Deux parcours, une vision différenciée de l’indépendant

Dossier : Le conseilMagazine N°611 Janvier 2006Par : Pierre Gillier et Dominique Fauconnier

Ce dia­logue ori­gi­nal entre deux consul­tants indé­pen­dants aux par­cours tota­le­ment dif­fé­rents s’ap­puie sur deux idées : « Ma car­rière, c’est à moi de m’en occu­per » et « la pas­sion, un moteur pour la créa­tion d’entreprise ».
De la soli­tude du pre­mier jour aux col­la­bo­ra­tions fruc­tueuses nées de l’ex­pé­rience, en pas­sant par quelques aléas dou­lou­reux, le par­cours de l’in­dé­pen­dant est fait de per­sé­vé­rance, d’in­ven­ti­vi­té et de volonté.

Le premier jour

Pierre

En 1998, à 54 ans, débar­qué sans ména­ge­ment d’une entre­prise four­nis­seur de l’in­dus­trie auto­mo­bile, j’ai vite com­pris que je ne retrou­ve­rais pas de tra­vail, sala­rié ou autre et qu’il fal­lait que je (re)crée mon propre busi­ness. Quinze jours après mon départ, je fai­sais les pre­mières démarches pour décla­rer mon acti­vi­té toute nou­velle de » consul­tant indépendant « .

Quel chan­ge­ment ! Plus de secré­taire, de pho­to­co­pieuse, de salle de réunion, de voi­ture de fonc­tion… Et il faut très rapi­de­ment trai­ter toutes ces ques­tions maté­rielles, pour ne pas perdre toute son efficacité.

Et toi ? Te sou­viens-tu du pre­mier jour ?

Dominique

Depuis 1993, année de la créa­tion avec mon épouse de notre micro-entre­prise, l’A­te­lier des Métiers (atelier.des.metiers@wanadoo.fr), j’ai l’im­pres­sion que je suis tou­jours dans mon pre­mier jour ! Tout a com­men­cé six mois avant que je quitte mon der­nier employeur. Toute mon éner­gie était ten­due vers mon nou­veau pro­jet. J’ai vécu cette période comme un moment de liber­té extra­or­di­naire, d’ef­fer­ves­cence, de bon­heur et d’inquiétude.

Pierre

Moi, j’ai d’a­bord res­sen­ti que » je » ne comp­tais plus, » je » n’exis­tais plus. Pour­tant, j’é­tais prêt à affron­ter cette nou­velle situa­tion, car j’a­vais déjà vécu plu­sieurs mutations.

Venir d’une activité salariée

Pierre

Je suis deve­nu ingé­nieur com­mer­cial, poste tota­le­ment nou­veau pour moi, après avoir occu­pé dif­fé­rents postes tech­niques, j’ai décou­vert alors un monde dif­fé­rent, où les cer­ti­tudes n’existent plus, où les résul­tats s’ob­tiennent autant par un tra­vail de fond, que par les qua­li­tés humaines. La muta­tion a été dure, mais quelle joie à la signa­ture des pre­miers contrats !

Ensuite les chan­ge­ments se sont suc­cé­dé à un rythme sou­te­nu : direc­teur d’a­gence, puis à deux reprises fon­da­teur et diri­geant de socié­té, repre­neur de socié­té et main­te­nant consul­tant indépendant.

Toutes ces expé­riences m’ont appris la modes­tie et le devoir impé­rieux de se remettre en cause, face à des situa­tions mal maî­tri­sées, plu­tôt que de cher­cher des jus­ti­fi­ca­tions exté­rieures. J’ai tou­jours pu comp­ter sur l’É­cole des mines de Saint-Étienne, qui m’a don­né la confiance et l’op­ti­misme pour entre­prendre l’impossible !

