Des solutions pensées et conçues au service de la décarbonation
Stéphane Labbe, directeur général de Lorflam et du groupe QAELI, et Fabien Balay, directeur technique de Lorflam, nous expliquent comment leur entreprise appréhende et intègre les enjeux liés à la décarbonation. Ils reviennent également sur l’importance de l’innovation et de la R&D dans cette démarche.
Présentez-nous Lorflam.
Créée en 1984, Lorflam était à l’origine un détaillant régional spécialisé en inserts de cheminée. Au fil des décennies, l’entreprise a étendu son périmètre géographique afin de couvrir l’ensemble du territoire national. Au tournant des années 2000, Lorflam a également réalisé des investissements matériels et humains significatifs en se dotant notamment d’un laboratoire dédié à la R&D. Lorflam a développé une compétence avérée en matière de combustion de biomasse et de maîtrise de la thermique qui est aujourd’hui au cœur du métier et des expertises de l’entreprise.
Cette démarche proactive a, par ailleurs, permis d’anticiper les évolutions réglementaires : l’introduction des labels, dont le Label Flamme Verte qui a vu le jour en 2001 ; les contraintes sur les émissions de carbone et les niveaux de performance attendus alors que la combustion du bois est plus particulière et spécifique que celle des combustibles fossiles normés et requiert une fine maîtrise et connaissance des mécanismes induits.
Aujourd’hui, Lorflam est une entreprise à taille humaine qui emploie 24 collaborateurs, avec une équipe de 4 à 5 personnes au sein du laboratoire de R&D dédié à la combustion. Les équipes commerciales sont, quant à elles, rattachées et centralisées au niveau du groupe.
Concrètement, notre activité s’articule autour de 3 grands axes : la commercialisation des produits via un réseau de professionnels installateurs indépendants ; un service de conseil avant et après-vente dédié à ces professionnels (accompagnement technique, formation sur les produits et sur l’installation) ; et le service technique qui est adossé au laboratoire de R&D (conception, modélisation 3D, tests de performance environnementale, thermique, aéraulique…).
Comment un acteur comme Lorflam appréhende la question de la décarbonation ? Dans ce cadre, quelle est votre stratégie ?
De par la nature de notre secteur d’activité, nous étions jusque-là déjà très satisfaits de contribuer à favoriser l’utilisation d’une ressource renouvelable et quasi neutre en CO2 : le bois énergie, dont le succès s’explique par le moindre coût aussi bien sous forme de bûches que de granulés. Mais nous ne prenions pas forcément en compte la question de la décarbonation dans son ensemble.
L’impact carbone n’étant pas uniquement lié à l’usage du produit, notre enjeu est maintenant d’intégrer l’ensemble du cycle de vie. Dans cette continuité, nous avons lancé un diagnostic RSE en 2022 avec le support de la CCI du Morbihan et avons recruté un chargé de mission en alternance à la Green Management School pour nous accompagner dans l’élaboration et la définition de notre politique et stratégie de décarbonation. Nous venons dans cet objectif de lancer la réalisation de notre premier bilan carbone avec le soutien du cabinet de conseil Goodwill Management. Nous nous formons aussi sur des sujets en lien avec ces préoccupations, comme les achats responsables. C’est véritablement une démarche proactive et volontaire, car en tant que petite PME Lorflam n’est pas soumise aux diverses obligations en la matière, comme la CSRD.
Comment cela se traduit-il de manière opérationnelle ? Comment faites-vous évoluer vos équipements en ce sens ?
Grâce à nos investissements en matière de R&D et d’innovation, nous maîtrisons totalement le volet conception et développement de nos produits, dont nous sous-traitons par choix la fabrication à des partenaires que nous avons rigoureusement sélectionnés.
