Deux X à l’assaut de la grande boucle
Effectuer le parcours du Tour de France 2017. Une idée qui trotte, 6 mois de préparation en sollicitant famille, amis et camarades de promotion et enfin le départ une semaine après les pros. Malgré des conditions climatiques parfois épouvantables, le pari est gagné 3 semaines plus tard devant l’Arc de Triomphe.
À l’aube de ce défi, un véritable chantier organisationnel et logistique commence : solliciter la famille et les amis pour trouver des accompagnateurs, dénicher des vélos un peu plus modernes que nos vieilles bécanes en alu, chercher des sponsors, commencer à faire vivre une page Facebook, réserver les hébergements, rédiger un carnet de route, planifier les séances d’entraînement…
Bref, six mois qui ne seront pas de tout repos, mais essentiels à la réussite du projet.
PREMIÈRE SEMAINE : UN BAPTÊME DU FEU TRÈS HUMIDE
Samedi 8 juillet, 7 heures. Après le court prologue de la veille sur les rives du Rhin à Düsseldorf, c’est LE jour du grand départ. Ce matin, on peut assurément lire une pointe d’appréhension sur nos visages.
Aussi inavouable que cela puisse paraître, c’est aujourd’hui qu’aura lieu notre baptême des 200 bornes dans une même journée, au milieu des paysages industriels du bassin rhénan, nous menant déjà jusqu’en Belgique.
“ La première épreuve de la journée consiste à chauffer nos tendons récalcitrants ”
Les étapes suivantes nous voient traverser une diversité incroyable de paysages : collines boisées des Ardennes luxembourgeoises accompagnés de Joana Arreguy et Adrien Arnoux (2007), routes nationales de Moselle infestées de camions, forêt s vosgiennes , coteaux champenois, lacs de la forêt d’Orient, terres bourguignonnes avec Simon Leclair (Mines)…
Notre parcours est jalonné de villages soigneusement décorés pour le Tour, chefs‑d’œuvre de créativité, tandis que la pluie s’obstine à vouloir nous suivre malgré la vitesse formidable à laquelle nous roulons. L’apogée est atteinte lors de l’étape entre Mondorf-les-Bains et Vittel, qui s’achève dans un déluge indescriptible.
Après huit jours non-stop, c’est déjà l’étape reine de cette édition 2017, pour laquelle les organisateurs n’ont pas manqué de cruauté : 181 km entre Nantua et Chambéry, 5 000 m de dénivelé positif, sept ascensions dont trois cols hors catégorie.
Comme tous les matins, la première épreuve de la journée consiste à chauffer nos tendons récalcitrants, en serrant bien les dents. Le résultat peut-être de quelques négligences dans la préparation physique : nous sommes des amateurs avant tout !
L’ascension vers le sublime plateau de Retord ; le kilomètre à 20 % du Grand- Colombier, obligeant à faire des zigzags ; le partage de l’effort avec Hadrien Michaud et Thomas Moulin (2008) ; les terribles pentes du Mont-du-Chat, épouvantail du cycliste…
Suffisamment d’ingrédients pour une journée riche en émotions. C’est donc avec un grand sourire que nous descendons enfin les lacets fraîchement bitumés vers la délivrance : le premier jour de repos !
DEUXIÈME SEMAINE : DANS LE BROUILLARD, SUR LES TRACES DE ROMAIN BARDET
La reprise a lieu dans le Périgord : villages troglodytes, grottes préhistoriques, châteaux médiévaux, Dordogne… L’ambiance est au cyclotourisme ! Le lendemain, ce sont 203 km d’interminables lignes droites au milieu des pins des Landes et du maïs du Gers, l’occasion de sortir nos meilleures playlists pour faire passer l’ennui.
Seuls sur la route, avec Quentin Libois (2007), plongés dans un brouillard total.
Arrive alors l’étape pyrénéenne, 215 km entre Pau et Peyragudes, accompagnés par Quentin Libois (2007). Expérience mystique : les cinq cols du jour sont plongés dans un brouillard total. Nous sommes absolument seuls, la route nous appartient, les voitures elles-mêmes n’osant plus s’y aventurer.
À 20 heures, trempés jusqu’aux os, nous atteignons le grand final où Romain Bardet s’est imposé, sur la piste de l’altiport de Peyragudes, dans une purée de pois invraisemblable : 500 m à plus de 16 %, de quoi nous faire rire tant la situation est absurde après 10 h 30 sur le vélo !
