Distribution : une exception française durable ?
REPÈRES
Le secteur de l’assurance emploie 215 000 personnes en France, comprenant 145 000 emplois au sein des compagnies d’assurances (dont environ 20 000 commerciaux itinérants) et 50 000 chez les intermédiaires exerçant cette activité à titre principal (courtiers et agents généraux).
41 500 intermédiaires d’assurances étaient enregistrées à fin 2009, dont 12 500 agents généraux et 12 000 courtiers.
REPÈRES
Le secteur de l’assurance emploie 215 000 personnes en France, comprenant 145 000 emplois au sein des compagnies d’assurances (dont environ 20 000 commerciaux itinérants) et 50 000 chez les intermédiaires exerçant cette activité à titre principal (courtiers et agents généraux).
41 500 intermédiaires d’assurances étaient enregistrées à fin 2009, dont 12 500 agents généraux et 12 000 courtiers.
340 sociétés françaises étaient agréées au 31 décembre 2009, auxquelles s’ajoutent 110 succursales de sociétés étrangères implantées en France. Environ 1000 sociétés de l’Espace économique européen sont autorisées à exercer en France en LPS (Libre prestation de service).
En 2009, le chiffre d’affaires (primes émises) s’est élevé à 200 milliards d’euros, dont 129 en épargneretraite (+14% versus 2008), 45 en dommages (+ 1%) et 26 en prévoyance (+ 4%). Les encours gérés en assurance-vie et capitalisation s’élèvent à 1 250 milliards fin 2009, ont progressé de + 10 % durant 2009 et représentent plus de 40 % des placements financiers des ménages.
Dans plusieurs pays d’Europe, à l’exemple de l’Allemagne, de l’Italie ou de l’Espagne, la distribution de l’assurance relève principalement de réseaux » liés » tels que ses propres salariés et les agents généraux. Dans d’autres pays au contraire, comme le Royaume- Uni, la Belgique ou les Pays-Bas, les compagnies d’assurances ont historiquement davantage recours à des réseaux « non liés », et donc principalement au courtage.
La France se distingue de ses principaux voisins par la variété de ses modes de distribution d’assurances, avec la cohabitation de modes avec intermédiaires ou sans et, souvent, la coexistence de plusieurs modes pour une même compagnie ou une même marque : agents généraux, généralistes ou spécialisés ; courtiers, allant du » petit courtage » local aux courtiers internationaux ; salariés, dans les réseaux bancaires ou dans les réseaux d’assurances (debout-itinérants ou assis-en agence); vente directe, par téléphone, courrier et désormais par Internet.
La bancassurance « à la française » présente de réelles spécificités
Les parts de marché relatives de ces différents modes de distribution et leur évolution dans les quarante dernières années sont différentes selon que l’on parle d’assurances dommages ou d’assurances-vie. Elles le sont également que l’on s’intéresse aux clients « particuliers » ou aux clients » entreprises » séparément.
Le premier choc, en termes de distribution sur le marché français, a été la conquête par les « mutuelles sans intermédiaires « , à compter des années soixante et soixante-dix, de fortes parts de marché en assurances dommages, notamment dans les risques du particulier (environ 40% de part de marché), au détriment principalement des agents généraux. Cette conquête s’est cependant arrêtée depuis plus de dix ans. Les intermédiaires restent très largement prédominants dans l’assurance des risques d’entreprises, et notamment les courtiers pour le haut de ce segment.
L’arrivée des banquiers
Bancassurance et démarche commerciale
La bancassurance n’est pas, à proprement parler, un modèle mondial. L’aspect mondial réside dans le rapprochement entre ces deux métiers du fait de l’interpénétration croissante des métiers financiers. Mais la bancassurance telle que nous la connaissons en France présente certaines spécificités nationales. Partant de la présence en épargne (sous forme de contrats d’assurance-vie), les banquiers ont progressivement étendu leur présence à l’assurance décès, puis à l’assurance dommages (automobile, habitation, etc.); en premier lieu auprès de la clientèle de particuliers puis auprès des TNS (commerçants, artisans, professions libérales, etc.) puis des TPE. Cette extension a été souvent construite initialement dans une démarche commerciale « liant » ce contrat d’assurance à l’activité bancaire et notamment à l’octroi d’un crédit (immobilier, consommation et prêt personnel).
