Déterminisme, hasard, chaos, liberté.
Le déterminisme absolu ou » Laplacien »
L’idée du déterminisme a une longue histoire et des sens variés. Son sens absolu fut défini par Pierre Simon de Laplace en 1814 dans son livre Essai philosophique sur les probabilités où il écrivit :
Nous devons envisager l’état de l’Univers comme l’effet de son état antérieur et la cause de ce qui va suivre. Une intelligence qui pour un instant donné connaîtrait toutes les forces dont la nature est animée et la situation respective des êtres qui la composent, si d’ailleurs elle était assez vaste pour soumettre ces données à l’analyse, embrasserait dans la même formule le mouvement des plus grands corps de l’Univers et ceux du plus léger atome : rien ne serait incertain pour elle, l’avenir comme le passé serait présent à ses yeux. (Laplace, 1814).
Un tel déterminisme absolu est connu sous le nom de » déterminisme laplacien « . Tout au long du XIXe siècle il fut considéré comme un élément fondamental des faits scientifiques et nous devons reconnaître qu’il fut très utile ; il a aidé les scientifiques à classer et à comprendre la variété gigantesque des phénomènes physiques, astronomiques, chimiques, biologiques. Il est certainement l’une des raisons principales des fantastiques progrès scientifiques de ce siècle.
Le credo du scientisme et son discrédit
Dans les décennies 1880–1910 les progrès impressionnants de la science avaient conduit à une situation entièrement nouvelle. La plupart des scientifiques, mais aussi de nombreux écrivains et philosophes ainsi qu’une large part du public, pensaient que l’humanité était à l’aube d’une ère nouvelle.
La science était considérée comme quasi infaillible, comme capable de vaincre toutes les misères et maladies qui assaillaient l’humanité depuis toujours, comme capable de répondre à toutes les questions et en particulier aux questions philosophiques : Où sommes-nous ? D’où venons-nous ? Où allons-nous ? Pourquoi sommes-nous sur Terre ?
Beaucoup de savants en avaient conçu un orgueil démesuré, ils considéraient que tout progrès de la science était un progrès de l’humanité et refusaient toute intervention ou considération extérieure. Cet état d’esprit est bien représenté par la profession de foi scientifique présentée le 19 août 1880 à Reims par J. Mercadier, président de la section de physique de l’Association française pour l’avancement des sciences, lors de l’Assemblée générale annuelle de cette association :
La liberté est la condition essentielle du développement des sciences. Aussi n’existe-t-il parmi nous ni castes ni sectes ni coteries ; toutes les convictions sincères sont respectées. Tout ce qui touche au domaine de la conscience est systématiquement exclu de nos débats. On ne discute ici que des questions véritablement discutables et sur lesquelles l’expérience a quelques prises ; mais toutes les questions de ce genre sont admises à la discussion.
Nous écoutons toutes les doctrines scientifiques, sérieuses ou non, peu nous importe car celles qui ne le sont pas ne résistent pas à un examen rigoureux, fait librement et en pleine lumière.
Nous avons une foi sincère dans le progrès continu de l’humanité et, jugeant de l’avenir d’après le passé et d’après les conquêtes que le siècle actuel a faites sur la nature nous n’admettons pas qu’on vienne nous dire à priori en quelque branche que ce soit de la science positive : » Tu t’arrêteras là ! »
Il y a donc place parmi nous, vous le voyez, pour tout homme d’initiative de bonne volonté et de bonne foi.
Cette vision très optimiste de la science était encore prudente : elle évitait le domaine de la conscience. Mais vingt ans plus tard cette prudence n’était plus de mise et le scientisme triomphant n’admettait plus aucune barrière. Son idéologie optimiste et dominatrice peut être résumée dans le » credo du scientisme » :
1) La science expliquera tout.
2) Les religions appartiennent au passé (Auguste Comte).
3) Tout ce qui existe réellement peut être prouvé (je ne crois que ce que je vois).
4) Dieu est une invention de l’homme (Freud, Feuerbach).
5) L’Univers est infini et immuable, il a toujours existé, il existera toujours.
6) L’homme est un animal, c’est-à-dire de la matière organisée.
7) L’évolution n’est mue que par le hasard (Darwin).
8) La Bible, les miracles sont des légendes (Renan).
9) La finalité n’est qu’une apparence, seul le déterminisme existe réellement.
Bien entendu la philosophie correspondante est le matérialisme et le déterminisme tandis que la croyance correspondante est l’athéisme. Mais, même au voisinage de 1900, ce credo était difficile à accepter pleinement et le physiologiste allemand Ernst Wilhelm von Brücke (1819−1892) s’est exclamé : La finalité est une maîtresse exigeante dont un biologiste ne peut se passer, mais il ne veut surtout pas être vu en public avec elle ! Nous verrons plus loin les objections plus sérieuses de Poincaré.
