Des carrières techniques et technologiques au service de l’intérêt général
En perpétuelle évolution et transformation, les grandes administrations, comme la douane, offrent des carrières et des parcours méconnus des ingénieurs et qui allient technique, nouvelles technologies, gestion de projets, conduite du changement et politiques publiques. Explications de Pascal Lefèvre (X08), délégué à la stratégie au sein de la direction générale des douanes et droits indirects.
Quelles ont été les grandes étapes de votre parcours ? Quelles ont été celles qui ont été particulièrement structurantes ?
Diplômé de l’X, je suis également titulaire d’un master réalisé entre Sciences Po et l’ENSAE. Cette formation m’a permis d’acquérir une double culture qui combine une approche quantitative que j’ai pu développer grâce à l’X et l’ENSAE et une approche plus analytique que j’ai pu développer grâce à Sciences Po. Cette rencontre très intéressante entre ces deux visions m’a sensibilisé aux enjeux économiques et au défi que représente la mise en œuvre des politiques publiques. Ma formation initiale m’a ainsi permis de développer une réelle appétence pour l’action publique.
Dans le cadre de mes études à l’X, j’ai eu la chance de pouvoir faire un stage à l’inspection générale des finances qui a été particulièrement structurant pour la suite de ma carrière. J’ai ensuite rejoint la direction du budget au sein du ministère de l’économie et des finances, où, pendant huit ans, j’ai acquis et développé des compétences professionnelles qui me sont encore utiles aujourd’hui. J’ai ensuite effectué une mobilité de trois ans au sein de l’inspection générale des finances, avant de rejoindre le poste de délégué à la stratégie au sein de la douane.
La direction générale des douanes et droits indirects est une administration à réseau avec des services déconcentrés et des agents qui exercent leur mission sur le terrain, en prise avec les entreprises et les particuliers qui réalisent leurs opérations de dédouanement mais également avec des organisations criminelles qui cherchent à faire prospérer leurs trafics. En tant que délégué à la stratégie, je suis chargé de concevoir et de mettre en œuvre la stratégie de la douane, en veillant à sa bonne appropriation par l’ensemble des agents. Au total, je dirais que ces diverses expériences m’ont permis de développer une bonne compréhension du fonctionnement de l’administration et de l’État.
Au sein de la direction générale des douanes et droits indirects, quelle est votre feuille de route et quels sont les principaux sujets qui vous mobilisent ?
Ma principale mission est de mettre en œuvre la stratégie qui couvre actuellement la période allant de 2022 à 2025 sous l’autorité du directeur général des douanes et en étroite collaboration avec les services de la direction générale, avec les services déconcentrés et avec les services à compétence nationale. Mon rôle est ainsi de contribuer à favoriser l’appropriation des orientations stratégiques, mais aussi d’identifier les sujets à impact potentiel pour la douane et leur prise en compte dans la stratégie.
Mes équipes sont également chargées de mettre en œuvre, de façon concrète, plusieurs programmes de transformation de la douane. Je supervise ainsi un programme dédié à la valorisation des données de la douane dont l’objectif est de concevoir des outils numériques qui seront mis au service des agents afin de simplifier leur travail au quotidien. Ces applications numériques ont vocation à automatiser des tâches administratives qui sont très souvent chronophages et fastidieuses. Combinées à l’intelligence artificielle, elles permettent aux agents de gagner en productivité et en performance. Je supervise également un programme qui vise à dématérialiser les outils et les applications utilisés par les agents afin qu’ils puissent y avoir facilement accès à distance depuis leur téléphone portable, lorsqu’ils réalisent des contrôles sur le terrain.
« La démarche de transformation de la douane s’appuie sur un laboratoire de transformation interne et sur une mission de cadrage interne qui sont hébergés au sein de la délégation à la stratégie. »
La démarche de transformation de la douane s’appuie en outre sur un laboratoire de transformation interne et sur une mission de cadrage interne qui sont hébergés au sein de la délégation à la stratégie. Dans ce cadre, mes équipes appuient les services douaniers qui souhaitent concevoir ou mettre en œuvre des projets de transformation complexes ou qui nécessitent la mobilisation d’un grand nombre d’acteurs. Par exemple, en 2023, nous avons travaillé avec la direction régionale d’Amiens autour de la première édition du prix Jules Verne de l’innovation en douane qui a permis de récompenser les agents qui ont mis en place de nouvelles pratiques innovantes qui pourront ensuite être répliquées au niveau national. Au sein de la douane, nous faisons ainsi le pari de la co-construction et de l’intelligence collective pour accélérer et réussir notre transformation.