Nous privilégions l’éco-innovation dans une logique de réduction de notre impact. En ce sens, nous explorons plusieurs pistes : le « juste besoin » et le Low Tech, la modularité et la démontabilité des composants pour prolonger la durée de vie, la recyclabilité et la prise en compte de la fin de vie de nos produits. Nous cherchons ainsi à développer des poêles à accumulation de plus en plus performants. D’ailleurs, ces poêles à accumulation sont considérés par l’École Centrale de Nantes comme une illustration du Low Tech. Concrètement, ces poêles vont réduire significativement la consommation de bois, émettre moins de particules et apporter un meilleur confort d’usage qui se traduit par une autonomie prolongée, qui est le fruit de la restitution lente de chaleur. La preuve en vidéo :
De plus, ces poêles, qui n’utilisent pas de régulation électronique, offrent une alternative intéressante alors que se pose la question de la dépendance de notre pays aux composants électroniques. Aujourd’hui, c’est une piste de développement que nous allons creuser.
En parallèle, nous travaillons avec nos parties prenantes pour relever ces défis. Avec nos sous-traitants, nous cherchons à réduire nos déchets d’emballages, à optimiser les flux, distances et modes de transports.
Le travail de fond sur notre bilan carbone, depuis près de deux ans, nous a aussi permis de formaliser plusieurs de nos ambitions et engagements, mais est également un vecteur d’innovation sur le plan technologique et en matière de développement de nouveaux matériaux pour nos équipements de chauffage au bois.
Sur le plan technologique, quelles sont les pistes que vous explorez ?
Nous nous concentrons sur plusieurs axes. Nous souhaitons nous inscrire dans une démarche d’optimisation continue des performances de combustion (rendement, émission de polluants). En parallèle, nous travaillons sur le traitement des émissions de particules et sommes en lien avec l’ADEME sur plusieurs projets d’optimisation de la chambre de combustion. Nous collaborons avec des universités à Nantes, à Mulhouse, à Lille et à Dunkerque sur différents enjeux, comme les technologies orientées Low Tech ou encore la régulation électronique pour optimiser les performances sans impacter le confort d’utilisation. Ainsi que sur l’impact du chauffage au bois sur la qualité de l’air. Nous nous intéressons aussi à de nouveaux matériaux d’accumulation plus performants et qui font moins appel à l’extraction minière. Nous envisageons aussi d’évaluer la pertinence du recours à l’IA dans notre secteur. Enfin, il s’agit de continuer à proposer des solutions simples à utiliser et à maintenir à un coût compétitif.
Dans cette démarche, êtes-vous confrontés à des enjeux ?
Nous devons faire face à une inflation règlementaire et normative. Si les nouvelles réglementations peuvent contribuer à faire avancer les choses, on y retrouve très souvent des considérations qui auraient nécessité une réflexion approfondie, voire même des positions partisanes. On peut notamment citer l’imposition d’une « électronification » excessive qui se profile dans la révision 2024 du Règlement Ecodesign de nos produits ou encore le déclassement Ecolabeling envisagé par rapport aux pompes à chaleur. Lorflam est fortement mobilisée sur ces sujets et nous participons régulièrement à différents groupes de travail sur la normalisation européenne et les futures réglementations. Au-delà, nous croyons en un mix énergétique équilibré, car aucune énergie, à elle seule, ne nous permettra de réussir notre transition énergétique.
Alors que la décarbonation s’accélère et que la question énergétique est de plus en plus prégnante, comment vous projetez-vous sur le marché ?
Nous poursuivons nos efforts en matière de R&D pour conforter notre positionnement et faire partie des acteurs leaders sur un marché où la ressource a vocation à être réservée aux solutions et produits à meilleur rendement et moindre consommation. Le Syndicat des énergies renouvelables est clair et ambitieux à ce sujet en engageant la filière sur la voie de la baisse de consommation globale de biomasse énergie en 2035 (66 TWh contre 76TWh en 2023), avec une augmentation de 33 % du parc d’installations d’appareils de chauffage domestique au bois. Ceci étant tout à fait réaliste grâce d’une part à l’amélioration thermique des logements et d’autre part au renouvellement du parc par des appareils plus performants.
Pour relever ces défis, recrutez-vous ? Quels sont les profils que vous recherchez ?
Nous renforçons, en effet, notre équipe R&D, avec de nouveaux étudiants en thermique en alternance ou en stage, avec à la clé des recrutements. En parallèle, nous avons récemment recruté un chargé de mission RSE et développement durable qui va nous accompagner sur l’ensemble de nos nouveaux projets.