Diagnostiquez votre microbiote pour rester en bonne santé !
Alessandra Cervino, fondatrice et CEO de Luxia Scientific, nous présente son entreprise qui a développé et propose des tests de diagnostic innovant ciblant le microbiote. Dans cet interview, elle revient sur la création de Luxia Scientific, son positionnement et ses perspectives de développement alors que l’intérêt croissant du grand public pour le microbiote ne fléchit pas.
Au cours des dernières années, il y a eu un regain d’intérêt pour le microbiote intestinal. Pouvez-vous nous en dire plus ? Comment expliquez-vous ce phénomène ?
L’étude des bactéries intestinales remonte à plus d’un siècle avec notamment les travaux d’un élève de Pasteur qui a étudié les bienfaits des ferments lactiques. Toutefois, la grande révolution autour du microbiote intestinal est plus récente. Elle remonte à une dizaine d’années. Elle a été documentée par les travaux de plusieurs chercheurs dans le monde qui ont découvert et démontré que les bactéries intestinales étaient non seulement beaucoup plus nombreuses que ce que l’on pensait jusque-là, mais qu’elles avaient surtout un rôle et des bénéfices majeurs pour la santé humaine. C’est notamment grâce aux dernières évolutions technologiques en matière de séquençage génétique que cette découverte a été possible.
Aujourd’hui, nous savons donc que le microbiote est diversifié. Il comprend donc une grande variété de bactéries qui assurent des fonctions essentielles afin que notre corps soit en bonne santé. En effet, ces bactéries nous protègent à travers leur fonction barrière contre les pathogènes extérieurs, la production de métabolites et la synthèse de certaines vitamines, ou encore via l’éducation de notre système immunitaire. Elles influencent également nos humeurs et nos émotions. C’est pour l’ensemble de ces raisons qu’on considère aujourd’hui, et à juste titre, que le microbiote intestinal est un organe à part entière.
En parallèle, au cœur de Luxia Scientific, on retrouve l’ambition d’améliorer le bien-être et la santé grâce à des tests innovants de diagnostic ciblant le microbiote. Quelle a été la genèse de ce positionnement ?
Après ma thèse en génétique humaine, j’ai passé de nombreuses années dans l’industrie pharmaceutique à chercher les potentiels gènes liés à l’obésité. Les résultats que j’ai obtenu alors étaient assez décevants. La génétique dite de « l’hôte » n’avait que peu de responsabilité dans le risque de développer ou non l’obésité. Approchée par la société Enterome qui mène des travaux ultra-innovants dans ce domaine, j’ai pu observer que le microbiote intestinal des personnes obèses était totalement différent.
Cette découverte a été une véritable révélation. Le signal biologique de l’obésité ne se trouve pas dans nos gènes, mais bien dans les gènes des bactéries intestinales.
Le microbiote intestinal est une source très riche de découvertes scientifiques et médicales qui va nous permettre d’améliorer la prise en charge des patients en développant une médecine beaucoup plus personnalisée. Depuis, des travaux de recherche sont en cours dans le monde entier. Il me semble, par ailleurs, évident que nous allons voir de plus en plus de nouveaux médicaments et diagnostic, qui s’appuient sur le microbiote, se développer sur le court et moyen termes. Actuellement, la plupart des entreprises qui se sont intéressées au microbiote se sont plutôt positionnées sur l’exploitation thérapeutique, un axe qui attire plus particulièrement les investisseurs pour des raisons financières évidentes.
Pour ma part, en créant Luxia Scientific, j’ai fait le choix de me concentrer sur le développement diagnostic qui est au cœur de mon expertise et savoir-faire scientifique. Et parce que le dérèglement du microbiote est plus souvent la conséquence et non la cause des maladies, il m’a semblé plus pertinent de me concentrer sur le développement de diagnostic !