Il faut noter que, malgré tous les déboires, toutes les contradictions et réfutations que ce credo a rencontrés tout au long du vingtième siècle, il reste pour beaucoup de scientifiques et une grande partie du public la base inconsciente, mais toujours très active, de leur vision de la science et de leur définition des faits scientifiques. Ceci n’est pas sans effet sur les lois, comme l’ont montré les débats consacrés à la toute récente loi sur la présomption d’innocence. Tout se passe comme si certains, y compris chez les juristes, croyaient encore tellement au déterminisme qu’ils ne pensaient pas les hommes vraiment responsables de leurs actes… ce qui est pourtant l’élément essentiel de leur dignité !
Aujourd’hui nous savons que ce credo centenaire du scientisme a de moins en moins de fondement. Il a été attaqué à la fois de l’intérieur et de l’extérieur de la science.
A) Les scientifiques se sont heurtés à plusieurs limites de la science. Les plus célèbres sont :
- Le principe d’incertitude (Heisenberg).
- Le théorème d’incomplétude (Gödel).
- Les mouvements chaotiques, les attracteurs étranges, la sensibilité aux conditions initiales, l’effet papillon (Henri Poincaré, Gaston Julia, Benoît Mandelbrot, Michel Hénon, E. N. Lorenz).
- Le temps de Liapounov, le temps de divergence (Ruelle, Takens, Bergé, Lighthill).
- Le paradoxe de la liberté.
- Les limites de la théorie de l’information.
Dans un phénomène physique le » temps de Liapounov » d’une évolution donnée est le temps nécessaire pour que la distance des évolutions voisines les plus divergentes augmente dans un rapport » e » (= 2.718…). Le » temps de divergence » représente cinquante à cent fois le temps de Liapounov : deux évolutions initialement très proches n’ont alors plus rien en commun, hormis quelques éléments statistiques et les intégrales premières… - L’astronomie, la mécanique céleste sont la forteresse du déterminisme, c’est en s’inspirant d’elles que Laplace a pensé et écrit sa définition du déterminisme absolu… et pourtant le temps de divergence des mouvements planétaires n’est pas infini. Il est de l’ordre de 10 à 100 millions d’années seulement (et beaucoup moins pour les astéroïdes). La mécanique céleste ne peut pas décider seule de l’origine de la Lune ni de l’évolution à long terme du système solaire.
B) Un phénomène totalement inattendu a surgi dans la première moitié du siècle et fut qualifié dramatiquement par Robert Oppenheimer : The scientists have met sin ! (Les scientifiques ont connu le péché !)
Il est aujourd’hui difficile d’imaginer le désarroi du public dans les années vingt et trente : Comment est-il possible que des scientifiques aient participé à la guerre des gaz de 1915–1918 ? Aient conduit des expériences pour déterminer quels gaz étaient les plus efficaces pour tuer des êtres humains ! Ces scientifiques étaient des chimistes et leurs inventions furent aussi utilisées pour la mort industrielle des camps nazis…
Mais les physiciens ont leur fardeau avec la bombe atomique et les biologistes ont aussi le leur avec les tentations de l’eugénisme, les manipulations génétiques et les expériences sur les fœtus humains avortés récupérés vivants à la sortie des hôpitaux… Inutile de décrire ces expériences terrifiantes, où donc est la frontière avec les expériences des médecins nazis ?
Dans ces conditions il n’est pas étonnant que tant de nos contemporains aient perdu confiance dans la science ; il est loin le temps de Pasteur, des Curie… En conséquence la plupart des scientifiques sont devenus modestes, ils savent désormais que la science ne peut, et de loin, tout expliquer.
Phénomène impensable pour des scientifiques du dix-neuvième siècle, de nombreux comités d’éthique ont été établis par des équipes de scientifiques, philosophes et même théologiens. Les exemples les plus célèbres sont les suivants :
- Le code de Nuremberg (1947) qui donne les limites éthiques des expériences médicales sur les êtres humains : ceux-ci doivent avoir donné librement leur consentement, ils doivent avoir été avertis du but et de l’intérêt de l’expérience et doivent en avoir une connaissance détaillée, ils doivent connaître les conséquences possibles pour leur santé et doivent avoir le droit d’arrêter l’expérience à n’importe quel moment, etc.
- Le manifeste Einstein-Russell de 1955.
- Depuis 1957 les conférences annuelles Pugwash sur les armes atomiques (prix Nobel de la paix 1995).
- Le traité de non-prolifération nucléaire (1969).
- Le moratoire d’Asilomar sur les manipulations génétiques (1974).
- Etc.
Mentionnons aussi tant d’études sur les dangers liées aux développements scientifiques et techniques : les déchets nucléaires, le sang contaminé, les accidents du type Tchernobyl… Les scientifiques se sont mis à chercher hors de la science des directives et des justifications, ils ont reconnu après René Cassin que les références principales de la condition humaine, ainsi les Droits de l’Homme, avaient une origine éthique et religieuse : la croyance en la dignité de l’être humain.
