Des voies ferrées aux autoroutes de l’information, 150 ans d’histoire d’une entreprise
Édité en 2004 aux Presses de l’École nationale des ponts et chaussées PHOTOTHÈQUE AMEC SPIE
Aujourd’hui dénommé AMEC SPIE, le groupe Spie a vécu une longue aventure qui débute sous la monarchie de Juillet. Son périple industriel a été marqué par les vicissitudes de l’histoire et rythmé par des réalisations prestigieuses, mais aussi ponctué de revers de fortune parfois rudes. Après ce parcours semé d’embûches, qui a vu l’entreprise naître, puis renaître à de multiples reprises, le groupe a vécu une profonde mutation au cours des dernières années.
Autrefois spécialiste de grands travaux, notamment dans le secteur ferroviaire, présent sur tous les continents, la société est devenue une entreprise de services techniques de proximité – conception, installation, maintenance – dans les domaines du génie électrique et mécanique, des automatismes industriels, du génie climatique, de télécommunications, des réseaux électriques et de l’éclairage urbain, sans abandonner ses métiers anciens liés au transport ferroviaire. Ses clients proviennent de tous les secteurs de l’économie : industrie, tertiaire, collectivités, énergie, réseaux d’infrastructures – de transport, d’énergie, de transmission de voix et données.
Avec près de 400 implantations régionales, son chiffre d’affaires, tous secteurs confondus, s’élève à 3 milliards d’euros, et ses effectifs à 22 000 personnes.
Du transport ferroviaire…
Deux hommes sont à l’origine de la vocation ferroviaire du groupe, Ernest Goüin et le baron Empain.
Ernest Goüin, polytechnicien saint-simonien, se lança en 1846 dans la construction de locomotives dans le petit village des Batignolles au nord de Paris, après s’être formé dans les usines anglaises. Visionnaire, il sut diversifier les activités de son entreprise, la Société de Construction des Batignolles, vers les secteurs porteurs, constructions métalliques et infrastructures ferroviaires. Charismatique il sut entraîner ses équipes au-delà des frontières lorsque le marché national déclina, permettant à la SCB d’acquérir une renommée mondiale au travers d’une série de réalisations exceptionnelles.
Quant au baron Empain, génial entrepreneur belge, il emporta en 1899 la concession du métro de Paris et fonda la Spie pour en réaliser les infrastructures mécaniques et électriques. Elle devint ensuite la tête de pont du groupe belge en France dans les domaines du transport et de l’énergie.
Ces racines anciennes irriguent encore, un bon siècle plus tard, la culture du groupe. Du métro de Paris au début du siècle dernier à celui de Caracas – dont une nouvelle extension vient d’être obtenue en 2005 – des chemins de fer du Yunan aux réseaux de TGV – l’alimentation électrique et les caténaires du TGV Est étant sa dernière réalisation -, l’entreprise s’est imposée comme un leader européen des infrastructures ferroviaires.
… au transport de l’énergie…
Métro de Caracas PHOTOTHÈQUE AMEC SPIE
Pour alimenter le métro en électricité, il fallait évidemment la produire et la transporter. L’expérience acquise dans la région parisienne fut bientôt étendue au reste de la France et la société participa activement au déploiement des réseaux électriques de transport.
Elle fut également parmi les premières à se lancer, dès 1920, dans une autre forme de transport d’énergie, la pose d’oléoducs.
Lorsque après le second conflit mondial l’essentiel de ses actifs fut nationalisé, l’entreprise, exsangue, sut se relancer dans le seul domaine qui lui restait, celui de l’entreprise de travaux électriques et ferroviaires. Elle participa donc à la reconstruction des infrastructures ferroviaires et à l’extension et au développement des réseaux électriques. L’apogée en ce domaine fut la période de réalisation du programme nucléaire français qui nécessitait la construction d’imposants réseaux à très haute tension avec la mise en place de lignes de 400 kV.
Dans le domaine du pipeline la société a acquis ses lettres de noblesse dans les années cinquante et soixante au Sahara. Sa filiale spécialisée a planté durant un demi-siècle le drapeau de l’entreprise sur tous les continents. Elle achève actuellement la section de Géorgie du pipeline BTC qui transporte l’or noir de la Caspienne jusqu’à la Méditerranée à travers l’Azerbaïdjan, la Géorgie et la Turquie.
… au transport de l’information
Spie et la Société de Construction des Batignolles s’unissent en 1968 pour former un puissant groupe pluridisciplinaire, Spie Batignolles.
Mise en lumière de l’église Saint-Sernin à Toulouse. © DOMINIQUE VIET
Quelques années plus tard les chocs pétroliers générèrent un flot de liquidités qui s’investirent dans les projets d’infrastructures dans les pays en voie de développement. Ce fut l’âge d’or… le groupe s’illustre alors dans maintes réalisations prestigieuses dans toutes les régions du globe : barrages, centrales nucléaires, aéroports, métros, ensembles industriels, etc. Mais les meilleures choses ont une fin ! La dégradation de la situation financière de nombreux pays clients, ainsi que l’apparition de concurrents agressifs originaires du tiers-monde déclenchèrent une crise profonde. Il fallut se rendre à l’évidence, le marché des grands projets d’infrastructures de génie civil à l’exportation avait disparu.
Dans ce contexte, le groupe opère deux virages majeurs. Au plan capitalistique il quitte le giron du groupe Schneider, son actionnaire de référence, à travers un RES (rachat de l’entreprise par ses salariés), qui permet aux collaborateurs du groupe d’en prendre le contrôle majoritaire, avec l’appui du groupe britannique AMEC. Au plan stratégique, il cède son secteur construction et reprend le nom de Spie, se concentrant sur ses activités électriques régionales qu’était venue renforcer la société Trindel acquise durant les années quatre-vingt.
Au terme de ses mutations, culturelle et stratégique, il prend sa physionomie actuelle, celle d’une entreprise à vocation européenne, majoritairement orientée vers les services techniques de proximité, mais qui n’hésite pas à se lancer à l’exportation dans des domaines ciblés, tel le pétrole-gaz.
Entre-temps, Spie est entrée en force dans l’ère du transport de l’information avec les déploiements massifs des réseaux de télécommunications à la fin des années quatre-vingt-dix et devient à l’aube du xxie siècle un acteur majeur de la convergence voix données sur IP. De nouveaux horizons s’ouvrent avec l’aménagement numérique du territoire et l’équipement de ses ensembles industriels et tertiaires. L’aventure continue…