Dominique

Après une enfance au Bré­sil, six mois de math-sup, des mois de réflexion, j’ai fait un tour de France pen­dant trois ans, comme le font les Com­pa­gnons. J’ai appris à vivre, à goû­ter à l’in­dé­pen­dance que je retrouve main­te­nant. Puis, j’ai repris mes études à l’U­ni­ver­si­té. J’ai obte­nu une maî­trise en sciences éco­no­miques et une maî­trise en Éco­no­mie du Déve­lop­pe­ment, puis, en entre­prise, le DECS comptable.

Mes quinze années de sala­riat, dont trois en contrôle de ges­tion et douze dans des fonc­tions com­mer­ciales, m’ont été une école. J’y ai appris le » pays « , le lan­gage, les codes de l’en­tre­prise. Et pour toi, com­ment ça s’est passé ?

Pierre

Pro­gres­si­ve­ment. Avant de se lan­cer dans l’a­ven­ture, il faut affû­ter son métier et le pas­sage par une acti­vi­té sala­riée est indispensable.

Savoir se vendre

Pierre

Fin 1998, je deviens indé­pen­dant. J’ap­prends à me pré­sen­ter dans les entre­prises, exer­cice dif­fi­cile. Se vendre au tra­vers d’un CV est voué à l’é­chec. Il faut, et pour chaque affaire en dis­cus­sion, ne lais­ser appa­raître que les expé­riences cor­res­pon­dant à l’ob­jet de la mis­sion. Avec un cama­rade mineur, ancien d’IBM, nous déve­lop­pons nos acti­vi­tés sous le nom de GH Part­ners, nous men­tion­nons clai­re­ment notre sta­tut d’in­gé­nieurs conseils indé­pen­dants. Auprès des PME, c’est sans suc­cès. L’ha­billage a fonc­tion­né auprès de grandes socié­tés et d’autres cabi­nets de conseil. J’ai trou­vé alors ma pre­mière mission.

Le consul­tant est à l’é­coute de son pros­pect, il vient avec un ou plu­sieurs sujets de dis­cus­sion qu’il a pré­pa­rés ; en fait, son inter­lo­cu­teur va, peut être, s’in­té­res­ser à tout autre chose ; le consul­tant doit avoir alors la mobi­li­té d’es­prit pour détec­ter les signaux qui lui sont envoyés et rebon­dir sur les sujets de son client.

Dominique

J’ai appris que l’ac­cueil que l’on reçoit dépend de l’en­tre­prise que l’on repré­sente. Quand on est indé­pen­dant, cela change tout ! D’autres fac­teurs ont été déterminants.

Pré­voir des marges, relier enga­ge­ment, résul­tat et mesure, recou­per les sources d’in­for­ma­tion, savoir échan­ger, écou­ter, être patient, ima­gi­na­tif, réa­liste : à par­tir de ces acquis, j’ai construit mon posi­tion­ne­ment par rap­port à un mar­ché que je ne connais­sais pas encore, dans un contexte incer­tain, chan­geant, com­plexe, et en fait fac­teur de liber­té. Il faut écou­ter atten­ti­ve­ment le client pour décou­vrir les poten­tia­li­tés d’une offre, sur­tout lors­qu’elle est évo­lu­tive. Il faut aller vers l’inconnu.

Être disponible, adaptable, persévérant

Pierre

Pour ma part, pas de réflexion à long terme mais une approche prag­ma­tique et oppor­tu­niste : écou­ter et suivre toutes les perches ten­dues, puis dérou­ler le fil d’A­riane. Vou­loir suivre à la lettre un scé­na­rio pré­pa­ré à l’a­vance me semble voué à l’échec.

Dominique

Effec­ti­ve­ment. Cepen­dant, la démarche com­mer­ciale choi­sie dépend de ce que l’on vend. L’es­sen­tiel est d’é­ta­blir une conni­vence avec les clients. Mon fac­teur clé est de réus­sir la phase d’ap­pri­voi­se­ment res­pec­tif, qui dure entre six et dix-huit mois. C’est une forme d’in­ves­tis­se­ment pour une acti­vi­té qui peut ensuite durer des années.