Déterminisme et conscience
Henri Poincaré philosophe
Henri Poincaré a écrit plusieurs livres à la limite de la science et de la philosophie, ainsi La Science et l’Hypothèse, La valeur de la Science, Science et méthode. Cependant nous ne considérerons ici que ses réflexions sur le déterminisme et l’irréversibilité telles qu’elles apparaissent dans son dernier livre inachevé qui fut publié dès 1913 sous le titre Dernières pensées.
Dans les relations entre éthique et science, Henri Poincaré souligne plusieurs effets bénéfiques : les scientifiques recherchent la vérité ; leur éthique les conduit à être honnête et à avoir un point de vue collectif et général les amenant le plus souvent à rechercher le bien de l’humanité tout entière. Cependant il était troublé par le problème philosophique du déterminisme :
Mais nous sommes en présence d’un fait ; la science, à tort ou à raison, est déterministe ; partout où elle pénètre elle fait entrer le déterminisme. Tant qu’il ne s’agit que de physique ou même de biologie cela importe peu ; le domaine de la conscience demeure inviolé ; qu’arrivera-t-il le jour où la morale deviendra à son tour objet de science ? Elle s’imprégnera nécessairement de déterminisme et ce sera sans doute sa ruine. (Poincaré, 1913)
On peut presque lire qu’Henri Poincaré était d’avance épouvanté par les horreurs du règne d’une science aussi dogmatique et des régimes » scientifiquement fondés » qui vous envoient dans l’archipel du Goulag non à cause de vos crimes mais à cause de vos origines sociales… Aujourd’hui une telle politique est qualifiée de » crime contre l’humanité « .
Déterminisme et chaos
Henri Poincaré savant
Nous avons vu dans la première section la définition du déterminisme absolu ; sa principale application dans la science est : » Deux expériences avec exactement les mêmes conditions initiales et les mêmes conditions limites doivent donner exactement les mêmes résultats. » Il est aisé de comprendre combien cette idée a été précieuse dans le développement de la science et dans l’observation des phénomènes innombrables de la nature.
La mécanique céleste est le meilleur exemple de l’application du déterminisme. La merveilleuse loi de l’attraction universelle était suffisamment simple pour être découverte par le génie de Newton et suffisamment complexe pour donner une large variété de mouvements, de perturbations et d’inégalités. Elle était surtout une loi déterministe conduisant à des prévisions précises des mouvements planétaires et des éclipses. Ces succès étaient la raison majeure du consensus des scientifiques du xixe siècle sur le déterminisme et la découverte de Neptune après les longs calculs de Le Verrier et d’Adams était bien sûr un excellent argument.
Cependant, bien avant le principe d’incertitude de Heisenberg, Henri Poincaré présenta des objections à l’idée du déterminisme absolu :
Une cause très petite, qui nous échappe, détermine un effet considérable que nous ne pouvons pas ne pas voir, et alors nous disons que cet effet est dû au hasard… Mais, lors même que les lois naturelles n’auraient plus de secret pour nous, nous ne pourrons connaître la situation initiale qu’approximativement. Si cela nous permet de prévoir la situation ultérieure avec la même approximation, c’est tout ce qu’il nous faut, nous dirons que le phénomène a été prévu, qu’il est régi par des lois ; mais il n’en est pas toujours ainsi, il peut arriver que de petites différences dans les conditions initiales en engendrent de très grandes dans les phénomènes finaux… (Poincaré, 1908 a).
Comme exemple de cette sensibilité aux conditions initiales, Henri Poincaré cite la trajectoire des cyclones (presque » l’effet papillon ») et, encore plus frappant, la conception de Napoléon par ses parents… (Poincaré, 1908 b)
Ainsi nous devons considérer que l’idée du déterminisme absolu ne reflète qu’un état particulier du développement de la science : il était en effet plus aisé d’étudier d’abord les phénomènes les plus simples, réguliers, prévisibles comme la chute des corps, le lever du Soleil, le retour périodique de la pleine Lune, des saisons, des marées, etc., et une généralisation tentante, mais trop large, conduisait à considérer que tous les phénomènes naturels devaient être déterministes.
Il faut tout d’abord faire une distinction claire entre ce que l’on peut appeler » déterminisme mathématique » et » déterminisme physique « .
Le déterminisme mathématique reflète la définition : » Deux expériences avec exactement les mêmes conditions initiales et les mêmes conditions aux limites doivent donner exactement les mêmes résultats » et le modèle mathématique d’un phénomène sera considéré comme déterministe si les conditions d’existence et d’unicité des solutions sont satisfaites, ce qui est généralement le cas pour les modèles utilisant des systèmes d’équations différentielles.