La seconde rupture aura été l’arrivée des guichets des établissements bancaires et financiers, comme premier acteur de la vente en « assurance-vie » dès le début des années quatre- vingt-dix, au détriment des agents généraux et des réseaux salariés.
Cette « bancassurance » française est née, au début des années quatre-vingt, de la prise de conscience par les banques du risque de voir l’épargne qu’elles collectaient s’enfuir vers des contrats d’assurance-vie, compte tenu de ses avantages fiscaux, et donc vers d’autres acteurs et d’autres réseaux. En fait on peut aussi considérer que les banquiers ont fait croître le marché de l’assurance épargne vie, tout en laissant aux acteurs historiques leur volume initial d’activités (en euros et non en part de marché).
Les parts de marché des différents modes de distribution apparaissent stables depuis plusieurs années. Et ce malgré les fortes évolutions rencontrées au sein de ces réseaux dans un contexte de fortes concurrences : concentration dans le monde du courtage, restructuration de réseaux d’agents généraux, émergence de nouveaux modes concurrents (direct, grande distribution, constructeurs automobiles, etc.) et impact des nouvelles technologies.
Le contre-exemple britannique
Au Royaume-Uni, il n’y a quasiment plus d’agents généraux (4 % du dommage) et de forces de vente propres. En assurance-vie, les IFA (Independent Financial Advisors, soit en version française les Conseillers en gestion de patrimoine indépendants « CGPI ») détiennent, depuis de longues années, plus de 70 % de part de marché, tant en » individuelles » (clients particuliers) qu’en » collectives » (clients entreprises). Et les banques représentent la quasi-totalité du solde.
Les agents généraux d’assurances
Leurs statuts initiaux ont été adoptés en 1949 en dommages et en 1950 en vie, par le Conseil national des assurances, et homologués alors par décrets.
Le nombre d’agents généraux a fortement reculé durant ces dernières années, pour tomber à environ 12 500 à ce jour, soit environ un agent général pour 5 000 habitants. Installés en zones rurales, semi-urbaines et urbaines, ils emploient 34 000 collaborateurs et offrent avec 15 300 points de vente un service de proximité au plus près des assurés. Ils ont « intermédié » 27 milliards d’euros de primes en 2009, pour un chiffre d’affaires moyen (commissions perçues) d’environ 250 000 euros par agent.
À titre de comparaison, l’Hexagone comptait 42 000 stations-service en 1980. Fin 2010 l’on n’en dénombre plus que 12 500 (soit le même nombre que les agents généraux d’assurances).
En dommages, sur les risques d’entreprises, le courtage est prédominant, comme en France, avec 80 % de part de marché. En revanche sur les risques dommages du particulier, les banques, absentes il y a dix ans, ont fortement crû pour représenter désormais plus de 30% de part de marché.
D’un point de vue « réglementaire » en France, deux événements majeurs sont à citer.
Le premier est représenté par les accords de 1996 entre la FFSA (Fédération française des sociétés d’assurances) et la FNSAGA (Fédération nationale des syndicats d’agents généraux d’assurances, devenue depuis AGEA) mettant fin aux statuts précédents des agents généraux (datant de 1949 et 1950) dans un souci de modernisation économique et d’équilibre des droits et obligations réciproques des agents et des compagnies.
Le second est la loi du 15 décembre 2005 entrée en vigueur le 30 avril 2007 et venant transposer la directive européenne sur l’intermédiation en assurance (dite « DIA » du 9 décembre 2002 ; directive 2002/92/CE du Parlement européen et du Conseil).
En France, des accords fixent les droits et obligations réciproques des agents et des compagnies
Les agents généraux résistent
De nombreux oracles ou intervenants évoquaient déjà, dans les années quatre-vingt, la mort lente mais certaine des agents généraux. Certes leur nombre a fortement baissé durant ces dernières années ; mais force est de constater qu’ils ont su, avec les compagnies, faire évoluer, depuis 1996, leur métier et qu’ils restent encore aujourd’hui des acteurs importants en assurance dommages… même si c’est sans avoir jamais réellement » percé » en assurance de personnes.