Ma ques­tion est de savoir com­ment abor­der ces ren­contres afin qu’elles pro­duisent une déci­sion adap­tée au ser­vice que je vends. J’ai tra­vaillé pen­dant deux ans pour le ser­vice infor­ma­tique (1000 per­sonnes) d’une grande entre­prise. J’y suis par­ve­nu après deux années de patience, de hasards, et en réagis­sant à une ques­tion de mon futur inter­lo­cu­teur lors d’un Codir, « Com­ment pas­ser de la conduite au mana­ge­ment de pro­jet ? ». Six semaines plus tard, à l’oc­ca­sion d’un sémi­naire, nous avons lan­cé une dyna­mique qui a duré deux ans et qui a notam­ment abou­ti à la refonte de la ligne mana­gé­riale du ser­vice. Pour obte­nir ce résul­tat, j’ai dû être dis­po­nible, adap­table, per­sé­vé­rant, coopératif.

Pierre

Oui, le » fit » se fait avec le futur client dans une rela­tion qui dépasse l’ob­jet de la dis­cus­sion : c’est le déclic dans la tête de l’in­ter­lo­cu­teur qui res­sent « Oui vrai­ment, je peux lui faire confiance ». C’est ce que j’ai vécu pour ma pre­mière mis­sion, avec un direc­teur des ventes italien.

Dominique

En effet. À terme, si le » fit » ne se fait pas avec un pros­pect, per­sonne n’a inté­rêt à pour­suivre. Com­ment s’est pour­sui­vie ton aventure ?

Pierre

Mon acti­vi­té a évo­lué vers l’as­sis­tance à maî­trise d’ou­vrage. Mon expé­rience (à la fois indus­trielle et TIC) a été très utile dans le cré­neau d’ac­ti­vi­té Qua­li­té de ser­vice : com­ment les uti­li­sa­teurs peuvent-ils tirer le meilleur par­ti des outils tech­niques mis à leur dis­po­si­tion, amé­lio­rer leur effi­ca­ci­té ? Quelle orga­ni­sa­tion mettre en place ?

J’ai tra­vaillé avec un groupe anglo-saxon sur ce sujet et ai déve­lop­pé un savoir-faire, appli­qué avec des résul­tats inté­res­sants (baisse des coûts et amé­lio­ra­tion de l’ef­fi­ca­ci­té opé­ra­tion­nelle), dans dif­fé­rentes filiales du groupe en Europe.

Créer un lien

Pierre

Pour reve­nir au com­mer­cial je vou­drais faire deux remarques :
• la pre­mière est que cela ne se passe jamais comme on l’a­vait prévu,
• la deuxième est que plus on a de réus­site, plus on est fragile.

Je m’en explique : quand il a signé une bonne affaire, que la confiance est née, que tout semble tour­ner tout seul, l’in­dé­pen­dant doit res­ter extrê­me­ment vigi­lant. Le moindre grain de sable peut le faire déra­per. Avec la réus­site, sa vigi­lance s’a­me­nuise et il décro­che­ra d’au­tant plus vite qu’il est mal pro­té­gé face à ses clients.

Dominique

En effet. J’ap­plique trois prin­cipes simples qui se sont révé­lés extrê­me­ment pré­cieux sur la durée :
•. « Tu gagne­ras trois fois moins que ce que tu penses gagner, et cela te pren­dra trois fois plus de temps que prévu ».
• » Si l’in­quié­tude te quitte, atten­tion, danger « .
• « Sur 10 pro­jets en cours, tu en feras trois, mais tu ne sais abso­lu­ment pas lesquels ».

Un jour, je me suis sou­ve­nu d’Her­mès, le dieu du com­merce, agent de liai­son entre les dieux et les hommes et entre les dieux eux-mêmes. Il est ren­contre, échange, décou­verte. J’en ai déduit qu’il ne sert à rien de vendre ce que l’on croit utile à son inter­lo­cu­teur, mais qu’il est bien plus utile de le redé­cou­vrir avec lui. Le geste du com­mer­cial est de créer un lien et non de » pro­duire » du chiffre d’af­faires. Le résul­tat n’ap­pa­raît qu’en­suite, il n’est qu’une consé­quence d’une rela­tion juste.