Le déterminisme physique est très différent. Pour de nombreuses raisons, par exemple à cause du mouvement des planètes, il est impossible de recommencer exactement la même expérience. En conséquence une définition utile du déterminisme physique doit être : » Deux expériences avec presque exactement les mêmes conditions initiales et presque exactement les mêmes conditions aux limites doivent donner presque exactement les mêmes résultats. » En d’autres termes la stabilité d’un phénomène est une condition essentielle de l’utilité de l’idée de déterminisme. C’est ici qu’intervient la notion de temps de divergence : au-delà de cette durée, souvent fort courte, une analyse statistique est plus utile, plus précise et plus efficace qu’une analyse déterministe.
Est-ce que cette instabilité, cet indéterminisme physique, cette sensibilité aux conditions initiales sont courants ? Nous avons vu qu’Henri Poincaré avait donné quelques exemples : la météorologie, la conception de Napoléon par ses parents… Mais il est aussi l’initiateur de ce que nous appelons aujourd’hui la théorie du chaos dont la sensibilité aux conditions initiales est l’élément essentiel et il a reconnu que le chaos apparaît extrêmement souvent : il apparaît dans presque tous les problèmes non intégrables.
C’est ainsi qu’il écrivit dans Les méthodes nouvelles de la mécanique céleste à propos du problème des trois corps :
Que l’on cherche à se représenter la figure formée par ces deux courbes et leurs intersections en nombre infini dont chacune correspond à une solution doublement asymptotique, ces intersections forment une sorte de treillis, de tissu, de réseau à mailles infiniment serrées ; chacune de ces deux courbes ne doit jamais se recouper elle-même, mais elle doit se replier sur elle-même de manière infiniment complexe pour venir recouper une infinité de fois toutes les mailles du réseau.
On sera frappé de la complexité de cette figure, que je ne cherche même pas à tracer. Rien de plus propre à nous donner une idée de la complication du problème des trois corps et en général de tous les problèmes de la Dynamique où il n’y a pas d’intégrale uniforme et où les séries de Bohlin sont divergentes. (Poincaré, 1957 a).
Bien entendu l’importance des mouvements chaotiques varie beaucoup selon les domaines étudiés. Quand les perturbations sont importantes presque toutes les solutions bornées sont chaotiques, tandis que la plupart d’entre elles sont régulières dans les problèmes presque intégrables. Cependant, même dans ce dernier cas, l’existence d’une petite proportion de solutions chaotiques dégrade considérablement la stabilité à long terme.
Le problème classique du mouvement des planètes est un exemple célèbre de problème presque intégrable : le mouvement képlérien est une première approximation excellente et la méthode des petites perturbations conduit à des développements très utiles et très précis. Cependant la précision de cette méthode reste limitée et Henri Poincaré a montré que les séries correspondantes sont généralement divergentes (Poincaré, 1954 a, 1957 b)
Comme exemple de problème avec de très grandes perturbations on peut considérer la théorie cinétique des gaz (Poincaré, 1954 b). L’instabilité est si grande et le nombre d’Avogadro si élevé que les méthodes statistiques donnent des résultats excellents : les aérodynamiciens utilisent les éléments statistiques appelés température, pression, densité, etc., et travaillent avec les systèmes correspondants d’équations différentielles et d’équations aux dérivées partielles exactement comme si ces modèles étaient déterministes et d’une précision absolue.
Bien entendu un modèle statistique ne peut être d’une précision absolue, mais il a aussi une propriété inattendue : il donne des évolutions irréversibles même s’il décrit des phénomènes réversibles, comme les mouvements décrits par la théorie cinétique des gaz. Cette propriété est un pur effet mathématique lié aux évolutions moyennes des éléments statistiques, mais elle conduit au second principe de la thermodynamique et à toutes les irréversibilités qui lui sont liées, irréversibilités qui constituent les éléments essentiels de ce que l’on appelle la » flèche du temps « .
Il y a ici une contradiction évidente : considérons deux vaisseaux pleins de gaz et ouvrons la communication entre eux. Le mouvement brownien va égaliser les températures, les pressions et les compositions tandis que l’évolution opposée n’apparaît jamais.
Cependant :
- Le mouvement brownien et la théorie cinétique des gaz sont conservatifs et réversibles, aussi conservatifs et réversibles que la mécanique céleste elle-même.
- Henri Poincaré a montré que, pour les systèmes conservatifs et bornés, presque toutes les conditions initiales conduisent à une infinité de retours au voisinage de ces conditions initiales (Poincaré, 1957 c). Les mathématiciens spécifient : » dans n’importe quel voisinage des conditions initiales « .
Ces retours sont manifestement contradictoires avec l’égalisation des températures, des pressions et des compositions.
Face à cette contradiction il y a plusieurs réponses classiques mais insatisfaisantes.
