Schéma de deux systèmes de paiement par carte

Des systèmes complexes pour des gestes simples

Dossier : Les moyens de paiementMagazine N°724 Avril 2017
Par Hubert JACQUET (64)

L’efficacité et la sécu­ri­té des paie­ments par carte, si simples pour les uti­li­sa­teurs, pro­viennent en réa­li­té de cadres juri­diques et tech­niques exi­geants. Dans un contexte inter­na­tio­nal d’échanges inter­ban­caires, nom­breux sont les agents qui veillent en per­ma­nence à la qua­li­té et à la sécu­ri­té des ser­vices rendus. 

Mardi 21 juin. Je dois régler un achat de 126 € chez un com­mer­çant. Il y a long­temps que je ne pro­mène plus mon ché­quier et que je n’ai sur moi qu’un mini­mum de liqui­di­tés. Je sors donc ma carte CB que le com­mer­çant insère dans son ter­mi­nal, je frappe mon code secret. 

“ Le porteur de carte doit savoir sans hésitation si sa carte sera acceptée ”

En quelques secondes, la tran­sac­tion est auto­ri­sée et le ter­mi­nal imprime deux tickets, l’un pour moi et l’autre pour le com­mer­çant. Opé­ra­tion simple et rapide. 

Mais qui n’est pos­sible que parce que j’ai signé avec ma banque un contrat, que celle-ci m’a déli­vré une carte à puce res­pec­tant les normes CB ; parce que le com­mer­çant a de son côté signé un contrat “acqué­reur” avec sa propre banque et s’est équi­pé d’un ter­mi­nal répon­dant aux spé­ci­fi­ca­tions tech­niques CB ; parce que le réseau d’autorisation CB a mis en rela­tion ma banque et celle du por­teur en moins d’une seconde et qu’en fin de jour­née la banque du com­mer­çant télé­col­lec­te­ra ses opé­ra­tions pour les pas­ser en compensation. 

REPÈRES

Les systèmes de paiement de détail peuvent reposer sur des organisations centralisées comme Amex, désignées sous le terme de systèmes à 3 coins.
Mais ils sont le plus souvent le fruit de coopérations interbancaires comme c’est le cas pour Cartes Bancaires en France ou Visa et MasterCard au niveau mondial. Ces systèmes, dits à 4 coins, peuvent être nationaux ou internationaux. Dans tous les cas, et particulièrement dans celui des systèmes interbancaires internationaux, ce sont des dizaines de millions d’acteurs qui vont participer à la chaîne de paiement.

UN CADRE JURIDIQUE CONTRAIGNANT POUR UNE VRAIE QUALITÉ DE SERVICE

Le contrat que j’ai signé avec ma banque et les condi­tions qu’elle me fait lui sont propres – concur­rence oblige – mais il contient des clauses com­munes impo­sées par le GIE CB. Il en va de même pour le contrat du commerçant. 

Ces clauses per­mettent l’existence d’un ser­vice uni­ver­sel et homo­gène. C’est le cas de la règle dite de non-dis­cri­mi­na­tion qui inter­dit au com­mer­çant accep­tant un règle­ment par carte de majo­rer le prix payé par le client : sans cette règle, le por­teur pour­rait avoir de mau­vaises surprises. 

C’est éga­le­ment le cas des clauses qui éta­blissent la res­pon­sa­bi­li­té du por­teur, par exemple dans le cas d’une vente par Inter­net. Si une banque ne les res­pec­tait pas, il pour­rait en résul­ter des inci­dents nui­sibles pour la répu­ta­tion du pro­duit CB et son image. 

Et puisqu’on parle d’image, men­tion­nons aus­si les règles qui fixent la signa­lé­tique à obser­ver par les com­mer­çants : le por­teur de carte doit savoir sans hési­ta­tion si sa carte sera acceptée. 

Mais ce cadre juri­dique ne se limite pas aux rela­tions avec les par­ti­cu­liers et com­mer­çants : il embrasse aus­si les obli­ga­tions que les banques ont les unes vis-à-vis des autres, en par­ti­cu­lier dans les cas de litiges avec client, par exemple, lorsqu’un por­teur conteste une tran­sac­tion (retrait ou paiement). 

UN CADRE TECHNIQUE GARANT DU BON FONCTIONNEMENT ET DE LA SÉCURITÉ

Qu’aurais-je fait le 21 juin si, par suite d’une dif­fi­cul­té tech­nique, ma banque n’avait pas été en mesure d’autoriser mon achat ? Faute de ché­quier, j’aurais cher­ché un dis­tri­bu­teur de billets, mais le centre d’autorisation de ma banque n’aurait pas mieux répon­du et il m’aurait fal­lu renon­cer à mon achat !Mau­vais pour l’image d’un pro­duit qui se veut sûr, fiable et universel. 

DEUX NIVEAUX DE FLUX

Le fonctionnement des systèmes cartes reposent sur deux types de flux. Tout d’abord, les flux propres aux opérations de paiement et de retrait : autorisations, télécollecte des transactions et compensations.
Éventuellement, ces trois types d’échanges peuvent être regroupés au sein d’un message unique. Ensuite, les flux de commissions qui rémunèrent les divers acteurs du système.