En guise de récupération, l’étape du lendemain ne fait que 100 km, avec tout de même trois cols ariégeois majeurs, dont le bien-nommé mur de Péguère. L’organisation du Tour est décidément friande de pentes assassines.
La semaine se termine par deux étapes accidentées entre campagne aveyronnaise et plateau de l’Aubrac, rythmées par l’humeur blagueuse de Boris Panloup (2008).
TROISIÈME SEMAINE : LA CRYOTHÉRAPIE DYNAMIQUE, VOUS CONNAISSEZ ?
En ce matin de reprise, nous partons du Puy sans savoir que l’étape du jour va se transformer en une véritable séance de « cryothérapie dynamique ». Bientôt, une température de février, une pluie glaciale et un vent latéral à vous givrer sur place nous saisissent.
Chaque descente est une agonie, nous sommes devenus violets et n’arrivons même plus à ouvrir nos barres de céréales ni à passer nos vitesses. Il faudra attendre l’Ardèche, après 80 kilomètres parcourus à l’état de glaçons, pour le retour salvateur du soleil.
L’ascension du col de la Croix-de-Fer.
Arrivèrent enfin les Alpes, accompagnés de Xavier Maurin (Supélec) et Rémi Burlet (Ponts). Après une première belle journée sur la route des cols de la Croix-de-Fer et du Galibier, notre deuxième étape alpestre commence par ce qui devait bien finir par arriver : crevaison !
Puis, dans l’ascension du col de Vars s’invite alors le pire ennemi du cycliste : le vent de face. Courbés sur nos vélos, nous tentons d’optimiser l’aérodynamisme de notre position mais le rendement de nos efforts est proche de zéro.
Devant nous, des cyclistes mettent pied à terre pour marcher à côté de leur vélo, et au sommet tout le monde arrive exténué.
À 18 h 30, nous sommes au pied du géant du Queyras, le col de l’Izoard. Les mots « casse-pipe » et « abattoir » sont prononcés au moment où nous nous lançons dans la bataille. Les cyclistes qui descendent nous regardent avec un air de compassion : ce n’est plus une heure pour grimper là-haut ! À 3 km du sommet, nous entrons dans la Casse Déserte, royaume de deux légendes du cyclisme, Louison Bobet et Fausto Coppi.
Et ce n’est pas sans émotion que nous arrivons, les bras tendus vers le ciel, au sommet du plus beau col qu’il soit donné de grimper à vélo, avec le sentiment qu’un grand pas a été franchi en direction des Champs-Élysées.
ARRIVÉE EN PELOTON SUR LES CHAMPS-ÉLYSÉES
Dimanche 30 juillet, 9 h 50, c’est un peloton d’une dizaine de coureurs, comptant de nombreux camarades de promo, qui part sur 50 km rallier la plus belle avenue du monde. Les panneaux d’entrée des villes et les sommets des côtes sont âprement disputés, dans un esprit de franche camaraderie.
“ L’organisation du Tour est friande de pentes assassines ”
Rejoints au pont Alexandre-III par un peloton de proches équipés de Vélibs, nous fonçons droit vers l’arrivée. Déjà l’entrée du dernier virage, l’émotion monte. Les images de ces trois dernières semaines défilent devant nos yeux. Et soudain l’immense avenue est là, majestueuse, en léger faux plat montant, parce que tout de même, ça se mérite !
Notre longue épopée touche à sa fin. Encore trois tours d’honneur de la place de l’Étoile, qui devient un véritable vélodrome, et c’est mission accomplie : on a fait le Tour de France !
2 Commentaires
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Bravo pour cet exploit
Votre aventure me fait rêver !
Je suis moi-même cycliste amateur, à Tarbes aux pieds des Pyrénées : les cols, j’en mange chaque semaine pendant l’été.
Je me suis contenté cette année de l’étape Saint-Giron – Foix, réorganisée par l’association « La Casatelli » en hommage au cycliste du même nom.
C’était déjà beaucoup et j’admire l’enchaînement des efforts que vous avez réalisés.
Encore bravo et au plaisir de vous croiser un de ces jours sur les pentes du Tourmalet par exemple.
Ludovic
Merci Ludovic !
Je suis moi-même originaire de Pau, et nous sommes passés par Tarbes le jour de l’étape Pau -> Peyragudes (une bien longue mais belle journée!). Il m’arrive parfois de rouler dans les Pyrénées quand je reviens au pays (mon ancien terrain de jeu!), alors peut-être au plaisir de se croiser un jour sur les routes de Béarn ou de Bigorre !
Pierre