I) Il existe peut-être quelques petits phénomènes irréversibles encore inconnus qui interdisent l’application du théorème de Poincaré sur les retours…
Toutes les lois connues de la nature sont réversibles (à condition de considérer le second principe de la thermodynamique comme un » principe » et non comme une » loi »). Cette première réponse est donc le rejet d’une symétrie majeure de la nature… et nous verrons que cela n’est pas nécessaire.
II) Pour un phénomène donné la notion de trajectoire ne reste précise que pour la durée du temps de divergence soit cinquante à cent fois le » temps de Liapounov » et beaucoup moins que le temps de retour de Poincaré, lequel n’a jamais pu être observé dans ce type d’expériences.
Cette réponse est juste mais insuffisante. L’impossibilité du calcul de prévisions déterministes précises à long terme ne résout pas la contradiction.
III) En principe Poincaré a raison et pour un système strictement isolé il existe en effet cette corrélation mystérieuse entre les conditions initiales et finales (après le temps de retour de Poincaré). Mais nos systèmes ne sont pas isolés et des perturbations très petites, comme l’attraction des planètes, suffisent à détruire ces corrélations…
Ces » corrélations mystérieuses » sont imaginaires, et c’est d’une manière naturelle que le système étudié retourne successivement vers tous les états accessibles à partir des conditions initiales. Les » perturbations très petites » ne modifieront pas l’ordre de grandeur du temps de retour de Poincaré, même s’il est vrai qu’elles peuvent modifier beaucoup l’évolution en des intervalles de temps relativement courts (quelques dizaines de » temps de Liapounov ») et contribuer ainsi à la disparition des corrélations.
La réponse véritable est liée aux mouvements chaotiques. C’est parce qu’un système est » sensible aux conditions initiales » et dépend de milliards de paramètres, tandis que nous n’en mesurons que quelques-uns (essentiellement ceux de nature statistique) que nous constatons une apparence d’irréversibilité et que le temps de retour de Poincaré est très grand, bien plus grand que l’âge de l’Univers.
Nous atteignons ainsi l’irréversibilité physique de nos expériences en dépit de lois conservatives et réversibles.
Notons que pour des évolutions non chaotiques, par exemple des évolutions périodiques ou quasi périodiques, les prévisions déterministes peuvent être excellentes même si la connaissance des conditions initiales est médiocre. Ces évolutions ont une réversibilité naturelle et restent dans une toute petite part de l’espace des phases, une part bien plus petite que celle correspondant aux mouvements chaotiques.
Les évolutions chaotiques compensent leur impossibilité de prévisions déterministes à long terme par d’excellentes prévisions statistiques (notez la similarité avec la mécanique quantique). Cette excellence est due au chaos lui-même qui réintroduit le hasard en permanence et ainsi, même s’il est impossible de prédire les mouvements futurs d’une molécule perdue dans le mouvement brownien, nous pouvons modéliser avec précision les éléments statistiques, température, pression, etc.
Ce résultat étrange fut relevé avec humour par Henri Poincaré :
Vous me demandez de vous prédire les phénomènes qui vont se produire. Si, par malheur, je connaissais les lois de ces phénomènes, je ne pourrais y arriver que par des calculs inextricables et je devrais renoncer à vous répondre ; mais, comme j’ai la chance de les ignorer, je vais vous répondre tout de suite. Et, ce qu’il y a de plus extraordinaire, c’est que ma réponse sera juste. (Poincaré, 1908 c).
Mais comment est-il possible de réconcilier les lois réversibles des éléments individuels avec les lois irréversibles des éléments statistiques moyens ? La réconciliation est dans la différence entre la moyenne et la réalité de ces éléments statistiques. Pour des systèmes avec un très grand nombre de paramètres indépendants cette différence est habituellement extrêmement faible et inappréciable, mais elle peut devenir grande après un » temps suffisant « , par exemple après le temps de retour de Poincaré au voisinage des conditions initiales.
Dans la plupart des cas ce temps de retour est si long qu’il n’a pas de sens physique. Ainsi considérons l’exemple présenté en référence » Marchal 1995 » (deux vaisseaux identiques contenant un total, plutôt petit, de 1018 molécules identiques et à la même température, avec les pressions initiales de 1,4 et 0,6 bar respectivement – le partage initial est de 70 %, 30 % – et avec un taux d’échange de 1015 molécules par seconde). On obtient alors ce qui suit :
I) l’évolution moyenne des deux pressions est une convergence exponentielle vers la pression de 1 bar. Ainsi la pression initialement égale à 1,4 bar tombe à 1,3548 bar au bout d’une minute, à 1,1205 bar au bout de dix minutes et à 1,0003 bar au bout d’une heure ;
II) par rapport à cette évolution moyenne les écarts types de chacune de ces deux pressions restent toujours très petits, inférieurs à un milliardième de bar soit un dix-millième de pascal. En conséquence, si la précision des mesures ne dépasse pas l’excellente valeur de 0,005 pascal (soit tout de même cinquante écarts types), les éventuelles fluctuations de pression restent inappréciables pendant des durées bien supérieures à l’âge de l’Univers ;
III) à l’exception d’une proportion très petite (10-200) des conditions initiales, le temps de retour de Poincaré T aux pressions initiales de 1,4 et 0,6 bar vérifie :
T = 10R millénaires ;
avec : 35 735 000 089 491 < R
< 35 735 000 089 696.