Heu­reu­se­ment, ce genre de situa­tion est deve­nu raris­sime parce que les sys­tèmes cartes (CB pour les tran­sac­tions natio­nales, Visa ou Mas­ter­Card pour les tran­sac­tions trans­fron­ta­lières) ont défi­ni et impo­sé un ensemble com­plet et cohé­rent de règles tech­niques et créé des outils qui per­mettent de gérer chaque mois des mil­liards d’opérations avec un nombre d’incidents insignifiant. 

Ce sont tout d’abord des spé­ci­fi­ca­tions tech­niques qui com­plètent et pré­cisent les normes pro­fes­sion­nelles et que les indus­triels doivent res­pec­ter : conte­nu de la puce et de la piste magné­tique liées à la carte, carac­té­ris­tiques phy­siques et fonc­tion­nelles des ter­mi­naux, des­crip­tion des mes­sages cir­cu­lant sur les divers réseaux. 

“ Gérer chaque mois des milliards d’opérations avec un nombre d’incidents insignifiant ”

C’est aus­si un cadre opé­ra­tion­nel qui défi­nit les niveaux de dis­po­ni­bi­li­té à atteindre pour tous les com­po­sants de la chaîne de paie­ment et tout par­ti­cu­liè­re­ment pour les centres d’autorisation ou les réseaux de trans­ports de don­nées (avec les inévi­tables redon­dances qui assurent le main­tien du ser­vice mal­gré la défaillance d’éléments, avec les délais de mise en œuvre des solu­tions de rem­pla­ce­ment en cas de besoin, etc.), qui orga­nise les évo­lu­tions tech­niques per­ma­nentes et pilote la lutte contre la fraude. 

MESURER ET CONTRÔLER POUR MAÎTRISER

Dans un contexte où tant d’agents éco­no­miques sont ame­nés à inter­ve­nir, il est indis­pen­sable de mesu­rer en per­ma­nence la qua­li­té du ser­vice et de s’assurer du bon res­pect de toutes les règles qui le régissent. C’est le tra­vail des orga­ni­sa­tions en charge de la carte (sys­tèmes cartes), mais elles ne peuvent tout assu­mer et sont donc ame­nées à confier à des tiers les homo­lo­ga­tions, contrôles, et mesures qui per­mettent de garan­tir la sécu­ri­té et la qua­li­té attendues. 

UN CADRE ÉCONOMIQUE EN ACCORD AVEC LE DROIT DE LA CONCURRENCE

Les ser­vices offerts par la carte sont le fruit d’une coopé­ra­tion entre banques. Les accords qui les régissent sont donc régu­liè­re­ment exa­mi­nés par les auto­ri­tés de la concur­rence qui craignent des ententes pré­ju­di­ciables aux consom­ma­teurs. Deux aspects sont par­ti­cu­liè­re­ment sensibles. 

Terminal de paiement par carte
Les logi­ciels des ter­mi­naux de paie­ment sont régu­liè­re­ment mis à jour. © STOKKETE / FOTOLIA.COM

Le pre­mier est celui des com­mis­sions que les banques se versent en contre­par­tie des ser­vices qu’elles se rendent (com­mis­sions inter­ban­caires multilatérales). 

Le second est celui de l’accès au “sytème”. Ceux qui ont finan­cé la créa­tion du sys­tème – sou­vent avec des pertes pen­dant de nom­breuses années – sou­haitent que les nou­veaux entrants payent un droit d’accès mais les moda­li­tés de cal­cul de ces droits et leur mon­tant font l’objet d’âpres dis­cus­sions avec les autorités. 

DES ÉVOLUTIONS PERMANENTES

Ce bal­let d’acteurs n’est pas réglé une fois pour toutes. De mul­tiples fac­teurs amènent des modi­fi­ca­tions régu­lières de tout ce corps de règles, de pra­tiques, de spé­ci­fi­ca­tions fonc­tion­nelles ou tech­niques. De nou­velles lois peuvent induire des modi­fi­ca­tions, qu’il s’agisse du droit de la concur­rence ou de la pro­tec­tion des consommateurs. 

“ Il est indispensable de mesurer en permanence la qualité du service ”

De nou­veaux modes de fonc­tion­ne­ment naissent pour satis­faire les besoins les plus variés des consom­ma­teurs et des com­mer­çants : paie­ment sur Inter­net, paie­ment sans contact, petits mon­tants… Les com­po­sants sécu­ri­taires doivent être adap­tés à ces chan­ge­ments ain­si qu’aux nou­velles menaces, aux chan­ge­ments tech­no­lo­giques, voire aux normes et spé­ci­fi­ca­tions ren­dues obligatoires. 

La mon­tée des volumes exige des inves­tis­se­ments en capa­ci­té. Anti­ci­per les chan­ge­ments, les pilo­ter et les coor­don­ner sont des mis­sions essen­tielles des “sys­tèmes cartes”.

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