DOMPLUS : L’écoute et l’intermédiation sociale, les raisons d’un succès
Fondé il y a plus de vingt ans par Serge Bizouerne, Domplus groupe, entreprise privée dans l’intérêt général, agit au quotidien pour permettre à chacun d’être acteur de sa situation. Olivier Voirin (69) l’accompagne depuis sa création. Alors que la crise sociale prend chaque jour de l’ampleur, Domplus groupe propose son expertise : l’écoute et l’intermédiation sociale pour offrir à chacun une réponse adaptée et globale pour le compte de grands donneurs d’ordre.
Qu’est-ce que Domplus ?
Domplus est une entreprise d’écoute et d’intermédiation sociale créée au Québec dans ses fondements. Domplus agit au quotidien pour 20 millions de personnes en France dans le but de permettre aux gens d’être acteurs de la prise en charge de leurs situations de vie (entrée dans l’emploi, parentalité, déménagement, décès d’un proche, hospitalisation, accident, etc.). Être acteur de sa situation, c’est une prise de position très nord-américaine. C’est le parti pris de Domplus depuis vingt ans, permettre un empowerment social et économique.
L’universalité de la crise actuelle montre, plus que jamais, que nous sommes tous vulnérables, à un titre ou à un autre. Les difficultés des gens « volent en escadrille », elles sont systémiques et, en général, les réponses – administratives, dans l’accès aux droits sociaux et de santé, etc. – sont en silo. Entre les problèmes et les réponses apportées, il faut un traducteur interprète : cet enjeu s’appelle l’intermédiation sociale. Domplus a conçu et développé une méthode : l’écoute unique et l’intermédiation afin de donner la capacité à chacun d’être acteur de sa situation. L’écoute unique est une méthode propre à Domplus qui permet à nos experts d’apporter un diagnostic global de la personne et de sa situation, suite à l’analyse de ses besoins, exprimés ou non.
Qu’est-ce qui permet d’être accompagné par Domplus ?
Domplus travaille pour le compte d’organisations collectives comme des organismes de protection sociale, des mutuelles, des assureurs, des entreprises, des services publics. Que ce soit pour les salariés ou leurs bénéficiaires, nous développons des réponses adaptées aux publics de chaque organisation.
Comment contacter Domplus ?
Le service est dédié à chacun des donneurs d’ordre. L’accès au service il y a plus de vingt ans se faisait exclusivement par la voix au téléphone. Depuis 2012, nous avons introduit des services numériques en poussant des contenus dans l’accompagnement (fiches pratiques, quiz d’autoévaluation, etc.). Un débat entre humain et numérique s’est invité. Dès lors nous avons la conviction que lorsqu’on fluidifie la relation par le numérique il faut d’autant plus développer la relation humaine : le numérique est de l’humain.
Domplus avait remarqué l’importance de la voix pour accueillir la personne. Comment trouve-t-on ça dans le numérique ?
Nous avions cette singularité de l’expression de l’écoute. La voix est toujours très présente mais nous avons considéré qu’il y avait des moments off et des moments on. Les moments on – l’accompagnement relationnel centré sur l’écoute – interviennent à des moments clés au sein d’un parcours plus global qui contient des moments off. Les moments off numériques sont très relationnels. Nous constatons que plus on va simplifier la relation de service et la numériser, plus on aura une densité de la relation humaine qui va s’imposer. Nous avons anticipé ce virage numérique au service du bénéficiaire, ce qui nous octroie la capacité de traiter 100 % de la population qui s’adresse à nous et d’identifier les plus fragiles.
Le contact est-il plus facile par téléphone que via le numérique ?
Il y a plusieurs façons d’entrer en relation avec le service. Par exemple, en partenariat avec la Macif est proposé aux sociétaires « Macif solidarité coups durs » un service numérique et humain. Si je suis en détresse financière, je ne vais pas facilement passer un coup de fil ni déclarer mon vrai problème. Alors que si j’ai accès à de l’information sur ma situation, je vais avoir une interaction sur ces contenus et l’on va me demander si je veux être appelé. Cette capacité d’écoute, nous l’avons traduite en connaissances et en informations intelligentes. On parlerait d’IA et de data en langage ingénieur. Nous avons développé une expérience utilisateurs qui nous permet de mieux traiter les demandes en anticipant la compréhension des situations et la détection des fragilités.