Ce dernier résultat est bien sûr purement théorique !
Ainsi le paradoxe de lois réversibles associées à des phénomènes irréversibles peut être expliqué sans » irréversibilités cachées « , ni » corrélations mystérieuses « . La vraie raison des irréversibilités physiques est la sensibilité aux conditions initiales et le très grand nombre de paramètres des systèmes irréversibles.
L’hypothèse de Boltzmann dite du » chaos moléculaire » (pas de corrélation entre les variations successives) est excellente, elle s’approche très près de la réalité et permet des prévisions très précises. Les corrélations ne vont pas se mettre à augmenter lentement et insidieusement après un temps très long et l’on peut presque écrire que le retour de Poincaré survient par hasard, ce qui requiert un tel délai que la décroissance correspondante de l’entropie n’apparaît jamais dans nos expériences.
Si au contraire, dans la vie ordinaire, nous rencontrons tant de phénomènes à entropie croissante cela tient à la situation très particulière de notre planète au milieu d’un gigantesque courant d’énergie de 1,73 x 1017 watts qui nous arrivent continuellement du Soleil brûlant pour repartir vers l’espace glacé… En conséquence l’équateur est chaud et les pôles sont froids, la moindre vallée a un adret ensoleillé et un ubac ombragé… les déséquilibres de toutes sortes sont aisés, or ce sont eux les sources des évolutions à entropie croissante.
À toutes les échelles de la nature (quantique, microscopique, ordinaire, géographique, astronomique, cosmologique) les mouvements chaotiques déstabilisent les éléments individuels (position et vitesse d’une particule) et stabilisent les éléments statistiques correspondants (température, pression) lesquels deviennent les éléments de base de l’échelle supérieure. Les phénomènes sont ainsi emboîtés les uns dans les autres jusqu’aux échelles astronomiques et cosmologiques où l’on utilise la notion de » centre de gravité d’un astre » et l’on étudiera les mouvements de ce centre sans être gêné par tous les courants et mouvements internes de l’astre en question. Le temps de divergence des phénomènes est une fonction très rapidement croissante de l’échelle ; extrêmement court à l’échelle quantique (en accord avec le caractère statistique et probabiliste de la mécanique quantique), il est habituellement de quelques secondes ou quelques minutes pour les écoulements turbulents ordinaires, de deux semaines pour la météorologie et de plusieurs millions d’années pour les mouvements planétaires du système solaire.
Bien entendu Henri Poincaré n’eut pas la possibilité d’ériger l’indéterminisme en principe, comme le fera plus tard Heisenberg pour la mécanique quantique. En 1910 tout cela n’était pas encore suffisamment étudié et compris. Néanmoins dans les derniers mois de sa vie il analysa la théorie des quanta et reconnut que la discontinuité des quanta était une nécessité, ainsi donc que les phénomènes probabilistes correspondants :
Donc, quelle que soit la loi du rayonnement, si l’on suppose que le rayonnement total est fini on sera conduit à une fonction w présentant des discontinuités analogues à celles que donne l’hypothèse des quanta. (Poincaré, 1954 c).
» Dieu ne joue pas aux dés ! »
En dépit des analyses philosophiques et des découvertes scientifiques de Henri Poincaré, en dépit des limites de la science et du discrédit du scientisme, en dépit des problèmes éthiques surgissant tout au long du siècle, beaucoup de scientifiques conservateurs restèrent des partisans résolus du déterminisme absolu.
Insatisfait du caractère probabiliste de la mécanique quantique, le plus célèbre d’entre eux a proclamé : Dieu ne joue pas aux dés ! et, avec deux amis, il a proposé en 1935 ce qui est aujourd’hui connu sous le nom de paradoxe Einstein-Podolsky-Rosen. L’idée principale est que la mécanique quantique ne peut pas être en même temps » complète « , c’est-à-dire avec son expression probabiliste et statistique de la réalité sans possibilité d’amélioration déterministe, et » locale » c’est-à-dire sans nécessité de transmission rapide d’information à grande distance, au-delà des limites imposées par la vitesse de la lumière.
Pour Einstein, Podolsky et Rosen, pour qui la vitesse de la lumière est une limite absolue et le déterminisme une évidence obligatoire, la mécanique quantique doit être améliorée. Une possibilité serait l’existence, à l’intérieur de chaque particule, de » variables cachées » encore inconnues. Leurs différents états possibles expliqueraient l’existence de différents mouvements possibles à partir de conditions initiales en apparence identiques.