Aujourd’hui, Luxia Scientific est donc une entreprise de diagnostic qui développe exclusivement des diagnostics basés sur la métagénomique, donc le séquençage génétique des micro-organismes dans un milieu particulier. Il s’agit, par ailleurs, d’une toute nouvelle génération de diagnostics.
Dans cette continuité, vous proposez donc deux tests de diagnostic qui permettent de diagnostiquer de façon fiable la perte de diversité et le déséquilibre du microbiote. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Le microbiote intestinal est un acteur santé et bien-être à la fois ce qui remet en question les barrières réglementaires et juridiques dans ces deux secteurs. À partir de là, Luxia Scientific a fait le choix de développer des diagnostics dits in vitro (DMDIV) pour diagnostiquer le déséquilibre du microbiote intestinal ou la vaginose bactérienne. Ce positionnement dans le domaine de la santé implique donc des validations analytiques et cliniques qui permettent de garantir la qualité et la fiabilité des résultats pour le patient.
Aujourd’hui, quels sont vos enjeux ? Quels sont les sujets qui vous mobilisent ?
Le grand public est de plus en plus éduqué et au fait de ce sujet du microbiote notamment grâce au travail réalisé par de nombreux chercheurs et journalistes qui l’ont relayé dans les médias. Le grand public est aussi conscient de l’importance d’avoir un bon microbiote alors que de plus en plus d’hommes et de femmes ont la volonté forte d’être acteurs de leur propre bien-être et santé.
Luxia Scientific s’inscrit totalement dans cette démarche en développant des outils de diagnostic simples à utiliser chez soi et qui permettent donc à chacun et chacune d’être responsable de sa santé. Ces diagnostics permettent de sensibiliser les personnes au fait qu’elles ont une dysbiose, c’est-à-dire un déréglement de leur microbiote. Le cas échéant elles peuvent y remédier grâce à la mise en place de programmes nutritionnels spécifiques si cela concerne le microbiote intestinal ou la prise de traitements médicamenteux dans le cas de vaginose bactérienne.
Toutefois, il persiste un important enjeu de sensibilisation et de communication auprès des professionnels de santé sur ces sujets. En parallèle, actuellement les diagnostics ne sont pas remboursés ce qui complexifie et limite leur utilisation. Par ailleurs, il s’agit d’un processus qui reste long et lent. Nous restons toutefois optimistes. Récemment, le gouvernement a annoncé la mise en place de consultations de prévention gratuites à trois moments clés de nos vies. Ces initiatives visant à promouvoir la prévention permettront à terme de construire un meilleur accompagnement de la prévention avec potentiellement l’intégration des analyses du microbiote dans ces consultation à but préventif.
Qu’en est-il de vos perspectives de développement ? Quelles sont les prochaines étapes pour Luxia Scientific ?
En trois ans, Luxia Scientific a réussi à développer deux tests innovants pour diagnostiquer la perte de la diversité bactérienne au niveau des intestins et de la vaginose bactérienne. Ces tests sont destinés aux laboratoires de biologie médicale que nous formons au séquençage métagénomique. Les tests sont commercialisés en France par SynLab, un acteur majeur du diagnostic en Europe. Sur les prochaines années, nous ambitionnons de renforcer notre présence en France, de développer notre offre en Europe et dans le reste du monde.
Plus particulièrement, en 2023, nous cherchons aussi à lever et mobiliser de nouveaux fonds afin de mener de nouvelles études cliniques en vue d’obtenir à terme le remboursement de nos tests de diagnostic, mais aussi afin de développer de nouveaux tests en 2026.
Et pour conclure ?
Avoir un microbiote sain, c’est extrêmement important pour la santé. Il est donc essentiel que les autorités se penchent sur le remboursement de ces diagnostics qui permettent de détecter un déséquilibre à ce niveau. C’est une problématique de fond en France, car, au cours des dernières années, très peu de diagnostics ont obtenu le remboursement sur le territoire national. Au-delà, cette question du remboursement impacte aussi la capacité de notre pays à créer les conditions qui permettront à une médecine plus personnalisée de se développer.