Combien de personnes jouent ce rôle de conseillers à Domplus ?
Nous avons trois sites dédiés (Lyon, Grenoble et Aix-en-Provence), ce qui représente plus d’une centaine de collaborateurs à l’écoute au quotidien. La capacité de traitement de nos situations ne passe pas que par la voix. En moyenne 2 000 situations sont traitées par jour. Notre métier, c’est d’être systématiquement en réponse aux personnes pour le compte de nos donneurs d’ordre et les 20 millions de bénéficiaires qui ont accès aux services.
Quelles sont les aides que vous apportez ?
La première aide que nous apportons consiste à poser un diagnostic sur l’expression des difficultés. En effet le vrai problème n’est pas forcément celui par lequel les personnes nous contactent. Derrière une annonce de changement d’adresse, on va diagnostiquer une situation de fragilité économique due par exemple à un divorce, qui entraîne une charge de responsabilité financière importante. Mais le dépôt d’une demande d’aide sur la plateforme numérique de la CAF engendre quatre mois de délai. S’ensuit une succession de problèmes pour les personnes. Le premier volet de notre action consiste notamment à apporter de l’information et d’accompagner l’accès aux droits et aux prestations.
Nous sommes dans un pays dont les réponses sont normées et en silo, une vision très financière des aides où la personne est coupée en rondelles : une logique de l’offre. L’enjeu réside dans le fait de retrouver ses droits. Dans 50 % des fragilités sociales, il s’agit d’un défaut d’accès aux droits. Domplus va redonner du sens en priorisant la demande et en faisant valoir auprès des organismes concernés les aides sociales. Le deuxième volet est celui de la détection. Lorsque des personnes connaissent des difficultés financières, elles n’en parlent pas forcément à leur famille, leurs collègues ou leurs amis. Plus c’est détecté en amont, plus on peut prévenir les situations inextricables. Domplus est à l’intermédiation ce qu’est Google à la recherche d’informations. Nous sommes dans ce travail d’orientation, d’accompagnement dans une approche holistique de la personne.
Qu’est-ce qui permet d’aider efficacement les personnes ?
La réponse dépend de la capacité de la personne à accepter sa situation, de sa capacité à être accompagnée sans que ce soit de l’assistanat. Plus les gens sont fragiles, plus leur besoin est d’être autonomes, pas d’être dépendants. Dans la société civile, nous sommes considérés comme des objets, on est dans une logique de l’offre. L’enjeu, c’est que les personnes deviennent sujets. Tout le monde essaye de réformer les réponses alors que le sujet c’est la traduction de la demande.
Quel rôle joue le « tableau de bord des galères et difficultés des Français » réalisé par Domplus ?
Le tableau de bord que nous publions tous les mois est un lanceur d’alerte, il ne fait pas simplement remonter les difficultés des gens mais aussi des émotions, des peurs. Nous avons accompagné plus de 100 000 personnes depuis le mois de mars. Si les émotions ne sont pas désamorcées, elles engendrent des problèmes. Le marketing de la peur effectué de façon strictement sanitaire dans la crise actuelle masque une réalité sur laquelle les décideurs publics et privés devraient se pencher. Il me paraît urgent d’accompagner en particulier la problématique de l’emploi qui est une problématique à 360°, qui touche les familles et divers environnements liés à la situation sociale des bénéficiaires.
Le groupe Domplus a développé un écosystème de services, un service public sur les territoires à destination des administrés (communes, départements, régions). Domplus est une entreprise à mission qui œuvre dans sa pratique au quotidien depuis plus de vingt ans, dotée en particulier d’un comité d’éthique dans ses statuts. Notre raison d’être est de rendre autonome la personne et cela en étant accessible au plus grand nombre.
Le tableau de bord est-il alimenté par vos interventions ?