Tout au contraire pour Niels Bohr et ses partisans de l’école de Copenhague, le caractère probabiliste de la mécanique quantique est fondamental et cette théorie est complète. Ils considèrent simplement que la mécanique quantique n’est pas locale ce qui pour eux n’est pas essentiel.
La controverse resta sur le plan philosophique jusqu’en 1964. C’est alors que J. S. Bell découvrit une expérience où les deux opinions opposées conduisent à des résultats clairement différents. Cette expérience difficile a été réalisée par plusieurs équipes avec des résultats controversés jusqu’aux tests remarquables d’Alain Aspect en 1979 sur des distances métriques : c’est Niels Bohr qui a raison et la physique ne peut éviter un hasard intrinsèque et un caractère statistique.
L’expérience de Bell a été renouvelée en juillet 1997 au CERN près de Genève sur des distances kilométriques. Les résultats d’Alain Aspect ont été confirmés.
Notons toutefois qu’Einstein a partiellement raison : à cause du caractère probabiliste et statistique de la mécanique quantique, l’expérience de Bell ne peut servir à transmettre des informations plus rapidement que la vitesse de la lumière… Ce qui est une conclusion tout à fait extraordinaire !
La seconde ligne de défense
Bien sûr, il est maintenant évident que la mécanique quantique est intrinsèquement mêlée au hasard et aux statistiques. Mais soyons sérieux, ces effets infinitésimaux ne peuvent pas affecter le caractère fondamentalement déterministe de la physique ordinaire et surtout de l’astronomie.
Encore aujourd’hui bien des scientifiques, en particulier chez les biologistes, continuent de croire au caractère fondamentalement déterministe de leur discipline. Si vous leur rappelez » l’effet papillon » en météorologie, ou bien ils considéreront que cet effet est particulier à cette discipline qui a encore bien des progrès à faire, ou bien, ce qui est pire, vous découvrirez que pour eux cet effet est pure image de théoricien et n’a rien à voir avec la réalité.
Les mathématiques ne sont pas ignorées et la plupart des scientifiques savent que dans les phénomènes instables (en termes mathématiques : quand un ou plusieurs coefficients de Liapounov sont positifs) il y a » sensibilité aux conditions initiales » et » divergence exponentielle des solutions voisines « . Mais ils considèrent que le fossé entre la mécanique quantique et la physique ordinaire est si large qu’aucune divergence, exponentielle ou non, ne peut le combler.
Ils savent aussi que la divergence exponentielle est une fonction très rapidement croissante, mais ils n’ont pas réalisé à quel point elle l’est. Si vous leur demandez de faire le calcul, ce qui est aisé, vous obtenez des réponses comme : » Si vite ! Incroyable ! Jamais je ne l’aurais pensé ! » Alors seulement ils comprennent que le caractère aléatoire de la mécanique quantique a tôt fait d’envahir toute la physique et combien il est important de savoir si le phénomène que l’on étudie est régulier ou chaotique. Dans le premier cas une analyse déterministe est ce qu’il y a de mieux, dans le second une analyse statistique se révèle rapidement très utile.
Fort heureusement, même en astronomie, les scientifiques ont appris à se servir des nouveaux concepts et la recherche des limites entre mouvements réguliers et mouvements chaotiques est devenue banale.
La prochaine étape : le libre arbitre et la liberté
L’évolution des idées conduit maintenant à une nouvelle étape : l’analyse scientifique de la volonté, du libre arbitre, de la liberté.
Ce sujet a bien sûr été examiné par les philosophes depuis des siècles et même des millénaires : sommes-nous réellement libres ? notre impression de libre arbitre n’est-elle qu’une illusion ? On peut classer les philosophes selon leurs réponses à ces questions essentielles (Honderich, 1993), la plupart d’entre eux restent dans le doute.
L’analyse scientifique conduit à un résultat étrange : une conclusion scientifique semble impossible et toutes les expériences ont donné des résultats ambigus. Face à ce problème, et en dépit de leurs gigantesques progrès par ailleurs, les scientifiques restent dans la situation impuissante des philosophes (Burns 1999).
La tendance actuelle est de considérer que le libre arbitre et la liberté existent réellement, et en effet avec cette hypothèse notre monde est bien plus compréhensible qu’avec l’hypothèse opposée, mais aussi que libre arbitre et liberté sont improuvables. Ils doivent être considérés comme des axiomes tout aussi improuvables que ceux de la géométrie ou de l’arithmétique :
Axiome : » Il y a en chaque être humain une source de liberté. »
Pour la philosophe Patricia Churchland, in The astonishing hypothesis (Crick, 1994), l’existence de tant de mouvements chaotiques avec les effets papillons correspondants est la raison réelle de la possibilité, et de l’existence, de la liberté : notre libre arbitre a constamment un grand nombre d’opportunités pour agir décisivement à un prix presque nul.