Enfin, je pilote et coordonne également l’activité de veille stratégique et prospective. Dans ce cadre, je m’appuie sur le conseil scientifique de la douane qui a été mis en place en 2022. Je contribue, par ailleurs, au rayonnement de la douane vis-à-vis de ses interlocuteurs extérieurs.
Envisagiez-vous une carrière en tant que fonctionnaire au ministère des finances après un cursus d’ingénieur ?
Pas du tout ! En intégrant l’X, j’avais d’abord imaginé une carrière en tant qu’ingénieur ou chercheur. Mais en arrivant à l’école, j’ai découvert l’existence des corps de l’État qui offrent de belles opportunités dans l’administration. Les cours d’économie que j’ai suivis à l’X m’ont ensuite permis de développer un réel intérêt pour la conception et la mise en œuvre des politiques publiques. Mon cursus scientifique et économique m’a donné le bagage nécessaire pour pouvoir rejoindre le ministère de l’économie et des finances où j’ai eu la chance d’exercer des fonctions passionnantes, au sein de trois directions différentes qui ont chacune une culture et une façon de travailler différente.
Quelles sont les perspectives de carrière qu’une administration comme la vôtre peut offrir à des ingénieurs ?
La douane est une administration qui reste encore trop méconnue du grand public, alors qu’elle propose des métiers très variés. Elle est très souvent réduite à sa branche en charge de la surveillance, incarnée par nos agents en uniforme qui sont notamment visibles dans les ports et dans les aéroports. Pourtant, la douane est également une administration clé pour la compétitivité des entreprises et pour la souveraineté économique de la France, et sa branche des opérations commerciales est un interlocuteur incontournable pour les opérateurs du commerce international.
La douane est aussi mobilisée pour accompagner l’explosion du e‑commerce et lutter contre l’augmentation très importante des trafics. Outre son réseau territorial (12 directions interrégionales et 42 directions régionales), la douane peut s’appuyer sur un service de renseignement du premier cercle (direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières – DNRED) et sur une direction garde-côtes (DNGCD) qui dispose de moyens aéromaritimes dédiés et constitue la première administration civile à la mer, ainsi que sur un service judiciaire (office national anti-fraude aux finances publiques – ONAF).
“La douane est une administration qui reste encore trop méconnue du grand public, alors qu’elle propose des métiers très variés.”
La douane offre aux ingénieurs des perspectives de carrières très intéressantes dans le domaine de la valorisation de la donnée. De nombreuses administrations, dont la douane, se sont en effet dotées d’équipes de data scientists et de spécialistes de l’intelligence artificielle pour exploiter et valoriser leurs données. En parallèle, au sein de la douane, nous capitalisons sur l’apport des nouvelles technologies, en particulier pour améliorer nos capacités de lutte contre la fraude. Nous réfléchissons beaucoup à l’impact de l’IA générative sur nos métiers. Au-delà de la dimension technique, nos ingénieurs doivent aussi être en mesure de faire le lien entre ces technologies et les objectifs de politique publique poursuivis par la douane.
À cela s’ajoutent des opportunités de carrière sur des fonctions moins techniques comme celles que j’occupe actuellement et qui recouvrent des enjeux structurants notamment en termes de transformation et d’innovation. En effet, les administrations comme la douane doivent en permanence s’adapter pour tenir compte de l’évolution des flux de marchandises et des pratiques des organisations criminelles. Pour ce faire, nous avons besoin d’ingénieurs rompus aux méthodes de conduite de projet et d’accompagnement du changement. Pour l’ensemble de ces raisons, les compétences des ingénieurs sont très recherchées au sein de la fonction publique !
Sur un plan plus personnel, que retenez-vous de votre passage à l’X ? Capitalisez-vous encore sur votre formation dans le cadre de vos fonctions actuelles ?
J’en retiens bien évidemment la qualité de l’enseignement avec des programmes denses et variés qui permettent aux jeunes ingénieurs de bénéficier d’une formation scientifique et humaine de très haut niveau. Au-delà des connaissances techniques et scientifiques, l’X apprend aussi à ses élèves à travailler en équipe sur des projets complexes, avec un accent très fort placé sur la culture de la cohésion et du collectif.
En parallèle, tout au long du cursus, nous sommes amenés à travailler et à clarifier des problématiques complexes pour lesquelles il n’existe pas une seule solution. Cela nous apprend à définir une problématique, à établir une feuille de route et des jalons pour y répondre, à décomposer les problèmes et à raisonner par étapes… des compétences qui sont très utiles et appréciées dans le monde du travail.