L’essor des ventes en direct
Cependant, au sein de « l’assurance dommages « , sur le seul secteur des particuliers, ce sont désormais les ventes par les guichets bancaires et les ventes en direct (Internet) qui apparaissent en croissance de part de marché depuis quelques années, au détriment, semble-t-il, de ces mêmes agents généraux : les » bancassureurs « , avec en tête le Crédit Agricole et le Crédit Mutuel, représentaient 12 % de ces activités en 2008 (et probablement plus de 15 % en 2010), doublant leur part de marché en huit ans, alors que les agents généraux perdaient 8 points à 26 %. Les MSI restent stables, à ce stade, avec 40% de part de marché.
L’impact des nouvelles technologies
L’assurance ne constitue pas encore un sujet autonome de consultation sur Internet
À cette présence croissante des banquiers, ainsi que celle d’autres acteurs comme les constructeurs automobiles, vient s’ajouter l’impact des nouvelles technologies (et donc d’Internet), qui est, comprenons-le bien, protéiforme : la vente en direct (Amaguiz, Direct Assurance, IDMacif, etc.), qui représente des volumes modestes à ce jour mais est en forte croissance ; les comparateurs (Assurland, LeLynx, etc.), pour lesquels la France semble très en retard par rapport au Royaume-Uni par exemple, et qui poussent, en général, le développement des assureurs directs ; le » multiaccès « , c’est-à-dire l’appui à la relation client pour toutes les formes de réseaux » traditionnels « , et aussi parfois la vente… en gérant les » conflits » potentiels dans le cas de compagnies avec intermédiaires.
Il semble effectivement raisonnable de penser que cela puisse faire déformer ce marché déjà très concurrentiel, et par là même, les parts relatives des modes de distribution.
Le pouvoir croissant d’un consommateur de plus en plus informé
Enfin, pour avoir un tableau exhaustif des forces en présence et donc des déformations possibles durant les prochaines années, il convient de compter avec l’arrivée récente de La Banque Postale sur le marché de l’assurance dommages.
De même, en assurance-vie, constituée en très grande majorité (en chiffre d’affaires mais pas nécessairement en rentabilité pour les compagnies) par l’épargne-retraite, ce sont les courtiers spécialisés CGPI qui grignotent des parts de marché dans un marché qui a été fortement perturbé durant ces dernières années par la crise financière et économique d’une part mais aussi par des éléments plus endogènes comme l’externalisation des IRS (Institution de retraite supplémentaire). Il semble cependant peu probable que ces CGPI prennent en France, à court, moyen ou long termes, des parts de marché équivalentes à celles qu’ils ont acquises dans certains marchés anglo-saxons. La présence dominante des » bancassureurs » sur ce secteur en étant la première raison.
L’arrivée de nouveaux acteurs
La distribution de l’assurance en France nous semble être face à de profondes évolutions stratégiques, reflétant la maturité progressive du secteur sur ces sujets, l’arrivée de nouveaux acteurs potentiels , le pouvoir croissant d’un consommateur de plus en plus informé, mais aussi les impacts multiples des évolutions des technologies de l’information.
Les catégories d’assurances
Les « assurances dommages », aussi appelées assurances IARD (Incendies, accidents et risques divers) ou assurances de biens et de responsabilité, en anglais P&C (Property & Casualty) ou GI (General Insurance), recouvrent les contrats multirisques en automobile, habitation, commerces, immeuble, mais aussi les contrats monorisques en vol, risques industriels, responsabilité civile, bris de machines, transports, risques agricoles, etc.
Les « assurances-vie », plus exactement les assurances de personnes, appelées aussi assurances-vie, épargne, retraite, regroupent les contrats d’épargne et de retraite, ceux de couverture décès, mais aussi ceux de « maladie et dommages corporels » (avec des garanties d’incapacité ou invalidité et des garanties de remboursement de frais de soins).
On distingue les contrats dits individuels (le » client » souscrit un contrat – ou adhère – à titre individuel) et ceux dits collectifs (le » client » devient assuré car salarié d’une entreprise ayant souscrit un contrat pour le compte de ses employés).
À noter que l’appellation « assurance non-vie » renvoie en général à l’ensemble des activités d’assurance hors les contrats décès, épargne et retraite. L’appellation « prévoyance » regroupe en général les contrats décès, de soins de santé et d’incapacité-invalidité-dépendance.