Faire face aux aléas du métier

Pierre

Cepen­dant, de temps en temps, il y a des trous d’air : l’ac­ti­vi­té éco­no­mique fonc­tionne de plus en plus en dents de scie, et l’in­dé­pen­dant est aux pre­mières loges pour en subir les aléas.

Pour moi, l’an­née 2003 a été très dif­fi­cile, alors que les deux années pré­cé­dentes avaient été excellentes.
En 2001 et 2002, occu­pé presque à plein-temps sur plu­sieurs mis­sions, je n’a­vais pas fait beau­coup de com­mer­cial, et lorsque ma der­nière mis­sion s’est ter­mi­née, je n’ai rien trou­vé dans un envi­ron­ne­ment éco­no­mique dégra­dé ; la situa­tion s’est pro­lon­gée beau­coup trop long­temps : les charges à payer basées sur les recettes des deux années pré­cé­dentes, dépas­saient alors mes reve­nus. J’ai alors déci­dé de sus­pendre mes acti­vi­tés d’in­dé­pen­dant et, pour toute nou­velle mis­sion, de reprendre celles-ci sous forme de por­tage salarial.

Dominique

Tout s’est arrê­té début 2003 pour moi aus­si. L’an­née pré­cé­dente nous avions pour­tant aug­men­té de 20% nos résul­tats. L’ef­fet de ciseau entre les charges à payer et la chute des ren­trées a pro­vo­qué quatre mois de sueurs froides. Et puis, c’est repar­ti. À l’é­poque, je n’ai su ni com­ment ni pourquoi.

Aujourd’­hui, cette expé­rience m’est très utile. Se confron­ter à la réa­li­té révèle à l’in­dé­pen­dant, s’il a le cou­rage ou l’o­bli­ga­tion d’al­ler les recher­cher, des res­sources insoup­çon­nées. Cela est valable pour toute entre­prise humaine.

Pierre

Mon busi­ness est repar­ti grâce à un ami qui m’a per­mis d’ob­te­nir un nou­veau petit contrat. Celui-ci a gros­si fort heu­reu­se­ment et j’ai tra­vaillé pour une admi­nis­tra­tion sur ses infra­struc­tures de télé­com­mu­ni­ca­tions, et je crois avoir réus­si à trans­po­ser cer­taines tech­niques d’a­chat de l’in­dus­trie, pour la pas­sa­tion des mar­chés publics, selon les nou­velles procédures.

L’inventivité, première qualité de l’indépendant

Pierre

Quelles sont pour toi les qua­li­tés de l’in­dé­pen­dant ? L’inventivité ?

Dominique

Oui, pro­ba­ble­ment. J’ai été obli­gé d’in­ven­ter toutes les dimen­sions de mon nou­veau métier, et ce fai­sant, je suis deve­nu inven­tif et mes clients en pro­fitent. Ain­si, je me sens beau­coup plus proche de moi-même aujourd’­hui, plus fort et plus expo­sé, plus expé­ri­men­té et plus fra­gile. Cette fra­gi­li­té m’est indis­pen­sable car elle affine mes per­cep­tions de la réa­li­té, les rend plus justes, plus aiguës. Je me suis pro­gres­si­ve­ment ren­du compte qu’une dimen­sion de mon métier, acquise par l’ex­pé­rience réside dans la qua­li­té de mon coup d’oeil ; il est un ser­vice que j’offre à mes clients.

Pierre

Ne peut être indé­pen­dant qu’un véri­table pro­fes­sion­nel : ain­si le client est cer­tain de trou­ver un spé­cia­liste qui sait la valeur et le coût de son tra­vail : prag­ma­tisme, effi­ca­ci­té, res­pect des échéances, font par­tie de sa culture per­son­nelle, plus que tout autre.
Il a aus­si déve­lop­pé des qua­li­tés humaines pour rapi­de­ment sai­sir l’en­vi­ron­ne­ment dans lequel il se trouve. Il repère les per­sonnes clefs de l’en­tre­prise cliente et sait les faire agir. Il appa­raît rare­ment en pre­mière ligne et est dis­cret, pour mettre en valeur les mana­gers et les équipes de son client. Ce der­nier aspect nous dif­fé­ren­cie tota­le­ment des grands cabi­nets de conseil.

