Des carrières techniques et technologiques au service de l’intérêt général

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°797 Septembre 2024
Par Pascal LEFÈVRE (X08)

En per­pé­tuelle évo­lu­tion et trans­for­ma­tion, les grandes admi­nis­tra­tions, comme la douane, offrent des car­rières et des par­cours mécon­nus des ingé­nieurs et qui allient tech­nique, nou­velles tech­no­lo­gies, ges­tion de pro­jets, conduite du chan­ge­ment et poli­tiques publiques. Expli­ca­tions de Pas­cal Lefèvre (X08), délé­gué à la stra­té­gie au sein de la direc­tion géné­rale des douanes et droits indirects.

Quelles ont été les grandes étapes de votre parcours ? Quelles ont été celles qui ont été particulièrement structurantes ?

Diplô­mé de l’X, je suis éga­le­ment titu­laire d’un mas­ter réa­li­sé entre Sciences Po et l’ENSAE. Cette for­ma­tion m’a per­mis d’acquérir une double culture qui com­bine une approche quan­ti­ta­tive que j’ai pu déve­lop­per grâce à l’X et l’ENSAE et une approche plus ana­ly­tique que j’ai pu déve­lop­per grâce à Sciences Po. Cette ren­contre très inté­res­sante entre ces deux visions m’a sen­si­bi­li­sé aux enjeux éco­no­miques et au défi que repré­sente la mise en œuvre des poli­tiques publiques. Ma for­ma­tion ini­tiale m’a ain­si per­mis de déve­lop­per une réelle appé­tence pour l’action publique.

Dans le cadre de mes études à l’X, j’ai eu la chance de pou­voir faire un stage à l’inspection géné­rale des finances qui a été par­ti­cu­liè­re­ment struc­tu­rant pour la suite de ma car­rière. J’ai ensuite rejoint la direc­tion du bud­get au sein du minis­tère de l’économie et des finances, où, pen­dant huit ans, j’ai acquis et déve­lop­pé des com­pé­tences pro­fes­sion­nelles qui me sont encore utiles aujourd’hui. J’ai ensuite effec­tué une mobi­li­té de trois ans au sein de l’inspection géné­rale des finances, avant de rejoindre le poste de délé­gué à la stra­té­gie au sein de la douane.

La direc­tion géné­rale des douanes et droits indi­rects est une admi­nis­tra­tion à réseau avec des ser­vices décon­cen­trés et des agents qui exercent leur mis­sion sur le ter­rain, en prise avec les entre­prises et les par­ti­cu­liers qui réa­lisent leurs opé­ra­tions de dédoua­ne­ment mais éga­le­ment avec des orga­ni­sa­tions cri­mi­nelles qui cherchent à faire pros­pé­rer leurs tra­fics. En tant que délé­gué à la stra­té­gie, je suis char­gé de conce­voir et de mettre en œuvre la stra­té­gie de la douane, en veillant à sa bonne appro­pria­tion par l’ensemble des agents. Au total, je dirais que ces diverses expé­riences m’ont per­mis de déve­lop­per une bonne com­pré­hen­sion du fonc­tion­ne­ment de l’ad­mi­nis­tra­tion et de l’État.

Au sein de la direction générale des douanes et droits indirects, quelle est votre feuille de route et quels sont les principaux sujets qui vous mobilisent ?

Ma prin­ci­pale mis­sion est de mettre en œuvre la stra­té­gie qui couvre actuel­le­ment la période allant de 2022 à 2025 sous l’autorité du direc­teur géné­ral des douanes et en étroite col­la­bo­ra­tion avec les ser­vices de la direc­tion géné­rale, avec les ser­vices décon­cen­trés et avec les ser­vices à com­pé­tence natio­nale. Mon rôle est ain­si de contri­buer à favo­ri­ser l’appropriation des orien­ta­tions stra­té­giques, mais aus­si d’identifier les sujets à impact poten­tiel pour la douane et leur prise en compte dans la stra­té­gie. 

