Discriminations et égalité des chances
La première mission de la HALDE, la lutte contre les discriminations, l’amène à traiter directement et gratuitement toutes les réclamations dont elle est saisie. La HALDE détermine si une réclamation constitue une inégalité de traitement liée à un des 18 critères de discriminations interdits par la loi. Elle réunit alors les preuves en s’appuyant sur des moyens d’investigation qui ne sont pas toujours à la portée des victimes.
Points de repère
Créée par la loi du 30 décembre 2004, la HALDE (haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité) a deux missions. L’éventail de ses domaines d’intervention est vaste : emploi, logement, éducation, services publics et biens et services. La HALDE a privilégié en 2008 celui de l’éducation.
Le traitement des réclamations ne se limite pas à la défense des intérêts de la personne dans le cas particulier examiné, mais vise aussi à en tirer tous les enseignements généraux pour faire progresser nos pratiques et l’état de notre droit : propositions de modifications législatives, suggestions de changement dans les procédures de recrutement d’une entreprise, etc.
Ainsi, par exemple, la HALDE rappelle l’obligation d’éducation, et donc le droit à la scolarisation de tous les enfants. Ainsi, le refus d’inscrire des enfants en raison de la situation de leurs parents (séjour irrégulier, occupation d’un logement sans titre, Roms dont les caravanes sont installées en zones inondables…) a été caractérisé comme des discriminations en raison de l’origine. La religion peut être source de discrimination. Si le port de signes religieux est interdit à l’école, au collège et au lycée, il n’en va pas de même à l’université. Une étudiante, qui portait le voile, a été complètement ignorée et mise à l’écart par sa professeure pour cette seule raison, cet ostracisme constitue une discrimination en raison de la religion.
La HALDE s’est aussi prononcée sur une habitude bien ancrée dans nombre d’entreprises consistant à réserver les stages et emplois saisonniers aux enfants du personnel. En réservant ces stages, première étape vers l’emploi, aux enfants du personnel on crée une discrimination qui pénalise lourdement les jeunes qui ne disposent pas d’un réseau familial ou relationnel. Cette habitude qui semble généreusement innocente à l’égard du personnel perpétue les inégalités et doit être proscrite.
Autre cas : un étudiant malvoyant était assisté durant les examens par une personne qui ne comprenait pas ce que l’étudiant lui dictait en mathématiques. La HALDE a alors recommandé au ministère de l’Éducation nationale que les personnes chargées d’accompagner les étudiants handicapés aient un niveau suffisant.
Identifier et éliminer les obstacles à l’égalité des chances
La promotion de l’égalité est une mission de prévention qui vise à éviter la survenance des discriminations. En particulier l’égalité d’accès à l’éducation conditionne la réussite professionnelle mais aussi l’épanouissement personnel. Le colloque organisé par l’AX en juin 2008 s’est d’ailleurs fait l’écho de ce constat.
Les obstacles sont connus, il faut les lever et refuser la fatalité. Mauvaise santé et handicaps physiques sont une source d’injustice. On ne peut pas la supprimer, mais en atténuer et en compenser les effets. La HALDE veille au respect de la loi du 11 février 2005 qui prévoit la scolarisation des enfants handicapés dans l’établissement de référence qui est en général l’établissement scolaire le plus proche. La HALDE veille aussi à favoriser l’accès des élèves handicapés aux activités périscolaires : accès aux cantines pour les enfants souffrant d’allergies ; participation aux activités sportives et culturelles ; etc. Ainsi a‑t-on permis à des parents d’accompagner leur enfant nécessitant une surveillance particulière. Dans un autre cas, nous avons demandé que soient rétablis pour les élèves handicapés les mêmes horaires de transport scolaire et que la gratuité soit assurée comme le prévoit la loi.
La permanence des préjugés
La HALDE a fait réaliser une étude sur les manuels scolaires qui confirment la prégnance de représentations sociales souvent dévalorisantes. Ainsi les personnes handicapées sont associées à l’assistanat, les femmes à des rôles subordonnés dans la vie professionnelle, les seniors sont cantonnés à l’inactivité, les personnes d’origine africaine trop souvent représentées dans un contexte misérabiliste. La HALDE s’est attachée aussi à combattre les préjugés liés à l’orientation sexuelle. En raison des différences de comportement, d’une orientation sexuelle vraie ou souvent supposée, des jeunes sont victimes de harcèlement ; une étude montre que le risque de suicide est 13 fois plus élevé pour un élève homosexuel.
Des efforts sont faits actuellement pour faciliter l’accessibilité des locaux scolaires et universitaires aux personnes souffrant d’un handicap. J’avais présidé le » jury égalité des chances « , et nous avions retenu nombre de projets visant à faciliter l’accès et l’utilisation des équipements universitaires aux personnes handicapées et ce quel que soit le handicap.
Le deuxième obstacle matériel est bien sûr d’ordre financier. Il faut se réjouir qu’après une baisse sensible, la prise de conscience actuelle se traduise par une augmentation du nombre des étudiants boursiers. Ainsi, les boursiers sont déjà passés, entre 2006 et 2007, de 18 à 22 % des élèves des classes préparatoires, il faut continuer dans ce sens. C’est comme cela qu’on renouera avec la méritocratie républicaine.
Changer les mentalités pour abolir les obstacles immatériels
Nous observons une forme d’autocensure qui amène les élèves issus de milieux défavorisés, à s’interdire de penser à des écoles prestigieuses, quand ils n’en ignorent pas jusqu’à l’existence. Les initiatives visant à réduire l’actuel fossé socioculturel sont nombreuses et votre revue s’en est souvent fait l’écho. La récente proposition de réserver l’inscription, à hauteur de 5 %, des meilleurs élèves de tous les lycées en classe préparatoire est une façon d’élargir le recrutement de nos futures élites. Bien sûr, cela ne concerne qu’une minorité. Mais la valeur d’exemplarité a un effet démultiplicateur considérable. L’exemple des » Cadets de la République « , qui par une formation de deux ans rejoignent le niveau baccalauréat normalement exigé et peuvent ainsi rejoindre les rangs de la police nationale est un modèle de ce que l’on peut faire.
L’éducation doit être accessible à chacun en fonction de ses seuls mérites
D’une manière générale, si un des objectifs majeurs de l’enseignement doit être de donner à chaque enfant une culture générale, source d’épanouissement, il n’est pas évident que celle-ci doive être pour toutes les activités un préalable à l’obtention d’un emploi. Il n’y a pas de fatalité et il faut le démontrer. Je citerai l’exemple du lycée de la Soule que la HALDE a encouragé au travers des projets de l’année européenne de l’égalité des chances. Par l’information et la sensibilisation, cet établissement scolaire a vu augmenter de plus de 30 % en deux ans seulement le nombre de jeunes filles choisissant les filières scientifiques habituellement choisies par les seuls garçons.
Dans la lutte contre les discriminations que jalonnent les décisions du collège de la HALDE comme dans la promotion de l’égalité appuyée sur des recommandations, des études et la mise en valeur de bonnes pratiques, la HALDE contribue au changement des mentalités dans un vaste ensemble de domaines, dont celui de l’éducation. Plus que dans tout autre domaine, l’égalité doit y être garantie ; l’éducation doit être accessible à chacun en fonction de ses seuls mérites, sans aucune discrimination, sans aucun préjugé. La méritocratie républicaine est l’une des meilleures de nos traditions françaises. Seule l’égalité concrète des chances peut assurer sa légitimité et sa pérennité.