Dominique

Oui, nous ne sommes pas en concur­rence avec les grands cabi­nets car nous ne fai­sons pas le même métier, nous n’of­frons pas le même ser­vice. Les indé­pen­dants sous-estiment leurs apports poten­tiels à l’entreprise.

De la solitude à la coopération

Pierre

Ce sont plu­tôt les clients qui sou­ses­timent les béné­fices pour l’en­tre­prise de la col­la­bo­ra­tion avec un indé­pen­dant : ils recherchent avant tout la sécu­ri­té, et l’in­dé­pen­dant n’ap­porte pas de réponse sur ce point. Il est un peu iso­lé : il doit sans cesse se relan­cer pour acti­ver son réseau, recher­cher de nou­veaux contacts, déve­lop­per ses rela­tions, convaincre ses futurs clients ; faute de quoi, les oppor­tu­ni­tés se raréfient.

J’ai alors tra­vaillé au sein d’un réseau de consultants :
• l’a­ni­ma­tion d’un site Inter­net (www.x‑mines-consult.org) pour en faire un outil de liai­son entre ses membres (news, réunions, mis­sions, contacts…),
• l’or­ga­ni­sa­tion de confé­rences avec l’in­ter­ven­tion de per­son­na­li­tés du monde économique,
• l’a­ni­ma­tion de petits-déjeu­ners, et d’a­te­liers, dont je m’oc­cupe plus spécialement,
• le déve­lop­pe­ment de rela­tions avec d’autres groupes de conseils issus de grandes écoles françaises.

Toutes ces mani­fes­ta­tions sont l’oc­ca­sion d’é­changes utiles pour tous les par­ti­ci­pants, avec des par­te­na­riats qui se nouent au fil des oppor­tu­ni­tés. De mul­tiples sujets ont été abor­dés : inno­va­tion, start-up, gou­ver­nance d’en­tre­prise, rela­tions entre les indé­pen­dants et les grands groupes de conseil, le com­mer­cial, les outils du consul­tant, les risques juri­diques, etc.

L’in­dé­pen­dant doit être un homme-orchestre, il doit être com­mer­cial pour se vendre, tech­ni­cien ou expert pour réa­li­ser ses mis­sions ; et les qua­li­tés à faire jouer ne sont pas les mêmes dans un cas ou dans l’autre. J’ai noté qu’il était plus facile de vendre une pres­ta­tion faite par un autre consul­tant que par soi-même.

Enfin les grandes struc­tures pré­fèrent par­ler à des struc­tures qu’à des indi­vi­dus, un indé­pen­dant est un peu fra­gile, seul, face à une entreprise.

Enfin, avec quelques consul­tants indé­pen­dants très expé­ri­men­tés, nous avons créé ARCLÈS.

Dominique

L’i­so­le­ment, la soli­tude ne sont pas une dif­fi­cul­té, mais notre prin­ci­pale carac­té­ris­tique, une force, une source d’ins­pi­ra­tion, un inves­tis­se­ment sur l’a­ve­nir. C’est parce que nous sommes dans une logique dif­fé­rente de celle de l’en­tre­prise que nous pou­vons lui appor­ter quelque chose. Notre socié­té a besoin de pro­fes­sion­nels qui se mouillent per­son­nel­le­ment, et qui prennent le risque de se frot­ter concrè­te­ment aux réa­li­tés éco­no­miques du pré­sent, avec tout ce que cela peut signifier.