Mes équipes sont éga­le­ment char­gées de mettre en œuvre, de façon concrète, plu­sieurs pro­grammes de trans­for­ma­tion de la douane. Je super­vise ain­si un pro­gramme dédié à la valo­ri­sa­tion des don­nées de la douane dont l’objectif est de conce­voir des outils numé­riques qui seront mis au ser­vice des agents afin de sim­pli­fier leur tra­vail au quo­ti­dien. Ces appli­ca­tions numé­riques ont voca­tion à auto­ma­ti­ser des tâches admi­nis­tra­tives qui sont très sou­vent chro­no­phages et fas­ti­dieuses. Com­bi­nées à l’intelligence arti­fi­cielle, elles per­mettent aux agents de gagner en pro­duc­ti­vi­té et en per­for­mance. Je super­vise éga­le­ment un pro­gramme qui vise à déma­té­ria­li­ser les outils et les appli­ca­tions uti­li­sés par les agents afin qu’ils puissent y avoir faci­le­ment accès à dis­tance depuis leur télé­phone por­table, lorsqu’ils réa­lisent des contrôles sur le terrain.

« La démarche de transformation de la douane s’appuie sur un laboratoire de transformation interne et sur une mission de cadrage interne qui sont hébergés au sein de la délégation à la stratégie. »

La démarche de trans­for­ma­tion de la douane s’appuie en outre sur un labo­ra­toire de trans­for­ma­tion interne et sur une mis­sion de cadrage interne qui sont héber­gés au sein de la délé­ga­tion à la stra­té­gie. Dans ce cadre, mes équipes appuient les ser­vices doua­niers qui sou­haitent conce­voir ou mettre en œuvre des pro­jets de trans­for­ma­tion com­plexes ou qui néces­sitent la mobi­li­sa­tion d’un grand nombre d’acteurs. Par exemple, en 2023, nous avons tra­vaillé avec la direc­tion régio­nale d’Amiens autour de la pre­mière édi­tion du prix Jules Verne de l’innovation en douane qui a per­mis de récom­pen­ser les agents qui ont mis en place de nou­velles pra­tiques inno­vantes qui pour­ront ensuite être répli­quées au niveau natio­nal. Au sein de la douane, nous fai­sons ain­si le pari de la co-construc­tion et de l’intelligence col­lec­tive pour accé­lé­rer et réus­sir notre transformation.

Enfin, je pilote et coor­donne éga­le­ment l’activité de veille stra­té­gique et pros­pec­tive. Dans ce cadre, je m’appuie sur le conseil scien­ti­fique de la douane qui a été mis en place en 2022. Je contri­bue, par ailleurs, au rayon­ne­ment de la douane vis-à-vis de ses inter­lo­cu­teurs extérieurs.

Envisagiez-vous une carrière en tant que fonctionnaire au ministère des finances après un cursus d’ingénieur ?

Pas du tout ! En inté­grant l’X, j’avais d’abord ima­gi­né une car­rière en tant qu’ingénieur ou cher­cheur. Mais en arri­vant à l’école, j’ai décou­vert l’exis­tence des corps de l’É­tat qui offrent de belles oppor­tu­ni­tés dans l’administration. Les cours d’économie que j’ai sui­vis à l’X m’ont ensuite per­mis de déve­lop­per un réel inté­rêt pour la concep­tion et la mise en œuvre des poli­tiques publiques. Mon cur­sus scien­ti­fique et éco­no­mique m’a don­né le bagage néces­saire pour pou­voir rejoindre le minis­tère de l’économie et des finances où j’ai eu la chance d’exercer des fonc­tions pas­sion­nantes, au sein de trois direc­tions dif­fé­rentes qui ont cha­cune une culture et une façon de tra­vailler différente.

Quelles sont les perspectives de carrière qu’une administration comme la vôtre peut offrir à des ingénieurs ?

La douane est une admi­nis­tra­tion qui reste encore trop mécon­nue du grand public, alors qu’elle pro­pose des métiers très variés. Elle est très sou­vent réduite à sa branche en charge de la sur­veillance, incar­née par nos agents en uni­forme qui sont notam­ment visibles dans les ports et dans les aéro­ports. Pour­tant, la douane est éga­le­ment une admi­nis­tra­tion clé pour la com­pé­ti­ti­vi­té des entre­prises et pour la sou­ve­rai­ne­té éco­no­mique de la France, et sa branche des opé­ra­tions com­mer­ciales est un inter­lo­cu­teur incon­tour­nable pour les opé­ra­teurs du com­merce international.