Ce courant d’idées et les problèmes éthiques rencontrés par les scientifiques sont à la base d’une conséquence inattendue, mais pressentie de longue date par les grands mystiques, Jean de la Croix, Thérèse de Lisieux : une fantastique modification de l’image de Dieu.
Il faut comprendre combien dans les siècles passés l’image janséniste d’un Dieu tout-puissant, exigeant et sévère était répandue. Un Dieu faisant sans cesse le compte de nos péchés et usant au besoin de vengeance… un Dieu horrible et repoussant.
Voltaire était si indigné par ceux qui lui répétaient que les 40 000 morts du tremblement de terre de Lisbonne (novembre 1755) étaient dus aux péchés des habitants de la capitale portugaise, qu’il a écrit ces lignes très célèbres :
Lisbonne, qui n’est plus, eut-elle plus de vices
Que Londres, que Paris, plongés dans les délices ?
Bien plus tard, à Paris aussi récemment que 1897, la catastrophe de l’incendie du » Bazar de la charité » (117 morts, pour la plupart des femmes s’occupant de bonnes œuvres) suscite à nouveau le même genre de rhétorique sur la vengeance divine : La France a mérité ce châtiment par un nouvel abandon de ses traditions... (homélie du père Olivier, dominicain, à Notre-Dame de Paris). Est-il besoin d’ajouter que toutes ces idées étaient en totale contradiction avec l’enseignement du Christ ? (l’aveugle-né, les victimes de la chute de la tour de Siloé, Pilate et le massacre des pèlerins nazaréens, etc.).
Parmi les victimes de l’incendie il y eut Madame Marie-Annaïs Borne, la tante de ma grand-mère. Cernée par les flammes et dans l’impossibilité de fuir elle jeta sa fille de cinq ans, Lise, par une toute petite fenêtre pour lui donner une chance de vivre. Tombant du deuxième étage sur le foin d’une écurie Lise fut épargnée et, beaucoup plus tard quand elle fut devenue Madame Gaucheron, nous fumes horrifiés et très impressionnés quand elle nous conta son aventure… et mes grands-parents, qui parlaient souvent de cette tragédie, s’indignaient à chaque fois des commentaires iniques qui l’avaient accompagnée. Ils avaient déjà une mentalité moderne.
Aujourd’hui Dieu est complètement différent de ces images du passé. Il n’est plus tout-puissant : il a fait à l’homme le cadeau merveilleux, mais aussi terrible, de la Liberté et cela limite sa puissance.
Dieu ne corrige pas les conséquences néfastes de nos péchés : nous ne serions plus libres, mais Il en souffre. Il intervient en nous éclairant dans notre conscience sur les conséquences de nos actes comme autrefois le Christ acceptant l’arrestation, la condamnation, la torture et la mort pour nous enseigner concrètement combien nous pouvons être injustes.
Cette nouvelle image de Dieu s’est répandue à une vitesse surprenante, et il est désormais commun d’entendre même chez des personnes âgées des réflexions comme : Dieu est amour, comment est-il possible que, par exemple en Algérie, des hommes tuent au nom de Dieu ? Elles ont oublié comment était Dieu il y a encore si peu de décennies, et comment il demeure dans l’esprit des fanatiques.
Et les preuves scientifiques de l’existence ou de l’inexistence de Dieu ? Sans doute est-il impossible de conclure sur ce sujet, car croire ou non c’est la première des libertés.
Conclusion
Au milieu de progrès foudroyants, la science du vingtième siècle a vu ses fondations bouleversées. Le déterminisme absolu classique, si utile autrefois, a montré ses limites et toutes les branches de la physique et même de l’astronomie sont devenues un mélange de déterminisme classique et de hasard intrinsèque irréductible au déterminisme. D’autre part les problèmes éthiques entraînés par les mauvais usages de la science ont complètement modifié le point de vue des scientifiques sur les questions philosophiques. Le matérialisme n’est plus une obligation, la liberté, la volonté, le libre arbitre, ces piliers essentiels de la dignité humaine, ne sont plus considérés comme des illusions. Nul doute que même en biologie, domaine difficile dont l’évolution est fatalement plus lente, l’on ne finisse par tirer parti des idées nouvelles.
Il est impressionnant de réaliser que toutes ces transformations trouvent leur origine dans les travaux scientifiques et philosophiques d’un grand pionnier : Henri Poincaré.
Le savant n’étudie pas la nature parce que c’est utile, il l’étudie parce qu’il y prend plaisir et il y prend plaisir parce qu’elle est belle.
Si la nature n’était pas belle elle ne vaudrait pas la peine d’être connue, la vie ne vaudrait pas la peine d’être vécue. (Henri Poincaré, Science et méthode, 1908).