La struc­ture et son confort ne me manquent pas. Je cherche en per­ma­nence à maî­tri­ser les avan­tages spé­ci­fiques de ma situa­tion. J’ai effec­ti­ve­ment besoin d’en­tre­cou­per ma soli­tude avec des ren­contres avec des pairs. Il y a un inté­rêt à rap­pro­cher des indé­pen­dants entre eux, car ils sont por­teurs de leurs dif­fé­rences, mais sans les fondre dans une même enti­té car ce sont les confron­ta­tions au sein d’un même métier qui les font progresser.

Les Com­pa­gnons alter­naient l’in­té­gra­tion dans le métier avec la pra­tique soli­taire du voyage ; ils en savaient l’u­ti­li­té for­ma­trice. Les indé­pen­dants peuvent – et même doivent – inven­ter de nou­velles approches et de nou­veaux ser­vices pour les entre­prises, à par­tir de ce qu’ils sont intrin­sè­que­ment. À nous de faire nos preuves sur le ter­rain de la créa­ti­vi­té, résul­tats à l’appui.

Pierre

Il est vrai que l’in­dé­pen­dant a pro­ba­ble­ment une per­son­na­li­té plus riche, plus forte, plus dis­po­nible que des consul­tants sala­riés en socié­té, cela le sert et le des­sert tout à la fois. Cette per­cep­tion change d’un inter­lo­cu­teur à l’autre et la recherche de sécu­ri­té des clients fait peut être pen­cher la balance vers la struc­ture, grande ou petite.

Dominique

Aider 100 per­sonnes à prendre conscience d’une évi­dence en deux heures n’est pas plus dif­fi­cile que de le faire avec une seule. C’est l’i­dée que nous nous en fai­sons qui sou­vent nous limite. J’ai appris à essayer avant de ne pas croire.

Contrainte et volonté

Pierre

Quels sont tes prin­cipes d’action ?

Dominique

Il m’a fal­lu dix années pour réus­sir à m’ap­pli­quer sérieu­se­ment le prin­cipe sur lequel j’ai fon­dé toutes mes inter­ven­tions : « contrainte + volon­té = inno­va­tion ». On peut rem­pla­cer « inno­va­tion » par prise de conscience. J’ai tiré ce prin­cipe de la pra­tique des Com­pa­gnons, qui apprennent leur métier » sur le tas « . La connais­sance est seconde par rap­port à la pra­tique : le jeune appren­ti com­mence par se frot­ter à ce qui lui résiste, sa matière. Toute contrainte est trans­for­mable et peut ser­vir de point d’ap­pui. Un conflit, par exemple, peut être l’oc­ca­sion d’une dis­cus­sion utile. Ce prin­cipe est appli­cable à l’infini.

Aujourd’­hui, je m’in­té­resse plus par­ti­cu­liè­re­ment à la ques­tion de l’é­cart exis­tant entre ceux qui maî­trisent les Sys­tèmes d’in­for­ma­tions et ceux qui pra­tiquent les Métiers dans les entre­prises. Cela m’o­blige à com­prendre ce qu’est une infor­ma­tion, ce qu’est un métier et, sur­tout, com­ment faire dia­lo­guer uti­le­ment les uns et les autres. Abor­der cette ques­tion, non par les connais­sances, mais par les contraintes ren­con­trées concrè­te­ment sur le ter­rain par les dif­fé­rents acteurs la sim­pli­fie considérablement.

Toi, tu as appri­voi­sé l’in­cer­ti­tude et la com­plexi­té des situa­tions et tu repré­sentes une part de l’a­ve­nir de ceux dont tu as par­ta­gé les convic­tions. Montre-leur qu’il est attirant !

Pierre

Avec un regard posi­tif sur l’a­ve­nir, déga­ger de nou­velles voies, dégrip­per avec le sou­rire les situa­tions les plus blo­quées, voi­là un pro­gramme de tra­vail exci­tant pour les indé­pen­dants. « Être indé­pen­dant, c’est la pos­si­bi­li­té de res­ter jeune quel que soit son âge, avec cette capa­ci­té de se remettre en cause fré­quem­ment. Jeunes de 30, 45 ou 70 ans, vous avez le tem­pé­ra­ment pour être indépendant « .

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