Développement durable ou dérive court termiste ?
La dérive court termiste est souvent dénoncée, rarement analysée
Le décalage entre prises de décision « court termistes » et constantes de temps « réelles » alimente une volatilité des prix. Dans le cas des matières premières, celle-ci est aggravée par l’irruption de nouveaux acteurs financiers sur les marchés.
Il n’y a pas si longtemps, les banques et les grandes familles restaient attachées à leurs entreprises, et en confiaient les rênes à des managers stratèges. Aujourd’hui encore, quelques groupes familiaux, comme Toyota ou Bosch, détonnent par leur culture d’entreprise plus soucieuse d’un développement partenarial à long terme avec l’ensemble de leurs stakeholders que d’une satisfaction immédiate de leurs seuls shareholders.
Les nouveaux acteurs de la « finance de marché » conduisent le monde avec une stratégie d’arbitrage de plus en plus court termiste, dans une relation de plus en plus » intermédiée « , découplée du réel.
Pour une approche systémique
Les appels au développement durable contrastent de façon pathétique avec l’accélération permanente dans laquelle nous vivons. La dérive mêlant court termisme et anonymat est certes souvent dénoncée, mais elle s’impose à nous par une sorte de fatalité. Elle ne fait guère l’objet d’analyses qui permettraient de comprendre son origine, ses perspectives, ses moteurs internes.
Il s’agit vraisemblablement d’une évolution complexe, systémique, où de nombreux facteurs de risques sont en interrelation, par exemple la liquidité de l’économie, l’opacité des marchés, voire encore l’accroissement des inégalités de revenus, illustré entre autres, par une surchauffe dans les berlines de luxe et une atonie sur les modèles populaires.
L’argument de la cupidité, habituellement avancé, ne fait que mettre en évidence la pauvreté de l’analyse, la nature humaine n’ayant sans doute guère changé depuis Adam Smith.
Faute d’être capable de relier ces dysfonctionnements multiples, la parole des hommes publics, politiques ou économiques se contente d’émotion et d’incantation, comme si elle émanait d’apprentis sorciers sans prise sur la réalité.
Quelques questions
Cette accélération, ce changement dans la perception du temps sont-ils l’effet, ou la cause, des nouvelles technologies de communication ? Est-ce l’aversion du citoyen américain pour toute régulation administrée qui a favorisé la foi déraisonnable en l’efficience du marché d’un Milton Friedman et d’un Ronald Reagan, ou l’inverse ?
Dans cet écheveau de causes, d’effets et de feedbacks, la dérive court termiste n’est-elle qu’un symptôme parmi d’autres, ou pourrait-elle être un fil d’Ariane qui permettrait de démêler la complexité de notre monde, de mieux orienter l’action ?
La mondialisation doit-elle, par la loi des grands nombres, freiner la volatilité, ou l’accroître par la généralisation du mimétisme ?
La montée de l’individualisme, de l’incivilité, voire le développement de la » prime à la casserole » de nos hommes politiques sont-ils des réactions inéluctables face à la taille et à l’anonymat croissants de notre village planétaire ? Certes, l’opacité et la défiance se développent plus facilement que la transparence et la confiance.
Appel à nos intellectuels
Aussi pourrait-on souhaiter que nos intellectuels nous viennent en aide pour déchiffrer la systémique d’un monde accéléré, globalisé, composé de sept milliards d’habitants individualistes mais fortement mimétiques, doté de systèmes de pouvoir disparates, décentralisés, voire obscurs.
Éclairer notre lanterne sur l’origine du courant court termiste qui nous entraîne pourrait être plus utile que discourir sur un développement durable de plus en plus mythique. Expliquer l’origine de la volatilité et de l’opacité croissantes qui raccourcissent notre horizon pourrait nourrir le dialogue entre les citoyens, les agents économiques et les décideurs.
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JPC consulting
Pour info, je viens de trouver les actes d’un colloque de Cerisy qui a débattu de cette question :
Déterminismes
et complexités :
du physique
à l’éthique
La Découverte, 2008