Développer le gaz naturel carburant en France
Le gaz naturel (comprimé ou liquéfié) est une solution très compétitive, assurant des gains significatifs en émissions de polluants et basé sur une technologie mature. Son développement nécessite le déploiement d’un réseau de distribution qui n’est pas particulièrement encouragé par les pouvoirs publics.
La Commission européenne a adopté en octobre 2014 la directive sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs.
UN CARBURANT TRÈS COMPÉTITIF
Le prix d’importation du diesel (de 35 à 40 €/MWh avec raffinage) est aujourd’hui deux fois supérieur à celui du gaz naturel (de 15 à 20 €MWh) et cet écart devrait se maintenir à long terme.
Ce texte demande à chaque État membre de mettre en place un cadre d’action national pour le développement du marché de ces carburants et le déploiement des infrastructures afférentes : points de recharge pour véhicules électriques, points de ravitaillement en GNV (sous forme de gaz naturel comprimé – GNC – et de gaz naturel liquéfié – GNL) pour les transports routiers, maritimes et fluviaux, et points de ravitaillement en hydrogène.
En réponse, le ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer a publié en novembre 2016 son projet de Cadre d’action national pour le développement des carburants alternatifs.
Soumis à une consultation publique jusqu’au 14 décembre dernier, celui-ci proposait des objectifs bien en deçà des ambitions de la filière.
REPÈRES
La directive AFI (Alternative Fuels Infrastructures) est l’aboutissement d’une démarche initiée par la publication en 2011 du Livre blanc Feuille de route pour un espace européen unique des transports – Vers un système de transport compétitif et économe en ressources.
Ce texte appelait à réduire la dépendance des transports à l’égard du pétrole sans sacrifier l’efficacité, et fixait un objectif de réduction de 60 % des émissions de gaz à effet de serre en 2050 par rapport à 1990.
DE NOMBREUX ATOUTS POUR LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE
Tout d’abord, le GNC est basé sur une technologie mature (celle des moteurs à essence), éprouvée depuis plusieurs décennies et dans divers pays, et dont les performances (autonomie, puissance, confort d’utilisation) sont équivalentes aux motorisations diesel ou essence.
“ Des objectifs officiels bien en deçà des ambitions de la filière ”
De plus, la combustion du gaz naturel ne produit ni oxyde de soufre, ni plomb, ni poussières, ni fumées noires, ni odeurs.
D’autre part, son utilisation permet de réduire significativement les émissions de polluants (NOx, CO, particules) par rapport à un véhicule thermique classique sans post-traitement. Du point de vue CO2, les modèles GNC actuels permettent déjà de réduire de 20 à 25 % les émissions par rapport aux modèles essence et ont des performances équivalentes aux meilleurs Diesel. Par ailleurs, le GNC est un carburant plus « propre » que l’essence ou le diesel sur le long terme.
Enfin, au-delà des aspects sanitaires et environnementaux, le développement massif du gaz naturel comme carburant présenterait aussi un avantage économique pour la collectivité grâce à l’amélioration de la balance commerciale qu’il engendrerait, l’augmentation du pouvoir d’achat qu’il procurerait aux utilisateurs et l’essor d’une filière créatrice d’emplois sur un marché prometteur, en France comme à l’export.
UNE RESSOURCE MARGINALE, À DÉVELOPPER
Le gaz naturel carburant reste encore aujourd’hui marginal en France, se limitant principalement aux segments poids lourds et flottes d’entreprises.
“ Le gaz pourrait prendre une part substantielle du mix national des transports ”
Avec un réseau d’accès public inférieur à une cinquantaine de stations GNV, l’infrastructure française d’avitaillement en gaz naturel n’a pas l’envergure suffisante pour envisager une introduction significative du gaz dans le mix des transports terrestres.
Le gaz pourrait prendre une part substantielle du mix national des transports : en 2020, la consommation énergétique totale du parc de véhicules gaz pourrait s’élever à plus de 3 TWh, ce qui représenterait 0,7 % du mix français des transports par la route ; elle pourrait atteindre 25 TWh en 2030, soit 6 % du mix énergétique des transports.
La majorité de la demande sera tirée par le secteur du transport routier de marchandises, et à moyen terme par le secteur du transport de voyageurs, les usages diffus (messagerie, colisage, flottes d’entreprises, artisans) et les flottes des collectivités.
UNE POSITION OFFICIELLE A MINIMA ET INCOHÉRENTE
Dans son projet de réponse à la directive AFI, le gouvernement estime le nombre « approprié » de stations GNC à 80 d’ici à fin 2020 et 115 d’ici à fin 2025, dont environ 70 localisées le long des axes ou dans les aires urbaines du Réseau transeuropéen de transport. Côté GNL, le projet estime à seulement 25 le nombre de stations déployées à l’horizon 2025, soit 140 au total en incluant le GNC.
Cette position apparaît d’emblée incohérente par rapport à l’ambition affichée par les pouvoirs publics dans le cadre du nouvel exercice de Planification pluriannuelle de l’énergie (PPE), validée par décret en octobre dernier : un simple calcul montre que 140 stations seraient nécessaires dès 2018 pour atteindre ces objectifs.
La filière GNV estime qu’un tout premier jalon de 150 stations publiques en 2020 permettrait un réel démarrage du GNC en France, vers à terme un réseau d’un millier de stations, cohérent avec ceux de marchés étrangers plus matures (Allemagne, Italie).
Si l’on peut penser que des acteurs privés investiront pour développer certaines stations bien positionnées, avec une fréquentation poids lourds assurée, il est en revanche improbable qu’ils prennent en charge un maillage complet du territoire, même si la rentabilité attendue d’un tel projet est raisonnable.
En effet, le risque intrinsèque à ce projet est élevé car très lié à l’ampleur et à la vitesse de développement des véhicules GNC. D’autre part, même dans le cas d’un développement important du parc de véhicules, les temps de retour seront longs (> dix ans) car les investissements à consentir sont importants.
MOBILISER LES POUVOIRS PUBLICS
Les solutions passent par la mobilisation des pouvoirs publics pour faire profiter la collectivité nationale du bénéfice économique, sanitaire et environnementale du développement du GNC.
Chargement d’un camion-citerne au terminal méthanier Elengy de Montoir-de-Bretagne. © ENGIE / NEUS / BRUNET ARNAUD
Une organisation spécifique s’appuyant sur un consortium d’industriels (constructeurs de véhicules, fournisseurs d’énergie, distributeurs de carburant) et dans lequel l’État serait représenté pourrait être mise en place pour développer le projet.
Dans tous les cas, il sera nécessaire de prévoir des efforts de promotion importants auprès des utilisateurs, un accompagnement de la réglementation permettant de sécuriser le planning de déploiement des stations, une visibilité sur les évolutions de la fiscalité (écart entre GNV et diesel) ou encore une synchronisation des parties prenantes (constructeurs de véhicules, distributeurs de carburant, opérateurs des stations GNC, etc.) au-delà du « simple » projet de stations.
Si les acteurs de la filière s’émeuvent du caractère contreproductif de la réponse a minima de l’administration, ils sont désormais pleinement convaincus que son décollage est inéluctable et s’engagent de façon volontariste dans son développement.