Oui, c’est l’expression spontanée des personnes écoutées, diagnostiquées, et accompagnées par nos conseillers. Dès la deuxième quinzaine de mars et la première quinzaine d’avril, nous faisions remonter des situations qui sont apparues lors du déconfinement au mois de juin. Les sondages parlaient de crise sanitaire, alors que, nous, nous faisions remonter des questions comme : « Qu’est-ce que je vais devenir ? » Les sondages parlaient de télétravail, Domplus posait la question : « Comment peut-on télétravailler dans 40 m2, avec des enfants ? » On est allé chercher la donnée brute de ce que vit Domplus dans la prise en charge des personnes, jusqu’aux émotions.
Quelle population est concernée ?
Si on regarde les échelles de cibles de population, en moyenne sur l’ensemble des tableaux de bord, on a un tiers d’actifs dans le secteur privé, un tiers dans le secteur public et un tiers de retraités. Les verbatims, dont nous faisons l’analyse sémantique, font remonter des situations de vie.
Le pouvoir actuel semble avoir deux peurs : ne pas en faire assez sur le sanitaire et l’économie. Domplus fait autre chose. Trouvez-vous de l’écoute auprès des dirigeants et décideurs publics ?
Le tableau de bord a eu un écho très fort auprès des élus locaux. Les territoires prennent de plein fouet le ressac des difficultés des gens. Les services sociaux sont débordés. Les corps intermédiaires ont des rôles importants. Nous avons aussi pris le parti d’informer le gouvernement de ces remontées car il est important pour nous de porter cet observatoire de la vie quotidienne à la connaissance de toutes celles et tous ceux qui ont besoin de comprendre ce qui se passe, sur le terrain, pour nos concitoyens, et disposer ainsi de clés pour répondre à leurs besoins.
En quelques mois, on est passé d’une société des risques, face auxquels on est sujet et on peut se couvrir par la prévention, à un monde des menaces sous lesquelles on vit et dont on peut anticiper par la précaution les vulnérabilités qu’elles provoquent de façon inégalitaire. La discussion est polarisée sur les problèmes de soins et non sur les personnes. Pourquoi n’intègre-t-on pas l’aspect social ? Deuxième point, la communication erratique sur le port du masque par exemple a précipité de la défiance vis-à-vis de la postvérité. Troisième point, le plus important pour moi : il n’y aura pas d’économie réelle sans relationnel et sans substrat relationnel.
« Pas de développement durable de la société et de l’économie sans substrat relationnel. »
On le voit tous les jours : pas de développement durable de la société et de l’économie sans substrat relationnel, par essence non marchandisé. Il faudrait évaluer le syndrome postconfinement, les ravages dans les entreprises (les grandes compagnies n’ont pas ou peu fait revenir leurs salariés), les collectifs ont implosé. Il n’y aura pas de véritable économie sans interactions dans la société, sans substrat relationnel devenu un bien commun et une condition préalable. Les pouvoirs publics sont dès lors fortement attendus dans la réponse mais nous avons la conviction que le levier viendra dans sa dimension territoriale, voire ultra-locale, seul niveau où on est certain de pouvoir agir efficacement en proximité. Il est, de fait, fondamental d’associer les corps intermédiaires et les collectivités locales.
Quel est l’événement fondateur personnel de votre engagement dans Domplus ?
Nous sommes sur la réforme hospitalière de 1996 (ordonnances Juppé), j’avais pour mission de travailler sur la prise en charge des réseaux de soins et de mener des réflexions outre-Atlantique (Canada), le législateur s’étant fortement inspiré de la réforme de santé au Québec. Une réponse de politique publique mais aussi opérationnelle qui m’amène à proposer une solution : l’intermédiation sociale en prenant en compte la demande et pas uniquement l’offre. À l’époque s’agissant de la création de Domplus, il me paraissait naturel de proposer un service public et on m’a dit : « Tu confonds service public et objet sociétal. » Nous avons débuté par l’action sociale des régimes de retraite complémentaire et la prise en charge du vieillissement. Vingt ans après Domplus est un acteur privé d’utilité publique et d’intérêt général pour le plus grand nombre.