs ont ainsi choisi d’apporter leurs savoir-faire, sur leur temps de vacances, à l’autre bout du monde et dans des conditions aussi spartiates qu’exotiques, bien éloignées des standards occidentaux, pendant que des employés locaux d’entreprises partenaires se mobilisent en marge de leurs heures de travail sur des activités plus régulières.
Relever les plus grands défis
En ces temps de défiance et de repli sur soi, notre association reste plus que jamais persuadée que l’on peut relever les plus grands défis en construisant des passerelles entre des mondes qui n’ont pas l’occasion de se rencontrer.
Chacun devrait pouvoir exprimer sa citoyenneté et sa solidarité à la mesure de ses envies et de ses capacités.