Divertissements mathégraphiques
Le mot “ mathégraphique ” en dit assez long pour que vous ne le cherchiez pas dans le Petit Larousse : il n’y est pas encore, mais cela viendra. Quant aux divertissements proposés par Pierre Naslin, ils régaleront les mathématiciens comme les philosophes des sciences. Loin d’en avoir fait un simple recueil de curiosités classiques et modernes, l’auteur innove, découvre, invente, particulièrement dans des domaines d’actualité tels que ceux des attracteurs et des formes fractales.
Aucun amoureux des nombres et de leurs applications graphiques ne manquera d’y trouver quelque sujet de passion, tant ce livre couvre de champs où chacun s’est déjà égaré avec délices.
Entre ces champs, à première vue disparates, Pierre Naslin a un remarquable talent pour ouvrir des portes qui rendent son ouvrage très cohérent. En chemin, nous parcourons un pays où se côtoient des formes géométriques créées à partir des nombres, des constructions imaginaires impossibles dans notre monde réel, des pavages sophistiqués, des suites numériques aux comportements incroyables (lisez donc le récit des exploits du gang à Fibonacci !), de bizarres structures arithmétiques, des orages de grêlons et de super-grêlons, le calcul des carrés et des cubes magiques, et cent autres étrangetés. L’auteur n’oublie pas d’aborder la logique booléenne, les jeux et le hasard.
Tout ceci est donc tissé à partir d’une trame qui donne une étonnante continuité à l’ensemble. Et tout nous devient familier, tant l’exposé est clair et plaisant : car il est impossible d’être vraiment sérieux, sans le subtil recul qu’on appelle l’humour.
S’il est moins soucieux de cohérence globale, le lecteur pourra au contraire siroter ces divertissements à petites gorgées. Il approfondira alors les chapitres les plus propres à étancher sa soif et, qui sait, y ajoutera à son tour quelques découvertes : Pierre Naslin, peu jaloux des thèmes qu’il développe, les accueillera volontiers.
Pour ma part et avec l’aide de mon ordinateur – Arthur, pour les intimes –, j’ai pris un vif plaisir à creuser l’arithmétique des mantisses, la loi de Newcomb-Benford (selon laquelle le premier chiffre significatif d’une donnée physique ou économique est plus souvent 1 ou 2 que 8 ou 9), et les cycles d’attraction évoqués aux pages 172 et suivantes de l’ouvrage : car la logique de l’informatique soutient bien la recherche théorique, tandis que sa rapidité facilite les calculs. L’étude des grêlons de Syracuse en est aussi une bonne application. L’auteur préfère sa calculette, qui procure une vision directe des opérations effectuées, mais l’une complète bien l’autre.
Sous les cubes magiques, la plage ! C’est en soulevant le carrelage du boulanger chinois que le dragon Pythagore découvre le trésor du nombre d’or. Mais bon, l’ami Naslin me dit que j’embrouille tout et que je dénature son livre : j’y retourne immédiatement.