La douane est aus­si mobi­li­sée pour accom­pa­gner l’explosion du e‑commerce et lut­ter contre l’augmentation très impor­tante des tra­fics. Outre son réseau ter­ri­to­rial (12 direc­tions inter­ré­gio­nales et 42 direc­tions régio­nales), la douane peut s’appuyer sur un ser­vice de ren­sei­gne­ment du pre­mier cercle (direc­tion natio­nale du ren­sei­gne­ment et des enquêtes doua­nières – DNRED) et sur une direc­tion garde-côtes (DNGCD) qui dis­pose de moyens aéro­ma­ri­times dédiés et consti­tue la pre­mière admi­nis­tra­tion civile à la mer, ain­si que sur un ser­vice judi­ciaire (office natio­nal anti-fraude aux finances publiques – ONAF).

“La douane est une administration qui reste encore trop méconnue du grand public, alors qu’elle propose des métiers très variés.”

La douane offre aux ingé­nieurs des pers­pec­tives de car­rières très inté­res­santes dans le domaine de la valo­ri­sa­tion de la don­née. De nom­breuses admi­nis­tra­tions, dont la douane, se sont en effet dotées d’équipes de data scien­tists et de spé­cia­listes de l’intelligence arti­fi­cielle pour exploi­ter et valo­ri­ser leurs don­nées. En paral­lèle, au sein de la douane, nous capi­ta­li­sons sur l’apport des nou­velles tech­no­lo­gies, en par­ti­cu­lier pour amé­lio­rer nos capa­ci­tés de lutte contre la fraude. Nous réflé­chis­sons beau­coup à l’im­pact de l’IA géné­ra­tive sur nos métiers. Au-delà de la dimen­sion tech­nique, nos ingé­nieurs doivent aus­si être en mesure de faire le lien entre ces tech­no­lo­gies et les objec­tifs de poli­tique publique pour­sui­vis par la douane.

À cela s’ajoutent des oppor­tu­ni­tés de car­rière sur des fonc­tions moins tech­niques comme celles que j’occupe actuel­le­ment et qui recouvrent des enjeux struc­tu­rants notam­ment en termes de trans­for­ma­tion et d’innovation. En effet, les admi­nis­tra­tions comme la douane doivent en per­ma­nence s’adapter pour tenir compte de l’évolution des flux de mar­chan­dises et des pra­tiques des orga­ni­sa­tions cri­mi­nelles. Pour ce faire, nous avons besoin d’in­gé­nieurs rom­pus aux méthodes de conduite de pro­jet et d’accompagnement du chan­ge­ment. Pour l’ensemble de ces rai­sons, les com­pé­tences des ingé­nieurs sont très recher­chées au sein de la fonc­tion publique !

Sur un plan plus personnel, que retenez-vous de votre passage à l’X ? Capitalisez-vous encore sur votre formation dans le cadre de vos fonctions actuelles ?

J’en retiens bien évi­dem­ment la qua­li­té de l’enseignement avec des pro­grammes denses et variés qui per­mettent aux jeunes ingé­nieurs de béné­fi­cier d’une for­ma­tion scien­ti­fique et humaine de très haut niveau. Au-delà des connais­sances tech­niques et scien­ti­fiques, l’X apprend aus­si à ses élèves à tra­vailler en équipe sur des pro­jets com­plexes, avec un accent très fort pla­cé sur la culture de la cohé­sion et du collectif.

En paral­lèle, tout au long du cur­sus, nous sommes ame­nés à tra­vailler et à cla­ri­fier des pro­blé­ma­tiques com­plexes pour les­quelles il n’existe pas une seule solu­tion. Cela nous apprend à défi­nir une pro­blé­ma­tique, à éta­blir une feuille de route et des jalons pour y répondre, à décom­po­ser les pro­blèmes et à rai­son­ner par étapes… des com­pé­tences qui sont très utiles et appré­ciées dans le monde du tra­vail.  

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